B. UNE ANNÉE CONTRASTÉE ET TRICOLORE

L'année 2024 a été celle de tous les contrastes. Le premier trimestre a vu s'effondrer la fréquentation, avec une diminution de 17 % des entrées par rapport à l'année précédente. Le deuxième trimestre, avec en particulier les sorties d'Un p'tit truc en plus et du Comte de Monte-Cristo (voir infra), a cependant inversé la tendance, avec une hausse de 7,5 %, ce dont a témoigné le succès historique de la Fête du Cinéma qui a rassemblé 4 millions de spectateurs. Enfin, le mois d'octobre est le meilleur enregistré depuis la crise sanitaire.

Entre grèves et Jeux Olympiques

L'année 2023 a été marquée par la grève de 146 jours des scénaristes d'Hollywood, la plus longue de leur histoire. Si elle a pris fin en novembre 2023, ses conséquences se font encore ressentir aujourd'hui, avec un décalage des sorties de films américains traditionnellement pourvoyeurs de spectateurs. Cette baisse des sorties avait été largement anticipée par la profession. À l'opposé, et hormis à proximité des sites des épreuves et lors des cérémonies de clôture et d'ouverture, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris n'ont pas eu d'impact sur les entrées en salle.

In fine, les résultats devraient donc s'avérer comparables à ceux de 2023.

La moindre exposition des films américains a pleinement bénéficié au cinéma français, qui enregistre sur les neuf premiers mois de l'année une part de marché de 45 %, en hausse de cinq points par rapport à 2023, contre 37,4 % pour les films américains.

BOX-OFFICE FRANCE AU 3 NOVEMBRE 2024

FILM

NOMBRE D'ENTRÉES

Un p'tit truc en plus

10,8 millions

Le Comte de Monte-Cristo

9,2 millions

Vice-Versa 2

8,5 millions

Moi, moche et méchant 4

4,4 millions

Dune, deuxième partie

4,2 millions

Le box-office de 2024 révèle à ce stade d'excellentes surprises, en particulier pour le cinéma français.

Alors que l'année n'est pas finie, pour la troisième fois seulement après 1962 et 1998, trois films dépassent les huit millions d'entrées.

Pour la première fois depuis 2014, deux films français figurent en tête du box-office.

C. TROIS SALLES, TROIS AMBIANCES

L'année 2024 témoigne de la diversité du cinéma français, qui se singularise par la variété aussi bien des sujets traités que des types de réalisation. Le rapporteur pour avis a souhaité, à travers trois films sortis en 2024, illustrer cette spécificité.

1. La production de prestige : Le Comte de Monte-Cristo

Le succès à l'écran de la nouvelle transposition du roman mondialement connu d'Alexandre Dumas pouvait être anticipé, compte tenu de son casting et de son important budget (43 millions d'euros, film le plus cher de l'année 2024), même si son ampleur dépasse les espérances.

Le Comte de Monte-Cristo s'inscrit dans la stratégie de « premiumisation » du groupe Pathé, telle que son président Jérôme Seydoux a pu l'exposer devant la commission de la culture le 15 mars 20232(*) : « Le public a pris l'habitude de regarder des films à travers les plateformes ou la télévision traditionnelle. Le choix est énorme, la qualité excellente et les prix sont bas au regard de ce que l'on paye mensuellement. Nous avons donc à faire face à une évolution de notre environnement. Pathé, face à cette évolution, a pris avant le Covid la décision de monter en gamme, que ce soit du côté des films ou du côté des salles.

[...] Côté films, ceux-ci doivent être indiscutables pour le spectateur. Le spectateur, aujourd'hui, a une offre formidable qui lui est proposée à domicile. Il faut donc lui donner des raisons d'aller en salle : il faut que ce soit un film qu'il ait vraiment envie de voir, dans un endroit où il a vraiment envie d'aller. »

Le modèle de ce film est donc celui d'une production « de prestige », en mesure d'être diffusée durant des décennies à la télévision, avec un réel potentiel international - près de deux millions d'entrées ayant déjà été enregistrées hors de France.

2. La surprise humaniste : Un p'tit truc en plus

À l'opposé de ce modèle, l'oeuvre d'Artus, pour un coût de 6,1 millions d'euros, à peine supérieur au devis moyen des films français, a constitué l'immense surprise de l'année.

Un p'tit truc en plus se classe d'ores et déjà 9ème plus grand succès français de l'histoire. Avec près de 11 millions d'entrées, cette comédie humaniste a également permis de mettre en avant le sujet de l'inclusion des personnes handicapées. À ce jour, le film a réalisé 800 000 entrées à l'international.

Les chiffres de fréquentation ont par ailleurs montré un coefficient province/Paris étonnamment élevé. Alors qu'il se situe en moyenne autour de 5, il s'établit pour ce film à plus de 14, même si l'écart s'est resserré en mai et juin. Ce phénomène, observé sur certaines productions, souligne les attentes différentes des publics de la capitale et de la province.

3. Un pari d'auteur ambitieux : Emilia Perez

Enfin, Emilia Perez de Jacques Audiard a bénéficié de son excellent accueil critique et des récompenses obtenues au Festival de Cannes. Réalisé pour un budget de 21 millions d'euros, qui s'explique en partie par sa distribution internationale avec des acteurs très identifiés (Zoé Saldana, Selena Gomez), il a réalisé plus d'un million d'entrées en France et devrait connaitre une belle carrière internationale.

OEuvre française tournée en espagnol dans les studios de Bry-sur-Marne, ce film musical au sujet atypique met en scène un chef de gang mexicain qui cherche par tous les moyens à bénéficier d'une chirurgie de réattribution sexuelle, avant de fonder une association d'aide aux victimes des cartels.

Emilia Perez a obtenu le prix du jury et le prix d'interprétation féminine pour l'ensemble des actrices au Festival de Cannes.

Le rapport de la mission d'information de la commission de la culture3(*) « Le cinéma contre-attaque » avait ainsi montré que parmi les objectifs du cinéma français figurent « une vocation assumée de stimuler la "recherche et développement", soit un cinéma ambitieux, fortement marqué par la personnalité et la vision du réalisateur et représentant à l'international de notre exception culturelle. », mais également « la volonté de conserver au cinéma son caractère de loisir populaire, accessible au grand public, ce qui passe par des films accessibles et qu'il est possible de partager en famille ou entre amis. »

Ces trois films très différents témoignent donc de la diversité et de la vitalité de la production française et du respect de ses objectifs.


* 2 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20230313/cult.html

* 3 https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-630-notice.html

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