B. DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT S'ÉLEVANT À 112,5 MILLIARDS D'EUROS SUR LA PÉRIODE 2019-2023
Les besoins en matière d'équipement sont estimés à près de 173 milliards d'euros sur la période 2019-2025 .
Sur ce montant, 112,5 milliards d'euros (65 %) ont été prévus dans la trajectoire inscrite dans le projet de loi de programmation militaire .
Évolution des dépenses de l'agrégat « Équipement »
(en milliards d'euros)
LFI 2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Total
|
Moyenne |
18,3 |
19,5 |
20,8 |
22,3 |
23,7 |
26,1 |
28,8 |
31,5 |
172,8 |
24,7 |
Source : rapport annexé au projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025
1. Un effort financier en faveur de l'entretien programmé du matériel (EPM) qui s'accompagnera d'une réforme de l'organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO)
a) Des crédits consacrés à l'EPM qui s'élèveront à 4,4 milliards d'euros par an en moyenne
Le point 4.1.1 du rapport annexé au présent projet de loi indique que 22 milliards d'euros seront consacrés à l'entretien programmé des matériels (EPM) entre 2019 et 2023, pour des besoins estimés à 35 milliards d'euros sur la période 2019-2025 .
Entre 2019 et 2023, la dépense en faveur de l'EPM s'élèvera donc à 4,4 milliards d'euros par an en moyenne, soit un milliard d'euros en plus par rapport à la LPM précédente .
Votre rapporteur pour avis considère que cet effort est indispensable pour permettre, d'une part, de prendre en compte les besoins accumulés au cours des années passées, qui n'ont cessé de s'accroître du fait du sur-engagement des forces et, d'autre part, d'améliorer les taux de disponibilité des matériels , dont certains apparaissent critiques.
b) Un effort financier qui s'accompagnera d'une réforme du MCO, notamment dans le domaine aéronautique
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) vise à assurer une disponibilité optimale des matériels militaires, afin de satisfaire les objectifs des contrats opérationnels. Il recouvre pour l'essentiel l'entretien programmé des matériels (EPM), financé sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », qui représente la plus grande partie du MCO, le soutien opérationnel (maintenance courante) et le soutien initial financé par le programme 146 « Équipement des forces ». Ce dernier est assuré par la direction générale de l'armement (DGA), qui est en outre co-responsable avec l'état-major des armées de la politique générale du MCO.
(1) Une architecture du MCO renouvelée à partir de 2012
À la suite d'une très forte dégradation de la disponibilité des matériels au début des années 2000, le ministère de la défense a lancé une importante réforme de l'organisation du MCO. Celle-ci s'est traduite par la mise en place d'un pilotage par la performance - décliné en objectifs en termes de disponibilité - grâce à une gouvernance rationalisée et une répartition des compétences et des responsabilités clairement établie.
L'architecture du MCO, qui reposait auparavant sur une logique par armée, s'appuie depuis 2012 sur une répartition des compétences par « milieu » destinée à permettre une gestion « interarmées » des matériels. Trois niveaux peuvent être distingués :
1) la maîtrise d'ouvrage , qui relève de la responsabilité des états-majors de chaque armée ;
2) la maîtrise d'ouvrage déléguée par les états-majors aux trois structures de soutien spécialisées dont ils assurent la tutelle :
- la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT). Créée en 2010 sur le modèle de la SIMMAD et placée sous l'autorité du chef d'état-major de l'armée de terre, la SIMMT est chargée de la gestion du MCO des matériels terrestres. Malgré la vocation interarmées de la SIMMT, dans les faits, 90 % des matériels dont elle assure le MCO sont en service dans l'armée de terre 22 ( * ) ;
- le service de soutien de la flotte (SSF). Créé en 2000 et placé sous l'autorité du chef d'état-major de la marine, le SSF assure la gestion du MCO des matériels navals sur une base interarmées, bien que l'essentiel des matériels dont il a la charge relève de la marine nationale ;
- et jusqu'en avril 2018, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) . Créée en 2000 et placée sous l'autorité du chef d'état-major de l'armée de l'air, la SIMMAD gérait le MCO de l'ensemble des matériels aéronautiques, quelle que soit leur armée d'appartenance. Le MCO aéronautique est désormais géré par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), créée par le décret du 18 avril 2018 23 ( * ) et placée directement auprès du chef d'état-major des armées.
3) la maîtrise d'oeuvre , qui peut relever d'acteurs étatiques tels que le service industriel de l'aéronautique (SIAé), le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer) et le service logistique de la marine (SLM), ou encore d'entreprises industrielles privées.
Organisation du MCO des armées depuis 2012
Source : Cour des comptes, à partir des données du ministère de la défense, 2014
(2) Un ensemble de réformes destinées à améliorer la disponibilité du matériel
Malgré les résultats obtenus, l'organisation actuelle du MCO n'a pas permis de pallier l'ensemble des faiblesses constatées dans la disponibilité des matériels, en particulier aéronautiques. Dès lors, les réformes en cours ou en projet visent à permettre une meilleure régénération des matériels très éprouvés par leurs déploiements successifs, puis à améliorer le niveau d'activité opérationnelle des armées .
Le rapport annexé énonce en premier lieu des mesures portant sur l'ensemble du MCO : renouvellement des systèmes d'information techniques et logistiques, rationalisation de la chaîne d'approvisionnement, etc.
À cet égard, le ministère des armées poursuit déjà un projet supply chain , qui se traduit par la réduction des coûts d'entreposage, d'infrastructure, de transports, l'identification des pistes de gain d'effectifs et l'optimisation de l'emploi des ressources d'EPM.
En second lieu, des évolutions dans la gouvernance du MCO propre à chaque milieu sont envisagées.
Le MCO naval n'est pas appelé à connaître de grandes modifications au cours de cette période de programmation, mais le SSF devra conjuguer l'entretien de nouveaux bâtiments (Frégates multi-missions, Barracuda, etc.) à celui d'équipements plus anciens.
En ce qui concerne le milieu terrestre, l'évolution du modèle du MCO du matériel terrestre (MCO-T) à l'horizon 2025 prévoit un recours croissant aux services des industriels privés , ainsi qu'une clarification de la séparation entre les acteurs de la maintenance industrielle (MI), réalisée par le SMITer en lien avec les acteurs privés, et de la maintenance opérationnelle (MO) , réalisée sous la responsabilité du commandement de la maintenance des forces terrestres , principalement pour le matériel déployé en Opex ou relevant du parc en exploitation opérationnelle destiné à l'entraînement ou à l'alerte.
C'est principalement sur le MCO aéronautique (MCO aéro) que porteront les évolutions les plus significatives .
L'architecture du MCO aéro a été rénovée à la suite d'une décision du COMEX ministériel du 6 mai 2014 dans le but d'en améliorer l'efficacité, via une meilleure harmonisation interarmées des pratiques et des organisations des trois armées. L'aspect interarmes est en effet spécifique au matériel aéronautique, chaque armée disposant de ses propres aéronefs , à raison de 28 % de l'ensemble des aéronefs pour l'armée de terre, 16 % pour la marine et 56 % pour l'armée de l'air 24 ( * ) . Cette spécificité est parfois source de complications dans la gouvernance du MCO aéro.
À la suite des conclusions de la mission conduite par l'ingénieur général de l'armement Christian Chabbert, la ministre des armées a entrepris une réforme de l'organisation du MCO aéro.
Celle-ci peut être résumée en quatre axes principaux : la création de la DMAé (cf. supra ), accompagnée d'un renforcement de la fonction contractuelle de la maîtrise d'ouvrage, la verticalisation et de la globalisation des contrats de maintenance, confiés à un maître d'oeuvre principal, notamment à travers un renfort d'agents issus de la DGA et le renforcement de la performance industrielle et économique du SIAé.
Cette réforme fera l'objet d'une analyse plus détaillée dans les conclusions du contrôle budgétaire sur la disponibilité des hélicoptères des armées conduit par votre rapporteur pour avis qui devraient être publiées d'ici l'été 2018.
2. Un effort indéniable en faveur des équipements, mais dont une partie significative sera consacrée à la modernisation et au renouvellement de la dissuasion
a) Un calendrier et des volumes de commandes et de livraisons qui semblent répondre aux besoins des forces
Hors entretien programmé des matériels et dépenses d'infrastructures, les crédits consacrés aux équipements s'élèveront à 50 milliards d'euros entre 2019 et 2023, pour des besoins estimés à 78 milliards d'euros sur la période 2019-2025.
Le point 3.2 du rapport annexé au présent projet de LPM détaille le programme de commandes et de livraisons prévu sur la période 2019-2025 ainsi que les objectifs de parcs fixés à l'horizon 2030 .
Programme de livraisons et de commandes des principaux équipements
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annexé au présent projet de loi
S'agissant de la composante terrestre , le programme Scorpion - qui vise à doter les groupements tactiques interarmes (GTIA) de l'armée de terre d'engins blindés de nouvelle génération de type VBMR (véhicule blindé multi-rôles) et EBRC (engin blindé de reconnaissance et de combat) - sera accéléré . La moitié des véhicules du segment médian devrait ainsi être livrée d'ici 2025 , correspondant à 936 véhicules blindés multi-rôles lourds Griffon, 150 engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, 122 chars de combat Leclerc rénovés et 489 véhicules blindés multi-rôles légers VBMR-L.
De même, les livraisons de l'armement individuel futur (AIF) et des missiles moyenne portée (MMP) seront accélérées.
Pour ce qui concerne la composante navale, 4 sous-marins nucléaires d'attaque de type Barracuda, les 3 dernières frégates multi-missions (FREMM) et les 2 premières frégates de taille intermédiaire (FTI) devraient être livrés d'ici 2025 . Par ailleurs, la cible du nombre de patrouilleurs sera portée de 17 à 19, dont 11 seront livrés d'ici 2025 (contre 4 prévus initialement).
La composante aérienne bénéficiera notamment de la livraison de 6 drones Reaper armés, d'un premier système du drone MALE ( medium altitude long endurance ) européen, 28 Rafale et 55 Mirage 2000 D rénovés d'ici 2025 et de 12 premiers avions ravitailleurs MRTT ( multi role tanker transport) d'ici 2023. Par ailleurs, le nombre total de MRTT sera porté à 15, contre une cible initiale fixée à 12.
b) Une modernisation de la dissuasion nucléaire qui concentrera près du quart des crédits consacrés à l'agrégat équipement sur la période 2019-2023
Le présent projet de loi prévoit l'inscription de crédits destinés à la modernisation et au renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire, présentée comme la « clé de voûte de notre stratégie de défense ».
S'agissant de la composante océanique , le rapport annexé au présent projet de loi précise que l'ensemble des sous-marins lanceurs d'engins (SNLE) devraient être modernisés, le missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) intercontinental M 51.3 sera mis en oeuvre et la future version du missile M 51 devrait être lancée.
Par ailleurs, les travaux relatifs au sous-marin nucléaire lanceur d'engins de troisième génération (SNLE 3G) devraient entrer en phase de réalisation.
S'agissant de la composante aéroportée , il sera notamment procédé à la rénovation à mi-vie du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) et les études de développement de son successeur (ASN 4G) seront poursuivies.
Enfin, des crédits seront prévus pour la poursuite du programme de simulation , lancé en 1995 après la décision d'arrêter les essais nucléaires dans le Pacifique.
Au total, 25 milliards d'euros seront consacrés à la modernisation de la dissuasion sur la période 2019-2023, soit 5 milliards d'euros par an , contre 3,2 milliards d'euros en 2018.
Si l'effort consenti apparaît globalement cohérent avec les préconisations de nos collègues et anciens collègues Xavier Pintat, Jeanny Lorgeoux , André Trillard, Pascal Allizard et Claude Haut 25 ( * ) , qui estimaient nécessaire de porter les crédits consacrés à la dissuasion à un montant compris entre 5,5 milliards d'euros et 6 milliards d'euros , il convient cependant de noter qu'il représentera près du quart du total des dépenses en faveur de l'agrégat équipement .
* 22 Cour des comptes, Le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, rapport public thématique, septembre 2014.
* 23 Décret n° 2018-277 du 18 avril 2018 fixant les attributions de la direction de la maintenance aéronautique.
* 24 Cour des comptes, Le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, rapport public thématique, septembre 2014.
* 25 « La nécessaire modernisation de la dissuasion nucléaire », rapport d'information n° 560 (2016-2017) de Xavier Pintat, Jeanny Lorgeoux, André Trillard, Pascal Allizard et Claude Haut, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 23 mai 2017.