N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées (1)
sur le projet de loi de finances,
considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME II

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Diplomatie culturelle et d'influence (Programme 185)

Par Mme Catherine DUMAS et M. Didier MARIE,

Sénatrice et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau, Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury,
Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, André Guiol, Ludovic Haye,
Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi,
Ronan Le Gleut, Claude Malhuret, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot,
MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Représentant près du quart des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » (hors dépenses de personnel), le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » porte les crédits destinés au financement de la politique d'influence de la France dans le domaine de l'enseignement français à l'étranger et l'ensemble des moyens destinés à la diffusion culturelle, linguistique, universitaire et scientifique.

En 2025, le programme 185 sera doté de 675,9 M€ en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 45 M€ par rapport à 2024 (- 6,3 %).

Il contribuera ainsi significativement à l'effort de maîtrise des déficits publics. En particulier, les opérateurs du programme seront mis à contribution à hauteur de 16 M€, soit 35 % de l'effort demandé.

L'Agence française pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) verra ainsi ses moyens amputés de plus de 14 M€, rendant désormais inatteignable l'objectif de doublement des effectifs d'élèves au sein du réseau.

Dans un contexte de coupes budgétaires, la préservation des crédits consacrés aux bourses de mobilité (70 M€) est bienvenue. Pour autant, ce montant ne permettra pas d'atteindre l'objectif de doublement des bourses à l'horizon 2027. Les rapporteurs estiment en outre que le maintien des crédits de fonctionnement des établissements à autonomie financière était nécessaire. Ils relèvent cependant que les dépenses d'intervention de ces derniers connaîtront une forte baisse.

Au total, les rapporteurs prennent acte du choix du Gouvernement de diminuer les moyens consacrés à notre diplomatie culturelle et d'influence considérant que la situation budgétaire de notre pays, qui s'est considérablement dégradée au cours des dernières années, nécessite d'importants efforts. Ils relèvent que la loi de finances pour 2024 avait été marquée par une forte hausse des moyens du programme 185 et que le PLF 2025 traduit ainsi, à ce stade, un retour au niveau de crédits de 2023. Ils considèrent toutefois que les choix opérés contrarient l'ambition affichée de réarmer notre diplomatie, dans les domaines de la culture et de l'influence.

Ils regrettent, à cet égard, la multiplication des discours présidentiels - à l'Institut de France sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme en 2018, lors des états-généraux de la diplomatie en mars 2023, ou dernièrement à Villers-Cotterêts sur la francophonie - qui fixent des objectifs que la diminution des moyens rend inatteignables et suscitent des attentes légitimes qui ne pourront, dès lors, qu'être déçues.

I. UNE DIMINUTION DE PLUS DE 45 M€ DES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2025

En 2025, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » sera doté de 676M€ en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 45 M€ de ses crédits par rapport à 2024 (- 6,3 %) à périmètre constant.

Un montant de crédits de

Contre

Soit une baisse de

 
 
 

Inscrit au PLF 2025

En 2024

Entre 2024 et 2025

Cette diminution prend en compte la disparition de deux dispositifs dont le terme était prévu en 2025 : le soutien à l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH) et le plan de reconquête et de transformation du tourisme (PRTT), qui représentaient un montant de 10 M€ en 2024.

Au-delà des dispositifs arrivant à échéance et non-reconduits, les enveloppes consacrées aux moyens de coopération du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) feront l'objet d'une diminution sensible. En particulier :

- les crédits consacrés aux échanges d'expertise diminueront de 3 M€, ce qui, selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), « impactera à terme l'influence et l'avenir de la France en matière de recherche, faute d'avoir pu mobiliser les acteurs étrangers sur ses projets et priorités » ;

- les crédits centraux en matière d'enseignement supérieur et de recherche subiront une coupe budgétaire significative (- 10 M€), ce qui aura des conséquences sur « la capacité de mise en oeuvre et de soutien à ces actions à fort impact pour notre image, telles que les campus franco-X, les Comixte, la commission des fouilles, les Instituts français de recherche à l'étranger, nos guichets et façades numériques de gestion de mobilités internationales, etc. ».

Les opérateurs du programme contribueront par ailleurs, parfois fortement, à l'effort demandé au programme 185, à hauteur de 35 % de la baisse prévue. Ainsi, les crédits consacrés à :

- l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) diminueront de 14 M€ ;

- l'Institut français Paris afficheront une baisse de 1,7 M€ ;

- Campus France seront en revanche quasi stables avec une baisse de 64 000 €.

Il est enfin à noter que le P. 185 sera affecté par une importante mesure de périmètre l'an prochain. Les crédits de masse salariale et les emplois, auparavant inscrits sur l'action 06 du programme 185, seront transférés à l'action 03 du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » à compter du 1er janvier 2025. Au projet de loi de finances (PLF) 2025, 91 M€ sont ainsi inscrits sur le P. 105.

Source : MEAE, réponses au questionnaire budgétaire

II. UNE BAISSE DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'AEFE HYPOTHÉQUANT ENCORE DAVANTAGE L'ATTEINTE DE L'OBJECTIF DE DOUBLEMENT DES EFFECTIFS D'ÉLÈVES À L'HORIZON 2030

Une SCSP versée à l'AEFE s'élevant à

Contre

Soit une baisse de

 
 
 

En 2025

En 2024

Entre 2024 et 2025

Après deux hausses successives du montant de sa subvention pour charges de service public (SCSP), de respectivement 30 M€ en 2023 et 8 M€ en 2024, l'AEFE connaîtra une baisse sensible de ses moyens en 2025, qui passeront de 455 M€ à 441 M€ (- 14 M€).

Selon les documents budgétaires, cette diminution est imputable à hauteur de 10 M€ à la fin du dispositif de soutien au réseau d'enseignement du français à l'étranger du Liban, qui avait été mise en place à la suite de la pandémie et prolongé par la suite et qui a notamment permis le financement de projets photovoltaïques.

Par ailleurs, le coût de la réforme du statut des personnels détachés intervenue en 2022 a été réévaluée à la baisse (18 M€ en 2025 contre 30 M€ prévus en PLF 2024) conduisant à une réduction du montant de la compensation versée par l'État à ce titre (9 M€ au-lieu de 15 M€).

Cette présentation appelle cependant trois observations :

- la fin du dispositif de soutien au réseau libanais interroge au regard de la situation dramatique que traverse ce pays. À titre d'exemple, la fermeture du lycée Abdel Kader de Beyrouth pour l'accueil de réfugiés rendra nécessaires d'importants travaux de rénovation dès 2025 ;

- le coût de la réforme des personnels détachés n'est, en tout état de cause, compensé qu'à hauteur de 50 % à l'AEFE ;

- la hausse de 4 points du taux de pension civile conduira à un coût pour l'AEFE estimé à 9 M€ en 2025.

Pour faire face à la diminution de ses moyens, un travail de carte scolaire est actuellement en cours de réalisation afin d'identifier 50 équivalents temps plein travaillés (ETPT) qui ne seront pas pourvus à la rentrée prochaine, lesquels s'ajouteront aux 15 ETPT dont la suppression est prévue dans le PLF. Par ailleurs, les subventions attribuées aux établissements (sécurité, immobilier et développement) passeront de 12 M€ en 2024 à 4 M€.

Cette fragilisation de l'assise financière de l'AEFE arrive à un moment où le réseau fait face à des difficultés liées à l'évolution du contexte international :

- fermeture de deux établissements situés au sud du Liban et du Lycée Abdel Kader de Beyrouth en raison de la crise au Proche-Orient ;

- fermeture de l'établissement de Bakou (Azerbaïdjan) à la demande des autorités locales qui ont dénoncé l'accord de 2011 (206 élèves concernés) ;

- interdiction par Téhéran, depuis la rentrée 2023, aux élèves iraniens et binationaux de s'inscrire dans les lycées français (passage de 396 élèves à 82) ;

- interdiction par Ankara aux élèves turcs et binationaux de s'inscrire dans un lycée français (un accord a cependant été trouvé avec les autorités turques pour permettre aux élèves inscrits au 1er janvier 2024 de poursuivre leur scolarité).

Par ailleurs, la décision du gouvernement travailliste de soumettre à un taux de TVA à 20 % le établissements privés au Royaume-Uni à compter de 2025 place l'opérateur face à une triple difficulté :

- technique, dans la mesure où l'AEFE dispose de peu de temps entre l'adoption de la loi et le 1er janvier 2025 pour mettre en place un dispositif de facturation de la TVA et où aucun établissement en gestion directe dans le monde n'est soumis à la TVA ;

- financière, compte-tenu des charges auxquelles doit déjà faire face le lycée Charles de Gaulle (rénovation de ses cuisines, augmentation des rémunérations des personnels recrutés localement en raison de l'inflation) ;

- l'aggravation des difficultés rencontrées par certains établissements, tels que le lycée international Winston Churchill, dont un emprunt est par ailleurs garanti par l'État à hauteur de plus de 40 M€.

Au total, comme l'a reconnu le MEAE en audition, la baisse prévue de la SCSP versée à l'AEFE aura un impact sur l'activité de cette dernière et hypothèquera encore davantage sa capacité à atteindre l'objectif présidentiel de doublement du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau à l'horizon 2030 (soit 700 000 élèves contre un peu moins de 400 000 à la rentrée 2024), la croissance endogène des effectifs étant insuffisante à elle-seule.

Comme l'a fait remarquer notre collègue Olivier Cadic lors de son audition, une plus grande prise en compte des établissements non-homologués, c'est-à-dire ne relevant pas du réseau de l'AEFE et dont le rôle peut être significatif tant en termes de diffusion de la francophonie que d'influence pourrait être envisagée, le cas échéant en s'appuyant sur l'expertise développée au cours des 50 dernières années par l'Association nationale des écoles françaises à l'étranger (ANEFE). En effet, à l'heure actuelle, les élèves de ces établissements ne sont pas comptabilisés dans les effectifs du réseau alors qu'une partie d'entre eux est accompagnée vers le baccalauréat français.

L'exemple d'établissements suisses, tels que le Collège du Léman, a pu être cité en audition. Un travail pourrait ainsi être mené en concertation avec ces établissements pour les accompagner vers l'homologation.

Une réflexion devrait être menée sur une plus grande prise en compte des élèves scolarisés au sein d'établissements non-homologués dont le rôle peut être significatif tant en termes de diffusion de la francophonie que d'influence.

Comme le relevaient les rapporteurs l'an dernier, l'absence de solution pérenne apportée à la question du financement des investissements immobiliers des établissements en gestion directe (EGD) constitue en outre un frein au développement du réseau. Le mécanisme des avances de l'Agence France Trésor1(*) dont peuvent bénéficier les EGD, qui, en tant qu'organismes divers d'administration centrale (ODAC), ne sont plus autorisés à emprunter en application de l'article 11 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, a certes été reconduit jusqu'en 2026, mais cette solution n'est que transitoire.

Le mécanisme des avances remboursables de l'Agence France Trésor au profit des établissements en gestion directe arrivant à échéance en 2026, un dispositif alternatif devra impérativement être trouvé en 2025.

Il convient par ailleurs de rappeler que le transfert de la charge liée aux pensions civiles des fonctionnaires civils et militaires détachés au sein de l'opérateur en 2009 a donné lieu à une compensation à hauteur de 120 M€ la même année. Or, depuis 2009, le niveau de compensation est resté inchangé, alors que, dans le même temps, les dépenses de pension civile n'ont cessé d'augmenter pour atteindre plus de 176 M€ en 2024 et devrait s'élever à 187 M€ en 2025.

Cette charge non compensée d'un montant de 56 M€ en 2024 et 67 M€ en 2025 contraint l'AEFE à consacrer l'intégralité de la participation financière complémentaire (50 M€) au paiement des pensions civiles, alors que 50 % de la PFC devaient à l'origine être consacrés au développement de projets immobiliers.

Or, selon les informations transmises par le MEAE, le montant des travaux envisagés par l'AEFE dans ses EGD s'élève, à l'heure actuelle, à 142 M€, certaines opérations s'élevant à plusieurs dizaines de millions d'euros (lycée Jean Monnet à Bruxelles pour 25,5 M€, lycée Louis Massignon d'Abou Dhabi pour 35,8 M€, lycée Lyautey de Casablanca pour 21,4 M€).

Les rapporteurs plaident, à défaut d'une dérogation au profit de l'AEFE, qui lui permettrait de recourir de nouveau à l'emprunt, pour l'inscription, dès le PLF 2026, d'une subvention pour charges d'investissement, ou pour un resoclage du montant de sa SCSP prenant en compte la hausse du coût lié au transfert de la charge liée aux pensions civiles des fonctionnaires détachés.

En tout état de cause, ils s'opposeront à tout projet de mutualisation intégrale des trésoreries des établissements. Outre le fait qu'une telle solution ne permettrait pas de répondre à l'ensemble des besoins, celle-ci ne serait pas juste pour les familles, ces trésoreries ayant pu être constituées pour la réalisation de projets immobiliers déterminés.

S'agissant des établissements conventionnés et partenaires, le mécanisme de la Commission chargée d'émettre les avis sur l'octroi de la garantie de l'État aux établissements d'enseignement français à l'étranger (Cogarefe), créée par l'arrêté du 2 avril 2021 pris en application de l'article 198 de la loi de finances pour 2021, qui s'est substitué au dispositif dont l'ANEFE était gestionnaire, semble globalement donner satisfaction.

À ce jour, depuis 2022, sur 12 dossiers ayant reçu un avis positif de la Cogarefe, 5 arrêtés de garantie sont parus (Arequipa, Lima, Abidjan, Pointe Noire, Kigali), 1 établissement est en contact avec le secrétariat en amont de la mise en place de la convention tripartite (Seattle), 2 dossiers ont été validés (ou revalidés) récemment (Managua, Lagos), 2 dossiers demeurent en attente de retours de l'établissement (Dublin et Erevan) et 2 établissements ne devraient pas donner suite malgré un avis favorable de la Cogarefe (Sao Paulo et Kuala Lumpur).

Dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le MEAE reconnaît cependant des retards dans l'aboutissements des dossiers pouvant amener « même certains dossiers à devoir être présentés une seconde fois en commission ». Par ailleurs, le fait que les montants garantis ne représentent plus que 90 % (pour les projets hors UE) et 80 % (pour les projets dans le l'UE) du capital et des intérêts dus contre 100 % dans le cadre du dispositif antérieur, peut être à l'origine de difficultés, les établissements devant couvrir les 10 % restants, le plus souvent sous la forme de dépôts, c'est-à-dire d'une immobilisation de trésorerie. Cette situation peut en outre conduire à un allongement des procédures pouvant se traduire, du fait d'une évolution des taux, à des conditions d'emprunt moins favorables.

III. UNE POLITIQUE D'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS GLOBALEMENT PRÉSERVÉE DANS UN CONTEXTE DE CONCURRENCE INTERNATIONALE ACCRUE

La subvention pour charges de service public versée à Campus France sera quasi-stable en 2025, atteignant 3,38 M€ contre 3,47 M€ l'année passée (- 2,5 %).

Par ailleurs, le montant des bourses de mobilité sera maintenu à son niveau de 2024, soit 70 M€, qui représentait une augmentation de 6 M€ par rapport à 2023.

Une SCSP versée à Campus France s'élevant à

Une enveloppe consacrée aux bourses de mobilité atteignant

La France dans le classement international en 2022

 
 
 

Quasi-stable

Stable

- 1 place par rapport à l'année précédente

A. LA FRANCE DEMEURE UNE DESTINATION ATTRACTIVE POUR LES ÉTUDIANTS INTERNATIONAUX

La France demeure une destination prisée des étudiants internationaux. En 2023-2024, notre pays a ainsi accueilli 430 000 étudiants internationaux, dont 10 700 en apprentissage, un chiffre qui s'aligne sur l'objectif fixé dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France » de 500 000 étudiants accueillis d'ici 2027.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette bonne tenue des établissements français : le retour des étudiants asiatiques après la pandémie (+ 5 %, dont +6 % d'étudiants chinois et + 12 % d'étudiants indiens) la bonne performance des établissements français dans les classements internationaux (25 établissements français figurent dans le classement de Shangaï, dont Paris Saclay, 1er établissement en Europe continentale), la forte présence des écoles de commerce françaises dans le classement du Financial Times ou encore la dynamique soutenue de l'enseignement supérieur privé (environ 85 000 étudiants).

B. DANS UN CONTEXTE DE CONCURRENCE MONDIALE ACCRUE, LA FRANCE DOIT CEPENDANT CLARIFIER SES AMBITIONS ET EN TIRER TOUTES LES CONSÉQUENCES

Si la France continue d'attirer les étudiants, le rythme de croissance du nombre d'étudiants accueillis dans notre pays est inférieur au rythme de croissance mondial. Ainsi, au cours des 5 cinq dernières années, la France a connu un taux de croissance du nombre d'étudiants étrangers accueillis de 17 %, alors que la croissance mondiale du nombre d'étudiants en mobilité atteignait 27 %.

Au total, la France stagne au niveau international, se situant à la 7e position2(*) des pays d'accueil derrière l'Allemagne, désormais au 3e rang mondial, qui a considérablement renforcé son attractivité.

Le PLF 2025 prévoit bien un maintien du niveau des bourses de mobilité à son niveau de 2024, mais ces crédits ne permettront pas d'atteindre l'objectif du programme « Bienvenue en France », qui visait un doublement des bourses d'études d'ici 2027. Le respect de cet objectif aurait en effet supposé une augmentation des budgets alloués aux bourses de 8 M€ par an.

En matière de bourses d'études, la France reste loin de ses concurrents, avec 11 600 bourses versées contre 21 000 en Allemagne et 29 000 au Royaume-Uni pour le seul programme Turing.

Le manque de flexibilité dans la gestion administrative et l'absence de simplification dans l'octroi des bourses limitent l'efficacité du dispositif. Les bourses restent, de plus, peu attractives en termes de durée (5,6 mois en moyenne, soit moins d'un semestre).

Par ailleurs, notre pays doit adapter sa stratégie pour attirer des étudiants de haut niveau, en particulier face à une concurrence qui offre des conditions d'accueil et des perspectives d'emploi plus attractives, comme des durées de séjour prolongées pour les diplômés (18 mois en Allemagne et jusqu'à 3 ans au Royaume-Uni).

Les rapporteurs estiment par conséquent que la France est à la croisée des chemins et doit désormais clarifier son positionnement : soit elle entend continuer de figurer parmi les premières destinations mondiales de la mobilité universitaire et elle doit alors amplifier les efforts engagés dans le cadre de la stratégie Bienvenue en France en matière de procédures administratives, d'amélioration des conditions d'accueil, d'augmentation de l'enveloppe des bourses, soit elle se résigne à une forme de déclassement au profit de nouveaux acteurs particulièrement actifs tels que la Turquie ou encore les Émirats arabes unis.

C. UNE VIGILANCE À L'ÉGARD DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE L'OPÉRATEUR QUI DOIT ÊTRE MAINTENUE

L'an dernier, les rapporteurs s'inquiétaient de l'inscription d'un déficit dès le budget initial pour 2023.

L'annulation de crédits subie par l'opérateur en 2024, qui a conduit à une diminution de 5 % de ses recettes par rapport au budget initial, devrait conduire à une aggravation de ce déficit, estimé à 2,6 M€ en budget rectificatif.

Or la trésorerie de Campus France, bien que facialement importante (83 M€), est en réalité limitée, avec seulement 7 M€ effectivement disponibles3(*). Cette situation pourrait conduire l'établissement à reporter ou à renoncer à certains projets tels que la modernisation des services numériques et l'organisation d'événements internationaux pour l'attractivité.

Par ailleurs, si le taux d'autofinancement de Campus France reste stable (53,5 %), ses ressources sont en partie tributaires de partenariats avec des pays comme le Gabon et de projets européens.

Au total, l'attractivité de la France pourrait être fragilisée par ces réductions budgétaires qui compromettent la réalisation de certaines actions stratégiques. En 2024, des ajustements ont par exemple dû être opérés, comme l'annulation de campagnes internationales de communication.

IV. UN EFFORT EN FAVEUR DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE CONTRASTÉ

A. FACE À LA BAISSE PRÉVUE DE SA SUBVENTION, L'INSTITUT FRANÇAIS PARIS A ENGAGÉ UNE REVUE DE SES PROGRAMMES

En dépit d'une programmation 2025 très riche, l'Institut français Paris verra le montant de subvention pour charges de service public diminuer de 1,7 M€ l'an prochain (- 6,2 %), laquelle passera de 28,2 M€ à 26,5 M€.

La baisse des crédits dédiés à l'opérateur prévue en 2025 a conduit ce dernier à effectuer une revue de ses programmes.

Dans le détail, si l'accompagnement du réseau, tant pour la formation que pour les programmes servant le plus fortement le réseau (comme les appels à projets dans le domaine de l'accompagnement des créateurs et des industries culturelles et créatives notamment), devrait être globalement préservé, plusieurs dispositifs devraient voir leurs moyens diminuer. Cette baisse affectera notamment la politique de soutien au cinéma, la politique en faveur des résidences et des mobilités (baisse des crédits affectés à la Fabrique des résidences ou la suppression de la quasi-totalité des crédits du programme de Mobilité internationale de recherche artistique), l'accompagnement à la structuration des acteurs et des secteurs culturels dans les pays du sud. De même, le budget des partenariats européens devrait être revu légèrement à la baisse (notamment le fonds culturel franco-allemand), ainsi que le budget consacré aux conventions avec les collectivités territoriales.

Par ailleurs, l'opérateur prévoit de fournir un effort supplémentaire sur ses frais de fonctionnement, de 157 000 €, en supprimant un marché de prestations d'accueil, un marché d'externalisation de la paie et en réduisant les dépenses informatiques. L'établissement a, en outre, décidé de la baisse de ses frais de mission. Enfin, le budget consacré à la communication enregistrera une baisse de 23 %, au moyen notamment d'une baisse de la communication institutionnelle et de la ré-internalisation de certaines tâches.

Au cours des dernières années, l'opérateur a augmenté la part de ses ressources propres, qui représentent à l'heure actuelle de l'ordre de 50 % de ses recettes. L'établissement souhaite poursuivre ce mouvement, et s'est engagé dans une procédure d'obtention de l'accréditation PACA (pillar assessed contribution agreement)4(*), qui lui ouvrirait l'accès à des appels à projets européens significatifs.

Si les rapporteurs soutiennent cette démarche, ils estiment cependant que les ressources des opérateurs doivent demeurer équilibrées, une trop grande dépendance aux financements par projet pouvant in fine nuire à une action qui doit aussi s'inscrire dans la durée.

B. DES ÉTABLISSEMENTS À AUTONOMIE FINANCIÈRE PRÉSERVÉS DANS LEUR FONCTIONNEMENT MAIS CONTRAINTS DANS LEURS INTERVENTIONS

Instruments clés de notre diplomatie culturelle, les établissements à autonomie financière (EAF) seront, pour leur part, dans l'ensemble préservés. Les dotations de fonctionnement aux EAF et aux unités mixtes des instituts français de recherche à l'étranger (IFRE-UMIFRE) s'élèveront ainsi à 45,7 M€ en 2025 soit un montant identique à 2024.

Le maintien des crédits de fonctionnement des établissements à autonomie financière était nécessaire au regard de la situation parfois difficile dans laquelle se trouvent certains d'entre eux.

En 2023, 57 EAF affichaient ainsi un résultat réel négatif.

Pour autant, les dotations pour opérations dont ils bénéficieront au titre de la promotion du français et de l'enseignement supérieur et de la recherche diminueront significativement, de respectivement - 1,4 M€ et - 3,3 M€.

V. UNE AMBITION EN MATIÈRE DE FRANCOPHONIE QUI PEINE À SE MATÉRIALISER BUDGÉTAIREMENT

En 2025, les crédits de la sous-action 1 « Langue française et diversité linguistique » de l'action 02 « Coopération culturelle et promotion du français », qui comprend des crédits destinés au financement d'actions en matière de « diffusion, promotion et l'enseignement du et en français », diminueront de près de 10 M€, passant de 31 M€ à 22 M€.

A. UNE COUPE SÉVÈRE DE LA SUBVENTION VERSÉE AUX ALLIANCES FRANÇAISES LOCALES AU TITRE DE L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS

Bien qu'ayant le statut d'associations de droit local, les alliances françaises perçoivent une subvention du MEAE. En 2025, le montant de celle-ci diminuera de 45 %, passant de 7,5 M€ à 4,1 M€.

Cette baisse intervient dans un contexte de fragilité persistante du réseau à la suite de la pandémie (nombre d'apprenants qui demeure inférieur à celui de 2019, enseignement du français soumis à un environnement de plus en plus concurrentiel, multiplication des crises, etc.).

Si elle n'exerce pas de tutelle sur les Alliances françaises, la Fondation des Alliances françaises devrait être a minima informée des arbitrages afin de mettre en cohérence les stratégies respectives de la fondation et du MEAE, ce qui n'est pas le cas actuellement.

La subvention versée à la Fondation des alliances françaises et les crédits dédiés à la coordination et à la modernisation du réseau seront également en diminution de 124 100 euros.

B. DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PROMOTION DU FRANÇAIS PAR LES POSTES ET EN ADMINISTRATION CENTRALE EN NETTE DIMINUTION

Les crédits d'intervention des postes à l'étranger et en administration au titre de la promotion du français seront particulièrement affectés par cette baisse (- 4 M€). Ces crédits rassemblent les subventions et les partenariats financiers mis en oeuvre par les postes et par l'administration centrale :

- en accompagnement de programmes de coopération linguistique et éducative : diversification des cursus universitaires, co-conception et mise en oeuvre de plans de formation des enseignants, formation aux technologies de l'information et de la communication pour l'éducation (TICE) ou achat de ressources numériques ;

- en soutien à des institutions publiques et acteurs français basés en France mais ayant vocation à intervenir dans l'ensemble du réseau ;

- en poursuivant le développement de l'offre numérique d'enseignement en français.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 novembre 2024, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ».

Mme Catherine Dumas, rapporteure pour avis. - Représentant près du quart des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » hors dépenses de personnel, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » porte les crédits destinés au financement de la politique d'influence de la France dans le domaine de l'enseignement français à l'étranger et l'ensemble des moyens destinés à la diffusion culturelle, linguistique, universitaire et scientifique.

Essentiel au rayonnement de la France à l'international, ce programme verra pourtant ses crédits diminuer de manière significative en 2025, avec une baisse prévue de 45 millions d'euros.

Cette réduction tient pour partie à l'extinction de deux dispositifs en 2025 : le soutien à l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit et le plan de reconquête et de transformation du tourisme, qui représentaient 10 millions d'euros en 2024.

Au-delà de ces dispositifs arrivant à terme, la diminution sera particulièrement sensible pour les moyens de coopération du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Les échanges d'expertise, essentiels pour mobiliser des acteurs internationaux autour des priorités de la France, verront leurs crédits diminuer de 3 millions d'euros.

Dans l'enseignement supérieur, une baisse de 10 millions d'euros affectera la mise en oeuvre de programmes stratégiques, tels que les campus franco-pays, les instituts de recherche à l'étranger, et d'autres dispositifs importants pour notre image à l'international.

Par ailleurs, et nous y reviendrons avec Didier Marie, les opérateurs du programme seront mis à contribution, parfois fortement à l'effort budgétaire demandé.

J'aborderai les questions relatives à la diplomatie culturelle et à la promotion de la francophonie avant de laisser Didier Marie évoquer les crédits consacrés à l'enseignement français à l'étranger et aux mobilités étudiantes.

S'agissant de la diplomatie culturelle, l'Institut français Paris, verra le montant de subvention pour charges de service public diminuer de 1,7 million d'euros l'an prochain.

Pour faire face à cette réduction, l'opérateur a engagé une revue de ses programmes, touchant plusieurs actions. Ainsi, les crédits destinés à la politique de soutien au cinéma, aux résidences artistiques, et aux partenariats européens seront réduits. Des économies seront également réalisées sur les frais de fonctionnement, le budget de communication subissant par exemple une baisse de 23 %.

Une bonne nouvelle : dans ce contexte de restriction budgétaire, il est important de noter que les établissements à autonomie financière, c'est-à-dire les Instituts français adossés aux postes, seront globalement préservés, leur dotation de fonctionnement étant maintenue à 46 millions d'euros. Cela est crucial, compte tenu de la situation fragile dans laquelle se trouvent certains d'entre eux. Ainsi, en 2023, 57 établissements affichaient un résultat négatif.

En matière de soutien à la francophonie, force est de constater que l'ambition affichée par le Président de la République dans son discours de Villers-Cotterêts peine à se matérialiser budgétairement.

Ainsi, les dotations destinées à la promotion de la langue française diminueront de 1,4 million d'euros.

De plus, la subvention accordée aux alliances françaises baissera de 45 %, passant de 7,5 millions d'euros à 4 millions d'euros. Cette diminution pourrait compromettre la viabilité de certaines alliances, déjà fragilisées par la pandémie et confrontées à une concurrence croissante dans le secteur de l'enseignement des langues.

Mes chers collègues, avec Didier Marie nous prenons donc acte du choix du Gouvernement de diminuer les moyens consacrés à notre diplomatie culturelle et d'influence. Ce choix repose sur un constat que personne n'ignore : la situation budgétaire de notre pays, considérablement dégradée ces dernières années, impose des efforts importants et nécessaires.

La loi de finances pour 2024 avait marqué un rebond notable des crédits du programme 185. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 traduit, à ce stade, un retour aux niveaux de crédits observés en 2023.

Pour autant, nous ne pouvons que regretter la multiplication des discours présidentiels qui fixent des objectifs élevés que la diminution des moyens rend inatteignables. Qu'il s'agisse de l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme affirmée à l'Institut de France en 2018, des états généraux de la diplomatie en mars 2023, ou encore des engagements récents à Villers-Cotterêts en faveur de la francophonie, ces discours nourrissent des attentes légitimes, tant en France qu'à l'international, qui ne pourront qu'être déçues.

Aussi et sous bénéfice de ces observations et de celles qui seront présentées par Didier Marie, nous vous proposerons d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 sans modification.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Dans son discours prononcé à l'occasion de la clôture des États généraux de la diplomatie en mars 2023, le Président de la République appelait à un « réarmement complet de notre diplomatie », lequel devait passer par une augmentation régulière des crédits du ministère de l'Europe et des affaires étrangères jusqu'en 2027.

Un an et demi plus tard, force est de constater que ces moyens ne suivent pas.

Je ne reviendrai pas sur la baisse des crédits consacrés à notre diplomatie culturelle et à l'apprentissage du français, qui vient d'être évoquée par Catherine Dumas pour me concentrer sur deux sujets : les moyens dédiés à l'enseignement français à l'étranger et ceux consacrés aux mobilités étudiantes.

S'agissant de l'enseignement français à l'étranger, après deux années de hausse significative de la subvention pour charges de service public versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), celle-ci connaîtra une diminution sensible de 14 millions d'euros en 2025.

Les documents budgétaires nous expliquent que cette baisse résulterait de la fin du dispositif de soutien au réseau libanais et de la réévaluation à la baisse des coûts de la réforme des personnels détachés.

Soit. Mais cette présentation, qui laisse entendre que cette diminution serait indolore pour l'opérateur, nous semble appeler trois observations.

En premier lieu, la fin du dispositif de soutien aux établissements libanais intervient alors que le pays traverse une crise majeure. À titre d'exemple, la fermeture du lycée Abdel Kader de Beyrouth pour accueillir des réfugiés nécessitera des travaux dès 2025. Un tel désengagement pose donc question.

En deuxième lieu, le coût de la réforme des personnels détachés est certes plus faible que ce qui était initialement anticipé, mais je rappelle que l'État ne prend à sa charge que la moitié du coût de cette réforme, le reliquat restant à la charge de l'AEFE, soit près de 9 millions d'euros en 2025.

Enfin, en troisième et dernier lieu, je tiens à rappeler que l'augmentation de quatre points du taux de contribution aux pensions civiles se traduira par une charge pour l'opérateur estimée à 9 millions en 2025. Sans entrer dans le détail, la compensation versée par l'État au titre du transfert à l'opérateur de cette charge en 2009 n'a pas évolué depuis cette date.

Au total, l'AEFE connaîtra donc bien une baisse significative de ses moyens. L'opérateur prévoit ainsi de ne pas pourvoir 50 postes à la rentrée prochaine qui s'ajouteront aux 15 suppressions de postes déjà actées.

L'AEFE nous a également indiqué en audition que les subventions qu'elle verse aux établissements, qui financent des projets en matière de sécurité, d'immobilier et de développement, diminueront sensiblement, passant de 12 millions d'euros à 4 millions d'euros.

Ces restrictions budgétaires surviennent alors que le réseau fait face à des défis accrus : fermetures d'établissements au Liban, à Bakou, et interdictions d'inscriptions en Iran et en Turquie. À cela s'ajoute une nouvelle contrainte au Royaume-Uni, où les établissements privés devront s'acquitter d'une TVA de 20 % à partir de 2025, aggravant les tensions financières pour les établissements du réseau.

Dans le même temps, le Gouvernement continue d'afficher un objectif de doublement du nombre d'élèves dans le réseau d'ici 2030, mais sans moyens accrus, cet objectif semble irréaliste.

Une prise en compte des établissements non homologués, comme l'a suggéré en audition notre collègue Olivier Cadic, pourrait être envisagé, en s'appuyant sur l'expertise de l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger (ANEFE), ce qui donnerait une image plus fidèle de la réalité de l'enseignement français à l'étranger.

Mais ces établissements devront en tout état de cause faire l'objet d'un accompagnement, le cas échéant jusqu'à l'homologation, ce qui nécessitera des moyens accrus.

J'ajoute que la question du financement des investissements immobiliers des établissements en gestion directe n'est toujours pas résolue.

Comme nous le relevions dans notre rapport l'an dernier, l'absence de solution pérenne apportée à cette question constitue en outre un frein au développement du réseau. Le mécanisme des avances de l'Agence France Trésor dont peuvent bénéficier les établissements en gestion directe (EGD), qui, en tant qu'organismes divers d'administration centrale, ne sont pas autorisés à emprunter, a certes été reconduit jusqu'en 2026, mais cette solution n'est que transitoire, comme l'a rappelé la secrétaire générale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères tout à l'heure.

Je rappelle en outre que l'augmentation du coût du transfert de la charge liée aux pensions civiles que j'évoquais tout à l'heure contraint l'AEFE à consacrer l'intégralité de la participation financière complémentaire au paiement des pensions civiles, alors que 50 % de celle-ci devaient à l'origine être consacrés au développement de projets immobiliers.

Or, le montant des travaux envisagés par l'AEFE dans ses EGD s'élève, à l'heure actuelle, à 142 millions d'euros, certaines opérations pouvant atteindre plusieurs dizaines de millions d'euros.

Au total, à défaut d'une dérogation au profit de l'AEFE, qui lui permettrait de recourir de nouveau à l'emprunt, nous plaidons, comme nous l'avons fait l'an dernier, pour l'inscription, dès le PLF pour 2026, d'une subvention pour charges d'investissement, ou pour un resoclage du montant de sa subvention pour charges de service public prenant en compte la hausse du coût résultant du transfert de la charge liée aux pensions civiles.

Par parenthèse, le principe d'une subvention pour charges d'investissement aurait été rejeté au PLF 2025 sous prétexte qu'il n'était pas demandé aux EGD de contribuer au développement du réseau. Cela laisse perplexe...

En tout état de cause, nous nous opposerons à tout projet de mutualisation intégrale des trésoreries des établissements. Outre que cette solution ne permettrait pas de répondre à l'ensemble des besoins, elle ne serait pas justifiée, ces trésoreries ayant pu être constituées pour la réalisation de projets immobiliers déterminés.

J'en viens maintenant à la question de l'accueil des étudiants internationaux. Un satisfecit d'abord, la France reste une destination attractive. En particulier, un retour des étudiants asiatiques peut être constaté après une période post-covid atone.

Mais derrière cette situation apparemment favorable, que constate-t-on ? Un écart qui se creuse avec nos concurrents.

L'Allemagne figure désormais à la 3e position des pays d'accueil, alors que nous stagnons à la 7e place et que des pays comme la Turquie et les Émirats arabes unis, qui consacrent des moyens bien supérieurs aux nôtres, nous talonnent.

Le PLF pour 2025 prévoit un maintien du montant des bourses de mobilité à 70 millions d'euros. C'est une bonne nouvelle. Pour autant, nous sommes loin de l'objectif de doublement des bourses d'ici 2027 fixé dans le cadre de la Stratégie Bienvenue en France adoptée en 2018, qui aurait nécessité une croissance de l'enveloppe des bourses de 8 millions d'euros par an.

De même, le montant de la subvention pour charges de service public versée à Campus France sera quasi stable l'an prochain à 3,4 millions d'euros. C'est un moindre mal car l'opérateur connait une situation financière qui, sans être inquiétante, appelle une certaine vigilance.

Il nous semble par conséquent que la France est à la croisée des chemins. Soit elle fait le choix de rester parmi les premières destinations mondiales et doit accepter de s'en donner réellement les moyens soit elle accepte d'être reléguée en seconde division et se contente d'un budget réduit au minimum vital.

J'ajoute que la question des moyens dédiés aux bourses et à Campus France doit s'accompagner d'une amplification de ce qui a été initié dans le cadre de la Stratégie Bienvenue en France : facilitation des démarches administratives, accompagnement des établissements d'enseignement supérieur pour améliorer encore les conditions d'accueil, amélioration des conditions de logement, ou encore allongement de la durée de séjour autorisée sur le territoire après l'obtention du diplôme.

Mes chers collègues, comme vient de le rappeler Catherine Dumas, les discours présidentiels de ces dernières années ont affiché un très haut niveau d'ambition pour notre diplomatie culturelle et d'influence.

Force est malheureusement de constater que cette ambition est fortement contrariée par un projet de budget qui n'est pas à la hauteur.

Nous ne nions pas que la très forte dégradation de nos comptes publics au cours des dernières années appelle des efforts et il n'est pas anormal que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères y prenne sa part.

Lors de nos auditions, nous avons pu mesurer l'engagement exemplaire des agents du ministère et de ses opérateurs, grâce à qui les conséquences de la baisse des budgets prévus en 2025 devraient pouvoir être contenues.

Mais si cette diminution devait se poursuivre dans les années à venir, c'est bien le rayonnement de la France à l'international qui en souffrirait.

M. Ronan Le Gleut. - Dans son discours à la Sorbonne de 2018, le Président de la République avait fixé l'objectif d'un doublement du nombre d'élèves dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger, qui comptait à l'époque 350 000 élèves. Un doublement d'ici 2030 signifie le passage à 700 000 élèves. Nous sommes à mi-parcours. Or, à la rentrée 2024, le réseau de l'AEFE comptait 399 000 élèves. Il aurait fallu dépasser les 520 000 élèves pour respecter la trajectoire. On peut par conséquent acter que les objectifs ne seront pas tenus et qu'ils sont déraisonnables. Il n'est pas très sérieux de fixer des objectifs chiffrés inatteignables, même quand cela témoigne d'une ambition que nous partageons.

M. Olivier Cadic. - Je voudrais tout d'abord remercier les rapporteurs de m'avoir auditionné en tant que président de l'ANEFE, association d'écoles françaises à l'étranger, et d'avoir pu avoir un échange, un débat permettant de mieux se comprendre. Cela a été très utile.

Pour revenir sur ce qu'a dit Ronan Le Gleut, jamais le Président de la République n'a considéré que le doublement d'élèves ne devait concerner que les établissements homologués. L'AEFE ne peut pas supporter cet objectif. Il existe de nombreuses écoles qui ne sont pas homologuées mais qui proposent un enseignement français à l'étranger de qualité. Si on ne les comptabilise pas, on exclut tout un pan de cet enseignement, y compris des écoles publiques qui forment en français. Toutes ces écoles présentent des élèves au baccalauréat. Je remercie les rapporteurs d'avoir écouté ce point. L'objectif de doublement ne me semble donc pas irréalisable, selon ce que l'on retient dans le périmètre de l'enseignement français à l'étranger.

Présidence de Mme Catherine Dumas, vice-présidente

M. François Bonneau. - Quand on voit le travail fourni par les Institut français avec le peu de moyens dont ils disposent, leur faire supporter une baisse supplémentaire de crédits me parait indécent. Pourrait-on revenir sur ce point ?

Présidence de M. Cédric Perrin, président

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je regrette que l'éducation et la culture soient souvent une variable d'ajustement alors qu'elles sont au coeur des questions d'influence. C'est dans nos Instituts français et nos Alliances françaises que les étrangers apprennent le français, qu'ils ont accès à la culture et aux valeurs françaises. Dans un certain nombre de pays, cela est essentiel. J'ajoute que lorsqu'il y a des coups d'État, les premiers établissements à fermer ce sont les Instituts français ou les Alliances françaises car il faut éliminer cette présence culturelle et cette voix de la France, portée par les ondes mais également par une présence physique.

Pour revenir sur l'objectif du doublement du nombre d'élèves dans le réseau de l'AEFE, je déplore que ce celui-ci soit devenu le seul horizon de l'AEFE, au détriment de tout le reste. Cela tiendrait du miracle que l'agence puisse doubler les effectifs d'élèves accueillis avec moins de moyens financiers, moins de professeurs et sans pouvoir s'agrandir. Il faudra m'expliquer comment cela est possible. Or c'est l'objectif donné à l'AEFE.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Avec Catherine Dumas nous regrettons le sort réservé à l'ensemble de la politique d'influence. Mais en l'absence de moyens supplémentaires inscrits au PLF, un accroissement des crédits qui y seraient dédiés nécessiterait de ponctionner un autre programme, ce qui ne serait pas satisfaisant.

L'AEFE ce sont des établissements qui se dégradent et qui ne peuvent pas toujours être rénovés, ce sont des tensions internationales qui font que, dans certains pays, leur activité est difficile voire interdite. On ne peut donc pas se satisfaire de cette situation.

Lors des auditions que nous avons réalisées, les opérateurs nous ont expliqué que l'année à venir serait difficile, qu'ils parviendraient à faire face à la baisse des crédits mais que si celle-ci se prolongeait, cela ne serait plus possible. Nous proposons donc néanmoins d'adopter les crédits du programme.

Mme Catherine Dumas, rapporteure pour avis. - Pour répondre à François Bonneau, l'Institut français Paris connaîtra une baisse de sa subvention, mais les crédits de fonctionnement des Instituts français adossés à des postes seront maintenus. Je l'ai indiqué tout à l'heure tout en rappelant la situation difficile traversée par certains d'entre eux.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 22 octobre 2024 :

- MM. Olivier RICHARD, directeur général adjoint de la mondialisation (DGM2), Patrick LACHAUSSÉE, directeur du pilotage et des moyens (DGM/DPS), Mme Sophie BUIS, cheffe du pôle « opérateurs » auprès de la sous-direction des moyens et des opérateurs (DGM/DPS/MO/OPE), M. Stéphane ROBERT, chargé de mission auprès du directeur de la diplomatie culturelle, éducative, universitaire et scientifique (DGM/DDC) et Mme Clémentine GILARD, rédactrice en charge de la tutelle AEFE auprès de la sous-direction de la langue française et de l'éducation (DGM/DDC/LFE) ;

- M. Yves BIGOT, président de la Fondation des Alliances françaises ;

Mercredi 30 octobre 2024 :

- Mme Donatienne HISSARD, directrice générale de Campus France et M. Patrice GOUJET, chargé de mission auprès de la direction générale ;

- Mme Eva NGUYEN BIHN, Présidente de l'Institut français, MM. Hugues GHENASSIA DE FERRAN, directeur général délégué et Thomas HANNEBIQUE, Secrétaire général ;

Jeudi 31 octobre 2024 :

- MM. Olivier CADIC, sénateur des Français établis hors de France, Michel MONSAURET, Secrétaire général et Mme Françoise HIRZEL, directrice de l'ANEFE ;

- M. Brice BULTOT, Président de la Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (FAPEE) ;

Jeudi 14 novembre 2024 :

- Mmes Claudia SCHERER-EFFOSSE, directrice générale de l'AEFE et Vanessa LÉGLISE, conseillère relations institutionnelles et référente égalité.


* 1 De 2012 à 2023 ce sont ainsi près de 76 M€ qui ont été mobilisées pour soutenir les investissements immobiliers des établissements. Le calendrier de remboursements pour les emprunts en cours s'étale jusqu'en 2029.

* 2 Elle occupait la 6e position en 2021, la Russie, exclue lors du précédent classement, l'ayant réintégré cette année.

* 3 Selon les chiffres communiqués par l'opérateur.

* 4 Il a été indiqué en audition que, dans le champ de la culture, le Goethe Institut jouissait qu'un quasi-monopole du fait de l'obtention de cette accréditation.

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