D. UN EFFORT DE 13 MILLIARDS D'EUROS EN FAVEUR DES FORCES DE SOUVERAINETÉ OUTRE-MER
Un effort en faveur des forces de souveraineté outre-mer (13 milliards d'euros) est également à saluer.
Il répond à la recommandation n° 1 émise par le rapporteur pour avis en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Défense » à l'occasion de son contrôle budgétaire consacré à ce thème présenté en octobre 2022 : « prévoir, dans la nouvelle programmation militaire (...) une augmentation significative des moyens des forces de souveraineté, afin de répondre à l'évolution de leur environnement stratégique notamment dans l'indopacifique, au renforcement des menaces et aux différents défis capacitaires qu'elles rencontrent aujourd'hui. »9(*).
Les forces de souveraineté
Les forces de souveraineté constituent des forces prépositionnées, interarmées et à dominante marine. Elles se répartissent en cinq forces armées régionales, qui ont chacune la responsabilité d'une importante zone géographique, dénommée zone de responsabilité permanente (ZRP). Elles y assurent, en appui des moyens de l'État et de l'action interministérielle, la protection du territoire national, le maintien de notre souveraineté et la préservation des ressources présentes dans les zones sous juridiction française.
Chacune des forces de souveraineté évolue dans un contexte géostratégique particulièrement sensible. Elles jouent notamment un rôle clé dans la zone Pacifique Sud, et en particulier dans la zone indopacifique, qui est le nouveau centre névralgique des tensions mondiales.
À l'issue d'un processus de consolidation au cours des années 1980 et 1990, les forces de souveraineté ont connu d'importantes réorganisations depuis 2008. La principale a été liée à la révision générale des politiques publiques, dont les objectifs ont été repris dans le livre blanc de 2008, qui prônait « une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes. [...] Les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d'outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites ». Cette volonté de réduction des forces de souveraineté à leur niveau « strictement nécessaire » a amené à une réduction de 20 % de leurs effectifs et profondément changé leur organisation.
Le rapport annexé à la LPM 2019-2025 prend acte de l'importance stratégique des forces de souveraineté et de leurs fragilités, en mentionnant la nécessité de pouvoir, au titre de l'Ambition 2030, « conduire [des] opérations dans le cadre d'une approche globale élargie, permise notamment par un dispositif de forces prépositionnées et de forces de souveraineté, toutes deux dotées des effectifs suffisants et des équipements adéquats ». Depuis 2016, l'évolution des crédits des forces de souveraineté a été marquée par leur stabilité, et s'élevaient à 946 millions d'euros en 2020, crédits des personnels civils inclus.
En matière d'effectifs, la LPM 2019-2025 a prévu un rythme d'augmentation des effectifs de plus de 2,5 %, supérieur à celui prévu pour l'ensemble des effectifs par la LPM d'ici à 2025 (+ 2,25 %). Cet effort, s'il met fin à la déflation de la décennie passée, ne permet pas de renouer avec les niveaux antérieurs à 2008. Aussi, alors qu'elles doivent faire face à une menace croissante contre nos intérêts stratégiques et à une pression accrue sur les ressources naturelles de nos territoires et de notre zone économique exclusive (ZEE), les forces de souveraineté peuvent répondre aujourd'hui strictement à leurs missions du quotidien. En cas de crise, elles devront être rapidement renforcées depuis la métropole ou par une bascule de moyens entre forces prépositionnées, selon une logique d'appui mutuel.
Source : La présence militaire dans les outre-mer : un enjeu de souveraineté et de protection des populations, Rapport d'information n° 12 (2022-2023) de M. Dominique de LEGGE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 octobre 2022
Le rapport annexé au PLPM 2024-2030 prévoit ainsi que les forces de souveraineté disposeront « de capacités de surveillance-anticipation développées », ainsi que « de capacités de commandement durcies et densifiées », et bénéficieront « d'un effort généralisé sur le plan capacitaire (protection, intervention et appuis, infrastructure) ». Il est également prévu que « les capacités d'intervention terrestres [soient] durcies, plus réactives, renforcées lorsque ce sera nécessaire par des hélicoptères et dotées de moyens de vision nocturne ».
Faute de référentiel harmonisé en la matière, les responsables du ministère auditionnés par le rapporteur pour avis n'ont pas été en mesure de comparer le montant de 13 milliards d'euros prévu avec le besoin programmé sur le même périmètre sous la LPM 2019-2025. Il lui a cependant été précisé que cet effort devait notamment inclure un effort d'environ 800 millions d'euros en faveur des infrastructures et permettre une augmentation des effectifs d'environ 10 % (soit environ + 860 ETP).
Le rapporteur pour avis se montrera ainsi particulièrement vigilant, en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Défense », à la traduction concrète de ces engagements dans les prochains projets de loi de finances.
Parmi les autres enjeux soulevés par le rapport précité, figure celui de la nécessaire coordination entre les activités de coopération régionale menées par les forces de souveraineté et les politiques d'aide au développement conduites par l'Agence française du développement (AFD) au sein de leur zone de responsabilité permanente (ZRP). Ces actions de coopérations régionales conduites par les forces de souveraineté leur permettent de renforcer leur connaissance de leur ZRP, l'influence de la France, et le soutien à la stabilité des pays en son sein. À titre d'exemple, les Forces armées dans la zone sud de l'Océan indien (FAZSOI) conduisent un certain nombre d'actions en coopération avec Madagascar et Maurice en matière de sécurité maritime. La structuration d'une réelle coordination entre les forces de souveraineté et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que l'AFD serait non seulement de nature à renforcer l'efficacité de leurs actions respectives en la matière mais permettrait également une meilleure « acceptation » de la présence militaire française dans la zone. C'est pourquoi l'amendement COM-100 vise à transcrire la recommandation n° 7 du rapport de contrôle précité dans le rapport annexé au PLPM 2024-2030.
* 9 « La présence militaire dans les outre-mer : un enjeu de souveraineté et de protection des populations », Rapport d'information n° 12 (2022-2023) de M. Dominique de LEGGE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 octobre 2022.