C. LA PRÉPARATION DU PROCHAIN CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS 2016-2020
1. Des personnels qui s'interrogent sur le degré de priorité accordé à l'audiovisuel extérieur
Votre rapporteure pour avis avait souhaité, l'année dernière, rencontrer les cinq organisations syndicales de France Médias Monde (CFDT, CFTC, CGT, FO, SNJ) afin de faire le point sur la fusion. Ces échanges avaient permis de constater qu' aucun des syndicats de salariés ne demandait le retour en arrière et que la fusion constituait, par voie de conséquence, un acquis . Le rapprochement ne s'est pas réalisé sans difficultés et la CGT et la CFTC, par exemple, remarquaient qu'il n'existait pas encore de « culture commune ».
Pour autant, l'ensemble des syndicats reconnaissait que la présidente de France Médias Monde, Mme Marie-Christine Saragosse, avait réussi à rétablir un climat de confiance qui avait permis de conduire les opérations de rapprochement dans la sérénité grâce à un dialogue social renouvelé . Même si une inquiétude existait concernant l'issue des négociations sur le futur statut commun, les syndicats souhaitaient regarder également vers l'avenir en appelant de leurs voeux une meilleure gestion de la charge de travail et des efforts de formation afin de permettre aux journalistes de s'adapter à la nécessité de produire pour les nouveaux médias.
Mais au-delà des modalités de rapprochement, c'est l'ambition des pouvoirs publics pour France Médias Monde qui préoccupait déjà les syndicats l'année dernière , compte tenu, notamment, des restrictions concernant les départs en mission des journalistes, l'abandon des ondes courtes dans certains pays et le report de certains projets. Votre rapporteur pour avis avait souligné le fait que ces inquiétudes étaient plutôt rassurantes puisqu'elles illustraient aussi « l'attachement des personnels à leur entreprise et une conscience aigüe de leur mission d'information » .
Les échanges menés cette année avec les syndicats n'ont pas permis de dissiper les inquiétudes évoquées l'année dernière . La CGT, par exemple, considère « incompréhensible de ne plus avoir de COM » depuis bientôt un an et estime que la société « n'a jamais eu les moyens nécessaires pour faire trois chaînes de télévision » . Le syndicat considère qu' « aucune entreprise de télévision ne travaille comme nous avec aussi peu de moyens » et regrette qu' il n'existe pas de financement pérenne faute de réforme de la CAP .
La CFDT regrette, pour sa part, que l'entreprise n'ait toujours pas eu de retour sur ses demandes pour le prochain COM et insiste sur le fait que FMM représente le pays et qu'il serait utile d'avoir des moyens supplémentaires compte tenu du contexte. Elle rappelle que la société a déjà fait beaucoup d'efforts à travers le plan de départs volontaires, compte tenu du fait que la direction n'avait pas souhaité reformater les contenus pour tenir compte des baisses d'effectifs, ce qui aurait eu pour conséquence d'affaiblir les antennes. Les personnels doivent donc produire autant de programmes avec moins de moyens.
La CFDT considère, en fait, que « France Médias Monde est la société qui a fait le plus d'efforts et qui avance sans se plaindre dans le cadre d'une tranquillité sociale retrouvée » .
Concernant la question du statut commun, la CGT estime que les négociations ne permettent pas en réalité de faire évoluer les textes présentés et que « le texte de janvier n'a quasiment pas bougé » . La CGT regrette également des pressions afin que l'accord soit signé avant le 31 décembre 2015.
La CFDT exprime un ressenti différent. Si le syndicat déplore que les négociations n'aient pas commencé dès 2013, il estime que « les choses avancent » et qu' « il reste deux mois de négociations » . Le travail doit porter en particulier sur le système salarial commun. La CFDT considère que l'accord d'entreprise doit s'inscrire dans la durée et que les parties devraient pouvoir au moins arriver à un bilan d'étape d'ici la fin de l'année, quelques mois supplémentaires pouvant être nécessaires à la conclusion de l'accord . Le syndicat estime que le coût de l'harmonisation qu'il chiffrait à l'origine entre 6 et 10 millions d'euros devrait in fine dépasser les 3,5 millions d'euros. FO a également des doutes sur la possibilité de conclure l'accord d'ici la fin de l'année et rappelle qu'il y a des personnels qui travaillent dans l'entreprise sur les mêmes postes avec des salaires très différents, en particulier dans les fonctions « support ».
FO considère que le PLF pour 2016 ne répond pas aux besoins et que les moyens sont en réalité en baisse. Le syndicat regrette, en particulier, le fait que RFI, qui contribue beaucoup aux efforts, soit laissée sans stratégie. FO demande que l'État définisse une stratégie claire pour l'audiovisuel extérieur et met en garde sur le fait que RFI devient « une radio de moins en moins internationale » et de plus en plus centrée sur l'Afrique qui concentre selon lui 80 % de l'audience tandis que 50 % des connexions se font en Europe sur Internet. Le syndicat a regretté la faiblesse des projets de développement en Inde, en Asie du Sud-Est, en Chine et au Brésil. « Qu'est-ce que l'État veut faire de nous ? » demandent les représentants de FO en rappelant qu'un projet demande des moyens.
Le SNJ alerte, pour sa part, sur la baisse de qualité des programmes de certaines antennes et rappelle qu'à RFI en particulier les personnels manquants ne sont pas remplacés. Le syndicat constate un écart croissant de moyens avec les médias russes et chinois.
La CFTC considère de la même façon qu'il faut une adéquation entre les ambitions et les moyens. Elle regrette une concentration des moyens de France 24 sur l'Afrique et le Moyen-Orient au détriment de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique. Elle insiste sur les incertitudes qui entourent le projet de déclinaison de France 24 en espagnol. Pour la CFTC, les moyens de France 24 étaient modestes dès l'origine et ils n'ont pas été augmentés en dépit du fort développement des grilles de programmes.
Concernant le projet de chaîne d'information en continu qui suscite l'inquiétude de nombreux salariés, la CFDT regrette le manque de réflexion et indique que la bonne solution serait de localiser la nouvelle chaîne dans l'immeuble de France 24 .
La CGT observe pour sa part qu'il n'y a pas encore de véritables « services » au sein de France 24 mais seulement des embryons sur l'Afrique et l'économie. Elle considère qu'il est par conséquent difficile pour la chaîne de s'inscrire dans un nouveau projet sans avoir la structure nécessaire pour se faire. Le syndicat estime que France 24 aurait dû être créée au sein même de France Télévisions.
Le SNJ rappelle enfin que l'objectif d'une chaîne d'information est de réagir à l'actualité à travers une ligne éditoriale et insiste sur le fait que c'est la rédaction qui constitue l'âme de la chaîne. Le syndicat s'interroge donc sur le sens d'une chaîne uniquement sur Internet et ne disposant pas de sa propre rédaction.
La CFDT observe qu'il ne faut pas abandonner le « linéaire » car c'est lui qui nourrit les autres médias. Il faut donc apprendre à mieux faire travailler les rédactions Tv et Internet de France 24.
2. Les moyens préservés du PLF 2016
Le projet de loi de finances prévoit d'accorder à France Médias Monde une dotation de ressources publiques de 249,1 millions d'euros TTC (soit 244,0 millions d'euros HT) en augmentation de 2 millions d'euros (soit +0,8 %) par rapport à la LFI 2015.
Le compte de résultat prévisionnel tient également compte du maintien des économies de charges liées à la disparition de la taxe sur les salaires et de l'allègement des charges sociales, dans le cadre du pacte de compétitivité, qui représentent 3,1 millions d'euros .
Les produits d'exploitation sont attendus en 2016 à 254,5 millions d'euros en hausse de 0,8 % par rapport à 2015. Les ressources propres devraient être stables à 8,9 % millions d'euros dont 4,3 millions d'euros pour la publicité et les parrainages.
Les charges d'exploitation sont également prévues à 254,5 millions d'euros , les 2 millions d'euros de charges supplémentaires étant consacrés au renforcement de la sécurité (+1,1 million d'euros), à l'amélioration de l'accessibilité des programmes de France 24 aux sourds et malentendants (+0,4 million d'euros), à l'archivage des contenus audiovisuels (+0,2 million d'euros) ainsi que la progression de la masse salariale liée aux effets de glissement (GVT) et à la négociation annuelle obligatoire. À noter que la masse salariale devrait s'élever à 136 millions d'euros contre 133,2 en 2015.
Sur ces bases, le résultat net de l'exercice 2016 serait à l'équilibre , ce qui distingue sensiblement FMM de France Télévisions et de Radio France qui connaissent toutes deux des déficits.
Votre rapporteure pour avis ne peut que saluer la prévision d'équilibre en 2016 qui illustre le sérieux de la gestion de l'entreprise. Elle estime néanmoins que les efforts réalisés par l'entreprise comme le contexte géopolitique auraient justifié une progression des crédits. Elle forme le voeu que le COM à venir sera l'occasion de prévoir une telle évolution qui doit être considérée comme une priorité.
3. Trois scénarios d'évolution des moyens pour le prochain COM
Depuis plusieurs mois, l'État et France Médias Monde ont engagé les négociations sur le COM 2016-2020 avec l'objectif d'une signature au tout début de l'année 2015. Compte tenu du délai de six semaines dont bénéficie le Parlement pour l'examen de ce futur COM, il est prévu qu'il entre en vigueur en mars 2016.
Dans le cadre de la préparation de son futur COM, France Médias Monde a élaboré trois scénarios de référence :
- le premier scénario envisage un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 0,7 % sur la période (soit une évolution cumulée de 9 millions d'euros), qui lui permettrait seulement de maintenir sa capacité d'action au regard de ses obligations légales, des effets de glissement inévitables de la masse salariale et de la hausse des amortissements liée aux investissements passés, ainsi que de la nécessité de renforcer son dispositif de sécurité à la suite des attentats de 2015 et de la cyberattaque du mois d'avril contre TV5 Monde ;
- le deuxième scénario envisage un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 1,5 % sur la période (soit une évolution cumulée de 18,3 millions d'euros), qui lui permettrait de maintenir ses performances actuelles , à travers l'adaptation des offres éditoriales du groupe, le développement d'une stratégie de marketing et de communication indispensable à la hausse de la notoriété, et le maintien des positions du groupe sur tous les supports traditionnels de diffusion et de distribution ;
- le troisième scénario envisage un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 2,1 % sur la période (soit une hausse de 25,3 millions d'euros), qui lui permettrait de renforcer son influence dans le monde, à travers le développement d'un projet de déclinaison de France 24 en langue espagnole .
Votre rapporteure pour avis considère que le dernier scénario, qui est le plus ambitieux, est particulièrement intéressant compte tenu des efforts réalisés par l'entreprise ces dernières années et doit être privilégié. Elle indique que ce scénario a la préférence du ministère des affaires étrangères et du développement international qui a souhaité réaffirmer son soutien au développement de France Médias Monde et partage les objectifs stratégiques de la société. Votre rapporteure pour avis souhaite que le Sénat se mobilise afin d'inciter le gouvernement à prendre cette décision.
Une implication du ministère des affaires étrangères réaffirmée Le ministère des affaires étrangères et du développement international exerce déjà en droit une « co-tutelle » de l'audiovisuel extérieur qui lui permet de faire valoir son point de vue dans les réunions interministérielles, au conseil d'administration de France Médias Monde ainsi qu'au sein du nouveau comité stratégique de l'audiovisuel public. Le ministre a souhaité réaffirmer récemment son implication dans le développement de FMM en soutenant, en particulier, les projets de déclinaison en espagnol de France 24 et de meilleure diffusion de RFI en Afrique. Le ministère estime notamment que le projet de chaîne hispanophone ne pourra être financé uniquement par redéploiements compte tenu de son coût estimé à 19 millions d'euros sur l'ensemble de la durée du COM. Le ministère reconnaît l'intérêt de localiser la rédaction de cette future chaîne en Colombie qui constitue un partenaire important en Amérique latine. |