B. UNE ABSENCE DE RÉGULATION PROBLÉMATIQUE DU PRIVÉ LUCRATIF

L'enseignement privé lucratif, qui recrute aujourd'hui 26 % des étudiants de l'enseignement supérieur, connaît parallèlement un développement massif porté par des établissements dispensant des formations de qualité variable. Tandis que de nombreuses écoles associatives et relevant de la sphère consulaire proposent des formations d'excellence, l'apparition d'écoles détenues par des fonds d'investissement peut donner lieu à des dérives entraînant de graves difficultés pour les étudiants et leurs familles. La situation est d'autant moins lisible que de grands écarts de qualité peuvent exister parmi des établissements détenus par un même groupe financier.

Le sujet a fait l'objet de plusieurs travaux récents, parmi lesquels une étude de de Laurent Batsch de juin 20231(*) et un rapport d'avril 2024 des députées Béatrice Descamps et Estelle Folest2(*), qui ont mis en évidence l'absence de régulation et de pilotage par l'État de l'enseignement supérieur privé à but lucratif.

Selon Laurent Batsch, cette situation résulte de l'absence complète de régulation de l'enseignement supérieur lucratif, qui fait ainsi exception dans le paysage économique. Alors que ce marché est marqué par une forte asymétrie entre des jeunes peu informés et pressés par le temps d'une part, et des établissements contrôlés par un actionnariat d'autre part, des pratiques concurrentielles incontrôlées tendent à se développer, notamment au stade du recrutement des étudiants. La communication des établissements, centrée sur des diplômes alternatifs non reconnus à l'échelle nationale (mastères ou bachelors) et l'obtention de certifications professionnelles offrant des perspectives limitées, n'est pas toujours décryptée par les familles. L'absence de critères relatifs au taux d'encadrement ou au taux de cours assurés en présentiel, de même que la possibilité pour les écoles de recourir à la location de titres, favorisent par ailleurs la croissance du secteur. Le marché de l'enseignement supérieur doit faire l'objet de mesures de protection du consommateur, à l'image de tous les autres marchés économiques

Surtout, ces dérives ont été largement soutenues par la massification de l'apprentissage, en l'absence de contrôle suffisant sur la qualité des formations bénéficiant des financements associés. Ce dévoiement d'un outil pourtant précieux pour la formation des étudiants et le fonctionnement des entreprises est d'autant plus problématique qu'il porte sur des fonds publics.

Face aux dommages résultant de ces évolutions pour les étudiants et leurs familles, pour les établissements de qualité soumis à une concurrence inégale, ainsi que pour les comptes publics, le rapporteur estime indispensable de mettre en place une véritable régulation de l'enseignement supérieur privé lucratif.

Cette régulation doit moins passer par la création d'un nouveau label, qui contribuerait à brouiller encore la lisibilité du paysage de l'enseignement supérieur, que par la mise en place de conditions minimales pour l'ouverture et le fonctionnement d'un établissement, ainsi que par un encadrement plus strict de l'accès aux financements de l'apprentissage.

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La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 20 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2025.


* 1 Laurent Batsch, L'enseignement supérieur privé en France, Fondation pour l'innovation politique, juin 2023.

* 2 Rapport d'information présenté par Mmes Béatrice Descamps et Estelle Folest au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, déposé le 10 avril 2024.

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