AVANT-PROPOS

Dans un contexte budgétaire contraint, le PLF pour 2025 préserve les crédits de l'enseignement supérieur, stabilisés à 18,53 milliards d'euros après plusieurs années de hausse.

Le programme 150 est marqué par l'application partielle de la cinquième annuité de la loi de programmation de la recherche (LPR), dont le volet salarial a été priorisé, et par une nouvelle mise à contribution des établissements au titre de l'effort de maîtrise des finances publiques, du fait de la non-compensation du relèvement de la contribution au Compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions. Le rapporteur estime que la récurrence des mesures de non-compensation, qui pèse sur la capacité d'investissement et l'autonomie effective des établissements, appelle à une clarification du périmètre de leurs dépenses prises en charge dans le budget de l'État.

Alors que le constat d'une dégradation des conditions sanitaires et matérielles des étudiants est largement partagé, le programme 231 bénéficie d'un renforcement notable des crédits dédiés à la restauration à tarif modéré des étudiants, notamment au titre de la loi d'initiative sénatoriale dite « Levi » du 13 avril 2023. Le rapporteur salue cet effort budgétaire et appelle le Gouvernement à préciser rapidement les orientations de la poursuite de la réforme des bourses.

Le rapporteur a enfin souhaité mettre l'accent sur l'absence de contrôle porté sur le développement de l'enseignement supérieur privé à but lucratif, qui donne lieu à des pratiques commerciales trompeuses et à un dévoiement de l'apprentissage, tandis que le statut d'établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG) tend à perdre en attractivité. Sans privilégier la piste du label, il appelle à la mise en oeuvre de mesures de régulation du secteur.

I. UNE PRÉSERVATION DES MOYENS CONSACRÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS APRÈS PLUSIEURS ANNÉES DE HAUSSE

· Après une hausse de 469 millions d'euros en 2024, les crédits de l'enseignement supérieur seront stabilisés en 2025 à hauteur de 18,53 milliards d'euros. Cette stabilisation globale résulte d'une évolution contrastée des programmes 150 et 231 :

- le programme 150, qui couvre les formations supérieures et la recherche universitaire, sera en légère hausse de 99 millions d'euros (+ 0,7 % par rapport à 2024), du fait principalement de l'application des mesures salariales décidées en 2020 dans le cadre de la LPR. Cette évolution n'intègre pas l'augmentation de 4 % de la contribution des opérateurs au CAS Pensions par ailleurs décidée par le Gouvernement ;

- le programme 231, qui retrace les crédits consacrés à la vie étudiante, enregistrera une diminution de 77 millions d'euros résultant de plusieurs évolutions : une baisse tendancielle de 102 millions d'euros sur les bourses sur critères sociaux, tandis que plusieurs dispositifs de restauration étudiante à tarif modéré bénéficieront d'une hausse de 43,2 millions d'euros.

· Cette évolution budgétaire est à mettre en regard de la croissance de la population étudiante : en 2024-2025, les établissements d'enseignement supérieur devraient accueillir 32 500 étudiants supplémentaires (+ 1 % par rapport à la rentrée 2023), soit au total 2 997 000 étudiants.

B. LA CINQUIÈME ANNUITÉ DE LA LPR RESTREINTE AU PROTOCOLE SALARIAL

Dans le contexte de maîtrise renforcée des finances publiques, le Gouvernement a choisi de prioriser le volet salarial des mesures prévues pour 2025 par la loi de programmation de la recherche (LPR) n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 au titre des programmes 150 et 231.

Les 94,5 millions d'euros de moyens nouveaux sur le programme 150 sont ainsi entièrement destinés à la mise en oeuvre du protocole « ressources humaines » du 12 octobre 2020, ce qui recouvre notamment :

- pour les enseignants-chercheurs, le déploiement du régime indemnitaire (Ripec), des mesures de repyramidage ainsi qu'une revalorisation statutaire des jeunes enseignants-chercheurs ;

- la revalorisation des primes des enseignants du second degré travaillant dans le supérieur (ESAS) ;

- des mesures de repyramidage pour les personnels non-enseignants du supérieur (Biatss) ;

- une revalorisation des contrats doctoraux au 1er janvier 2025 ;

- l'application du Ripec aux professions libérales.

Les autres mesures prévues par la LPR pour l'enseignement supérieur ne bénéficient pas de moyens nouveaux. Il s'agit principalement des mesures de sécurisation des débuts de carrière pour les enseignants-chercheurs (chaires de professeur junior et contrats doctoraux nouveaux), pour un écart à la trajectoire prévue d'environ 32 millions d'euros. Ces dispositifs ne sont cependant pas remis en cause ; le ministre Patrick Hetzel a précisé devant la commission que « même si la marche de la LPR pour 2025 ne sera pas atteinte, ses orientations restent maintenues ».

II. UNE NOUVELLE MISE À CONTRIBUTION DES ÉTABLISSEMENTS DANS LE CONTEXTE DE MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES

A. LA COUVERTURE DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT DES UNIVERSITÉS PAR LE BUDGET DE L'ÉTAT EST EN RECUL

1. Une non-compensation récurrente de mesures salariales par la SCSP

Alors que l'essentiel de la subvention pour charge de service public (SCSP) versée aux établissements universitaires est destiné au financement de leur masse salariale (85 % de la SCSP en 2025), un recul du financement par l'État de la dépense salariale des établissements a été enclenché depuis 2022. Ce mouvement résulte de la compensation partielle de plusieurs mesures salariales décidées par le Gouvernement, sous la forme :

- d'une compensation retardée de six mois de la revalorisation de 3,5 % du point d'indice en 2022, puis des mesures dites « Guerini » en 2023 ;

- de la compensation partielle, à hauteur de 50 %, des mesures « Guerini » à partir de 2024, pour une dépense supplémentaire estimée à 145 millions d'euros annuels par France Universités. La commission avait souligné l'année dernière le caractère inédit de cette décision, qui a créé un reste à charge pérenne pour les établissements ;

- de l'absence de compensation à partir de 2025 de l'augmentation de 4 % de la contribution des opérateurs au CAS Pensions, pour un montant annuel estimé à 200 millions d'euros par la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip).

À ces dépenses supplémentaires s'ajoutent les coûts résultant du glissement vieillesse-technicité (GVT), non compensés par l'État depuis plusieurs années et estimés à 45 millions d'euros annuels par France Universités, ainsi que l'application des mesures de revalorisation salariale aux personnels recrutés sur les fonds propres des universités, estimée à 25 millions d'euros annuels.

Les universités sont par ailleurs confrontées à une augmentation de leurs coûts de fonctionnement, qui résulte principalement, depuis 2023 et le recul des tensions inflationnistes, de la hausse de leur dépense énergétique, notamment pour les établissements ayant renouvelé leur marché à cette date. Le surcoût en résultant pour 2025 est estimé à 127 millions d'euros par France Universités.

Le montant des dépenses salariales et de fonctionnement non compensées par le programme 150 atteindra ainsi 542 millions d'euros de dépenses annuelles en 2025, soit 3,5 % de la SCSP.

2. La montée en puissance des ressources contractuelles des universités reste limitée

Ce recul de la couverture des charges de fonctionnement des établissements par la SCSP n'est pour l'heure pas compensé par la montée en charge du volet contractuel de leurs ressources.

Depuis 2023, le dialogue stratégique et de gestion (DSG), qui permettait de corriger à la marge le montant de la SCSP versée à chaque établissement, est progressivement remplacé par des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) trisannuels. Ces contrats passés entre l'État et chaque établissement permettent d'apporter un complément de financement fléché sur des priorités stratégiques partagées, à condition pour l'établissement de satisfaire à des objectifs chiffrés négociés avec l'État et évalués par lui. Après le déploiement des deux premières vagues de COMP en 2023 et 2024, tous les établissements seront couverts en 2025.

Ces contrats constituent un nouvel outil prometteur pour le développement de l'autonomie des universités. Les financements additionnels qui en découlent restent cependant très marginaux dans les moyens alloués aux établissements par l'État : 35 M€ annuels sont prévus à ce titre depuis 2023, l'objectif affiché par le ministère étant de doter chacune des vagues de COMP d'« au moins 100 M€ ». Surtout, les moyens attribués à chaque COMP sont plafonnés à 0,8 % de la SCSP reçue par chaque établissement.

Ainsi, si le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) dresse à ce stade un bilan très positif des COMP, dont il considère qu'ils permettent « de structurer un dialogue de qualité avec les établissements sur leurs perspectives stratégiques » et aux établissements « de réaliser un travail interne approfondi », France Universités met en avant l'écart entre les montants alloués dans ce cadre et ceux des mesures salariales non compensées dans la SCSP, ainsi que la difficulté de développer des mesures à la portée véritablement stratégique dans le cadre de cette enveloppe restreinte.

B. UNE NÉCESSAIRE CLARIFICATION DU PÉRIMÈTRE DES RESSOURCES DES ÉTABLISSEMENTS RELEVANT DU BUDGET DE L'ÉTAT

1. Une fragilisation de la situation financière des universités depuis 2022

• Les universités sont ainsi appelées depuis plusieurs années à mobiliser leurs réserves financières afin de participer à l'effort global d'économies. Or, la mesure nouvelle relative au CAS Pensions intervient dans un contexte de recul de la trésorerie disponible des établissements.

L'indicateur le plus parlant à ce titre réside dans l'évolution du fonds de roulement (FDR) cumulé des universités, qui correspond au stock d'épargne accumulé au cours du temps en vue de réaliser des investissements ou de faire face à un aléa de gestion. Après plusieurs années de croissance entre 2018 et 2022, une nette diminution de ce FDR a été enregistrée à partir de 2023, avec une baisse de 258 millions d'euros, soit près de 10 %, par rapport à 2022 ; selon la Dgesip, la baisse pourrait atteindre 1 milliard d'euros en 2024.

Seule une petite partie de ce FDR, qui est aujourd'hui de 2,52 milliards d'euros, est cependant mobilisable par les établissements pour faire face à leurs charges nouvelles. Une large part de cette trésorerie est en effet fléchée vers des opérations pluriannuelles dans le cadre du financement par projet ; une autre partie vise à couvrir des risques ou respecter des règles comptables prudentielles, ou encore à rembourser des emprunts. La Dgesip indique ainsi que pour l'ensemble des universités dont les données sont disponibles, les FDR libres d'emploi ne représentaient que 9 % des FDR globaux en 2023.

• Cette évolution comptable se traduit par une augmentation du nombre d'établissements en difficulté financière, avec toutefois des situations contrastées d'une université à l'autre. Selon les données du ministère, 65 établissements ont présenté des pertes comptables à hauteur de 147 millions d'euros en 2023 ; ils n'étaient que 40 pour un montant de pertes moitié moindre en 2022. France Universités a par ailleurs indiqué que 60 des 72 universités pourraient présenter un déficit en 2024, soit deux fois plus qu'en 2023. Selon la Dgesip enfin, 40 établissements devraient se trouver en difficulté financière en 2024 et 2025 au sens des critères de soutenabilité budgétaire qui s'appliqueront aux comptes financiers de l'année 2024.

2. Une incertitude dommageable à l'autonomie et à la capacité d'investissement des établissements

Dans ce contexte, l'augmentation des dépenses salariales et de fonctionnement assumées par les universités depuis 2022 ne pourra être absorbée à moyen et long termes sans entraîner :

- une altération des conditions d'exercice de leurs missions fondamentales d'accueil, de formation, de recherche et d'innovation, dont le périmètre devra être revu par certains établissements ;

- une remise en cause de leur capacité d'investissement, notamment sur le plan immobilier ;

- une dégradation de leur attractivité, dans un contexte de tension sur les recrutements ;

- une remise en question de l'autonomie des établissements, dès lors que leur situation financière peut justifier leur placement sous le contrôle renforcé du rectorat.

Ces risques sont renforcés par les incertitudes pesant sur l'évolution des ressources propres des établissements en conséquence d'autres mesures portées par le PLF 2025, aux premiers rangs desquelles les économies projetées sur les primes d'apprentissage par la baisse du nombre de contrats conclus, ainsi que la baisse des dotations versées aux collectivités territoriales, qui pourrait se répercuter sur les subventions qu'elles allouent aux universités.

Le rapporteur estime que si la participation des universités à l'effort de maîtrise des dépenses publiques peut être justifiée, elle ne saurait déboucher sur une fragilisation excessive de leur autonomie et de leur capacité d'investissement. La simple récurrence depuis 2022 de la non-compensation des mesures salariales nouvelles doit laisser place à une clarification stratégique du périmètre de dépense des établissements couvert par le budget de l'État, et notamment par la SCSP.

Les conclusions de la mission d'inspection sur le modèle économique des universités lancée par le ministère, attendues pour la fin de l'année, constitueront à ce titre un éclairage précieux.

Un ralentissement de la rénovation du parc immobilier universitaire

La réhabilitation du parc immobilier des établissements relevant du programme 150, qui prévoit 1,25 milliard d'euros à ce titre pour 2025, connaîtra un ralentissement au cours des prochaines années. La Dgesip indique en effet que si ces crédits immobiliers se situent, « au niveau de l'évolution tendancielle de la dépense incluant notamment le financement du centre hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord », le calendrier de réalisation des projets portés par les contrats de plan État-région (CPER) fera l'objet d' « ajustements » visant à poursuivre les opérations prévues avec un « ralentissement du rythme de leur réalisation ». Ce ralentissement vient à la suite de l'annulation cette année de 80 millions d'euros de crédits par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024, qui a notamment concerné les crédits CPER.

Les CPER constituent le principal outil mobilisé par le MESR pour le déploiement de sa stratégie immobilière, centrée sur la rénovation énergétique du parc. La deuxième génération de CPER, qui couvre la période 2021-2027 et représente un montant de 1 058 M€ sur le programme 150 (soit la majorité de l'enveloppe totale de 1 177 M€ pour l'enseignement supérieur), est ainsi principalement destinée à la réhabilitation énergétique du parc immobilier, à la remise à niveau des locaux pour les formations de santé et à leur adaptation à la numérisation des pratiques pédagogiques. Un peu moins de 40 % des autorisations d'engagement (AE) ouvertes au titre des CPER depuis 2021 ont été couvertes en crédits de paiement, ce qui traduit le retard pris dans le lancement et la réalisation de plusieurs projets.

Plusieurs projets de rénovation énergétique financés sur les crédits d'autres programmes ont par ailleurs été lancés ces dernières années. Dans le cadre du plan de relance, 561 projets portés par des universités, 112 projets des écoles d'ingénieur et des grands établissements et 140 projets relevant des Crous ont ainsi été sélectionnés pour un montant total de plus d'un milliard d'euros ; la plupart d'entre eux ont été achevés ou le seront pour la fin 2024. Près de 700 projets ont par ailleurs été retenus dans le cadre de trois appels à projets successifs lancés par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), au titre des plans de résilience et du plan « Transition écologique 2024 ».

III. UN RENFORCEMENT DES AIDES INDIRECTES AUX ÉTUDIANTS

A. UNE FRAGILITÉ SOCIALE ET SANITAIRE ACCRUE DES ÉTUDIANTS

L'ensemble des interlocuteurs entendus par le rapporteur ont pointé la tendance à l'accroissement de la fragilité sociale des étudiants, qui se traduit aux plans de la santé mentale et de la précarité économique. Les différents représentants des établissements non universitaires ont indiqué que le développement en leur sein de dispositifs de soutien financier (bourses internes, gratuité des frais de scolarité, prêts d'ordinateurs, contrats intérimaires) et d'ordre sanitaire et social (distributions de bons alimentaires et vente de paniers de fruits et légumes, consultations gratuites avec un psychologue) extralégaux était aujourd'hui indispensable au bon déroulement du parcours étudiant.

Alors que la santé mentale a été déclarée Grande cause nationale pour 2025, les étudiants sont particulièrement touchés par cet enjeu. La plateforme de recherche de l'Université de Bordeaux sur la santé des étudiants à l'université a ainsi mis en lumière la forte augmentation des symptômes dépressifs (41 % des jeunes concernés, contre 26 % avant la pandémie) et des idées suicidaires (constatées chez 29 % des étudiants de la cohorte, contre 21 % avant la pandémie) à la suite de la crise sanitaire. Plusieurs actions sont portées à ce titre par le programme 231, qui finance notamment le dispositif Santé Psy étudiant, qui offre depuis 2021 la possibilité de bénéficier de consultations gratuites et sans avance de frais avec des psychologues, le recrutement de psychologues au sein des services de santé étudiante (SSE) et le fonctionnement de la coordination nationale d'accompagnement des étudiantes et des étudiants (CNAÉ), plateforme d'écoute et de signalement pour les étudiants en situation de mal-être psychologique. Certains Crous proposent également des rendez-vous avec des psychologues, en lien avec des associations.

Si, de l'avis de la présidente du centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous), la précarité étudiante reste mal mesurée, notamment dans la diversité des situations qu'elle recouvre, les interlocuteurs entendus par le rapporteur ont unanimement relevé l'augmentation des situations de précarité financière parmi les étudiants, qui résulte à la fois de la crise du logement et du contexte inflationniste pesant sur les budgets alimentaires. Les derniers travaux de l'Observatoire de la vie étudiante (OVE) montrent que certains profils sont plus spécifiquement touchés, notamment les étudiants internationaux et les étudiants des formations privées non éligibles aux bourses. La deuxième édition du baromètre annuel sur les conditions de vie des étudiants, publiée le 17 octobre dernier, pointe en particulier « une situation de précarité alimentaire sévèrement ancrée dans la population étudiante » : plus d'un tiers des jeunes interrogés déclarent sauter des repas par manque d'argent (36 %), soit 7 points de plus que la moyenne nationale.

B. UN SOUTIEN RENFORCÉ AUX DISPOSITIFS DE RESTAURATION

1. Une forte augmentation de la demande

Ces évolutions se traduisent sur le terrain par une hausse « exceptionnelle et durable » de l'activité du réseau des oeuvres universitaires et sociales (Cnous-Crous), en particulier en matière de restauration. Confrontées à une forte augmentation de la demande, les structures de restauration des Crous tendent à atteindre leur capacité maximale de production et de distribution, dans un contexte de difficultés de recrutement de leurs personnels.

Cette hausse de la demande est à mettre en lien avec la mise en place de plusieurs mesures de modération tarifaire des prestations de restauration au cours des dernières années : le repas au tarif très social (1€), déployé lors de la crise sanitaire, a été pérennisé à la rentrée 2023 pour les étudiants boursiers sur critères sociaux et certains étudiants non boursiers en difficulté financière ; le tarif social dont bénéficient les autres étudiants est par ailleurs gelé à 3,30 euros depuis 2019 (le coût réel de chaque repas étant évalué à 8 euros pour le réseau).

La demande est principalement alimentée par le repas à 1€ : si le nombre de repas étudiants servis par les 800 implantations du Crous en 2023-2024, tous tarifs confondus, était en augmentation de 17 % par rapport à l'année précédente, le nombre de repas à 1€ a quant à lui augmenté de 23 %. On observe une progression plus rapide du recours à ce dispositif chez les non-boursiers précaires (+ 74 %, soit + 1,1 million de repas) que chez les boursiers (+ 19 %, soit + 3,4 millions). Sans atteindre ces impressionnants niveaux de progression, la demande se renforce également pour les repas à 3,30 € avec une augmentation de 9,2 %.

2. Une complète prise en compte budgétaire de l'augmentation de la dépense

Dans ce contexte, les crédits proposés au titre du programme 231 intègrent une augmentation notable des aides indirectes aux étudiants (services de restauration et de logement gérés par le réseau des oeuvres universitaires), dont les crédits seront en hausse de 8 %. Cet abondement porte principalement sur l'offre de restauration du Cnous, dont l'activité de restauration sociale est par nature déficitaire. 42,5 millions supplémentaires sont ainsi prévus pour le renforcement des dispositifs permettant aux étudiants de bénéficier d'une alimentation de qualité à tarif modéré :

- 3 millions d'euros sont prévus pour compenser le coût pour le Cnous du repas au tarif très social, ou repas à un euro ;

- 38,2 millions d'euros, soit 13,2 millions d'euros supplémentaires, sont destinés à la poursuite de la mise en oeuvre de la loi d'initiative sénatoriale n° 2023-265 du 13 avril 2023, dite loi Levi ;

- 9,2 millions d'euros sont prévus pour compenser le surcoût des denrées résultant de l'inflation ;

- 17 millions d'euros sont destinés à financer de nouvelles places et structures de restauration. Le Cnous indique que ces moyens supplémentaires permettront la création de plus de 5 600 places en 2024 et 2025.

Un premier bilan très positif pour la première année de mise en oeuvre
de la loi « Levi »

Adoptée à l'initiative du Sénat, la loi n° 2023-265 du 13 avril 2023 vise à permettre l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, y compris ceux dont le lieu de formation n'est pas couvert par un point de vente du Crous. Les établissements doivent alors mettre en place un conventionnement avec des restaurants collectifs tiers, ainsi habilités à accueillir les étudiants aux tarifs social et très social, ou, à défaut, proposer un soutien financier sous la forme de chèques alimentaires.

Un an seulement après son entrée en vigueur, le bilan de cette mesure est déjà très positif :

- 171 structures sont aujourd'hui agréées pour l'accueil des étudiants ; cette offre sera prochainement étoffée par une cinquantaine de conventions nouvelles qui sont actuellement en phase finale de négociation. Les différents responsables d'établissements entendus par le rapporteur ont par ailleurs unanimement estimé que le conventionnement fonctionnait de manière très satisfaisante ;

- la mise en oeuvre de l'aide financière interviendra en 2025, la publication des arrêtés ministériels fixant le montant de l'aide et les modalités opérationnelles de son versement ainsi que des arrêtés des recteurs de région académique déterminant les « zones blanches » dans lesquelles elle s'applique étant prévue pour la fin de l'année 2024.

Le rapporteur relève avec satisfaction que, en dépit du contexte budgétaire contraint, les moyens prévus au titre du programme 231 permettront de couvrir entièrement la hausse de la demande de restauration étudiante à tarif modéré, sans obérer les moyens du Cnous.

Il estime que le repas à tarif très social, qui représente une charge financière et un défi organisationnel pour le réseau des Crous, doit bénéficier aux seuls étudiants boursiers.

C. UNE ANTICIPATION D'UNE BAISSE DE LA DÉPENSE LIÉE AUX BOURSES

À dispositif constant, une diminution de la dépense est a contrario envisagée sur les aides directes aux étudiants, qui recouvrent principalement les bourses sur critères sociaux. Une dépense de 2,35 milliards d'euros est prévue à ce titre, en baisse de 5 % par rapport au montant de la loi de finances initiale pour 2024.

Cette projection résulte de l'anticipation d'une baisse de l'effectif des boursiers au cours des prochaines années, en ligne avec l'évolution observée depuis 2020 - exception faite du léger rebond de 2023 sous l'effet de l'entrée en vigueur de la première phase de la réforme des bourses, qui a conduit à un élargissement du nombre de leurs bénéficiaires. Ce reflux est principalement expliqué par la montée en charge de l'apprentissage et le développement des établissements privés non habilités à accueillir des boursiers.

L'évolution projetée pour 2025 appelle plusieurs remarques :

· la Dgesip invoque, en premier lieu, l'effet conjugué de la stabilisation de la population étudiante et de la poursuite du développement de l'apprentissage. Dans la mesure où les données du ministère projettent une croissance significative de la population étudiante en 2024-2025 (+ 1,1 %) et où la baisse démographique n'est attendue qu'à partir de 2029, ce facteur ne pourra contribuer qu'à la marge à celle du nombre de boursiers. Le développement de l'apprentissage pourrait par ailleurs, on l'a vu supra, être remis en question par les orientations prises dans le cadre d'autres missions budgétaires ;

· le ministère évoque également « l'évolution des salaires », faisant probablement référence à l'absence d'indexation du barème des bourses sur l'inflation, tandis que, sur la période récente, le contexte inflationniste a globalement orienté à la hausse les salaires nominaux pris en compte dans les dossiers. Le calcul des droits se fondant sur les salaires de l'année n-2, il en résultera sans doute une sortie retardée du dispositif ou un passage à l'échelon supérieur en 2025 pour les étudiants voisins des seuils.

Le rapporteur observe que cette projection pose des difficultés du point de vue de sa fiabilité et de sa cohérence avec les mesures prises dans le cadre de la première phase de la réforme des bourses. Alors que les orientations sur la deuxième phase de la réforme ne sont pas reflétées par les dispositions financières du programme, il appelle à une clarification rapide des évolutions envisagées dans le nouveau contexte budgétaire.

La deuxième phase de la réforme des bourses en suspens

Une réforme des bourses sur critères sociaux (BCS) a été engagée en 2022 par le MESR, aboutissant à la rentrée 2023 à une augmentation du montant des BCS (à hauteur de 37 euros par mois) et à une revalorisation de leurs barèmes (rehaussés de 6 % pour tous les échelons), assorties d'une mesure corrective au bénéfice des étudiants en situation de handicap ou aidants d'un parent en situation de handicap (attribution de 4 points de charges supplémentaires).

Cette évolution s'est traduite par une inversion de la tendance à la réduction du nombre de boursiers, 30 000 étudiants ne répondant pas aux critères précédemment en vigueur ayant été inclus dans le dispositif, ainsi que par un relèvement du montant moyen des bourses, 18 % des boursiers ayant été inscrits à un échelon supérieur à celui dont ils auraient bénéficié avant la réforme, pour une augmentation du montant mensuel des BCS de 50 euros en moyenne.

À l'issue des concertations du printemps 2024, une deuxième phase de réforme a été annoncée pour la rentrée 2025, avant d'être mise en suspens dans le nouveau contexte politique. Le ministère indique que « la réflexion est toujours en cours [et dépend] d'arbitrages dans un cadre budgétaire contraint, avec l'objectif de permettre une attribution plus juste des bourses, en visant à corriger les défauts structurels déjà identifiés : des effets de seuils parfois très importants ; une pente trop forte des aides, avec beaucoup de bourses de faible montant [...] ; une complexité du système [...] qui rend le système difficile à appréhender pour les étudiants et leurs familles, mais aussi à piloter pour les pouvoirs publics ».

Le Cnous continue cependant de préparer un nouveau système d'informations pour les demandes de bourses et d'aides, dont l'aboutissement, prévu pour le premier semestre 2025, pourrait avoir des effets sur le nombre de boursiers : l'objectif poursuivi d'une simplification du parcours de l'étudiant par la mise en place d'un guichet unique contribuera en effet à réduire le non-recours aux droits.

IV. LES ÉVOLUTIONS EN COURS DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ APPELLENT UNE INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS

A. UNE DÉGRADATION DE L'ATTRACTIVITÉ DU STATUT D'EESPIG

La qualification d'établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG) est attribuée depuis 2013 aux établissements privés à but non lucratif ayant une participation active aux missions de service public de l'enseignement supérieur. Leur fonctionnement se rapproche sur plusieurs points de celui des établissements publics : ils bénéficient de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) et leurs formations sont accessibles via Parcoursup. La qualification est accordée pour une durée de cinq ans après évaluation d'une instance nationale. Ayant la forme juridique d'associations, de fondations reconnues d'utilité publique ou de syndicats professionnels, les 64 EESPIG accueillent aujourd'hui 158 646 étudiants, soit 6 % des effectifs de l'enseignement supérieur.

Le financement des EESPIG repose sur leurs ressources propres, issues notamment des droits d'inscription dont ils sont libres de fixer le montant, complétées par une subvention de l'État dont le montant global est porté par l'action n° 4 du programme 150. Cette subvention a représenté 77 millions d'euros en 2023, soit 0,5 % des crédits du programme.

Cette ligne budgétaire appelle plusieurs observations :

- ce montant est globalement orienté à la hausse sur les dernières années, sous l'effet de l'augmentation du nombre d'étudiants accueillis. Entre 2018 et 2023, il est ainsi passé de 66,9 M€ à 76,9 M€ en exécution, soit une hausse de 15 % en cinq ans ;

- pour autant, la subvention n'a pas évolué aussi rapidement que le nombre des étudiants des EESPIG, ce dont il a mécaniquement résulté une baisse du montant moyen de la subvention par étudiant. Tandis que la Dgesip estime, en réponse au questionnaire qui lui a été adressé par le rapporteur, que ce montant est stabilisé autour de 600 euros depuis 2018, la Fesic indique qu'il est passé de 1 240 euros en 2010 à 485 euros en 2024, ce qui pourrait à terme affecter la capacité des établissements à remplir leurs missions de service public ;

- les établissements relèvent enfin que les documents budgétaires ne distinguent pas, au sein des 94,5 millions d'euros prévus sur l'action n° 4, entre les montants destinés à la subvention des EESPIG et ceux fléchés vers les associations assurant la formation initiale des enseignants des établissements d'enseignement scolaire privés sous contrat. Si, selon les précisions fournies par la Dgesip, la répartition en exécution est stable sur les quatre derniers exercices budgétaires (autour de 84 % de la ligne budgétaire affectée aux EESPIG), cette présentation pose une question de lisibilité de l'action que le rapporteur appelle à résoudre dans le projet annuel de performance (PAP) pour 2026.

Source : Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif (Fesic)

Le rapporteur observe avec préoccupation que le statut d'EESPIG tend à perdre son attractivité du fait de la hausse des contraintes associées par rapport aux bénéfices qui en sont retirés par les établissements. Alors que la SCSP est désormais loin de l'objectif initial de couvrir 10 % du coût de la formation, les évaluations périodiques obligatoires représentent une charge importante. La tendance n'est donc plus à l'inscription dans ce statut, et certains établissements font même l'objet de propositions de rachat par des groupes financiers.

B. UNE ABSENCE DE RÉGULATION PROBLÉMATIQUE DU PRIVÉ LUCRATIF

L'enseignement privé lucratif, qui recrute aujourd'hui 26 % des étudiants de l'enseignement supérieur, connaît parallèlement un développement massif porté par des établissements dispensant des formations de qualité variable. Tandis que de nombreuses écoles associatives et relevant de la sphère consulaire proposent des formations d'excellence, l'apparition d'écoles détenues par des fonds d'investissement peut donner lieu à des dérives entraînant de graves difficultés pour les étudiants et leurs familles. La situation est d'autant moins lisible que de grands écarts de qualité peuvent exister parmi des établissements détenus par un même groupe financier.

Le sujet a fait l'objet de plusieurs travaux récents, parmi lesquels une étude de de Laurent Batsch de juin 20231(*) et un rapport d'avril 2024 des députées Béatrice Descamps et Estelle Folest2(*), qui ont mis en évidence l'absence de régulation et de pilotage par l'État de l'enseignement supérieur privé à but lucratif.

Selon Laurent Batsch, cette situation résulte de l'absence complète de régulation de l'enseignement supérieur lucratif, qui fait ainsi exception dans le paysage économique. Alors que ce marché est marqué par une forte asymétrie entre des jeunes peu informés et pressés par le temps d'une part, et des établissements contrôlés par un actionnariat d'autre part, des pratiques concurrentielles incontrôlées tendent à se développer, notamment au stade du recrutement des étudiants. La communication des établissements, centrée sur des diplômes alternatifs non reconnus à l'échelle nationale (mastères ou bachelors) et l'obtention de certifications professionnelles offrant des perspectives limitées, n'est pas toujours décryptée par les familles. L'absence de critères relatifs au taux d'encadrement ou au taux de cours assurés en présentiel, de même que la possibilité pour les écoles de recourir à la location de titres, favorisent par ailleurs la croissance du secteur. Le marché de l'enseignement supérieur doit faire l'objet de mesures de protection du consommateur, à l'image de tous les autres marchés économiques

Surtout, ces dérives ont été largement soutenues par la massification de l'apprentissage, en l'absence de contrôle suffisant sur la qualité des formations bénéficiant des financements associés. Ce dévoiement d'un outil pourtant précieux pour la formation des étudiants et le fonctionnement des entreprises est d'autant plus problématique qu'il porte sur des fonds publics.

Face aux dommages résultant de ces évolutions pour les étudiants et leurs familles, pour les établissements de qualité soumis à une concurrence inégale, ainsi que pour les comptes publics, le rapporteur estime indispensable de mettre en place une véritable régulation de l'enseignement supérieur privé lucratif.

Cette régulation doit moins passer par la création d'un nouveau label, qui contribuerait à brouiller encore la lisibilité du paysage de l'enseignement supérieur, que par la mise en place de conditions minimales pour l'ouverture et le fonctionnement d'un établissement, ainsi que par un encadrement plus strict de l'accès aux financements de l'apprentissage.

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La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 20 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2024

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M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Après plusieurs années de hausse, le projet de loi de finances pour 2025 nous propose de reconduire les crédits de l'enseignement supérieur au niveau atteint en 2024, soit 18,5 milliards d'euros.

Cette reconduction n'est cependant pas synonyme d'immobilisme. Le PLF porte en effet plusieurs abondements budgétaires, notamment sur la restauration étudiante. En sens inverse, l'impératif de maîtrise des finances publiques conduit le Gouvernement à réduire légèrement son soutien aux établissements, et à différer une partie des évolutions prévues par la loi de programmation de la recherche (LPR).

Ce cadre général étant posé, permettez-moi de vous présenter les grands enjeux des programmes 150 et 231.

Le programme 150, consacré aux formations supérieures et à la recherche universitaire, est principalement marqué par l'application partielle de la cinquième annuité de la LPR. Dans le contexte budgétaire contraint, le Gouvernement a en effet choisi de privilégier l'application du protocole salarial conclu en 2020. Près de 95 millions d'euros sont ainsi prévus pour revaloriser le régime statutaire et indemnitaire des différents professionnels exerçant dans les universités.

À l'inverse, les mesures non salariales de la cinquième marche de la LPR pour l'enseignement supérieur ne bénéficient pas des crédits attendus. Il s'agit principalement des mesures de sécurisation des débuts de carrière des enseignants-chercheurs, notamment les chaires de professeur junior, pour un écart à la trajectoire d'environ 32 millions d'euros.

Sans me réjouir de ce choix, j'observe que l'essentiel de la progression prévue par la LPR sera bien appliqué, puisque les trois quarts des crédits programmés trouvent une traduction budgétaire. J'observe également que le ministre a pris l'engagement de maintenir ses orientations : les mesures programmées ne seront donc pas annulées.

La décision de ne pas compenser aux établissements la hausse de la contribution au compte d'affectation spéciale des pensions, ou CAS Pensions, appelle davantage d'observations. Le Gouvernement choisit ainsi de faire contribuer les universités à l'effort global d'économies, ce qui n'est pas nécessairement inopportun. Il me semble cependant que nous devons faire preuve d'une grande vigilance sur ce sujet, et ce pour deux raisons :

- tout d'abord, cette mise à contribution des universités n'est pas la première. En 2022 et 2023, la revalorisation du point d'indice puis les mesures dites « Guerini » avaient été laissées à la charge des établissements pendant six mois. Les mesures « Guerini » n'ont ensuite été compensées qu'à 50 %, ce qui a laissé aux établissements un reste à charge pérenne de 145 millions d'euros annuels, auquel viendront désormais s'ajouter les 200 millions du CAS Pensions. Si l'on prend également en compte le glissement vieillesse technicité (GVT) ainsi que la hausse des coûts de fonctionnement des universités, la hausse cumulée atteint plus de 500 millions d'euros annuels, soit 3,5 % de leur subvention pour charge de service public (SCSP) ;

- cette augmentation intervient dans un contexte de détérioration de la situation financière des universités, qui puisent déjà depuis plusieurs années dans la part disponible de leur trésorerie pour faire face à ces dépenses supplémentaires. Selon le ministère, 40 établissements devraient se trouver en difficulté financière en 2024 et 2025, avec de fortes différences entre eux.

Il en résulte que la SCSP, qui est notamment destinée à couvrir la masse salariale des universités, couvre en réalité de plus en plus imparfaitement leur dépense de personnels.

Ce recul n'est pour l'heure pas compensé par le déploiement de leurs ressources contractuelles, puisque le financement à la performance issu des contrats d'objectifs, de moyens et de performances (COMP) représente 35 millions d'euros annuels, soit 0,8 % du montant de la SCSP.

Sur la base de ces équilibres, l'augmentation des dépenses assumée par les universités depuis 2022 ne pourra être absorbée à moyen et long termes sans entraîner une altération des conditions d'exercice de leurs missions fondamentales, un recul de leur capacité d'investissement, et même une remise en question de leur autonomie, dès lors que leur situation financière peut justifier leur placement sous le contrôle renforcé du rectorat.

Dans ces conditions, il me semble que l'enjeu est moins de débattre année après année de l'opportunité de compenser les mesures salariales qui s'imposent aux universités, que de nous interroger plus globalement sur leur mode de financement, et donc sur le périmètre de leurs dépenses que nous souhaitons voir pris en charge par le budget de l'État - et, à l'inverse, sur les contours de ce qui pourrait relever de leur autonomie. Les conclusions de la mission d'inspection sur le modèle économique des universités, attendues pour la fin de l'année, constitueront à ce titre un éclairage précieux, et il me semble primordial que notre commission assure un suivi attentif de ce sujet fondamental.

J'en viens à présent aux crédits du programme 231 consacré à la vie étudiante.

L'ensemble des professionnels que j'ai entendus m'ont alerté sur la dégradation de la situation matérielle et sanitaire des étudiants, qui sont notamment touchés par des difficultés psychologiques et relationnelles depuis la pandémie de Covid. Le programme 231 comporte une ligne de crédits permettant de financer plusieurs actions de soutien à la santé mentale ; il me semble que ces crédits constituent une base indispensable qui doit être préservée.

Dans le contexte d'inflation, de nombreux étudiants se trouvent par ailleurs en situation de précarité économique - même s'il existe de fortes disparités dans le niveau de vie des étudiants, selon notamment qu'ils cohabitent ou non avec leur famille. Les derniers travaux de l'Observatoire de la vie étudiante montrent que certains profils sont plus fortement touchés par la précarité, notamment les étudiants internationaux et les étudiants des formations privées non éligibles aux bourses. La deuxième édition du baromètre annuel sur les conditions de vie des étudiants pointe en particulier « une situation de précarité alimentaire sévèrement ancrée dans la population étudiante » : plus d'un tiers des jeunes interrogés déclarent sauter des repas par manque d'argent (36 %).

Ce constat préoccupant se reflète dans la fréquentation des restaurants universitaires, qui font face à une très forte hausse de la demande. Cette hausse porte principalement sur le repas à 1€, mis en place lors de la crise sanitaire et pérennisé depuis 2023 pour les étudiants boursiers et les non-boursiers précaires, avec une augmentation de 23 % du nombre de repas servis entre 2023 et 2024. Elle concerne également, quoique dans de moindres proportions, le repas à 3,30 € - le coût réel de chaque repas étant évalué à 8 euros pour le réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et sociales, les Crous. Lors de son audition, la présidente de leur tête de réseau, le Cnous, m'a indiqué que cette situation représentait un véritable défi logistique et de ressources humaines pour son organisation.

Il me semble que le budget qui nous est proposé prend la mesure de la situation en allouant plus de 42 millions de crédits nouveaux à la restauration étudiante. 3 millions sont prévus pour compenser le coût du repas à 1€, 9 millions pour faire face à l'inflation, et 17 millions pour financer de nouvelles places et structures de restauration. 13 millions sont enfin budgétés pour la montée en charge de la loi d'initiative sénatoriale du 13 avril 2023, connue sous le nom de loi « Levi ».

Permettez-moi de consacrer quelques instants au premier bilan de cette mesure, qui a été salué comme très positif par tous mes interlocuteurs, qu'ils viennent de l'université ou des établissements privés. Pour mémoire, cette loi garantit l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, y compris ceux dont le lieu de formation n'est pas couvert par un point de vente du Crous. Dans ce cas, les établissements doivent mettre en place un conventionnement avec des restaurants collectifs tiers pour les habiliter à accueillir les étudiants aux tarifs Crous ou, à défaut, leur proposer un soutien financier sous la forme de chèques alimentaires. Un an après l'entrée en vigueur de la loi, 171 structures ont été agréées et une cinquantaine le seront prochainement, selon des modalités unanimement décrites comme fluides et satisfaisantes. La mise en oeuvre de l'aide financière interviendra dès l'année prochaine, la publication des arrêtés ministériels et rectoraux nécessaires étant prévue pour la fin 2024.

Les moyens prévus pour la restauration permettront ainsi de couvrir entièrement la hausse de la demande, ce dont je me félicite. Alors que des débats ont pu avoir lieu sur l'extension du repas à 1€ à tous les étudiants, j'estime pour ma part qu'il serait opportun de le réserver aux seuls étudiants boursiers, en raison de la charge financière et du défi organisationnel que représente ce dispositif pour les Crous.

Je quitte à présent le champ des aides indirectes aux étudiants pour passer à celui des aides directes, c'est-à-dire aux bourses sur critères sociaux.

Je souhaite tout d'abord exprimer quelques réserves sur la projection budgétaire qui nous est proposée, avec, à dispositif constant, l'anticipation d'une baisse de 105 millions. Le ministère justifie cette anticipation par la baisse de la démographie étudiante, la montée en puissance de l'apprentissage et l'évolution des salaires. Il me semble qu'une augmentation de plus de 1 % de la population étudiante est au contraire attendue pour 2024-2025 ; je relève par ailleurs que d'autres mesures du PLF pourraient freiner le développement de l'apprentissage. La baisse devra donc principalement découler de l'évolution des salaires, c'est-à-dire de l'absence d'indexation du barème des bourses sur l'inflation.

Je m'interroge sur la cohérence de cette non-indexation avec les mesures prises il y a un an dans le cadre de la première phase de la réforme des bourses, qui a abouti à une hausse du nombre de boursiers. Si l'on peut comprendre que la deuxième phase de la réforme, qui devait être annoncée pour la fin de l'année, ait été mise en suspens dans le contexte budgétaire et politique, j'appelle le Gouvernement à clarifier rapidement ses intentions afin d'assurer la lisibilité de la politique menée.

J'ai enfin souhaité me pencher sur la situation particulière de l'enseignement supérieur privé, en distinguant entre la sphère du privé d'intérêt général (représentée par les EESPIG, c'est-à-dire les établissements d'enseignement supérieur d'intérêt général) et celle du privé à but lucratif.

En ce qui concerne tout d'abord les EESPIG, je souhaite attirer votre attention sur la baisse d'attractivité que connaît désormais ce statut. Les EESPIG sont des établissements de grande qualité, qui accueillent près de 160 000 étudiants, et dont le fonctionnement se rapproche sur plusieurs points de celui des établissements publics - ils bénéficient en effet de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) et leurs formations sont accessibles via Parcoursup ; surtout, ils sont soumis à une évaluation périodique, notamment par le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) ou la commission des titres d'ingénieur (CTI). En contrepartie, ils reçoivent une subvention de l'État.

Nous sommes, je crois, nombreux à observer que tandis que ces obligations leur imposent une charge croissante, le montant de cette subvention, lorsqu'on le rapporte au nombre d'étudiants accueillis, est en constante et rapide diminution ; de 925 euros par étudiant en 2013, il est aujourd'hui passé à 485 euros. La tendance à la hausse des contraintes par rapport aux bénéfices retirés du statut débouche logiquement sur la tentation pour certains établissements d'en sortir, d'autant que des groupes financiers leur présentent des offres de rachat.

Il me semble dès lors important de réaffirmer notre attachement au statut d'EESPIG - lequel avait d'ailleurs été mis en place à l'initiative du Sénat dans la loi « Fioraso » de 2013 -, synonyme d'un enseignement privé de qualité, indispensable aux filières économiques de notre pays. Je déposerai donc, à titre personnel, plusieurs amendements visant à préserver son attractivité.

En dehors des EESPIG, l'enseignement privé lucratif, qui recrute aujourd'hui 26 % des étudiants, connaît un développement massif porté par des établissements dispensant des formations de qualité variable. À l'autre bout du spectre de la qualité, on trouve ainsi des écoles détenues par des fonds d'investissement et aux pratiques concurrentielles incontrôlées. Leur communication, centrée sur des diplômes non reconnus à l'échelle nationale et la mise en avant de simples certifications professionnelles offrant des perspectives limitées, n'est pas toujours décryptée par les jeunes et leurs familles, tandis que l'absence d'obligations législatives ou réglementaires relatives au taux d'encadrement ou au taux de cours assurés en présentiel favorise de graves dérives. Certaines de ces écoles ont pu être créées grâce à la location de titres professionnels, qui est à ce jour autorisée par la loi ; toutes ou presque prospèrent grâce à la massification de l'apprentissage dans le supérieur, qui leur a permis d'accéder à des financements publics aussi importants que peu contrôlés.

Face à cette situation, deux rapports ont récemment tiré la sonnette d'alarme. En juin 2023, Laurent Batsch a ainsi établi que le marché de l'enseignement supérieur lucratif se distinguait, dans le paysage économique, par une absence complète de régulation par les pouvoirs publics, alors même qu'il est marqué par une forte asymétrie entre des jeunes souvent très vulnérables d'une part, et des établissements dont le but principal est de réaliser des profits d'autre part. Une image utilisée par l'auteur est particulièrement parlante : il est aujourd'hui plus difficile d'ouvrir un salon de coiffure qu'une école d'enseignement supérieur, qui est soumise à un simple régime de déclaration.

Partageant largement ces constats, les anciennes députées Béatrice Descamps et Estelle Folest ont formulé en avril dernier 22 propositions visant à mieux réguler et à mieux piloter ce secteur économique.

J'appelle le Gouvernement à s'emparer au plus vite de ces recommandations pour mettre fin à cette anomalie et aux dommages considérables infligés aux étudiants et à leurs familles, aux établissements de qualité soumis à une concurrence inégale, mais aussi aux comptes publics. Je crois pour ma part que cette régulation doit moins passer par la création d'un nouveau label, qui contribuerait à brouiller encore la lisibilité du paysage du supérieur, que par la mise en place de conditions minimales pour l'ouverture et le fonctionnement d'un établissement, ainsi que par un encadrement plus strict de l'accès aux financements de l'apprentissage.

Telles sont, mes chers collègues, les observations dont je souhaitais vous faire part sur ces crédits. J'analyse au total ce budget comme un budget préservé (puisque ses crédits sont reconduits sur le haut niveau atteint en 2024) et comme un budget d'attente (puisque plusieurs évolutions attendues, sans être annulées, sont renvoyées à des arbitrages ultérieurs).

Dans ces conditions, et en souhaitant que certaines des pistes que j'ai évoquées devant vous puissent rapidement trouver une traduction concrète, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Catherine Belrhiti. - Ce PLF 2025 traduit une tension entre ambitions et contraintes, étroitement liée à la situation financière sans précédent de notre pays. Dans ce contexte inédit, j'insiste sur le fait que le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche aura augmenté de 4,3 milliards d'euros entre 2017 et 2025, et de 2,7 milliards d'euros depuis le début de la mise en oeuvre de la LPR. C'est un constat dont on ne peut que se réjouir.

Il est vrai que les objectifs initiaux de la LPR fixés pour 2025 ne seront atteints qu'à hauteur d'un tiers, ce qui n'est toutefois pas catastrophique compte tenu des nombreuses perturbations économiques et sociales que nous connaissons.

Si des efforts sont perceptibles pour préserver certaines priorités, d'autres chantiers nécessitent une réponse plus audacieuse : la soutenabilité financière des universités, la lutte contre la précarité étudiante, ou encore le positionnement de la France dans la compétition scientifique mondiale. Tous ces sujets appellent des solutions durables.

Je tiens à saluer le Gouvernement d'avoir réussi, malgré tout, à maintenir un cap et de s'être fixé les priorités suivantes : la revalorisation des carrières scientifiques, l'amélioration de la réussite des étudiants et la modernisation des établissements d'enseignement supérieur.

Face à ces défis, il est impératif de continuer le travail pour tenter de bâtir un modèle d'enseignement supérieur et de recherche à la hauteur des enjeux de notre époque et de notre pays.

Dans ce contexte sous tension, je m'interroge tout de même sur la manière d'assurer la pérennité financière des universités, compte tenu de l'augmentation du nombre d'étudiants et de la disparité de leurs ressources propres, et plus globalement, sur le risque de perte de compétitivité scientifique de notre pays.

M. Yan Chantrel. - Je félicite le rapporteur pour cet avis budgétaire, dont je partage un certain nombre de diagnostics mais pas la conclusion.

La situation financière des établissements d'enseignement supérieur s'aggrave. Selon France Universités, 60 universités sur 75 sont en déficit. Rappelons que 80 % de leur budget est constitué de la masse salariale. Pour la financer, elles sont obligées d'aller puiser dans leurs fonds propres, car les dotations de l'État ne suivent pas. Souvenez-vous, en février dernier, le secteur de l'ESR a subi d'importes coupes budgétaires ! Il y a les mesures « Guerini », le GVT, les surcoûts énergétiques... auxquels viennent désormais s'ajouter 200 millions d'euros supplémentaires du fait de la mesure « CAS Pensions ». En deux ans, 500 millions d'euros de dépenses ont donc été imposés par l'État aux universités, sans compensation. Bercy continue à s'en prendre à leurs fonds de roulement, espérant y trouver un trésor caché. Or les trois quarts de ces fonds sont fléchés ! Leur part vraiment disponible sert la plupart du temps à des investissements ou à des achats de matériels non programmés.

Un autre enjeu fondamental est la baisse du taux d'encadrement des étudiants, qui suit la même pente que la dépense par étudiant, qui accuse une perte de 15 %.

Nous avons bien conscience que ce budget est contraint. Mais l'ESR, comme l'a dit le ministre lors de sa prise de fonction, est un investissement et non une dépense. Certains pays, pourtant en difficulté financière, ont su porter leurs efforts sur l'ESR, estimant à juste titre que ce secteur est un puissant relais de croissance. La bonne gestion des finances publiques implique de mettre l'accent sur les secteurs décisifs pour l'avenir. Ne pas les abonder revient à s'exposer à des budgets potentiellement récessifs à moyen et long terme.

Pour toutes ces raisons, notre groupe donne un avis défavorable à ce budget.

M. Pierre Ouzoulias. - Je félicite le rapporteur pour sa connaissance fine du secteur. Il a mis le doigt sur les incohérences et les difficultés que ce Gouvernement ne veut pas résoudre.

D'autres pays, dans des circonstances budgétaires plus compliquées que celles que nous connaissons, ont fait des choix différents. Je pense notamment au Royaume-Uni qui a décidé d'investir massivement dans l'ESR, mais aussi à l'Allemagne ou à la Corée du Sud. Nous faisons l'inverse. Le budget de l'ESR est tout juste stabilisé. J'aimerais comprendre pourquoi. Il y a un problème entre la France et ses chercheurs, entre la France et ses universités, que j'impute à une forme de mépris et de méconnaissance de nos élites vis-à-vis du monde académique. Quelque chose est à changer dans la perception qu'a notre pays de l'ESR. Dans la recherche privée, nous avons l'un des taux de docteurs les plus bas au monde, moins de 10 % me semble-t-il. Le titre de docteur bénéficie à l'international d'une reconnaissance qu'il n'a pas en France.

Merci d'avoir évalué à 500 millions d'euros la non-compensation par l'État des mesures liées à la masse salariale des établissements.

L'État est dans l'incapacité de résoudre le problème de la sous-dotation des plus petits d'entre eux, qui présentent pourtant de très bons résultats en termes de réussite étudiante. Ce sont ces établissements que nous devrions aider !

J'alerte sur la nécessité de donner une visibilité aux étudiants engagés en doctorat : ils ont besoin de savoir quels seront leurs débouchés sur le marché de l'emploi. Je rappelle aussi que la moitié des doctorants en France sont étrangers, ce qui montre bien le caractère très peu attractif de ce diplôme aux yeux de nos étudiants. Or ce sujet n'avance pas...

Sur les bourses, j'avais exprimé un très fort soutien à la réforme proposée par la précédente ministre, Sylvie Retailleau. Ce qu'elle proposait était intelligent et tenait compte de l'ensemble des difficultés structurelles du système actuel. Je suis d'accord avec le rapporteur : nous ne connaissons pas les intentions du Gouvernement sur sujet. Nous devrons obtenir des précisions en séance publique.

Enfin, le rapporteur a eu tout à fait raison de mettre l'accent sur le dossier de l'enseignement privé. La différence de traitement entre le privé non lucratif et le privé lucratif est incompréhensible : l'État défavorise le premier au profit du second. Il y a là une forme de désinvolture coupable de la part du ministère. La création d'un label ne suffira pas ; l'on reportera ainsi sur les parents la charge qui incombe normalement à l'État.

Pour l'ensemble de ces raisons, et en dépit du travail remarquable du rapporteur, je ne peux souscrire au budget qui nous est soumis.

M. Jean Hingray. - Je félicite à mon tour le rapporteur dont nous partageons les constats et la conclusion.

Le modèle économique des universités suscite beaucoup d'interrogations dans nos territoires, car les collectivités sont des partenaires importants sur un certain nombre de projets. La coupe de 5 milliards d'euros sur les recettes de ces dernières ne sera donc pas sans conséquence.

Malgré le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons, beaucoup de bonnes choses sont poursuivies.

Un point de vigilance toutefois : en 2024, le financement des bourses sur critères sociaux avait nécessité une ligne supplémentaire de crédits en fin d'année. Il faudrait que cela ne se reproduise pas l'année prochaine, donc que leur montant soit bien budgété dès maintenant.

Je me félicite que la loi Levi, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, trouve sa pleine effectivité avec 171 conventions partenariales signées. Dans les Vosges, ce dispositif permet enfin un égal accès de tous les étudiants à une offre de restauration. C'était très attendu !

Nous voterons ce budget.

Mme Mathilde Ollivier. - J'adresse mes félicitations au rapporteur. Comme j'ai pu le dire tout à l'heure à propos de la recherche, les budgets qui nous sont proposés pour l'ESR sont insuffisants pour compenser les surcoûts liés aux mesures salariales.

Alors qu'une première phase de la réforme structurelle des bourses était en cours, le budget qui leur est consacré est en baisse de 120 millions d'euros, ce qui suscite des interrogations sur le devenir de la deuxième phase. Nous avions proposé à la précédente ministre de travailler à la création d'une allocation universelle d'étude ; elle s'y était opposée, en indiquant que le deuxième volet de la réforme allait permettre de répondre à la précarité étudiante. Son premier volet, auquel nous souscrivons, n'a pas réglé le problème des sorties du système des bourses : ils étaient 30 000 étudiants en 2021 et 50 000 en 2022. Il serait intéressant d'avoir le chiffre pour 2024 et la prévision pour 2025.

La santé mentale des étudiants est une problématique majeure : 39 % d'entre eux présentent des signes de détresse psychologique. Alors que le Premier ministre a fait de la santé mentale une grande Cause nationale en 2025, je ne vois aucun engagement dans ce budget en faveur de la santé mentale des étudiants. Je rappelle que 55 % d'entre eux ne connaissent pas le dispositif Santé Psy Étudiant et que le ratio est d'un psychologue pour 16 000 étudiants.

Un autre point d'attention concerne la rénovation du patrimoine immobilier. Les communautés universitaire et étudiante s'étaient fortement mobilisées pour lutter contre l'insalubrité de certains établissements. Or il n'y a pas d'enveloppe particulière prévue dans ce budget.

Je souscris pleinement aux propos de Pierre Ouzoulias sur la trop faible valorisation du doctorat en France. Nous devons avoir une réflexion de fond sur ce sujet. Dans l'espace germanique, que je connais bien, le fait d'être docteur est très valorisé. En France, ce n'est pas le cas ; il y a peu de docteurs dans les entreprises, la haute administration et en politique.

L'avis de notre groupe sera défavorable.

M. Bernard Fialaire. - Je souhaite insister sur la question du bien-être des étudiants : faire des études dans de bonnes conditions est un gage de réussite.

Les possibilités offertes par la CVEC, qui avait fait l'objet d'un rapport de notre commission, sont mal connues. Au moment de la rentrée universitaire, davantage d'informations doivent être délivrées aux étudiants, dans un cadre qui mériterait d'être un peu plus solennisé. Ce serait aussi l'occasion de rappeler aux étudiants certaines règles de comportement qu'il leur faut respecter - je renvoie notamment aux conclusions de notre récent rapport d'information sur la question de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

S'agissant des officines privées délivrant des pseudo-diplômes, il faut davantage de contrôles. Ces structures n'ont rien à voir avec les EESPIG. En première année de médecine, ces officines sont devenues incontournables. C'est aux universités de prendre en charge l'accompagnement de leurs étudiants.

Sur la question du doctorat, je remarque qu'il est presque discriminant d'en être titulaire ! Lorsqu'un ingénieur annonce à son entreprise vouloir faire un doctorat, cela est presque perçu comme suspect. Il nous faut travailler sur la plus-value de ce diplôme.

Notre avis sur ce budget est favorable.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Plusieurs d'entre vous ont évoqué le sujet des bourses sur critères sociaux, pour lesquelles une baisse de dépenses de l'ordre de 105 millions d'euros est en effet anticipée. La réforme de 2023 a conduit à une augmentation du nombre de boursiers après plusieurs années de baisse ; en particulier, 30 000 étudiants qui ne satisfaisaient pas aux critères précédemment en vigueur ont intégré le dispositif. L'absence d'indexation des barèmes sur l'inflation pourra effectivement conduire certains d'entre eux à en sortir cette année, d'autant que les revenus pris en compte dans les dossiers sont ceux de l'année n-2 - or, il y a deux ans, le contexte d'inflation a pu pousser à une hausse des salaires.

Dans sa feuille de route rendue publique hier, le ministre évoque désormais une mise en oeuvre de la seconde phase de la réforme à la rentrée 2026. L'évolution visée soulève un problème mathématique intéressant : pour lisser les effets de seuil, il faudra définir une fonction affine par morceaux, ce qui entraînera mécaniquement un surcoût.

Jean Hingray a évoqué une insincérité budgétaire sur les crédits des bourses ; je crois en tous cas qu'il faudra être attentifs à l'exécution des financements inscrits dans le PLF.

Il faudra nous faire préciser ces différents points par le ministre en séance, notamment en ce qui concerne le nombre de sorties du dispositif cette année.

Sur l'enseignement privé, je voudrais tout d'abord redire que je n'ai pas d'opposition de principe au statut privé. On trouve cependant parmi les établissements privés des formations de grande qualité et d'autres dont les pratiques posent problème. À l'image des écoles privées sous contrat de l'enseignement secondaire, les EESPIG représentent le privé de qualité.

Ce que je souhaite pointer, c'est le privé très lucratif qui n'observe pas de règles déontologiques, par exemple sur l'encadrement des étudiants. On ne pourra probablement pas interdire la création de tels établissements, mais il faut au moins empêcher qu'ils aient accès aux financements publics de l'apprentissage.

Il me semble difficile de faire des comparaisons entre notre système d'enseignement supérieur et ses équivalents internationaux, quand le statut et le financement des établissements sont très spécifiques en France. Les établissements anglais sont privés et demandent des droits d'inscription incomparables avec ceux des universités françaises. Le modèle français doit accepter de bouger quelques lignes pour trouver des financements supplémentaires, notamment en ce qui concerne leurs ressources propres.

La baisse de la subvention par étudiant des EESPIG vient aussi de l'intégration récente de nouveaux établissements dans ce statut, tandis que le montant de la subvention n'évolue pas aussi rapidement. J'ai plusieurs fois défendu un amendement au PLF visant à ce que cette ligne budgétaire couvre 10 % du coût de la scolarité de chaque étudiant ; je ne le ferai pas cette année en raison de l'impératif de maîtrise des finances publiques, mais je continuerai à travailler sur ce sujet, qui suscite des interrogations.

Je souhaite enfin rappeler que mon parcours me pousse à défendre avec la même force l'université publique que l'enseignement supérieur privé de qualité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2025.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 23 octobre 2024

France Universités : MM. Guillaume GELLÉ, président, Kevin NEUVILLE, conseiller relations institutionnelles et parlementaires du président de France Universités, et Antoine GUERY, chargé des relations parlementaires et institutionnelles.

Mercredi 30 octobre 2024

- M. Laurent BATSCH, auteur du rapport « L'enseignement supérieur privé en France ».

- Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI) : Mme Dominique BAILLARGEAT, vice-présidente, et MM. Emmanuel PERRIN, co-président de la commission Ressources et accompagnement des personnels, et Pascal VAIRAC, co-président de la commission Ressources et accompagnement des personnels.

Jeudi 31 octobre 2024

- Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) : M. Joël CUNY, président, Mme Sophie SAVIN, déléguée générale.

- Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (Inspé) : M. Alain FRUGIÈRE, président du Réseau des Inspé et directeur de l'Inspé de Paris.

Mardi 5 novembre 2024

Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif (Fésic) : M. Philippe CHOQUET, président, et Mme Delphine BLANC-LE QUILLIEC, déléguée générale.

Mercredi 6 novembre 2024

Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) : MM. Olivier GINEZ, directeur général, et Géraud DE MARCILLAC, chef du service de la stratégie de contractualisation, du financement et de l'immobilier.

Mardi 12 novembre 2024

Conférence des grandes écoles (CGE) : MM. Laurent CHAMPANEY, président, et Hughes BRUNET, délégué général.

Jeudi 14 novembre 2024

Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) : Mme Bénédicte DURAND, présidente.

ANNEXE

Audition de M. Patrick Hetzel,
ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

MERCREDI 6 NOVEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour votre première audition devant notre commission dans vos nouvelles fonctions de ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous féliciter pour cette nomination et à vous souhaiter une belle réussite dans l'exercice de vos fonctions.

Vous trouverez, au sein de cette commission, des interlocuteurs attentifs, exigeants et passionnés, au premier rang desquels notre rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur, Stéphane Piednoir, fin connaisseur de ce secteur depuis plusieurs années, et notre rapporteure pour avis des crédits de la recherche, Alexandra Borchio Fontimp. D'autres collègues sont aussi très impliqués dans les questions relatives à l'enseignement supérieur et de la recherche : je pense en particulier à Laure Darcos, qui exerçait les fonctions de rapporteure il y a quelque temps.

Votre première intervention devant nous coïncidant avec la traditionnelle audition budgétaire de l'automne, nous sommes désireux de vous entendre à la fois sur votre feuille de route ministérielle et sur le projet de loi de finances pour 2025, même si nous savons que vous avez récupéré ce dernier dans un délai particulièrement restreint.

Ce budget est marqué, pour la quatrième année consécutive, par la mise en oeuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR) du 24 décembre 2020, qui concerne aussi bien le champ de la recherche que celui de l'enseignement supérieur, et qui a enclenché un réinvestissement public attendu.

Je rappelle que le Sénat, sous l'impulsion de notre commission et de notre rapporteure Laure Darcos, avait vigoureusement défendu, au nom de la sincérité budgétaire, une durée de programmation réduite, compte tenu des aléas conjoncturels pouvant survenir en dix ans. Force est de constater que les faits lui donnent malheureusement raison. Le contexte budgétaire actuel ne permettra pas, en effet, d'honorer entièrement la cinquième marche de la LPR. Il semble ainsi que seules les mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières auxquelles l'État s'est engagé en 2020, aussi bien pour les personnels de l'enseignement supérieur que pour ceux de la recherche, soient budgétées à ce jour.

Vous nous direz précisément, monsieur le ministre, quelles mesures de la loi vous avez décidé de préserver et quelles sont celles pour lesquelles vous avez dû revoir les ambitions à la baisse.

Pour ce qui concerne le reste des crédits de l'enseignement supérieur, j'observe que les projections budgétaires sont bâties sur une hypothèse de baisse de la démographie étudiante, qui n'est pas partagée par tous les professionnels du secteur. Ce point appelle donc quelques précisions.

L'année 2024 a par ailleurs été marquée par la mise en oeuvre de la loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, issue d'une initiative sénatoriale de notre collègue Pierre-Antoine Levi. Peut-être pourrez-vous nous dresser un bilan de sa première année d'application, qui a, me semble-t-il, été largement saluée aussi bien par les étudiants que par les établissements.

Enfin, notre commission a récemment travaillé sur l'inquiétante progression des manifestations d'antisémitisme au sein des établissements. Suivant nos rapporteurs Bernard Fialaire et Pierre-Antoine Levi, nous avons fait plusieurs recommandations ciblées visant à endiguer le problème. La plupart relèvent du niveau réglementaire ou des bonnes pratiques des établissements. Sans doute pourrez-vous nous dire quelques mots, monsieur le ministre, des mesures prises en ce domaine à l'occasion de la rentrée universitaire.

Au-delà des enjeux budgétaires, le secteur de la recherche est confronté aux défis de la gouvernance et de la simplification, deux chantiers lancés par votre prédécesseure.

Les premières agences de programmes, pilotées par les grands organismes nationaux de recherche (ONR), se sont déployées tout au long de cette année et ont fait remonter à votre ministère leurs projets de programmes de recherche. L'expérimentation de mesures de simplification de la gestion de la recherche est quant à elle en cours dans 17 universités pilotes. Sur ces deux grands dossiers, quelles sont vos intentions ? Souhaitez-vous en particulier aller plus loin dans la clarification des rôles entre ONR et universités ?

Monsieur le ministre, je vous laisse à présent la parole, non sans avoir préalablement rappelé que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

Je salue par ailleurs Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances, qui est présent parmi nous cet après-midi.

M. Patrick Hetzel, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Merci de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous. Je suis très heureux de pouvoir échanger avec vous et répondre à vos questions.

Pour commencer, je souhaite vous présenter les priorités qui guideront mon action. Il s'agira tout d'abord d'adapter l'offre de formation supérieure pour mieux garantir les débouchés vers le monde professionnel. Près de 3 millions de jeunes gens sont inscrits dans l'enseignement supérieur. L'offre de formation doit proposer un parcours favorisant l'insertion, en intégrant les transitions écologique, numérique, sociétale et industrielle. Cela suppose d'informer de manière plus efficace et transparente les étudiants et les lycéens, de déployer une démarche de pilotage de l'offre de formation et d'inciter les établissements à transformer leur offre lorsque cela est nécessaire pour en garantir l'inscription territoriale.

Il s'agira ensuite d'enclencher une nouvelle phase d'autonomie des universités, en contrepartie d'un effort de simplification, de transparence et d'évaluation. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, a déjà dix-sept ans. Elle a produit plusieurs évolutions dans l'enseignement supérieur, que, je pense, personne ne souhaite remettre en cause. Nous pouvons d'ores et déjà lancer une réflexion sur cette nouvelle phase d'autonomie. Je souhaite associer les sénatrices et les sénateurs à ce travail. Les modalités d'inclusion de vos contributions vous seront prochainement précisées.

L'offre de formation est abondante. Pas moins de 130 000 places restent ainsi disponibles sur la plateforme Parcoursup. La question de savoir si ces formations répondent aux aspirations des jeunes et aux besoins des milieux économiques ne doit pas être un sujet tabou.

Nous souhaitons enfin renforcer l'investissement national dans la recherche, public comme privé, pour préserver la compétitivité de la France. La France et ses entreprises doivent investir dans la recherche. À cet effet, je proposerai un pacte pour la recherche. Toutes les découvertes scientifiques produites par la recherche académique française nourrissent un flot régulier de transferts de connaissances vers le monde socio-économique et sont à l'origine d'innovations majeures dans les domaines de la physique quantique, de l'hydrogène, des énergies vertes ou des biothérapies. Tout cela contribue à la richesse et au dynamisme de la France. Comme cela se fait dans la plupart des autres pays, nous devons considérer que l'enseignement supérieur et la recherche peuvent apporter leur part dans la création de richesses comme dans la croissance du pays.

Le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche a effectivement été finalisé dans un contexte très particulier, compte tenu du peu de temps disponible, et financièrement contraint. Il préserve néanmoins le financement de nos priorités, et s'inscrit pleinement dans la feuille de route du Premier ministre pour ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025, puis sous le seuil de 3 % à l'horizon 2029.

Ce budget s'élèvera en 2025 à 26,8 milliards d'euros, répartis entre les trois programmes de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) : le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », à hauteur de 15,3 milliards d'euros ; le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », à hauteur de 8,3 milliards d'euros ; et le programme 231 « Vie étudiante », à hauteur de 3,2 milliards d'euros. Ce budget progresse par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, à hauteur de 89 millions d'euros. Au total, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche aura augmenté de 4,3 milliards d'euros sur la période 2017-2025, et de 2,7 milliards d'euros depuis le démarrage de la LPR en 2021. Cela traduit l'engagement important consenti par la Nation pour cette politique publique en général et ce ministère en particulier.

En 2025, ce budget se consacre à quatre priorités : renforcer l'attractivité des carrières scientifiques et l'investissement dans la recherche ; améliorer la réussite des étudiants à travers une politique sociale s'exprimant par l'amélioration de l'offre de logement, une restauration à tarif modéré et les bourses sur critères sociaux ; accroître la performance des établissements d'enseignement supérieur à travers les contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) ; poursuivre la transformation du parc immobilier des établissements. Le budget fléché sur ce dernier point est de 1,2 milliard d'euros.

Le premier axe a été sanctuarisé dans le budget 2025. Votre propos liminaire, monsieur le président, y faisait référence. Le projet de loi de finances (PLF), tel que présenté au Parlement par le Gouvernement, ouvre ainsi 91 millions d'euros supplémentaires sur le programme 150 et 67 millions d'euros sur le programme 172. Ces moyens préserveront la mise en oeuvre du protocole d'accord relatif à l'amélioration des carrières et des rémunérations d'octobre 2020. Il était important de tenir ces engagements pris par l'État il y a quatre ans.

Le budget de l'Agence nationale de la recherche (ANR) est maintenu en 2025, pour que celle-ci puisse continuer à financer des projets de recherche sur des domaines stratégiques en lien avec les grands défis contemporains, tout en assurant la revalorisation de l'abondement financier revenant aux établissements pour soutenir les laboratoires et unités de recherche.

Je rappelle par ailleurs les moyens importants investis dans la recherche via des financements extrabudgétaires, par exemple France 2030. Pas moins de 13 milliards d'euros, sur les 54 milliards d'euros de ce plan, sont en effet investis au bénéfice des acteurs de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation de 2020 à 2027. De nouvelles actions sont d'ailleurs en cours de lancement, pour un montant de 650 millions d'euros, autour d'un programme « recherche à risque ».

Il s'agit aussi de travailler à l'amélioration des conditions de vie des étudiants. Le PLF renforce le soutien financier au réseau des oeuvres universitaires, bras armé de cette politique, moyennant une progression de la subvention de 30 millions d'euros. Par cet effort, nous pourrons faire face à la hausse de la fréquentation des restaurants universitaires. Près de 2 613 places supplémentaires seront créées d'ici à l'année prochaine.

Le PLF maintient également la subvention en faveur du logement du réseau des oeuvres universitaires. Depuis 2018, cette dynamique a entraîné la création de 13 000 logements sociaux étudiants, dont 12 000 gérés directement par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous). Je travaille avec ma collègue Valérie Létard, ministre déléguée chargée du logement, pour trouver des solutions dans la politique gouvernementale consacrée à ce volet.

Le PLF réaffirme par ailleurs notre engagement en faveur des étudiants les plus fragiles, en maintenant le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et ceux qui sont en situation difficile. Entre 2022 et 2024, le nombre de repas servis à tarif social a augmenté de 17 %. Ce sont 42,5 millions de repas qui ont été servis sur la période 2023-2024, d'où une enveloppe supplémentaire de 13 millions d'euros prévue pour 2025 pour le dispositif introduit par la loi Levi. Cette initiative assure à des milliers d'étudiants l'accès à des repas équilibrés à un tarif avantageux, participant ainsi à leur réussite académique. Je salue cette contribution significative, qui répond à un angle mort et engage une véritable politique publique autour de ces questions.

Nous poursuivons également le déploiement des dispositifs en faveur de l'égalité des chances. Cet élément doit nous réunir, car il relève des valeurs de la République. Le budget 2025 maintient ainsi une politique de bourses sur critères sociaux donnant aux étudiants les plus défavorisés un accès à l'enseignement supérieur dans des conditions facilitées. Le ministère continuera à financer des dispositifs qui contribuent à la réussite et à l'insertion des étudiants : cordées de la réussite, prêts étudiants garantis par l'État, diplômes d'université dits « passerelles », etc.

Les efforts pour une université plus inclusive sont aussi poursuivis, notamment en matière de handicap, pour les étudiants comme pour les personnels. Il ne faut aucune discrimination.

Le troisième axe consiste à renforcer la performance de nos établissements d'enseignement supérieur. En 2025, la troisième vague des contrats d'objectifs, de moyens et de performance de 55 établissements commencera. Le ministère pérennisera une enveloppe de 35 millions d'euros dans le budget 2025. Ces contrats offriront aux établissements concernés davantage de latitude pour innover et répondre aux grands défis de demain. Cette troisième vague sera aussi l'occasion de mettre en avant la démarche de simplification rappelée par le Premier ministre il y a quelques semaines.

Enfin, il s'agit d'accompagner les établissements dans leurs projets immobiliers de rénovation ou de transformation. Un accent particulier sera mis sur la rénovation énergétique du parc universitaire et du réseau des oeuvres universitaires.

Ce PLF répond donc à une double exigence : préparer l'avenir tout en contribuant à la maîtrise des finances publiques. Certains points pourront faire l'objet d'ajustements lors des débats, mais nos politiques publiques sont d'ores et déjà sécurisées. Même si la marche essentielle de la LPR pour 2025 ne sera pas totalement atteinte, ses orientations sont maintenues.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - La situation de nos universités, dont les deux tiers présenteront un budget en déficit cette année - tendance déjà amorcée l'année dernière - est inquiétante. Plusieurs d'entre elles atteignent peut-être un point de non-retour. En outre, je suis frappé par une succession de non-compensations de plusieurs mesures : revalorisation du point d'indice, mesures Guerini...

Je suis très attaché aux conditions de vie étudiante, car elles contribuent à l'attractivité de nos établissements publics ainsi qu'à la réussite de nos étudiants. Or on peut craindre un report des rénovations du parc immobilier.

Rachida Dati nous a annoncé un chèque de 300 millions d'euros lors de son audition hier. Avez-vous une annonce du même ordre à faire pour l'enseignement supérieur ?

Par ailleurs, certains réclament régulièrement une mise à plat des critères de dotation des universités.

Les établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (Eespig), qui assurent une mission de service public, subissent quant à eux de fortes contraintes liées à leur statut. Or les dotations ne sont pas à la hauteur de celles-ci : à moins de 5 %, en moyenne, de leur budget, nous sommes très loin du financement à 1 000 ou 1 200 euros par étudiant pratiqué dans les années 2007-2012. Quelle est votre position sur cette lente érosion de la dotation pour charge de service public des Eespig ?

Pouvez-vous également nous dire un mot des jurys rectoraux ?

Je soulignerai, dans mon rapport, la nécessité de réguler la qualité de l'enseignement supérieur privé à but lucratif, qui n'est pas à la hauteur de nos standards - de nombreux établissements attirent les étudiants par des stratégies marketing trompeuses et détournent les fonds publics consacrés à l'apprentissage. Quelles pistes envisagez-vous pour le faire ?

Enfin, le gel du barème des bourses sur critères sociaux conduirait à faire sortir plusieurs étudiants de ces aides. Quel sera l'arbitrage de Bercy sur ce point ? Envisagez-vous de reprendre la réforme des bourses d'enseignement supérieur entamée par votre prédécesseure ?

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis des crédits de la recherche. - Monsieur le ministre, ayant pris la suite de Laurence Garnier comme rapporteure pour avis de notre commission sur les crédits de la recherche, il me revient l'honneur de vous poser les premières questions sur vos priorités pour ce secteur en 2025.

L'une d'elles me paraît fondamentale : l'amélioration des rémunérations et des carrières des professionnels de la recherche. Il n'y a en effet pas de recherche sans chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens, ni personnels administratifs. Or nous n'ignorons pas le déficit d'attractivité dont souffrent ces métiers. Je souscris donc totalement au choix que vous avez fait de préserver la mise en oeuvre du protocole « ressources humaines (RH) » du 12 octobre 2020. La masse salariale de nos opérateurs publics de recherche ne peut servir de variable d'ajustement budgétaire.

Parce que le contexte budgétaire actuel oblige néanmoins à procéder à des arbitrages, vous avez décidé de geler la montée en charge du dispositif des chaires de professeur junior (CPJ). Cette nouvelle voie de recrutement des jeunes chercheurs, qui avait fait couler beaucoup d'encre au moment de l'examen de la LPR, a fini par se faire accepter. Pourriez-vous nous rassurer quant à l'avenir de ce dispositif, que plusieurs opérateurs de recherche m'ont dit vouloir préserver ?

Lors de la présentation de votre feuille de route aux recteurs début octobre, vous avez exprimé votre souhait d'aller vers « un pacte pour la recherche » avec les acteurs socio-économiques. Je me réjouis que vous fassiez de la relation public-privé un axe majeur de votre politique. Comment augmenter la contribution du secteur privé au financement de la recherche ? Comment, dans nos territoires, renforcer les liens entre les acteurs de la recherche et le tissu économique local et créer des synergies entre le monde académique et celui de l'entreprise, notamment en matière de formation ? C'est un travail passionnant et nécessaire qu'il nous faut mener, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Pourriez-vous nous préciser vos objectifs, votre méthode et votre calendrier ?

Cette problématique public-privé m'amène à vous interroger sur les sociétés d'accélération du transfert de technologies (Satt), qui sont des acteurs essentiels pour la valorisation économique et industrielle des travaux de la recherche publique. Il semblerait que le PLF 2025 réduise leur budget, alors que près de 80 millions d'euros étaient initialement prévus. Pourriez-vous nous rassurer à ce sujet ?

Enfin, le président de l'université Côte d'Azur m'a alertée il y a quelques semaines sur le traitement différencié, préjudiciable aux conditions d'études des étudiants, dont son établissement, pourtant reconnu comme un pôle d'excellence, faisait l'objet en matière de dotation par rapport aux autres universités françaises. Les craintes restent fortes à cet égard. Quels moyens envisagez-vous de mettre en oeuvre pour soutenir cette université ? Une majoration de sa dotation serait-elle envisageable, et ce dès cette année ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial sur les crédits de la recherche. - Le budget a été présenté et adopté ce matin en commission des finances. La trajectoire de la LPR sera réalisée à 98 % cette année, ce dont nous nous félicitons. Bravo pour cette réussite, monsieur le ministre !

On annonce un maintien des crédits pour presque tous nos opérateurs, mais des doutes subsistent sur le Centre national d'études spatiales (Cnes). Pourriez-vous clarifier sa situation ?

La LPR est une belle réussite. Laure Darcos, Stéphane Piednoir et moi-même avions participé à la fameuse commission mixte paritaire (CMP) qui a permis de sortir le projet de loi de l'ornière. Au fil de nos rapports, nous plaidions pour une dotation à 1 milliard d'euros de crédits pour l'ANR. Cette somme a été atteinte et même dépassée, et l'ANR affiche un taux de succès de 25 %. On comptabilise 600 millions d'euros de crédits supplémentaires entre 2020 et 2024, soit une augmentation budgétaire de 82 %.

Par ailleurs, en tant que président de la commission des affaires européennes, j'ai des échanges réguliers avec le secrétaire général des affaires européennes (SGAE). La France devrait avoir un taux de retour important sur les crédits européens : près de 2 milliards d'euros, tous ministères confondus, dont 550 millions d'euros pour la recherche. Notre taux de retour pour la recherche est le deuxième en Europe, après celui de l'Allemagne : il est à 11,8 %, alors que notre contribution européenne est à 17 %. Pourquoi ne pas chercher là des crédits supplémentaires ? C'est l'objet de l'amendement que j'ai déposé ce matin. Nous verrons quel sera son chemin.

Nos chercheurs français ont été choyés durant ces quatre dernières années. Il y a lieu de s'en réjouir, mais nous avons une marge de manoeuvre à chercher auprès de l'Union européenne. Monsieur le ministre, j'ai transmis un courrier à vos services sur ce sujet : si nous ne le faisons pas, les Allemands le feront à notre place.

Par ailleurs, nous sommes un peu hors la loi. Dans la LPR, nous avions fait inscrire une clause de revoyure, qui n'a pas été activée. Ce n'est pas faute de l'avoir demandée à votre prédécesseure ! Certes, le renouvellement de l'Assemblée nationale a pris du temps, mais nous n'avons plus d'excuse à présent. Il est plus que temps d'engager cette clause de revoyure, véritable tournant pour la France et pour la recherche selon les conclusions du rapport Draghi.

M. Patrick Hetzel, ministre. - Le budget des établissements est évidemment une question importante. L'information qui circule est que deux tiers des établissements sont en déficit. Je reste très prudent sur ce point. Nous attendons, pour début décembre au plus tard, les conclusions d'un rapport confié aux inspections générales sur le modèle économique des universités. Nous pourrons alors objectiver le niveau de ressources des établissements et leur capacité à mobiliser des ressources propres.

L'observation de la structuration des finances des établissements fait apparaître, à cet égard, des réalités très contrastées. Pour prendre un exemple un peu atypique, les finances de l'université Paris-Dauphine - Paris Sciences & Lettres (PSL) se composent à 50 % de la dotation de l'État et à 50 % de ressources propres. A contrario, plusieurs établissements ont moins de 10 % de ressources propres. La question se pose donc de savoir comment engager une dynamique collective autour de l'enjeu des ressources propres. Il ne s'agit pas de se dédouaner ni de faire en sorte que l'État n'assume pas ses missions, mais d'exploiter le champ des possibles dans ce domaine. Certains financements publics relatifs à l'apprentissage peuvent d'ailleurs parfois compter parmi les ressources propres.

La mise en oeuvre de la LPR a conduit à une hausse des taux de satisfaction associés aux appels à projets : 25 %, contre 10 % au sein de l'ANR. Mais, en raison de ces financements nationaux, nos établissements ont moins sollicité la ressource européenne que nos voisins européens, allemands, italiens et espagnols. On constate donc des marges de progression aussi de ce côté.

Pour ce qui concerne la nouvelle phase d'autonomie des établissements, nous avons un débat avec Bercy. Selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la trésorerie disponible - non fléchée, donc - des établissements d'enseignement supérieur excédant 1 milliard d'euros, il n'est pas nécessaire d'augmenter les dotations. Un travail assez fin est en réalité nécessaire, car il existe des situations très contrastées. Nous étudierons ce point de près. Il ne faut pas superposer un déficit temporaire et une situation de difficulté budgétaire structurelle.

Le financement des Eespig est un sujet important. Plusieurs parlementaires ont soutenu ce dispositif lors de l'examen de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso, notamment pour défendre l'idée d'intérêt général. La dotation par étudiant, de 1 200 euros jusqu'en 2012, a baissé à 600 euros entre 2012 et 2017, alors que le nombre d'étudiants a augmenté. Or nous nous retrouvons avec un financement stable de 95 millions d'euros, et une dotation maintenue à 600 euros malgré une nouvelle augmentation du nombre d'étudiants. Idéalement, il faudrait pouvoir augmenter ces montants, ces établissements concourant, comme leur intitulé l'indique, à l'intérêt général.

J'ai été informé de la situation des jurys rectoraux dans les jours qui ont suivi ma nomination. Je regarderai ce point attentivement pour que la situation soit réglée avant l'ouverture de Parcoursup, au minimum pour les Eespig, qui font l'objet d'un contrôle par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres).

Par ailleurs, il faudra effectivement travailler sur la régulation des établissements privés à but lucratif. L'attribution d'un label résout 80 % du problème, mais des questions juridiques restent à régler, une partie d'entre eux n'ayant pas le niveau qualitatif suffisant, ce qui inquiète de nombreuses familles. J'espère que nous arriverons à trouver des points de convergence sur ce sujet.

Pour ce qui est des bourses sur critères sociaux, nous maintenons le cap, pour aider les étudiants. Le système actuel reste lisible, mais il est injuste, en raison des effets de seuil, et complexe dans sa gestion, pour les services comme pour les bénéficiaires. Nous veillerons, comme le prévoyait la réforme envisagée par ma prédécesseure, à ce qu'une plus grande équité soit respectée. Il faudra voir ce qu'il sera possible de faire dans l'équation budgétaire. Plusieurs arbitrages ont été proposés, dont une augmentation de la ligne des bourses étudiantes.

Madame Borchio Fontimp, le développement de l'attractivité est évidemment un enjeu essentiel. Toutefois, je vous invite à regarder les campagnes de recrutement du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Vous noterez avec intérêt qu'un tiers des recrutés ne sont pas de nationalité française, signe que notre système dispose encore d'une attractivité pour les chercheurs étrangers souhaitant travailler en France. Les engagements du protocole RH d'octobre 2020 apportent, à cet égard, une consolidation bienvenue.

Concernant le pacte pour la recherche, le raisonnement est très simple : bien qu'un peu plus de 8 milliards d'euros soient consacrés à la recherche dans le programme 172, nous avons un vrai problème de niveau global d'investissement. Un autre levier existe également en France, source potentielle de débats et de divergences de points de vue : la consolidation du crédit d'impôt recherche (CIR), qui représente plus de 7 milliards d'euros. L'idée serait de voir comment le secteur public, qui bénéficie fortement de ce crédit d'impôt, pourrait contribuer à rehausser l'investissement consacré à la recherche, au-delà de 2,2 % du PIB. Des concertations s'engageront à ce sujet au premier semestre 2025. La chambre haute y sera impliquée.

L'année 2025 est une année charnière pour les Satt, qui passeront d'un mode de financement assuré par France 2030 à un mode de financement budgétaire intégrant le programme 172. Près de 45 millions d'euros ont été fléchés pour les Satt dans le PLF 2025 pour assurer une continuité par rapport à France 2030.

Je ne peux répondre précisément pour l'instant à la question relative à la situation de l'université Côte d'Azur, mais je m'engage à la regarder de près avec les services du ministère. D'autres parlementaires m'ont sollicité, car cette question se pose pour de nombreux établissements. De manière générale, la question de l'évolution du modèle d'allocation de moyens se pose. Le Sénat avait effectué des travaux en ce sens ; il faut qu'ils soient opérationnalisés par l'exécutif. Je reviendrai devant vous à ce sujet dans le courant de l'année.

La question de la LPR est évidemment centrale. C'est tout de même une belle réussite, comme vous l'indiquiez, monsieur Rapin. On ne peut que s'en réjouir. La consolidation des budgets de l'ANR et le taux de réussite de 25 % pour les appels à projets sont à saluer. Les chercheurs indiquent que ce taux constitue une épure comparable à celle que l'on trouve dans les pays voisins.

Le cas du Cnes fait débat au sein du Gouvernement. Je ne suis pas le seul ministre décisionnaire sur les questions spatiales, car celles-ci relèvent également du ministère des armées et des anciens combattants et du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous sommes cependant d'accord pour dire qu'il ne faut pas pénaliser notre politique spatiale, en raison des enjeux de souveraineté associés.

Enfin, je vous remercie, monsieur Rapin, d'avoir mis l'accent sur les questions européennes. J'espère que votre propos sera diffusé largement.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Il faudra voter mon amendement...

M. Patrick Hetzel, ministre. - Vous avez par ailleurs insisté sur un point clé, la clause de revoyure. Celle-ci doit évidemment être activée, dans le cadre d'un échange avec le Parlement.

M. Max Brisson. - Vous avez adressé aux chefs d'établissement d'enseignement supérieur une note importante avant le 7 octobre. Au nom des sénatrices et des sénateurs du groupe Les Républicains, je vous signale tout notre soutien à votre position. Contrairement à ce que j'ai pu lire, ce n'est pas vous qui menacez les libertés académiques : ce sont ceux qui, par intimidation, veulent imposer leur dogme aux dépens de ces libertés. Nous serons à vos côtés pour les protéger.

La part cible de la dépense intérieure en recherche et développement s'élève à 2,5 % du PIB, contre plus de 3 % en Allemagne et 3,5 % en Suède. Il y a là un vrai risque de décrochage, sur lequel nous aimerions vous entendre.

La France compte 20 000 brevets, contre 25 000 pour l'Allemagne. Pourriez-vous vous exprimer sur cet écart ?

Je voudrais également évoquer avec vous la formation des professeurs du second degré, qui dépend aussi de votre ministère. Cette formation s'effectue sous le sceau universitaire dans le cadre d'instituts liés aux universités. Quelle est la position du Gouvernement sur le niveau universitaire des concours, les modalités de pré-recrutement des professeurs via des licences dédiées et l'équilibre entre formation académique et formation pratique ?

Annick Billon et moi-même avons rédigé un rapport, publié en juin dernier et passé relativement inaperçu compte tenu des péripéties de l'été, qui contient des recommandations susceptibles de compléter vos réflexions et celles d'Anne Genetet, notamment sur le lien entre le pré-recrutement, la formation initiale et la formation continue. Pourriez-vous nous donner des précisions sur le calendrier de mise en oeuvre de la réforme, nécessaire pour revaloriser le métier de professeur ?

M. Yan Chantrel. - Votre premier acte de ministre a été de vous rendre à l'assemblée générale d'un syndicat minoritaire d'extrême droite, événement qui a suscité un certain émoi chez les enseignants et les étudiants. Je rappelle que vous êtes issu d'un gouvernement élu grâce au front républicain. Ce n'est pas en lui déroulant le tapis rouge qu'on lutte contre l'extrême droite !

Le coût de la vie étudiante a augmenté de 28 % depuis 2017, et la précarité étudiante s'aggrave. Ainsi, 40 % de jeunes ne vivant plus avec leurs parents sont en dessous du seuil de pauvreté. D'après le baromètre de l'Institut français d'opinion publique (Ifop), 36 % des étudiants ont déjà régulièrement sauté un repas par manque d'argent, un étudiant sur cinq a déjà eu recours à l'aide alimentaire, 39 % ont déjà été à découvert, 30 % ne parviennent pas à payer à l'heure les charges liées à leur logement, et 63 % ont déjà renoncé à le chauffer. Il est urgent de répondre à cette précarité, via les aides directes à la vie étudiante.

Les effets de la première étape de la réforme des bourses sur critères sociaux sont-ils connus et chiffrés ? On nous avait annoncé 35 000 étudiants boursiers supplémentaires et 140 000 étudiants passant à l'échelon supérieur. Où en est-on en réalité ?

Par ailleurs, le budget du programme 231 est en baisse de 77 millions d'euros. Les aides directes sont les principales victimes des coupes budgétaires prévues. Nous pouvons donc nous inquiéter de la deuxième étape de la réforme des bourses, prévue initialement en septembre 2024. Où en est-on ? La réforme paramétrique issue du rapport Jolion est-elle toujours d'actualité ?

Depuis trente ans, le nombre d'étudiants suivant un cursus dans l'enseignement supérieur privé a triplé. L'essor du privé est dû à la paupérisation de nos universités, qui n'ont pas eu les moyens d'accueillir un nombre croissant d'étudiants depuis 2010. Or l'attractivité du secteur privé à but lucratif repose souvent sur des abus et des pratiques commerciales trompeuses. Un récent rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en témoigne, tout comme celui de la médiatrice de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, qui fait état de 653 saisines concernant le privé à but lucratif, soit une hausse de 40 %.

Devant le grand flou entourant ces formations, votre prédécesseure avait annoncé la mise en place d'un label visant à réguler la formation supérieure privée à but lucratif. Reprendrez-vous ce projet, laissé en suspens à cause de la dissolution ? N'est-il pas temps d'exiger que soient rendues publiques les données concernant les performances de ces établissements en matière d'insertion professionnelle, dont ils font souvent un argument de vente sans aucune preuve ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Je salue la mise en oeuvre de la loi du 13 avril 2023 sur l'accès à une offre de restauration à tarif modéré pour tous les étudiants. Le PLF 2025 traduit une réelle ambition en la matière, en portant l'enveloppe globale à 38 millions d'euros. La contractualisation avec des partenaires pour offrir des repas équilibrés à un tarif social sera ainsi renforcée, et une aide financière individuelle pourra être proposée aux étudiants ne pouvant accéder directement à cette offre, notamment ceux qui sont situés en zone blanche. Je vous en remercie.

Le passage de 8 à 12 séances gratuites au sein du dispositif Santé psy étudiant intervient dans un contexte alarmant. Une étude récente de l'université de Bordeaux révèle que 41 % des étudiants présentaient des symptômes dépressifs en 2023, contre 26 % avant la crise sanitaire. La proportion de jeunes de 18 à 24 ans ayant des idées suicidaires est passée de 21 % à 29 % sur la même période. Le Premier ministre a d'ailleurs souhaité faire de la santé mentale la grande cause nationale pour 2025, soulignant l'urgence d'agir.

L'augmentation du nombre de séances s'appuie-t-elle sur une évaluation précise du dispositif ? Les services de santé étudiante ont-ils fait remonter des besoins spécifiques justifiant ce renforcement ? Disposons-nous des moyens humains nécessaires pour l'absorber ? Plus de 70 000 étudiants ont déjà bénéficié du dispositif. Un chef de service psychiatrique parisien a dit qu'il fallait mobiliser beaucoup de moyens pour éviter une génération sacrifiée.

Quelles mesures complémentaires sont envisagées pour répondre aux causes profondes de cette détresse, notamment les difficultés économiques et l'anxiété face à l'avenir, citées par les étudiants comme facteurs majeurs de leur mal-être ?

M. Pierre Ouzoulias. - Dans une Europe déclassée, où le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur diminue, comme le montre le rapport Draghi, la France est elle-même en déclassement. Or il nous faut des ingénieurs pour réindustrialiser le pays. Le Royaume-Uni, dont la situation budgétaire est comparable à la nôtre, vient de voter un budget de 24 milliards d'euros pour la seule recherche en 2025. Un investissement massif dans la recherche lui semble la seule voie à suivre. La France est en perte de vitesse par rapport à ses concurrents britanniques et allemands. Stabiliser le budget ne suffira pas pour combler ce retard.

J'ai compris qu'il serait difficile d'ouvrir plus de carrières dans le budget 2025. Cependant, vous pouvez, monsieur le ministre, trouver des solutions pour accroître le temps consacré à la recherche par les chercheurs. Ces derniers meurent des contraintes bureaucratiques ! Les universités qui réussissent à obtenir des crédits européens ont mis en place des structures administratives. De fait, on ne peut demander aux chercheurs de monter des dossiers de demande de subventions européennes, car il s'agit de démarches très lourdes.

Le chapitre de la simplification des évaluations est également fondamental. Les chercheurs sont surévalués, et passent un temps considérable à évaluer leurs collègues. Or une partie des dossiers d'évaluation est rédigée et parfois même évaluée par l'intelligence artificielle ! Il faut rationaliser tout cela. En outre, nombre d'activités de la recherche sont évaluées plusieurs fois : par l'ANR, le CNRS, etc. Les chercheurs n'en peuvent plus. Pour paraphraser Georges Pompidou, je dirais qu'il faut arrêter d'embêter les chercheurs.

Pour ce qui concerne la science ouverte et la politique des publications « diamant », le coût des abonnements pour la recherche française a augmenté de 48 % entre 2018 et 2020, soit un montant de 120 millions d'euros destiné à des revues détenues par quatre grands groupes européens. On observe également une explosion des données de publication. Or un tiers des articles publiés ne seront probablement jamais lus. Il faut mettre un terme à cet emballement, et passer d'une évaluation quantitative à une évaluation qualitative.

Mme Laure Darcos. - Je m'inquiète de voir que la réalisation de la LPR continue à prendre du retard.

Monsieur le ministre, je vous remercie de ce que vous avez dit sur le pacte pour la recherche et la continuité du financement des Satt. En revanche, il serait préférable d'orienter le CIR vers les entreprises les plus fragiles. En effet, nombre de grandes entreprises privées qui en bénéficient investissent à l'étranger.

Quelle est votre vision concernant les agences de moyens, qui, selon le Président de la République, se substitueraient aux organismes ? Ce changement adviendra-t-il vraiment et, le cas échéant, selon quel calendrier ?

Pierre Ouzoulias et moi avons rédigé un rapport sur la science ouverte et la lutte contre la désinformation scientifique. Face à la masse de fausses informations diffusées par des revues prédatrices, quelle action budgétaire le Gouvernement pourrait-il engager pour protéger notre recherche et garantir aux citoyens une information scientifique fiable ? Comment compte-t-il collaborer avec les éditeurs de confiance pour renforcer la crédibilité de notre production scientifique à l'ère de l'intelligence artificielle et du risque de désinformation associé ?

M. Bernard Fialaire. - Le doyen de l'une des facultés de médecine de Lyon a observé que l'interdiction de redoubler la première année de médecine excluait de la réussite toute une partie d'étudiants issus d'une population privée d'un environnement favorable. Il faut analyser ce point. On ne peut continuer à entretenir une telle injustice sociale.

Je ne parle même pas des officines d'accompagnement destinées aux étudiants en médecine, dont le chiffre d'affaires a été estimé à 2 millions d'euros à Lyon, soit une forme de privatisation de l'enseignement public pour pouvoir réussir. Des fonds d'investissement veulent même s'impliquer dans ces formations !

La contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) demeure mal connue des étudiants, en raison de nombreux freins sociaux et culturels, alors qu'elle est faite pour améliorer leur bien-être. Les informations à ce sujet sont insuffisantes. Il faudrait y remédier.

Enfin, la recherche représentait 2,2 % du PIB auparavant - nous visions même 3 %. Votre prédécesseure nous a dit que, si les fonds publics étaient presque à la hauteur des attentes, les fonds privés manquaient. Or les entreprises américaines, bien plus compétitives que les nôtres, consacrent deux fois plus de financements à la recherche et distribuent deux fois moins de dividendes à leurs actionnaires. Quelle société voulons-nous : une société tournée vers l'avenir, la recherche et la réussite, ou une société de rentiers déclinante ?

Mme Mathilde Ollivier. - Avec un budget en baisse de 553 millions d'euros par rapport à la LFI 2024, le respect de la trajectoire de la LPR est compromis, en contradiction avec la déclaration du Président de la République du 7 décembre 2023 sur la relance de la dynamique de financement de la recherche. Sylvie Retailleau avait parlé, en son temps, d'un budget irréaliste, voire dangereux. Qu'en pensez-vous ?

En outre, ce budget enterre l'ambition d'une réforme structurelle des aides sociales aux étudiants que la ministre avait annoncée à la rentrée 2023. Pour votre part, vous n'envisagez pas de revalorisation des montants des bourses ni des barèmes de calcul malgré l'inflation. Cela risque d'aggraver la crise sociale. Un étudiant sur deux affirme avoir déjà sauté un repas par manque d'argent, et cette proportion augmente à deux sur trois dans certains territoires ultramarins. Le système de bourses est insuffisant. L'échelon maximum ne dépasse pas 56 % du seuil de pauvreté, soit des montants trop faibles pour éradiquer la pauvreté étudiante, et seuls 37,7 % des étudiants sont couverts par le système.

Comment comptez-vous tenir l'objectif de création de 35 000 logements sociaux étudiants d'ici à 2027, annoncée fin 2023, sans aucun crédit supplémentaire ?

Enfin, lors de la visite de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport au Bénin et en Côte d'Ivoire, nous avons pu rencontrer les représentants de Campus France, qui nous ont signalé que des écoles privées opportunistes venaient souvent chercher des étudiants étrangers qui connaissent mal notre système universitaire et paient parfois des frais de scolarité avant même d'arriver en France, ce qui nuit à l'attractivité de notre système universitaire et à notre crédibilité à l'étranger.

M. David Ros. - Je tenais tout d'abord à vous féliciter pour votre nomination, monsieur le ministre. L'enseignement supérieur est un secteur que vous connaissez bien, tant professionnellement que politiquement. Je ne doute pas que, comme votre prédécesseure, vous saurez nous associer aux orientations qui seront décidées. L'enseignement supérieur et la jeunesse, qui représente l'avenir de notre pays, nécessitent une politique transpartisane.

Je me réjouis du budget de 26,8 milliards d'euros alloué à la Mires. Il est en légère augmentation par rapport à l'année précédente.

Toutefois, si l'on additionne le coût non compensé des mesures Guerini et celui de l'énergie, mais aussi le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » et l'inflation, ce sont 500 millions d'euros qui seront retirés au budget pour 2025. En outre, la LPR n'atteindra que le tiers des objectifs initialement fixés.

L'année dernière, votre prédécesseure demandait aux organismes de recherche et aux universités de fournir un effort. Cette année, c'est un effort collectif qui est exigé pour faire face à la situation financière. En conséquence, les organismes de recherche et les universités présenteront des budgets déficitaires.

C'est davantage un bras de fer qu'un débat qui s'engage avec Bercy, lequel fixe lui-même les règles sur les fonds de roulement. Un certain nombre de mesures en soutien d'opérations de recherche et d'entretien du patrimoine sont d'ailleurs gagées.

Ajoutons à cela les 30 000 étudiants supplémentaires qui seront inscrits cette année dans l'enseignement supérieur public.

Je partage votre vision sur les trois chantiers que vous avez évoqués, à savoir l'acte II de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur, le pacte pour la recherche, et l'attractivité de la recherche. Comme vous êtes un spécialiste des questions de gestion, pouvez-vous nous indiquer les moyens qui seront mis au service de cette ambition ?

Confirmez-vous les coups de rabot qui seront effectués en 2025 sur le budget, une fois qu'il sera voté ?

Par ailleurs, quelles mesures peuvent être mises en place pour rénover le patrimoine vieillissant ?

Derrière la question de l'attractivité se pose celle du recrutement. Les universités ayant des problèmes financiers, elles ont davantage recours aux vacataires. Quel regard portez-vous sur la possibilité d'y recourir à l'avenir ?

La valorisation des doctorats dans le secteur public et leur reconnaissance dans le secteur privé est un sujet tout aussi essentiel.

Vous avez parlé de la place de l'ANR dans le cadre du plan France 2030. Quelle est votre vision sur les axes prioritaires de recherche ?

On met dix ans à reconstruire ce qui a été construit en un an. Ainsi, ne conviendrait-il pas de renverser la table en ajoutant, en faveur de technologies de rupture qui assureront les recettes de demain, quelques milliards d'euros à la dette déjà constituée ? Ce message est une « douceur » pour les oreilles des fonctionnaires de Bercy...

M. Jean Hingray. - Je serai un peu plus sage que mon collègue Ros sur la question des dépenses...

Je vous félicite, monsieur le ministre, pour ce budget sérieux, d'autant qu'il conserve un certain équilibre.

Vous avez dénoncé la convergence entre le militantisme révolutionnaire de l'extrême gauche et l'islamisme à la suite d'un blocage de Sciences Po Paris. Vous avez également réclamé, cette année, la création d'une commission d'enquête relative à l'entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l'enseignement supérieur. Comptez-vous de nouveau solliciter sa mise en place, maintenant que vous êtes devenu ministre ?

Autant la présence d'un ministre de gauche à une réunion de l'Union nationale des étudiants de France (Unef) est considérée comme normale, autant celle d'un ministre de droite à une réunion de l'UNI suscite l'indignation, crée la polémique et rappelle les heures les plus sombres de notre histoire - j'espère que vous ne vous vexerez pas de cette boutade, monsieur le ministre ; elle est une manière de rappeler les outrances de Donald Trump, réélu hier président des États-Unis.

Sylvie Retailleau avait porté les budgets alloués à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles à plus de 3,5 millions d'euros. Comptez-vous les maintenir ?

Enfin, quelles actions comptez-vous prendre concernant Parcoursup ?

Mme Monique de Marco. - Dans une récente note, l'association Nos Services Publics estime que le nombre de vacataires représenterait deux tiers de l'effectif total d'enseignants à l'université.

En licence, certains cours magistraux seraient assurés par des vacataires, leur coût de recrutement étant cinq fois moins élevé que celui des titulaires. Le recours aux vacataires permet notamment aux universités de ne pas prendre en compte l'ancienneté.

Sur le terrain, beaucoup constatent que l'article de la LPR imposant la mensualisation de la rémunération des vacataires n'est pas respecté. Ils sont ainsi des milliers à patienter entre trois et six mois, voire un an pour être payés.

Avez-vous connaissance de ces dysfonctionnements majeurs dans l'exécution de la loi de finances ? L'État s'est-il donné les moyens et les instruments financiers pour aider les universités à respecter leurs obligations de mensualisation ?

Par ailleurs, je souhaite aborder la question de la contribution de vie étudiante et de campus. Le décret du 8 juillet 2024 a aligné le montant versé aux établissements d'enseignement supérieur, tant publics que privés, à hauteur de 46 euros. Précédemment, la répartition de la contribution s'opérait en faveur des établissements publics à hauteur de 41 euros, contre 20 euros pour les établissements privés. Comment justifiez-vous cette augmentation déguisée du financement de l'enseignement supérieur privé ?

M. Adel Ziane. - Les défis qui vous attendent sont énormes, monsieur le ministre : en 2024, 60 % des soixante-quinze universités françaises présentent un budget déficitaire, contre seulement quinze en 2022.

La situation budgétaire et structurelle des établissements se dégrade très rapidement. Les présidents d'université que j'ai rencontrés dans mon département de la Seine-Saint-Denis m'ont fait part de leurs inquiétudes quant à la soutenabilité de leur budget, vu l'explosion des coûts énergétiques, l'insuffisance des revalorisations salariales, la non-compensation des mesures Guerini et la pression exercée sur les fonds de roulement.

Ces derniers sont d'ailleurs, la plupart du temps, fléchés : on les encourage et on les épuise. Cette solution n'est pas durable, surtout que ces fonds sont essentiels pour des projets structurants tels que la rénovation énergétique ou l'amélioration des infrastructures pédagogiques.

La LPR est-elle bien soutenable à l'horizon 2030 à hauteur de 3 % du budget de l'État, dont 1 % est lié au service public ?

Je souhaite aussi vous interroger sur la préservation de la liberté académique. Le désengagement financier de l'État contraint souvent les universités à nouer des partenariats privés, parfois à des conditions inquiétantes. J'en donnerai un exemple très concret : l'École des mines de Nancy a conclu un contrat de mécénat avec TotalEnergies imposant une clause de non-dénigrement qui vient limiter la liberté académique des chercheurs. Dans certains cas, l'entreprise est impliquée dans le choix des doctorants et des intervenants. De telles pratiques mettent en péril l'indépendance de nos établissements. Êtes-vous favorable à une mesure rendant obligatoire la publicité de ces contrats ? Cela permettrait de garantir la liberté économique et le contrôle démocratique sur les orientations de l'enseignement supérieur.

Je vous sais gré d'avoir évoqué l'importance d'assurer le rayonnement de la France à l'international et de créer des passerelles entre les universités étrangères et nos établissements.

Sur mon initiative, plusieurs de mes collègues socialistes ont signé un courrier à l'intention du ministre de l'intérieur afin de l'alerter sur la difficulté pour les étudiants étrangers d'obtenir le renouvellement de leur titre de séjour. Le problème ne réside pas seulement dans le traitement des dossiers : le système informatique pour les prises de rendez-vous est aussi défaillant. En conséquence, des enseignants-chercheurs et des étudiants étrangers se retrouvent en situation irrégulière.

Mme Karine Daniel. - Les seules variables du CAS « Pensions » et les mesures « Guerini » entraînent pour l'université de Nantes un delta de 4 millions d'euros.

Les déficits conjoncturels s'ajoutent aux déficits structurels. Ils se creusent d'année en année, ce qui a pour effet de mettre les universités en grande difficulté. Celles-ci se voient contraintes d'opérer des choix difficiles, tels que la fermeture d'antennes dans les villes moyennes ou la réduction du nombre de personnels.

Les universités ont déjà fourni des efforts, notamment via leurs fondations. Elles ont multiplié les appels à projets, mais cela nécessite des forces et des ressources de la part des enseignants-chercheurs, qui ne sont plus mobilisés sur leurs propres projets de recherche. Répondre à davantage d'appels à projets est sans doute louable, mais cela ne saurait compenser les engagements qui permettraient de réaliser des investissements structurels.

Les tensions qui sont survenues à l'université de Nantes lors des élections étudiantes ont été suivies de sanctions disciplinaires et de poursuites judiciaires. Dans ce contexte, nous aurions tout intérêt à chercher l'apaisement et à fluidifier les relations au sein des établissements plutôt qu'à mettre en oeuvre des dispositifs de sécurité.

Mme Colombe Brossel. - Je me permets de vous poser une question d'actualité qui n'est pas d'ordre budgétaire. Nous avons appris par la presse que Victor Dupont, doctorant à l'université d'Aix-Marseille, était détenu depuis le 19 octobre en Tunisie, où il s'était rendu pour mener ses recherches. Il a été arrêté sur ordre de la justice militaire et traduit devant un tribunal. L'information avait manifestement été gardée confidentielle par l'ensemble des services ; c'est seulement le week-end dernier que des révélations ont été faites.

Cette détention est un cas de violation des libertés académiques, et même des libertés tout court. Quelle est l'action menée par la France pour obtenir la libération de Victor Dupont ? Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation y est-il associé ?

Mme Sonia de La Provôté. - La réforme de l'accès aux études de santé manque d'un véritable pilotage de la part du ministère. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

Vous augmentez l'autonomie, ce qui peut s'entendre en matière de gestion. Il n'empêche qu'il faut séparer la gestion de l'établissement lui-même de celle de l'enseignement, qui, pour une grande part, relève de la responsabilité nationale et de votre ministère.

Les deux missions flash que la commission de la culture a menées sur la réforme de l'accès aux études de santé n'ont été qu'un pavé dans la mare. À grands coups d'arrêts du Conseil d'État et de rapports, les choses ont un peu bougé, mais cela ne suffit pas. Il y a un problème général de relations entre l'autonomie et le pilotage des politiques publiques.

Par ailleurs, un travail avait été entamé sur les officines d'enseignement supérieur privées délivrant des diplômes invérifiables et non reconnus par l'État. Le ministère du travail et de l'emploi avait pris des mesures de labellisation : qu'en est-il advenu ?

Les officines privées échappent à Parcoursup et peuvent parfois fermer leurs portes, laissant ainsi sans diplôme les étudiants qui y ont suivi plusieurs années de formation. Ce phénomène prend des proportions considérables dans notre pays : il est temps de mettre de l'ordre dans la boutique.

Dans ce contexte, nous avons proposé à une école privée de prendre en charge la formation vétérinaire. Allez-vous poursuivre cette voie pour d'autres diplômes, notamment dans le cadre de la formation médicale ? Ce sujet concerne-t-il vraiment votre ministère ?

M. Patrick Hetzel, ministre. - M. Brisson évoquait le risque de décrochage en France, compte tenu de la part de PIB consacrée à la recherche, dont le niveau est inférieur à la moyenne européenne. Cela fait plusieurs années que nous nous fixons pour objectif d'affecter 2,5 %, voire 3 % du PIB à la recherche. Force est de constater que nous n'y sommes pas. Les évolutions en la matière ne peuvent intervenir qu'à la condition que le Gouvernement et le Parlement mènent un travail collectif. Il s'agit de créer des dispositifs permettant de développer des effets de levier.

Comment expliquer notre écart avec l'Allemagne concernant le développement des brevets ? Ce décalage est lié à la structuration même de l'économie allemande, où l'industrie demeure supérieure. Le secteur privé est très actif en matière de dépôt de brevets, en relation avec les organismes publics de recherche tels que le Fraunhofer-Gesellschaft. En France, la situation est assez difficile. Comme notre structure économique est différente, développer des brevets prend du temps. Il faudrait, en outre, engager des processus de réindustrialisation.

Pour autant, tout n'est pas négatif. Des opportunités vont apparaître, notamment avec la révolution de l'intelligence artificielle. Dans ce domaine, la France ne doit surtout pas renoncer à son niveau d'investissements.

En amont de la constitution du Gouvernement, j'avais insisté auprès du Premier ministre pour rattacher l'intelligence artificielle au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, alors qu'elle relevait jusqu'à présent de Bercy. L'idée est de remonter la chaîne, pour assurer que la recherche fondamentale sur le développement de l'intelligence artificielle soit la plus intense possible.

J'en viens à la formation des professeurs, en particulier ceux du second degré. Un travail a été engagé sur ce sujet par les directions générales du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Le Sénat a aussi produit un rapport. Pour l'heure, aucun arbitrage n'a été fait. Il reste à régler un certain nombre de questions, en particulier s'agissant du concours et du statut.

Monsieur Chantrel, sans susciter de polémiques, je vous rappellerai que c'est en vertu de la loi d'orientation sur l'éducation, dite loi Jospin, que quatre organisations étudiantes sont considérées comme représentatives. L'UNI en fait partie ! J'ai tenu à recevoir toutes les organisations, sans exclusion. Qu'auriez-vous dit si j'avais ostracisé certaines d'entre elles ? Devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), j'avais annoncé que le dialogue devait être tenu avec l'ensemble des organisations. Le ministre n'a pas vocation à sélectionner ses interlocuteurs. En bon socialiste, vous ne pouvez pas dénigrer un texte aussi honorable que la loi Jospin, qui définit des règles !

J'en viens à la question des aides aux étudiants. Aujourd'hui, 690 000 boursiers sur critères sociaux sont comptabilisés par le ministère ; 150 000 d'entre eux bénéficient d'un accompagnement renforcé. L'enveloppe d'aide afférente s'élève à 144 millions d'euros pour 2025. Elle doit permettre à 30 000 étudiants de suivre la formation de leur choix, dans le cadre d'une mobilité en licence, en master ou à l'étranger. Il s'agit aussi de reconnaître les efforts et la réussite de 50 000 étudiants boursiers ayant obtenu la mention très bien au baccalauréat. Ce sont tout de même 40 % des étudiants qui, d'une manière ou d'une autre, bénéficient d'une bourse à différents niveaux.

En outre, les repas à 1 euro ont été mis en place, de même que des aides ciblées pour les étudiants les plus fragiles. Encore une fois, il s'agit de concrétiser la promesse républicaine d'égalité des chances.

Vous êtes plusieurs à avoir mentionné l'enseignement privé lucratif, à juste titre. Je n'ai rien contre le secteur privé ; ce n'est pas le sujet. Toutefois, je suis conscient qu'il existe des dérives, faute de régulation suffisante. Pour l'heure, nous travaillons encore à affiner le dispositif de labellisation, mais cela ne suffira pas.

Je le dis en toute transparence, nous ne disposons pas de l'outil juridique permettant d'exclure de Parcoursup un certain nombre de formations qui, selon nous, ne sont pas de bonne qualité. C'est bien la conjugaison entre la liberté d'entreprendre et la liberté d'enseignement qui nous contraint à les maintenir. Ce problème doit être traité de manière plus approfondie. Sachez que la direction des affaires juridiques du ministère y travaille.

Je le disais, la question de la régulation peut rassembler. Je suis plutôt libéral, mais je pense que l'État doit ici jouer son rôle de régulateur, notamment via le financement de l'apprentissage.

Autre sujet : il conviendrait de renforcer le programme Santé psy étudiant, vu la demande qui est formulée sur le terrain, notamment de la part des oeuvres universitaires. Je serai attentif à vos propositions sur ce sujet.

Le sénateur Ouzoulias a posé la question du temps consacré à la recherche. Je le dis sans tabou, il existe aujourd'hui des contraintes bureaucratiques importantes. Maintenant, il faut que nous puissions agir. Je peux commencer par donner des indications à l'ANR pour qu'il y ait moins de lourdeurs. Toutefois, cet opérateur de l'État dispose d'une certaine autonomie.

Conformément aux souhaits du Hcéres, l'évaluation doit être moins tatillonne qu'elle ne l'est aujourd'hui. En effet, nous sommes en train de dévier de l'objectif initial, qui consistait à faire évoluer le système.

Le coût des abonnements pour la recherche française évolue de manière considérable. C'est un point auquel nous sommes particulièrement attentifs.

Nous devons aussi nous poser la question de la simplification. La sénatrice Darcos a raison : il y a un risque de retard important en la matière.

Les agences de moyens - ou agences de programmes - ont été créées pour répondre aux grandes transitions qui s'imposent dans les domaines de l'écologie, de l'énergie, du numérique et de la santé. Sur une thématique donnée, ces agences ont pour mission de coordonner l'action des différents acteurs impliqués, mais aussi de conduire un travail prospectif. L'année 2024 a permis de tester le fonctionnement de ce nouveau dispositif. J'ai demandé qu'un premier bilan soit dressé au début de l'année 2025. Encore une fois, je serai à l'écoute de vos avis - l'éclairage apporté par la chambre haute est toujours précieux.

J'appelle votre attention sur un point particulier : les agences de programmes dont sont chargés les organismes de recherches risquent de considérer qu'elles ont le monopole sur le programme. Or ce n'est pas l'état d'esprit du dispositif que nous souhaitons mettre en oeuvre.

En matière de santé, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est tout à fait fondé à intervenir, mais ce n'est pas pour autant que le CNRS doit être écarté. Les universités, elles aussi, doivent être impliquées, de même que l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), avec sa division scientifique vivante. Bref, veillons à ce que les agences de programmes assurent une meilleure coordination, sans exclure les acteurs ou se substituer à eux.

Parlons maintenant de la lutte contre la désinformation scientifique. Nous recevons de plus en plus d'alertes, car de nombreux acteurs, y compris étatiques, interviennent dans les processus de désinformation visant les pays occidentaux. Mes prédécesseurs avaient commencé à travailler sur ce sujet, notamment en lien avec les organismes de recherche. Je vous renvoie aux conclusions de l'Inserm, entre autres.

Je profite de la présence de M. Piednoir, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), pour vous indiquer qu'un important travail parlementaire est effectué pour sensibiliser le public à la rigueur et à la culture scientifiques. Les désinformations se propagent très rapidement et, lorsque des experts plus ou moins autorisés s'expriment, il peut être difficile de démêler le vrai du faux.

La formation dans le secteur médical, évoquée par M. Fialaire, est un enjeu majeur. La semaine dernière, j'ai rencontré les membres de la Conférence des doyens de médecine, et j'échangerai bientôt avec la Conférence des doyens de pharmacie. Il est nécessaire de remettre l'ouvrage sur le métier, afin d'assurer le plus possible la lisibilité du dispositif de formation.

En lien avec le ministère de la santé et de la prévention, nous devons engager un travail sur la montée en compétences de l'ensemble des professionnels du secteur de la santé. Le développement des masters pour les infirmiers en pratique avancée (IPA) ne résoudra pas tout, mais il permettra de soulager les médecins, dont la formation s'étale sur dix ans. Il convient également de structurer les passerelles : certains infirmiers doivent pouvoir rejoindre les cursus de médecine, comme c'est le cas dans d'autres pays. C'est un enjeu de justice sociale, d'équité et de mérite républicain.

La CVEC permet de dynamiser la vie étudiante. Reste à la faire connaître.

Pour ce qui concerne le rapport entre les dividendes distribués par les entreprises et les investissements réalisés en matière de recherche, beaucoup de choses vertueuses sont à valoriser.

Madame Ollivier, si je n'ai pas utilisé les mêmes mots que ma prédécesseure concernant les enjeux financiers, c'est parce que le Gouvernement, à l'époque, n'avait pas les mêmes contraintes budgétaires. Aujourd'hui, l'objectif de limiter le déficit public à 5 % du PIB nous oblige à tirer un certain nombre de conséquences. Je serais heureux de bénéficier d'un budget encore plus significatif, mais nous devons collectivement maîtriser les finances publiques dans ce moment si particulier. Comment, dans ces conditions, maintenir un rythme de croissance ?

Non, nous ne sommes pas en train d'enterrer la réforme des bourses sur critères sociaux. Il s'agit plutôt d'examiner la façon dont nous pouvons en conserver les principes, dans la mesure des éléments dont nous disposons. Du reste, je ne reviens pas sur le diagnostic qui a été posé.

En matière de logement étudiant, Valérie Létard et moi-même avons commencé à mener un travail sur la conversion de l'immobilier de bureaux. Nous examinons toutes les pistes, dans l'espoir d'atteindre les objectifs fixés.

Les alertes sur les écoles privées qui abandonnent les étudiants étrangers en cours de route sont parfaitement légitimes. Il est nécessaire de renforcer l'information locale. À cette fin, on m'a demandé, en liaison avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, de relayer, dans les postes diplomatiques, les informations dont nous disposons. Nous avons, par ailleurs, développé des partenariats entre universités françaises et étrangères afin d'éviter une mauvaise connaissance de la situation.

Sachez que nous avons fléché 1,2 milliard d'euros en faveur de la rénovation du patrimoine. Il faudrait plutôt 7 milliards d'euros, mais nous inscrivons notre action dans une démarche pluriannuelle, en tenant compte des futurs appels à projets. Si les chantiers n'avancent pas, cela n'arrangera pas les collectivités territoriales.

La question sur l'emploi d'enseignants vacataires est essentielle. Selon la doctrine établie, les vacations doivent permettre aux établissements d'enseignement supérieur de faire appel à des professionnels et des experts destinés à apporter des éclairages complémentaires dans le cadre des formations. Il peut s'agit de professeurs agrégés (Prag), de professeurs certifiés (PRCE), ou de personnes titulaires d'un doctorat.

La loi doit être appliquée dans son intégralité. Si vous avez identifié des lieux où les paiements ne sont pas encore mensualisés, je vous invite à prendre attache avec ma conseillère parlementaire, madame de Marco.

Nous sommes le 6 novembre, journée nationale du doctorat. Il reste encore beaucoup à faire pour valoriser ce diplôme en France, surtout par rapport à l'Allemagne.

Il est vrai, monsieur Hingray, que Michèle Tabarot et moi-même avions souhaité la création d'une commission d'enquête relative à l'entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l'enseignement supérieur. Entretemps, je suis devenu ministre, et c'est bien au Parlement que revient cette décision aujourd'hui. Une chose est sûre, il faut développer davantage le réseau des référents racisme et antisémitisme de l'enseignement supérieur et de la recherche. La liberté d'expression et la liberté académique sont totales, mais nous veillerons, de façon intransigeante, à ce que la loi de la République soit respectée. Nous n'admettrons ni atteinte aux personnes ni dégradation de biens - voilà la ligne rouge de notre action.

Soyez rassurés, le budget alloué à la lutte contre les violences faites aux femmes sera maintenu. Sur ce sujet prioritaire, il ne saurait y avoir de tergiversations.

Du reste, nous partons du principe que la CVEC est la même dans les établissements reconnus, mais cela peut faire l'objet d'un débat. Quoi qu'il en soit, je ne reviens pas sur les éléments qui ont été mis en place.

La question de la soutenabilité se pose dans certains établissements, étant donné la pression exercée sur les fonds de roulement. Sur les 2,5 milliards d'euros de fonds de roulement global des établissements, 1,5 milliard est fléché et 1 milliard est disponible. Il faut examiner la situation des établissements au cas par cas.

Aujourd'hui, les fonds propres ont tendance à varier, entre 5 % au minimum et 50 % au maximum, la moyenne s'établissant à 20 %. Les leviers dont nous disposons, qu'il s'agisse du plan France 2030, des fonds européens, des fondations ou des fonds de coopération, permettent de faire un certain nombre de choses.

Le sénateur Ziane évoquait le sujet sensible du partenariat entre les établissements d'enseignement supérieur et le secteur privé. En droit des affaires, il existe des contrats qui sont parfois soumis à une obligation de confidentialité. Une mesure de publicité se révèle donc difficile. En ce domaine, il est délicat de laisser cours à l'autonomie stratégique et d'imposer en même temps une doctrine unique. Les établissements sont libres de débattre, en interne, des contrats qui doivent être acceptés ou non. C'est un sujet sensible, surtout que nous devons être vigilants au rayonnement de la France.

Madame Daniel, j'entends votre observation concernant l'université de Nantes. Nous demandons parfois aux établissements d'opérer certains choix. Tout établissement public le fait en fonction d'un contexte budgétaire donné. Toutefois, les engagements pour le financement de la masse salariale sont largement assurés. L'objectif est de maintenir le protocole d'accord de 2020 pour apaiser la situation et ne pas créer de tensions auprès des personnels.

Madame Brossel, la situation particulière que vous avez évoquée est clairement identifiée par mon ministère comme par le ministère des affaires étrangères et les plus hautes instances de l'État. Nous essayons de faire le maximum pour que cette situation difficile se résolve de manière satisfaisante. L'organisme de recherche qui est l'employeur du doctorant Victor Dupont a manifesté un soutien total, comme l'ensemble du corps consulaire présent en Tunisie. Nous sommes en contact avec eux. Nous avons aussi contacté les parents de l'intéressé, qui ont pu voir leur fils sur place. Les autorités consulaires ont pu également le rencontrer, après quelques difficultés. Nous faisons donc le maximum pour traiter cette situation.

Je ne souhaite pas en dire davantage à ce stade, pour éviter que la médiatisation de son cas ne desserve notre concitoyen. Cependant, j'ai aussi conscience de l'émoi de toute la collectivité des chercheurs. À l'occasion du voyage du Président de la République au Maroc, auquel j'ai participé, j'ai rencontré plusieurs collègues de Victor Dupont, qui m'ont fait part de leur inquiétude. Cette situation soulève la question de la possibilité, pour nos chercheurs, de mener sereinement des travaux de recherche. Elle est pleinement prise en considération par tous les services de l'État. J'espère, comme tout le monde dans cette salle, que l'issue en sera heureuse.

Madame de La Provôté, la question de savoir quelle part réserver à l'autonomie et quelle autre au pilotage national de l'enseignement est fondamentale. Quelles lignes directrices pouvons-nous fixer au niveau national, et quelles parties doivent relever de l'autonomie locale ? La question se pose pour l'ensemble de l'enseignement supérieur. Je demanderai à la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) de s'intéresser à votre rapport.

Merci, monsieur le président, de m'avoir permis de répondre à l'ensemble des questions qui m'avaient été posées.

M. Laurent Lafon, président. - Merci, monsieur le ministre, de vos réponses très précises.


* 1 Laurent Batsch, L'enseignement supérieur privé en France, Fondation pour l'innovation politique, juin 2023.

* 2 Rapport d'information présenté par Mmes Béatrice Descamps et Estelle Folest au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, déposé le 10 avril 2024.

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