CHAPITRE III
LES CRÉDITS
CONSACRÉS
AUX TRANSPORTS ROUTIERS
Réunie le 22 novembre 2021, sous la présidence de Jean-François Longeot, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur les crédits relatifs aux transports routiers du projet de loi de finances pour 2022, sur la proposition du rapporteur Olivier Jacquin, sous réserve de l'adoption de 10 amendements visant à :
- sécuriser les recettes de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), en augmentant le plafond de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pouvant lui être affectée ;
- anticiper les futurs transferts de voirie en augmentant de 100 M€ les crédits destinés à l'entretien des routes du réseau national non concédé ;
- soutenir les collectivités territoriales dans le recensement, le diagnostic et la réparation de leurs ouvrages d'art en augmentant l'enveloppe qui leur est allouée de 20 M€ ;
- attribuer aux communautés de communes qui se sont saisies de la compétence d'organisation des mobilités et qui n'ont pas institué le versement mobilité une fraction de TICPE pour le financement de services de mobilité ;
- accompagner les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) dans la mise en oeuvre de la compétence mobilité en demandant au Gouvernement un rapport relatif au potentiel de rendement fiscal du versement mobilité ;
- donner à l'Autorité de régulation des transports (ART) les moyens d'exercer l'ensemble de ses missions en toute indépendance en augmentant de 4,6 M€ le montant de sa subvention pour charge de service public ;
- accompagner le déploiement du réseau de bornes de recharges de véhicules électriques en augmentant l'enveloppe prévue de 10 M€ ;
- renforcer l'efficacité du prêt à taux zéro créé par la loi « Climat et résilience », pour mieux accompagner les ménages dans le renouvellement de leurs véhicules ;
- proposer une solution crédible de verdissement du transport de marchandises par la mise en place d'un prêt à taux zéro pour l'acquisition de poids lourds peu polluants ;
- poursuivre et accompagner l'ensemble de la dynamique du « système vélo » (pratique, infrastructures cyclables, réparation, vente...), dans le présent rapport nous nous contenterons d'appuyer sur l'importance d'un meilleur financement des infrastructures en abondant le fonds vélo de 150 M€ .
I. INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES : SÉCURISER LA TRAJECTOIRE DE L'AFITF ET CONSOLIDER SES MOYENS DANS LA PERSPECTIVE DE FUTURS TRANSFERTS DE VOIRIE
A. REPENSER LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE L'AFITF POUR RÉDUIRE LES INCERTITUDES CHRONIQUES PESANT SUR SES RECETTES
Le montant des dépenses de l'Afitf prévu pour 2022 devrait respecter la trajectoire fixée par la loi d'orientation des mobilités (LOM) (2,58 Md€).
Pour autant, cette trajectoire semble aujourd'hui dépassée compte tenu des dépenses nouvelles engagées après le vote de ce texte : Canal Seine Nord Europe, Lyon-Turin, déploiement du plan de relance (750 M€ en 2022) et, plus récemment le plan « Marseille en Grand » - un amendement adopté à l'Assemblée nationale pour tenir compte des annonces présidentielles a d'ailleurs augmenté le budget de l'Afitf - de telle sorte que les dépenses de l'agence devraient finalement avoisiner les 3,4 Md€ en 2022.
S'agissant des recettes , la situation apparaît problématique . Comme en 2020, l'Afitf est confrontée, en 2021, à d' importantes pertes 18 ( * ) , notamment s'agissant de la taxe de solidarité sur les billets d'avion ou du produit des amendes radar 19 ( * ) , pour lesquels les prévisions de recettes pour 2021 étaient manifestement surestimées . Par ailleurs, les sociétés concessionnaires d'autoroute (SCA) refusent de s'acquitter de la contribution volontaire exceptionnelle qui leur revient (61 M€), contestant l'indexation sur l'inflation de la taxe d'aménagement du territoire. Le rapporteur estime inacceptable que la trajectoire financière de l'Afitf puisse pâtir du rapport de force qu'essayent d'instituer les SCA avec l'État . Le rapporteur s'étonne que considérant les enjeux propres à la fin des contrats, mis en avant par la commission d'enquête sénatoriale de 2020 20 ( * ) , le ministre des transports ne traite pas et renvoie au prochain quinquennat des questions essentielles telles que la définition du « bon état » des infrastructures à la fin des contrats, la préparation des fins de contrats ou encore les importants investissements, notamment de verdissement, qu'il convient de réaliser d'ici là.
Si les prévisions de recettes pour 2022 paraissent plus prudentes , le rapporteur considère que la nature conjoncturelle de certaines de ses recettes place l'Afitf dans une situation délicate : elle rencontre en effet chaque année des difficultés à percevoir les montants initialement prévus pour financer ses dépenses. Le Gouvernement a jusqu'à présent compensé les pertes de l'agence par le biais de lois de finances rectificatives (250 M€ prévus en deuxième loi de finances rectificative pour 2021).
Le rapporteur considère que cette situation n'est pas tenable et qu'il est nécessaire de faire reposer des investissements aussi lourds et engageants que ceux des infrastructures de transport sur des recettes certaines . Dans cette perspective, la commission a adopté un amendement 21 ( * ) visant à sécuriser les recettes de l'Afitf en augmentant le plafond de TICPE pouvant lui être affectée, dans le cas où d'autres recettes feraient défaut.
En outre, le rapporteur estime indispensable de doter l'agence de davantage d'effectifs afin d'assurer pleinement l'ensemble des missions qui lui reviennent.
* 18 Si les pertes totales s'élèvent à 477 M€, le projet de budget rectificatif n° 6 de l'agence les chiffre à 274 M€ compte tenu de la compensation prévue en LFR2 pour 2021 et d'un ajustement des dépenses prévues.
* 19 Dont l'agence est la dernière bénéficiaire.
* 20 http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-709-1-notice.html.
* 21 https://www.senat.fr/amendements/2021-2022/162/Amdt_I-410.html.