B. LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
1. L'essentiel des crédits du programme
Le soutien public au livre et à la lecture dans le programme « Livre et industries culturelles » se compose presque exclusivement, malgré les quelques aides au profit des auteurs, éditeurs et libraires, des moyens alloués aux grands opérateurs.
Sur 283,3 millions d'euros destinés à l'action 1 « livre et lecture », qui représente 92,2 % des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles », 86 % sont destinés aux trois opérateurs que sont la Bibliothèque nationale de France (BNF), la Bibliothèque publique d'information (BPI) et le Centre national du livre (CNL) . Sur cet ensemble, le poids de la BNF est cependant très prépondérant, avec 210 millions d'euros, soit les trois quarts des crédits de l'action et près de 70 % du programme.
2. La Bibliothèque nationale de France, un établissement prestigieux aux multiples missions
a) L'héritière de la collection royale du XIVe siècle
La Bibliothèque nationale de France (BNF) est la lointaine héritière de la collection royale de Charles V installée en 1368 au Louvre, et dont l'inventaire comportait 917 manuscrits. En 1537, le roi François I er fait obligation aux imprimeurs de déposer à la librairie du château de Blois tout livre imprimé mis en vente dans le Royaume, ce qui constitue le premier pas vers le dépôt légal. En 1568, la Bibliothèque revient définitivement à Paris.
Une fois nommé garde de la Bibliothèque du roi en 1720 , l'abbé Bignon obtient du Régent son déplacement à proximité du Louvre, dans la partie du palais Mazarin de la rue de Richelieu devenue l' hôtel de Nevers , ce qui correspond au « - site Richelieu » actuel.
La Révolution française transforme la Bibliothèque du Roi en Bibliothèque Nationale, l'Empire en Bibliothèque Impériale.
Le 14 juillet 1988, le Président de la République, François Mitterrand, annonce « la construction et l'aménagement de l'une ou de la plus grande et la plus moderne bibliothèque du monde ... [qui] devra couvrir tous les champs de la connaissance, être à la disposition de tous, utiliser les technologies les plus modernes de transmission de données, pouvoir être consultée à distance et entrer en relation avec d'autres bibliothèques européennes ». Le site finalement retenu pour la construction est situé en bordure de Seine dans le 13 e arrondissement de Paris. En août 1989, le projet de l'architecte Dominique Perrault est choisi par le Président de la République au terme d'une procédure de sélection de projets par un jury international.
Elle reçoit sa dénomination officielle de Bibliothèque nationale de France en 1994 , et ouvre au public à partir de 1996.
b) Le rôle de la BNF
Au terme du décret du 3 janvier 1994, la Bibliothèque nationale de France (BNF), établissement public à caractère administratif, se voit confier trois missions principales :
- préserver, gérer et mettre en valeur son patrimoine immobilier. Outre le site François Mitterrand, la BNF dispose de plusieurs implantations à Paris (bibliothèque de l'Arsenal, bibliothèque-musée de l'Opéra, quadrilatère Richelieu) ;
- permettre l'accès du plus grand nombre à ses collections , tout en veillant à leur conservation ;
- collecter, cataloguer, conserver et enrichir le patrimoine national dont elle a la garde, qu'il soit imprimé, graphique, audiovisuel ou numérique.
Le troisième contrat de performance 2017-2021 de la BNF Le troisième contrat de performance de la BNF a été signé le 25 avril 2017 par la Ministre de la culture et la Présidente de la BNF. Il comporte quatre axes : Axe 1 : renouveler la relation avec les publics Outre le renforcement de ses publics naturels, la BNF souhaite diversifier ses usagers, qu'ils soient utilisateurs potentiels de services sur place ou à distance. À cet égard, l'achèvement de la rénovation du site Richelieu, avec l'ouverture à l'horizon 2021 d'un musée, d'une galerie d'exposition et d'une salle de lecture librement accessible constituent des éléments structurants. Axe 2 : garantir la continuité des collections physiques et numériques et faciliter leur accessibilité La BNF met en place des filières de collecte des supports numériques produits pour toutes les collections qui relèvent de ses missions de dépôt légal. La durée du contrat de performance sera mise à profit pour préparer et lancer le projet de disposer en 2023 de nouveaux espaces de stockage afin de faire face à la saturation prévisible des magasins. Axe 3 : produire et mettre en commun des contenus et des services On notera que la fusion des régions incite la BNF à donner un nouvel essor à son action territoriale, en faisant émerger de nouveaux programmes de coopération, documentaires, numériques et culturels. Axe 4 : adopter une gestion exemplaire et responsable, tournée vers l'avenir La BNF devra mener de grands investissements dans les années à venir, en particulier la fin du chantier Richelieu. Source : ministère de la culture |
3. Une équation budgétaire complexe à résoudre
Équilibre budgétaire de la BNF entre 2016 et 2019
(en millions d'euros)
Dépenses |
Recettes |
Fonds de roulement |
|
2016 |
218,520 |
213,990 |
50,684 |
2017 |
222,657 |
228,799 |
52,613 |
2018 |
223,426 |
226,502 |
57,281 |
2019 (prévision) |
244,554 |
232,630 |
46,814 |
Source : ministère de la culture
L'année 2019 a été marquée par une forte progression des dépenses, supérieure à celle des recettes, qui a entrainé une baisse du fonds de roulement.
Si les dépenses de fonctionnement sont globalement maitrisées, les dépenses d'investissement ont fortement progressé en 2019 avec la poursuite de travaux importants comme le renouvellement du système de sécurité incendie du site de la Bibliothèque François Mitterrand ou le remplacement des groupes froid de la production centralisée.
La dotation de la BNF progresse en 2020 de 2,456 millions d'euros .
En plus de 0,456 million d'euros qui correspond à un rattrapage indemnitaire, cette hausse des crédits correspond à une progression de 2 millions d'euros pour l a prise en charge partielle des coûts liés à l'ouverture du site de Richelieu . Votre Rapporteure pour avis, qui s'inquiétait l'année dernière de l'absence de signal dans le budget pour l'ouverture de Richelieu s'en félicite évidemment, mais tient à faire part de son inquiétude pour les années suivantes.
En effet, l'ouverture de Richelieu a entrainé des tensions sociales assez vives à la BNF, qui a été dans l'obligation de redéployer 60 postes en interne, alors même que son plafond d'emploi a été abaissé de 13 ETPT.
Le surcoût global est estimé à environ 3 millions d'euros par an , auquel il convient d'ajouter 3 millions d'euros liés au GVT. La stabilité de la dotation dissimule donc une perte de pouvoir d'achat pour l'établissement public . La seule solution, en l'absence de perspectives de hausse des crédits ou d'accroissement très significatif du mécénat, pourrait être la suppression de certains services jugés non prioritaires par exemple.
L'équation budgétaire que devra résoudre la BNF dans les années à venir est donc particulièrement complexe , d'autant plus que l'établissement doit absorber sur son budget les surcoûts liés au site Richelieu (voir infra ), qu'il parait optimiste aujourd'hui d'imaginer couverts par les recettes de mécénat. Des travaux d'entretien importants sont d'ores et déjà à prévoir sur le site François Mitterrand, qui a maintenant plus de 20 ans.
4. Les travaux du quadrilatère Richelieu
Le site Richelieu est, depuis le début du XVIII e siècle, le berceau historique de la BNF. Avec l'installation des collections d'imprimés et de périodiques sur le site François-Mitterrand en 1998, les espaces laissés vacants dans le bâtiment historique ont été destinés aux départements spécialisés de la BNF (arts du spectacle, cartes et plans, estampes et photographie, manuscrits, monnaies, médailles et antiques, musique), à l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et à l'École nationale des chartes (ENC).
Dans cette perspective, si la BNF s'est attachée, dès 1999, à faire réaliser des travaux de mise en sécurité indispensables, l'état des bâtiments et des équipements nécessitait une rénovation complète, répondant à trois objectifs :
- réhabiliter les bâtiments et les équipements afin de mieux assurer la sécurité des personnes et d'améliorer les conditions de conservation des biens et des collections ;
- améliorer les conditions de travail des publics grâce à des salles de lecture embellies et plus fonctionnelles, à la mise en place de nouveaux services, à la poursuite de l'informatisation des catalogues, à la numérisation des collections et à des mutualisations de services entre la BNF, l'INHA et l'ENC pour installer le site rénové comme pôle d'excellence en matière de recherche sur l'histoire de l'art et le patrimoine écrit ;
- ouvrir à un plus large public le quadrilatère Richelieu et offrir, à l'issue des travaux, des activités pédagogiques, un parcours de visite et un musée exposant de façon permanente une sélection des trésors de la BNF.
L'ensemble de la maîtrise d'ouvrage des aménagements intérieurs et de rénovation des extérieurs a été confié à l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC).
Le coût initial du projet de rénovation était de 177,6 M€. Suite à l'ajout de prestations (33 M€ pour la rénovation du Clos-couvert et des façades en 2011) et à l'actualisation des coûts de marchés de travaux, le coût total est estimé à ce stade à 240,89 M€, 7 M€ de plus que l'année dernière, soit un dépassement de plus de 35 % .
Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a contribué à hauteur de 42,665 M€ .
La participation du ministère de la culture s'élève à 198,2 M€, financée sur le programme 334 « Livre et industries culturelles » à hauteur de 163,7 M€, et sur le programme 175 « Patrimoines », pour la partie monuments historiques, à hauteur de 34,5 M€. Le surcoût de 7 millions d'euros de cette année doit être absorbé par la BNF sur ses recettes de mécénat.
La BNF s'efforce à cet effet de multiplier les opérations de mécénat afin de prendre en charge partiellement les interventions sur la Galerie Mazarine et d'autres prestations hors mandat, notamment la restauration du salon Louis XV. La fin des travaux est prévue pour l'année 2020 .
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Compte tenu de ces observations, votre Rapporteure pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2020.
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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2020.