II. UNE BAISSE DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'AEFE HYPOTHÉQUANT ENCORE DAVANTAGE L'ATTEINTE DE L'OBJECTIF DE DOUBLEMENT DES EFFECTIFS D'ÉLÈVES À L'HORIZON 2030

Une SCSP versée à l'AEFE s'élevant à

Contre

Soit une baisse de

 
 
 

En 2025

En 2024

Entre 2024 et 2025

Après deux hausses successives du montant de sa subvention pour charges de service public (SCSP), de respectivement 30 M€ en 2023 et 8 M€ en 2024, l'AEFE connaîtra une baisse sensible de ses moyens en 2025, qui passeront de 455 M€ à 441 M€ (- 14 M€).

Selon les documents budgétaires, cette diminution est imputable à hauteur de 10 M€ à la fin du dispositif de soutien au réseau d'enseignement du français à l'étranger du Liban, qui avait été mise en place à la suite de la pandémie et prolongé par la suite et qui a notamment permis le financement de projets photovoltaïques.

Par ailleurs, le coût de la réforme du statut des personnels détachés intervenue en 2022 a été réévaluée à la baisse (18 M€ en 2025 contre 30 M€ prévus en PLF 2024) conduisant à une réduction du montant de la compensation versée par l'État à ce titre (9 M€ au-lieu de 15 M€).

Cette présentation appelle cependant trois observations :

- la fin du dispositif de soutien au réseau libanais interroge au regard de la situation dramatique que traverse ce pays. À titre d'exemple, la fermeture du lycée Abdel Kader de Beyrouth pour l'accueil de réfugiés rendra nécessaires d'importants travaux de rénovation dès 2025 ;

- le coût de la réforme des personnels détachés n'est, en tout état de cause, compensé qu'à hauteur de 50 % à l'AEFE ;

- la hausse de 4 points du taux de pension civile conduira à un coût pour l'AEFE estimé à 9 M€ en 2025.

Pour faire face à la diminution de ses moyens, un travail de carte scolaire est actuellement en cours de réalisation afin d'identifier 50 équivalents temps plein travaillés (ETPT) qui ne seront pas pourvus à la rentrée prochaine, lesquels s'ajouteront aux 15 ETPT dont la suppression est prévue dans le PLF. Par ailleurs, les subventions attribuées aux établissements (sécurité, immobilier et développement) passeront de 12 M€ en 2024 à 4 M€.

Cette fragilisation de l'assise financière de l'AEFE arrive à un moment où le réseau fait face à des difficultés liées à l'évolution du contexte international :

- fermeture de deux établissements situés au sud du Liban et du Lycée Abdel Kader de Beyrouth en raison de la crise au Proche-Orient ;

- fermeture de l'établissement de Bakou (Azerbaïdjan) à la demande des autorités locales qui ont dénoncé l'accord de 2011 (206 élèves concernés) ;

- interdiction par Téhéran, depuis la rentrée 2023, aux élèves iraniens et binationaux de s'inscrire dans les lycées français (passage de 396 élèves à 82) ;

- interdiction par Ankara aux élèves turcs et binationaux de s'inscrire dans un lycée français (un accord a cependant été trouvé avec les autorités turques pour permettre aux élèves inscrits au 1er janvier 2024 de poursuivre leur scolarité).

Par ailleurs, la décision du gouvernement travailliste de soumettre à un taux de TVA à 20 % le établissements privés au Royaume-Uni à compter de 2025 place l'opérateur face à une triple difficulté :

- technique, dans la mesure où l'AEFE dispose de peu de temps entre l'adoption de la loi et le 1er janvier 2025 pour mettre en place un dispositif de facturation de la TVA et où aucun établissement en gestion directe dans le monde n'est soumis à la TVA ;

- financière, compte-tenu des charges auxquelles doit déjà faire face le lycée Charles de Gaulle (rénovation de ses cuisines, augmentation des rémunérations des personnels recrutés localement en raison de l'inflation) ;

- l'aggravation des difficultés rencontrées par certains établissements, tels que le lycée international Winston Churchill, dont un emprunt est par ailleurs garanti par l'État à hauteur de plus de 40 M€.

Au total, comme l'a reconnu le MEAE en audition, la baisse prévue de la SCSP versée à l'AEFE aura un impact sur l'activité de cette dernière et hypothèquera encore davantage sa capacité à atteindre l'objectif présidentiel de doublement du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau à l'horizon 2030 (soit 700 000 élèves contre un peu moins de 400 000 à la rentrée 2024), la croissance endogène des effectifs étant insuffisante à elle-seule.

Comme l'a fait remarquer notre collègue Olivier Cadic lors de son audition, une plus grande prise en compte des établissements non-homologués, c'est-à-dire ne relevant pas du réseau de l'AEFE et dont le rôle peut être significatif tant en termes de diffusion de la francophonie que d'influence pourrait être envisagée, le cas échéant en s'appuyant sur l'expertise développée au cours des 50 dernières années par l'Association nationale des écoles françaises à l'étranger (ANEFE). En effet, à l'heure actuelle, les élèves de ces établissements ne sont pas comptabilisés dans les effectifs du réseau alors qu'une partie d'entre eux est accompagnée vers le baccalauréat français.

L'exemple d'établissements suisses, tels que le Collège du Léman, a pu être cité en audition. Un travail pourrait ainsi être mené en concertation avec ces établissements pour les accompagner vers l'homologation.

Une réflexion devrait être menée sur une plus grande prise en compte des élèves scolarisés au sein d'établissements non-homologués dont le rôle peut être significatif tant en termes de diffusion de la francophonie que d'influence.

Comme le relevaient les rapporteurs l'an dernier, l'absence de solution pérenne apportée à la question du financement des investissements immobiliers des établissements en gestion directe (EGD) constitue en outre un frein au développement du réseau. Le mécanisme des avances de l'Agence France Trésor1(*) dont peuvent bénéficier les EGD, qui, en tant qu'organismes divers d'administration centrale (ODAC), ne sont plus autorisés à emprunter en application de l'article 11 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, a certes été reconduit jusqu'en 2026, mais cette solution n'est que transitoire.

Le mécanisme des avances remboursables de l'Agence France Trésor au profit des établissements en gestion directe arrivant à échéance en 2026, un dispositif alternatif devra impérativement être trouvé en 2025.

Il convient par ailleurs de rappeler que le transfert de la charge liée aux pensions civiles des fonctionnaires civils et militaires détachés au sein de l'opérateur en 2009 a donné lieu à une compensation à hauteur de 120 M€ la même année. Or, depuis 2009, le niveau de compensation est resté inchangé, alors que, dans le même temps, les dépenses de pension civile n'ont cessé d'augmenter pour atteindre plus de 176 M€ en 2024 et devrait s'élever à 187 M€ en 2025.

Cette charge non compensée d'un montant de 56 M€ en 2024 et 67 M€ en 2025 contraint l'AEFE à consacrer l'intégralité de la participation financière complémentaire (50 M€) au paiement des pensions civiles, alors que 50 % de la PFC devaient à l'origine être consacrés au développement de projets immobiliers.

Or, selon les informations transmises par le MEAE, le montant des travaux envisagés par l'AEFE dans ses EGD s'élève, à l'heure actuelle, à 142 M€, certaines opérations s'élevant à plusieurs dizaines de millions d'euros (lycée Jean Monnet à Bruxelles pour 25,5 M€, lycée Louis Massignon d'Abou Dhabi pour 35,8 M€, lycée Lyautey de Casablanca pour 21,4 M€).

Les rapporteurs plaident, à défaut d'une dérogation au profit de l'AEFE, qui lui permettrait de recourir de nouveau à l'emprunt, pour l'inscription, dès le PLF 2026, d'une subvention pour charges d'investissement, ou pour un resoclage du montant de sa SCSP prenant en compte la hausse du coût lié au transfert de la charge liée aux pensions civiles des fonctionnaires détachés.

En tout état de cause, ils s'opposeront à tout projet de mutualisation intégrale des trésoreries des établissements. Outre le fait qu'une telle solution ne permettrait pas de répondre à l'ensemble des besoins, celle-ci ne serait pas juste pour les familles, ces trésoreries ayant pu être constituées pour la réalisation de projets immobiliers déterminés.

S'agissant des établissements conventionnés et partenaires, le mécanisme de la Commission chargée d'émettre les avis sur l'octroi de la garantie de l'État aux établissements d'enseignement français à l'étranger (Cogarefe), créée par l'arrêté du 2 avril 2021 pris en application de l'article 198 de la loi de finances pour 2021, qui s'est substitué au dispositif dont l'ANEFE était gestionnaire, semble globalement donner satisfaction.

À ce jour, depuis 2022, sur 12 dossiers ayant reçu un avis positif de la Cogarefe, 5 arrêtés de garantie sont parus (Arequipa, Lima, Abidjan, Pointe Noire, Kigali), 1 établissement est en contact avec le secrétariat en amont de la mise en place de la convention tripartite (Seattle), 2 dossiers ont été validés (ou revalidés) récemment (Managua, Lagos), 2 dossiers demeurent en attente de retours de l'établissement (Dublin et Erevan) et 2 établissements ne devraient pas donner suite malgré un avis favorable de la Cogarefe (Sao Paulo et Kuala Lumpur).

Dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le MEAE reconnaît cependant des retards dans l'aboutissements des dossiers pouvant amener « même certains dossiers à devoir être présentés une seconde fois en commission ». Par ailleurs, le fait que les montants garantis ne représentent plus que 90 % (pour les projets hors UE) et 80 % (pour les projets dans le l'UE) du capital et des intérêts dus contre 100 % dans le cadre du dispositif antérieur, peut être à l'origine de difficultés, les établissements devant couvrir les 10 % restants, le plus souvent sous la forme de dépôts, c'est-à-dire d'une immobilisation de trésorerie. Cette situation peut en outre conduire à un allongement des procédures pouvant se traduire, du fait d'une évolution des taux, à des conditions d'emprunt moins favorables.


* 1 De 2012 à 2023 ce sont ainsi près de 76 M€ qui ont été mobilisées pour soutenir les investissements immobiliers des établissements. Le calendrier de remboursements pour les emprunts en cours s'étale jusqu'en 2029.

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