Avis n° 168 (2015-2016) de Mme Claudine LEPAGE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 19 novembre 2015

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N° 168

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 4

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

Par Mme Claudine LEPAGE,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Si les enjeux de l'année 2015 pour l'audiovisuel extérieur sont assez semblables à ceux de l'année dernière, leur acuité n'a fait que croître au cours des derniers mois : la consommation des médias poursuit sa mutation accélérée avec la double contrainte que les contenus doivent être accessibles sur tous supports et à tout moment, tandis que le développement des conflits à l'Est de l'Europe, en Afrique et au Proche-Orient renforce encore la nécessité de permettre l'accès à une information indépendante et vérifiée.

Par ailleurs, votre rapporteure pour avis s'inquiétait déjà l'année dernière des « départs de dizaines, voire de centaines de jeunes pour l'Irak et la Syrie qui ont tous mûri leur projet au contact de médias étrangers - souvent arabophones ou anglophones - qui ont investi Internet et les chaînes d'information en continu » 1 ( * ) . Les événements tragiques des 7 janvier et 13 novembre 2015 - pour ne citer qu'eux - n'ont fait que confirmer la nécessité de considérer l'accès à une information libre et à la culture comme une donnée essentielle des conflits en cours si l'on veut préserver les consciences .

La cyberattaque dont a été victime TV5 Monde le 8 avril dernier et qui a fortement endommagé ses infrastructures est venue nous rappeler, une nouvelle fois quelques semaines après l'attaque contre Charlie Hebdo, que les médias eux-mêmes étaient devenus des cibles et devaient faire l'objet d'une protection adaptée. Cette cyberattaque n'a, certes, endommagé que des matériels mais c'est l'existence même de la chaîne francophone qui était visée et le coût des dégâts occasionnés s'est révélé très élevé.

Votre rapporteure pour avis salue la mobilisation des personnels de TV5 Monde qui a permis de préserver de nombreux équipements et de relancer les programmes dans des conditions difficiles. Elle souhaite que des moyens suffisants soient mobilisés afin que le coût des réparations et des nouvelles mesures de protection ne pèse plus sur le budget des programmes de la chaîne comme cela peut encore être le cas aujourd'hui.

Cette situation démontre que les moyens consacrés à l'audiovisuel extérieur ont atteint un étiage préoccupant qui trouve son origine dans la crise de financement de l'audiovisuel public .

La mauvaise santé financière de France Télévisions et de Radio France ne laisse que peu de moyens pour permettre le développement des autres acteurs de l'audiovisuel public qui ne bénéficient, pourtant, que d'une fraction minime des ressources publiques. France Médias Monde reçoit ainsi une part de la contribution à l'audiovisuel public dix fois inférieure à celle de France Télévisions tandis que celle de TV5 Monde est trente fois plus faible que celle du groupe de télévision public.

L'utilité incontestable de l'audiovisuel extérieur et la pertinence des projets développés par les dirigeants des France Médias Monde et de TV5 Monde justifieraient pleinement aujourd'hui un « coup de pouce », mais celui-ci n'est tout bonnement pas possible compte tenu de l'immensité des besoins des deux groupes publics de radio et de télévision. Cette situation apparaît d'autant plus imméritée que les dirigeants et les personnels de France Médias Monde et TV5 Monde ont déjà réalisé d'importants efforts et qu'ils peuvent légitimement avoir le sentiment que les « bons élèves » ne sont pas « récompensés ».

Cette situation n'empêche pas le développement de nouveaux projets mais ceux-ci, pour être menés à bien, nécessitent la remise en cause d'actions déjà existantes dans le cadre d'arbitrages de plus en plus cornéliens. France Médias Monde est ainsi invitée à renoncer à certaines actions si elle souhaite pouvoir inscrire la déclinaison de France 24 en espagnol dans son futur contrat d'objectifs et de moyens (COM) alors que TV5 Monde a dû se résoudre à un redimensionnement de son offre de programmes aux États-Unis pour permettre le développement d'une chaîne destinée à la jeunesse en Afrique.

Les syndicats des sociétés de l'audiovisuel public sont donc dans leur rôle lorsqu'ils interpellent l'État pour connaître son projet et son ambition pour l'audiovisuel extérieur compte tenu des contraintes budgétaires actuelles.

Votre rapporteure pour avis est tout à fait consciente des difficultés rencontrées par les sociétés de l'audiovisuel extérieur mais elle observe que, dans un contexte difficile pour les finances publiques, l'essentiel a été préservé, ce qui n'est pas rien. Elle remarque, par ailleurs, que la fusion de France 24, RFI et MCD au sein de France Médias Monde est aujourd'hui « derrière nous » et que les syndicats de salariés ne la remettent pas en cause tandis que le rapprochement entre TV5 Monde et France Télévisions est devenu une réalité qu'il convient de poursuivre, dans le respect des spécificités des deux partenaires en consolidant les coopérations et les mutualisations.

Après cette phase de « consolidation » de l'audiovisuel extérieur qui doit être confortée à travers, par exemple, la poursuite des mutualisations au sein de France Médias Monde, une phase de développement doit pouvoir constituer une perspective de moyen terme qui peut trouver sa place dans les réflexions plus globales sur l'évolution de l'audiovisuel public . Cette perspective doit s'inscrire dans le cadre de la volonté de notre pays de réaffirmer son ambition d'influence et de coopération internationales qui s'illustre notamment à travers une implication renforcée du Ministère des affaires étrangères et du développement international auprès de France Médias Monde pour accompagner son développement.

Votre rapporteure pour avis estime, pour sa part, que le débat nécessaire ouvert sur une réforme du financement de l'audiovisuel public au moyen d'une modernisation de la contribution à l'audiovisuel public et d'un renforcement des mutualisations ne doit pas avoir pour objectif premier de réduire les moyens mais, au contraire, de dégager des marges de manoeuvre qui pourront bénéficier, pour une part au moins, à l'audiovisuel extérieur.

Dans l'immédiat, une réunion des représentants des gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde prévue le 27 novembre 2015 devait permettre de réexaminer les moyens de la chaîne internationale francophone compte tenu de l'évolution du contexte.

Pour ce qui est de France Médias Monde, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication devrait pouvoir examiner au premier trimestre de 2016 le nouveau COM de France Médias Monde pour la période 2016-2020 . Ce sera l'occasion de mesurer le chemin déjà parcouru et d'examiner la feuille de route et les moyens de l'entreprise pour les quatre années à venir dans le cadre d'une concurrence renforcée et de défis géopolitiques inédits.

FRANCE MÉDIAS MONDE

I. FRANCE MÉDIAS MONDE : UN DÉVELOPPEMENT CONTRARIÉ PAR DES MOYENS LIMITÉS

A. UNE FUSION RÉUSSIE MALGRÉ QUELQUES INCERTITUDES PERSISTANTES

1. Un COM 2013-2015 en voie d'achèvement

France Médias Monde (FMM) est une société nationale de programmes au sens du IV de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dont la mission est de « contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu'au rayonnement de la France dans le monde, notamment par la programmation et la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de services de communication au public en ligne relatifs à l'actualité française, francophone, européenne et internationale » .

France Médias Monde comprend trois entités distinctes qui conservent leur identité et des rédactions propres :

- France 24, chaîne d'information en continu trilingue ;

- RFI, radio internationale en français et en 12 langues étrangères ;

- et Monte Carlo Doualiya (MCD), radio universaliste en arabe.

La stratégie de FMM est déterminée dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens conformément aux dispositions de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le contrat d'objectifs et de moyens (COM), agréé entre l'État et la société, définit dans un cadre prospectif et pluriannuel les stratégies éditoriales et de développement, les améliorations de gestion à mettre en oeuvre et les moyens d'y parvenir.

Le COM négocié par l'État et FMM pour la période 2013-2015 a été signé le 9 avril 2014. Ses principaux objectifs sont les suivants :

- poursuivre la consolidation de la couverture mondiale de France 24 ;

- continuer à adapter les programmes de RFI et MCD à leurs publics, notamment par les langues de diffusion ;

- renforcer la stratégie de diffusion sur tous les supports numériques ;

- approfondir les synergies, tant en interne qu'avec les autres acteurs de l'audiovisuel public.

Votre rapporteure pour avis a rendu compte du COM de FMM, transmis à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication préalablement à son adoption au travers d'une communication effectuée le 18 décembre 2013 dans laquelle elle observait qu'il donnait une perspective de moyen terme « sur une période assez courte, de 2013 à 2015, soit la période minimale prévue par la loi » et s'inscrivait « dans la continuité des conclusions du rapport Cluzel, qui préconisait de reconstruire les rédactions tout en préservant les synergies » .

Tout en maintenant les spécificités des différentes antennes de FMM, le COM a précisé les objectifs de chacune d'entre elles. RFI doit ainsi veiller au rajeunissement de son auditoire notamment dans les pays africains et développer les émissions en haoussa et kiswahili ainsi qu'en bambara au Mali. MCD a pour objectif d'étendre sa diffusion à 24 heures sur 24 tandis que France 24 a pour mission de renforcer ses antennes anglophones et arabophones par l'augmentation régulière du nombre d'heures de production.

Le COM concerne également la politique de diffusion et de distribution. Il prévoit ainsi un développement en Afrique non francophone et au Cambodge de RFI. Il traite également la question du rayonnement de France 24 sur le territoire métropolitain après que le Gouvernement a annoncé la préemption de fréquences pour une diffusion sur la TNT en Ile-de-France. Pour MCD, l'objectif sera de pouvoir obtenir des fréquences dans les capitales du Maghreb à un coût raisonnable. Le COM évoque également une coopération entre France 24 et TV5 Monde afin d'éviter une concurrence entre les politiques de distribution au niveau mondial.

Enfin, sur le plan des moyens, le COM prévoit sur la période 2013-2015 des mesures nouvelles à hauteur de 10,8 millions d'euros, soit une augmentation de 1,4 % par an. Au contraire des autres sociétés nationales de programme, FMM conserverait le bénéfice du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) à hauteur de 1 million d'euros. Le COM prévoyait également une hausse des ressources propres de 8,2 millions d'euros.

Au cours du débat qui a suivi la communication de votre rapporteure pour avis, il a été proposé d'adresser une lettre à la ministre afin de solliciter l'extension de la diffusion de RFI et MCD sur l'ensemble du territoire métropolitain. Enfin, la commission avait donné à l'unanimité un avis favorable au COM de FMM.

2. Une situation financière qui demeure fragile

Le projet de loi de finances pour 2015 a supprimé le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » dont l'action n° 1 « Audiovisuel extérieur de la France » assurait une partie du financement de FMM au moyen de crédits issus du budget général. Le nouveau programme 844 du compte de concours financiers couvre maintenant l'intégralité des crédits attribués à FMM, de 169,9 millions d'euros en 2014 à 247 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2015 (242 millions d'euros HT), du fait du transfert de crédits du programme 115. À périmètre constant, la dotation a augmenté en 2015 de 0,9 % soit moins que le 1,4 % prévu par le COM.

En 2014, FMM avait fait l'objet d'une mesure de régulation budgétaire à hauteur de 0,6 million d'euros décidée par la loi de finances rectificative de juillet 2014. Cette diminution de ressources a eu pour conséquence une baisse du coût de grilles des programmes et des frais de diffusion du fait du report de certains projets.

Pour l'année en cours, le financement de FMM a été assuré entièrement par la CAP et comprenait une baisse des ressources publiques de 0,1 million d'euros par rapport au COM du fait de l'économie attendue sur les charges sociales dans le cadre du pacte de responsabilité.

Chiffres clés France Médias Monde

Les trois médias :

touchent plus de 90 millions d'auditeurs et téléspectateurs chaque semaine ;

cumulent 26 millions de visites en moyenne chaque mois ;

rassemblent plus de 29 millions d'abonnés sur Facebook et Twitter

Chiffres clés France 24

France 24 a accru sa distribution 24H/24 de +50 % en deux ans. 300 millions de foyers reçoivent au moins l'une de ses trois versions ;

audience mondiale de France 24 en hausse de +11 % en 2014.

45,9 millions de téléspectateurs la regardent chaque semaine.

l'une des chaînes les plus suivies au Maghreb par l'ensemble de la population ( 1 re chaîne d'information en Tunisie ) où la chaîne en arabe enregistre des records d'audience ;

1 re chaîne d'information internationale dans toutes les capitales d'Afrique francophone ;

une place de plus en plus affirmée de la chaîne en arabe au Proche et Moyen-Orient.

Chiffres clés RFI

audience mondiale de RFI en hausse de +8 % en 2014

37,3 millions d'auditeurs hebdomadaires

RFI conforte sa place incontournable en Afrique francophone ;

la dynamisation des langues étrangères (offres éditoriales et numériques) porte ses fruits avec des bonds d'audience enregistrés, notamment en haussa (principalement au Nigéria). Des records d'audience en khmer , en roumain... qui encouragent la poursuite de la redynamisation des langues étrangères, notamment les langues parlées en Afrique

Chiffres clés MCD

audience de Monte Carlo Doualiya en augmentation de +5 % en 2014

7,3 millions d'auditeurs mesurés dans le monde arabe. Ouverture de nouvelles FM à Oman et en Libye .

Source : France Médias Monde

B. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX VALORISER LES ATOUTS DE FRANCE MÉDIAS MONDE SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

1. La place incertaine de France 24 dans le projet de chaîne d'information en continu

Le projet de chaîne d'information en continu de France Télévisions suscite à la fois les craintes et l'intérêt des équipes de France 24. Si elles comprennent bien l'intérêt de ce projet, celles-ci ont du mal à percevoir la logique consistant à créer une nouvelle chaîne d'information qui s'appuiera d'abord sur les équipes de France Télévisions.

Les échanges entre les différentes sociétés ont, par ailleurs, mis un peu de temps à s'organiser car les premiers contacts ont eu lieu sur une base bilatérale avant que le groupe de travail commun ne se réunisse pour la première fois le 17 novembre. Le ministère de la culture et de la communication est, pour sa part, resté en retrait de ces échanges, estimant qu'il fallait que les entreprises se parlent.

Auditionnés par votre rapporteur pour avis, les services du ministère de la culture et de la communication (DGMIC) considèrent qu'il existe deux options : soit un partage de l'antenne entre les partenaires, France Télévisions pouvant s'occuper des journaux du matin et du soir et France 24 assurant les autres plages horaires, par exemple, soit la constitution d'une équipe ad hoc . La seconde option nécessiterait toutefois davantage de temps et pourrait constituer, dès lors, une seconde étape.

Interrogés par votre rapporteure pour avis, les représentants du ministère ont également déclaré qu' une diffusion hertzienne de la chaîne d'information n'était pas exclue mais que cette possibilité n'avait pas encore fait l'objet d'une demande officielle de la part de France Télévisions . Une telle perspective nécessiterait une modification du cahier des charges de la société et une inscription dans le COM de France Télévisions. Des modifications des COM de Radio France et de France Médias Monde pourraient également être envisagées pour prendre en compte leur participation au projet de chaîne d'information en continu.

Une diffusion hertzienne de la chaîne d'information nécessiterait de trouver un canal disponible. Deux hypothèses sont envisageables : soit le basculement d'une chaîne existante du bouquet de France Télévisions sur Internet pour libérer un canal (soit France 4 soit France Ô), soit la réattribution d'un canal à France Télévisions et on pense à la fréquence occupée par Numéro 23 qui pourrait devenir disponible au 30 juin 2016.

Votre rapporteure pour avis rappelle qu'elle avait souhaité que France 24 constitue l'ossature de la chaîne d'information en continu du service public afin d'assurer, en particulier, son ouverture internationale. Elle souhaite que le projet tel qu'il sera mis en oeuvre in fine se rapproche, le plus possible, d'une véritable chaîne de télévision avec une équipe éditoriale dédiée et une identité forte qui puissent refléter les apports des différents partenaires. Le choix d'une diffusion hertzienne semble par ailleurs nécessaire si l'on souhaite que cette chaîne - qui sera financée par des fonds publics et non par la publicité - soit accessible au plus grand nombre.

2. La diffusion toujours limitée de France 24 et RFI en France

Dans son avis budgétaire de l'année dernière, votre rapporteure avait considéré comme souhaitable de « mieux valoriser les antennes de France Médias Monde même au travers une diffusion de France 24 sur tout le territoire » . Elle préconisait également d'étendre la diffusion de RFI sur le territoire national ou, tout du moins, aux grandes villes.

Le projet de création d'une chaîne d'information en continu auquel serait associé France 24 remet bien évidemment en question la perspective de voir diffusée la chaîne d'information internationale francophone sur le territoire national au-delà de ce qui existe déjà en Île-de-France ou sur les réseaux câblé et ADSL. Pour ce qui est de RFI, les services du ministère de la culture et de la communication rappellent que sa diffusion à Marseille en 2013 constituait une expérimentation sur une fréquence réservée à l'aviation civile. Ils évoquent la possibilité d'une diffusion en Île-de-France en rappelant toutefois que cela nécessiterait une modification du cahier des charges.

3. La question de la diffusion de France 24 arabophone et de MCD en France

Votre rapporteure avait déjà, l'année dernière, évoqué tout l'intérêt qu'il y aurait à organiser la diffusion de MCD sur le territoire national afin de permettre l'accès à une offre de contenus radiophoniques de qualité en arabe, notamment dans le domaine de l'information. Elle estime que la diffusion de France 24 en arabe pourrait présenter les mêmes avantages dans certaines agglomérations pour constituer une alternative à certains médias étrangers trop complaisants avec les mouvements islamistes.

Les services du ministère de la culture et de la communication, interrogés par votre rapporteure pour avis, considèrent qu'il est possible de développer la diffusion de MCD sur le territoire national en particulier en visant les agglomérations et en recourant à la RNT. Il n'y aurait pas de nécessité de modifier le cahier des charges pour ce faire. Ces mêmes services remarquent que le cahier des charges de France 24 n'interdit pas une diffusion de la déclinaison en arabe sur le territoire national mais aucune demande de FMM n'a jusqu'à présent été faite sur ce point.

C. LA PRÉPARATION DU PROCHAIN CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS 2016-2020

1. Des personnels qui s'interrogent sur le degré de priorité accordé à l'audiovisuel extérieur

Votre rapporteure pour avis avait souhaité, l'année dernière, rencontrer les cinq organisations syndicales de France Médias Monde (CFDT, CFTC, CGT, FO, SNJ) afin de faire le point sur la fusion. Ces échanges avaient permis de constater qu' aucun des syndicats de salariés ne demandait le retour en arrière et que la fusion constituait, par voie de conséquence, un acquis . Le rapprochement ne s'est pas réalisé sans difficultés et la CGT et la CFTC, par exemple, remarquaient qu'il n'existait pas encore de « culture commune ».

Pour autant, l'ensemble des syndicats reconnaissait que la présidente de France Médias Monde, Mme Marie-Christine Saragosse, avait réussi à rétablir un climat de confiance qui avait permis de conduire les opérations de rapprochement dans la sérénité grâce à un dialogue social renouvelé . Même si une inquiétude existait concernant l'issue des négociations sur le futur statut commun, les syndicats souhaitaient regarder également vers l'avenir en appelant de leurs voeux une meilleure gestion de la charge de travail et des efforts de formation afin de permettre aux journalistes de s'adapter à la nécessité de produire pour les nouveaux médias.

Mais au-delà des modalités de rapprochement, c'est l'ambition des pouvoirs publics pour France Médias Monde qui préoccupait déjà les syndicats l'année dernière , compte tenu, notamment, des restrictions concernant les départs en mission des journalistes, l'abandon des ondes courtes dans certains pays et le report de certains projets. Votre rapporteur pour avis avait souligné le fait que ces inquiétudes étaient plutôt rassurantes puisqu'elles illustraient aussi « l'attachement des personnels à leur entreprise et une conscience aigüe de leur mission d'information » .

Les échanges menés cette année avec les syndicats n'ont pas permis de dissiper les inquiétudes évoquées l'année dernière . La CGT, par exemple, considère « incompréhensible de ne plus avoir de COM » depuis bientôt un an et estime que la société « n'a jamais eu les moyens nécessaires pour faire trois chaînes de télévision » . Le syndicat considère qu' « aucune entreprise de télévision ne travaille comme nous avec aussi peu de moyens » et regrette qu' il n'existe pas de financement pérenne faute de réforme de la CAP .

La CFDT regrette, pour sa part, que l'entreprise n'ait toujours pas eu de retour sur ses demandes pour le prochain COM et insiste sur le fait que FMM représente le pays et qu'il serait utile d'avoir des moyens supplémentaires compte tenu du contexte. Elle rappelle que la société a déjà fait beaucoup d'efforts à travers le plan de départs volontaires, compte tenu du fait que la direction n'avait pas souhaité reformater les contenus pour tenir compte des baisses d'effectifs, ce qui aurait eu pour conséquence d'affaiblir les antennes. Les personnels doivent donc produire autant de programmes avec moins de moyens.

La CFDT considère, en fait, que « France Médias Monde est la société qui a fait le plus d'efforts et qui avance sans se plaindre dans le cadre d'une tranquillité sociale retrouvée » .

Concernant la question du statut commun, la CGT estime que les négociations ne permettent pas en réalité de faire évoluer les textes présentés et que « le texte de janvier n'a quasiment pas bougé » . La CGT regrette également des pressions afin que l'accord soit signé avant le 31 décembre 2015.

La CFDT exprime un ressenti différent. Si le syndicat déplore que les négociations n'aient pas commencé dès 2013, il estime que « les choses avancent » et qu' « il reste deux mois de négociations » . Le travail doit porter en particulier sur le système salarial commun. La CFDT considère que l'accord d'entreprise doit s'inscrire dans la durée et que les parties devraient pouvoir au moins arriver à un bilan d'étape d'ici la fin de l'année, quelques mois supplémentaires pouvant être nécessaires à la conclusion de l'accord . Le syndicat estime que le coût de l'harmonisation qu'il chiffrait à l'origine entre 6 et 10 millions d'euros devrait in fine dépasser les 3,5 millions d'euros. FO a également des doutes sur la possibilité de conclure l'accord d'ici la fin de l'année et rappelle qu'il y a des personnels qui travaillent dans l'entreprise sur les mêmes postes avec des salaires très différents, en particulier dans les fonctions « support ».

FO considère que le PLF pour 2016 ne répond pas aux besoins et que les moyens sont en réalité en baisse. Le syndicat regrette, en particulier, le fait que RFI, qui contribue beaucoup aux efforts, soit laissée sans stratégie. FO demande que l'État définisse une stratégie claire pour l'audiovisuel extérieur et met en garde sur le fait que RFI devient « une radio de moins en moins internationale » et de plus en plus centrée sur l'Afrique qui concentre selon lui 80 % de l'audience tandis que 50 % des connexions se font en Europe sur Internet. Le syndicat a regretté la faiblesse des projets de développement en Inde, en Asie du Sud-Est, en Chine et au Brésil. « Qu'est-ce que l'État veut faire de nous ? » demandent les représentants de FO en rappelant qu'un projet demande des moyens.

Le SNJ alerte, pour sa part, sur la baisse de qualité des programmes de certaines antennes et rappelle qu'à RFI en particulier les personnels manquants ne sont pas remplacés. Le syndicat constate un écart croissant de moyens avec les médias russes et chinois.

La CFTC considère de la même façon qu'il faut une adéquation entre les ambitions et les moyens. Elle regrette une concentration des moyens de France 24 sur l'Afrique et le Moyen-Orient au détriment de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique. Elle insiste sur les incertitudes qui entourent le projet de déclinaison de France 24 en espagnol. Pour la CFTC, les moyens de France 24 étaient modestes dès l'origine et ils n'ont pas été augmentés en dépit du fort développement des grilles de programmes.

Concernant le projet de chaîne d'information en continu qui suscite l'inquiétude de nombreux salariés, la CFDT regrette le manque de réflexion et indique que la bonne solution serait de localiser la nouvelle chaîne dans l'immeuble de France 24 .

La CGT observe pour sa part qu'il n'y a pas encore de véritables « services » au sein de France 24 mais seulement des embryons sur l'Afrique et l'économie. Elle considère qu'il est par conséquent difficile pour la chaîne de s'inscrire dans un nouveau projet sans avoir la structure nécessaire pour se faire. Le syndicat estime que France 24 aurait dû être créée au sein même de France Télévisions.

Le SNJ rappelle enfin que l'objectif d'une chaîne d'information est de réagir à l'actualité à travers une ligne éditoriale et insiste sur le fait que c'est la rédaction qui constitue l'âme de la chaîne. Le syndicat s'interroge donc sur le sens d'une chaîne uniquement sur Internet et ne disposant pas de sa propre rédaction.

La CFDT observe qu'il ne faut pas abandonner le « linéaire » car c'est lui qui nourrit les autres médias. Il faut donc apprendre à mieux faire travailler les rédactions Tv et Internet de France 24.

2. Les moyens préservés du PLF 2016

Le projet de loi de finances prévoit d'accorder à France Médias Monde une dotation de ressources publiques de 249,1 millions d'euros TTC (soit 244,0 millions d'euros HT) en augmentation de 2 millions d'euros (soit +0,8 %) par rapport à la LFI 2015.

Le compte de résultat prévisionnel tient également compte du maintien des économies de charges liées à la disparition de la taxe sur les salaires et de l'allègement des charges sociales, dans le cadre du pacte de compétitivité, qui représentent 3,1 millions d'euros .

Les produits d'exploitation sont attendus en 2016 à 254,5 millions d'euros en hausse de 0,8 % par rapport à 2015. Les ressources propres devraient être stables à 8,9 % millions d'euros dont 4,3 millions d'euros pour la publicité et les parrainages.

Les charges d'exploitation sont également prévues à 254,5 millions d'euros , les 2 millions d'euros de charges supplémentaires étant consacrés au renforcement de la sécurité (+1,1 million d'euros), à l'amélioration de l'accessibilité des programmes de France 24 aux sourds et malentendants (+0,4 million d'euros), à l'archivage des contenus audiovisuels (+0,2 million d'euros) ainsi que la progression de la masse salariale liée aux effets de glissement (GVT) et à la négociation annuelle obligatoire. À noter que la masse salariale devrait s'élever à 136 millions d'euros contre 133,2 en 2015.

Sur ces bases, le résultat net de l'exercice 2016 serait à l'équilibre , ce qui distingue sensiblement FMM de France Télévisions et de Radio France qui connaissent toutes deux des déficits.

Votre rapporteure pour avis ne peut que saluer la prévision d'équilibre en 2016 qui illustre le sérieux de la gestion de l'entreprise. Elle estime néanmoins que les efforts réalisés par l'entreprise comme le contexte géopolitique auraient justifié une progression des crédits. Elle forme le voeu que le COM à venir sera l'occasion de prévoir une telle évolution qui doit être considérée comme une priorité.

3. Trois scénarios d'évolution des moyens pour le prochain COM

Depuis plusieurs mois, l'État et France Médias Monde ont engagé les négociations sur le COM 2016-2020 avec l'objectif d'une signature au tout début de l'année 2015. Compte tenu du délai de six semaines dont bénéficie le Parlement pour l'examen de ce futur COM, il est prévu qu'il entre en vigueur en mars 2016.

Dans le cadre de la préparation de son futur COM, France Médias Monde a élaboré trois scénarios de référence :

- le premier scénario envisage un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 0,7 % sur la période (soit une évolution cumulée de 9 millions d'euros), qui lui permettrait seulement de maintenir sa capacité d'action au regard de ses obligations légales, des effets de glissement inévitables de la masse salariale et de la hausse des amortissements liée aux investissements passés, ainsi que de la nécessité de renforcer son dispositif de sécurité à la suite des attentats de 2015 et de la cyberattaque du mois d'avril contre TV5 Monde ;

- le deuxième scénario envisage un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 1,5 % sur la période (soit une évolution cumulée de 18,3 millions d'euros), qui lui permettrait de maintenir ses performances actuelles , à travers l'adaptation des offres éditoriales du groupe, le développement d'une stratégie de marketing et de communication indispensable à la hausse de la notoriété, et le maintien des positions du groupe sur tous les supports traditionnels de diffusion et de distribution ;

- le troisième scénario envisage un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 2,1 % sur la période (soit une hausse de 25,3 millions d'euros), qui lui permettrait de renforcer son influence dans le monde, à travers le développement d'un projet de déclinaison de France 24 en langue espagnole .

Votre rapporteure pour avis considère que le dernier scénario, qui est le plus ambitieux, est particulièrement intéressant compte tenu des efforts réalisés par l'entreprise ces dernières années et doit être privilégié. Elle indique que ce scénario a la préférence du ministère des affaires étrangères et du développement international qui a souhaité réaffirmer son soutien au développement de France Médias Monde et partage les objectifs stratégiques de la société. Votre rapporteure pour avis souhaite que le Sénat se mobilise afin d'inciter le gouvernement à prendre cette décision.

Une implication du ministère des affaires étrangères réaffirmée

Le ministère des affaires étrangères et du développement international exerce déjà en droit une « co-tutelle » de l'audiovisuel extérieur qui lui permet de faire valoir son point de vue dans les réunions interministérielles, au conseil d'administration de France Médias Monde ainsi qu'au sein du nouveau comité stratégique de l'audiovisuel public.

Le ministre a souhaité réaffirmer récemment son implication dans le développement de FMM en soutenant, en particulier, les projets de déclinaison en espagnol de France 24 et de meilleure diffusion de RFI en Afrique. Le ministère estime notamment que le projet de chaîne hispanophone ne pourra être financé uniquement par redéploiements compte tenu de son coût estimé à 19 millions d'euros sur l'ensemble de la durée du COM. Le ministère reconnaît l'intérêt de localiser la rédaction de cette future chaîne en Colombie qui constitue un partenaire important en Amérique latine.

TV5 MONDE

II. TV5 MONDE : UNE CHAÎNE FRANCOPHONE INTERNATIONALE AUJOURD'HUI FRAGILISÉE

TV5 Monde est une chaîne multilatérale francophone basée à Paris, associant les radiodiffuseurs publics de la France, de la Belgique, de la Suisse, du Canada et du Québec. Sa mission, définie dans la « Charte TV5 Monde » consiste à servir de vitrine à l'ensemble de la francophonie, à promouvoir la diversité culturelle, à favoriser les échanges de programmes entre les pays francophones et l'exportation internationale de programmes francophones. Elle diffuse ses programmes par câble et satellite sous la forme de 9 signaux régionaux distincts dans plus de 200 pays dans le monde, représentant plus de 255 millions de foyers. TV5 Monde constitue l'un des trois plus grands réseaux mondiaux de télévision aux côtés de MTV et CNN.

Depuis 2013, la répartition du capital de la chaîne a évolué du côté français au bénéfice de France Télévisions qui détient maintenant 49 % des parts contre 12,58 % pour FMM, 3,29 % pour Arte et 1,74 % pour l'INA. Les 33,33 % restants se répartissent à égalité entre les partenaires belge, suisse et canadiens (11,11 % pour la RTBF, 11,11 % pour la SSR, 6,67 % pour Radio-Canada et 4,44 % pour Télé Québec).

Les axes stratégiques de développement de TV5 Monde sont fixés par un plan stratégique avalisé par la Conférence des Ministres responsables des différents gouvernements bailleurs de fonds de la chaîne.

Le financement de TV5 Monde est assuré, du côté français, par le programme 847 créé l'année dernière qui se substitue à l'action n° 3 « TV5 Monde » du programme 115 « Action Audiovisuelle Extérieure », supprimé dans le projet de loi de finances pour 2015.

A. LES CONSÉQUENCES DE LA CYBERATTAQUE DU 8 AVRIL 2015

1. Une attaque mûrement préparée aux effets dévastateurs

Le 20 mai 2015, le directeur général de TV5 Monde, M. Yves Bigot, a été auditionné par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication afin d'expliquer le détail de la cyberattaque qui a frappé la chaîne francophone le 8 avril dernier. Il avait alors expliqué que cette cyberattaque avait pour but de détruire définitivement l'ensemble des système de la chaîne et que seule la présence fortuite d'un grand nombre de personnels ce soir-là avait permis de limiter les dégâts.

Auditionné par votre rapporteure pour avis, le directeur général de TV5 Monde a précisé que l'attaque avait été menée à travers 8 points d'entrée différents par un groupe de hackers russes surnommé « APT 28 » qui avait utilisé un logiciel malveillant spécialement conçu pour l'occasion. Cette attaque aurait en réalité commencé dès le 23 janvier 2015 pour ce qui est des premières tentatives d'intrusion dans les systèmes et il a fallu selon toute vraisemblance de nombreux mois de préparation pour la mettre au point.

2. Un coût important pour les finances de la chaîne

Lors de son audition du 20 mai dernier, le directeur général de TV5 Monde avait estimé que le coût de cette attaque « devrait s'élever entre 4 et 4,2 millions d'euros pour 2015, auquel il conviendra d'ajouter 3 millions d'euros en 2016 au titre de la reconfiguration des outils et 2,5 millions d'euros à partir de 2017 afin de protéger nos infrastructures » .

Auditionné par votre rapporteure pour avis, M. Yves Bigot a pu faire part d'estimations plus précises sur le coût de cette cyberattaque qui s'élèverait en réalité à au moins 4,8 millions en 2015 . L'aide de la France a pris la forme d'une assistance de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) qui a mis des moyens importants à disposition de la chaîne pour contrer l'attaque et, dans un second temps, restaurer des dispositifs de sécurité. Le gouvernement a également autorisé TV5 Monde à réorienter pour 1,2 million d'euros de crédits initialement destinés à l'achat de programmes vers des dépenses en lien avec cet événement. La Fédération Wallonie-Bruxelles a, quant à elle, attribué à la chaîne une aide exceptionnelle de près de 1 million d'euros pour la période 2015-2016 à charge pour TV5 Monde de répartir cette enveloppe en fonction des besoins.

Les 3 principaux postes de dépenses engendrées par la cyberattaque

- Restauration du matériel endommagé (multiplex, serveurs, postes informatiques...)

- Personnel (heures supplémentaires, formation aux nouvelles pratiques de sécurité)

- Prévention (équipements permettant de détecter les attaques, recrutement d'ingénieurs)

3. Des effets perceptibles sur la qualité des programmes

La direction de TV5 Monde estime que les surcoûts engendrés par la cyberattaque n'ont pas été complètement compensés par l'ensemble des financeurs. Il manquerait 1,8 million d'euros au titre de l'année 2015 sur les 4,8 millions de dépenses supplémentaires.

Cette situation a obligé la chaîne à faire des arbitrages en renonçant à des achats de films et de séries qui ont pour conséquence un appauvrissement des grilles de programmes.

B. DES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES FRAGILISÉES PAR LA CYBERATTAQUE

1. La difficile équation budgétaire de l'année 2015

Les crédits accordés à TV5 Monde dans la loi de finances pour 2015 qui figurent au programme 847, s'élèvent à 76,2 millions d'euros HT (soit 77,8 millions d'euros TTC) en stabilité par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Sur la base du maintien en 2015 des contributions de ses gouvernements bailleurs de fonds, TV5 Monde s'était fixé comme objectif de veiller à maintenir son activité et à poursuivre en année pleine les développements inscrits dans son Plan stratégique 2014-2016. Si la poursuite de ce plan a été contrariée en 2015 du fait de la cyberattaque, TV5 Monde se donne pour « objectif de pouvoir le mettre en oeuvre à 100% en 2016 » selon son directeur général.

Le plan stratégique 2014-2016 de TV5 Monde

Le plan stratégique 2014-2016 qui a été adopté par le conseil d'administration de la société le 22 janvier 2014 fixe quatre objectifs principaux :

1) le recentrage éditorial de la chaîne vers une programmation culturelle et généraliste pour distinguer clairement des autres chaînes d'information internationale en langue française. Cette évolution amènera TV5 Monde à renforcer son offre de programmes propres ;

2) la modernisation du partenariat entre TV5 Monde et l'Afrique dans une relation plus équilibrée ;

3) la consolidation du réseau de distribution avec un passage partiel à une diffusion HD, notamment en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique francophone et en Amérique et une présence multimédia accrue ;

4) le renforcement de ses partenariats avec les autres sociétés de l'audiovisuel public et notamment France Télévisions et France Médias Monde.

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

2. Des moyens reconduits dans le cadre du PLF 2016

Le PLF 2016 prévoit d'allouer à la société TV5 Monde une dotation totale de ressources publiques de 76,9 millions d'euros HT (soit 78,5 millions d'euros TTC) en progression de 0,7 million d'euros, soit + 0,9 % par rapport à la LFI 2015. L'entreprise bénéficie en outre d'une économie de taxe sur les salaires de 1,7 million d'euros à compter de 2016 , liée à son financement par la CAP.

Ces ressources doivent permettre à TV5 Monde de faire face au surcroît de dépenses lié à la sécurité de ses systèmes d'information dont le coût est estimé à 2,2 millions d'euros. Le bleu budgétaire précise également que « l'augmentation de la contribution de la France permet de rattraper son retard dans l'équilibre proportionnel du financement vis-à-vis des autres gouvernements partenaires francophones » 2 ( * ) . Selon le même document, « les surcoûts résultant de la cyberattaque auraient, sans aide publique, réduit à néant tous les efforts de gestion de l'entreprise ces dernières années » notamment concernant ses dépenses de fonctionnement.

On peut rappeler que selon M. Yves Bigot, les surcoûts liés aux dépenses de sécurité devraient s'élever à 3 millions d'euros en 2016 avant de redescendre autour de 2,2/2,3 millions d'euros en 2017 . Ces dépenses concernent en particulier la formation des personnels et le contrat de prestation passé avec la société Airbus concernant la sécurité électronique.

Votre rapporteure pour avis se félicite de ce que les 2,4 millions d'euros de crédits supplémentaires permettent de compenser une part du surcoût lié aux dépenses engendrées par la cyberattaque. Elle rappelle que ces crédits étaient initialement destinés à financer un développement des programmes, ce qui risque de fragiliser la mise en oeuvre du plan stratégique.

Un statut et un mode de fonctionnement particuliers

TV5 Monde est dotée d'un modèle économique particulier : chaque pays bailleur de fonds apporte à la chaîne ses programmes nationaux libres de droits et en supporte seul la charge (les coûts de libération de ces programmes sont dénommés « frais spécifiques »). TV5 Monde ne gère que les frais spécifiques de la France ; les budgets de programmes des autres pays partenaires sont gérés par leurs radiodiffuseurs nationaux et n'apparaissent pas dans le budget de TV5 Monde. Aussi, du fait de l'absence des coûts de mise à disposition des programmes non français dans le budget de TV5 Monde, tout calcul de pourcentage d'intervention des gouvernements bailleurs de fonds, à partir du budget géré par la chaîne, est-il inopérant.

En revanche, le financement des « frais communs » relatifs à la mise en onde, la diffusion, la distribution, la communication, la production d'émissions à caractère multilatéral (notamment, l'information), et à la gestion de l'ensemble de ces dépenses est partagé entre les gouvernements bailleurs de fonds selon une clé de répartition conventionnelle, tenant compte de la dimension des pays concernés, de leur capacité à fournir des programmes, et correspondant à la répartition du capital de la chaîne : 6/9 e pour la France, 1/9 e pour la Suisse, 1/9 e pour la Fédération Wallonie-Bruxelles et 1/9 e partagé entre le Québec et le Canada.

Par ailleurs, le siège de TV5 Monde étant situé à Paris, la France bénéficie, contrairement aux autres gouvernements bailleurs de fonds, d'un retour sur investissement important en matière d'emplois, de cotisations sociales, d'impôts et de taxes. Dès lors, pour compenser cet avantage, la règle dite « du siège » a été instaurée, qui prévoit que la France verse une contribution additionnelle, dont le montant a été fixé par la Conférence des Ministres responsables de TV5 Monde et est indexé sur l'augmentation des contributions au budget de base des frais communs.

Enfin, depuis 2011, la France verse un montant additionnel destiné à compenser la taxe sur les salaires, à laquelle TV5 Monde est désormais soumise en raison de la qualification de la subvention française.

3. La nécessaire mobilisation de l'ensemble des actionnaires

Une des difficultés rencontrées en 2015 tient au fait que, pour des raisons conjoncturelles, plusieurs actionnaires n'ont pas été en mesure de répondre jusqu'à présent aux besoins exceptionnels de l'entreprise. La période électorale au Canada se traduit en effet habituellement par un report des décisions budgétaires, ce qui a suspendu également les décisions de la Province du Québec qui agit de manière concertée avec le niveau fédéral. La Suisse devrait pour sa part prendre en 2016 la présidence de la réunion des hauts responsables représentant les bailleurs ce qui pourrait se traduire par une nouvelle impulsion.

En attendant ces évolutions, TV5 Monde rencontre quelques difficultés pour financer ses nouveaux projets . C'est le cas, par exemple, du projet de chaîne destinée à la jeunesse en Afrique qui, faute de contributeurs locaux, n'a pas davantage bénéficié d'un soutien supplémentaire des actionnaires. Une telle situation a amené la direction de TV5 Monde à rééquilibrer ses investissements dans les programmes au détriment du bouquet américain pour financer le projet de chaîne en Afrique.

Votre rapporteure pour avis regrette que la chaîne francophone ait eu à effectuer cet arbitrage en rappelant que le bouquet de TV5 Monde aux États-Unis constitue une offre indispensable , en particulier pour les familles francophones et francophiles qui résident en dehors des grandes métropoles pour lesquelles l'accès aux programmes culturels francophones est, par nature, limité.

C. UNE RELATION À PRÉSERVER AVEC SON PRINCIPAL ACTIONNAIRE

1. Une relation de plus en plus constructive avec France Télévisions

L'année dernière, votre rapporteure pour avis avait souhaité examiner dans le détail les coopérations entre France Télévisions et TV5 Monde. Chaque année ce sont en effet près de 22 000 heures de programmes qui sont mises à disposition de la chaîne francophone par le groupe public national .

Le rapprochement réalisé sur le plan capitalistique, qui a vu France Télévisions prendre 49 % du capital, a permis de faciliter l'accès au catalogue de programmes mais également aux métadonnées (sous-titrages pour sourds et malentendants par exemple). Les synergies se développent également en matière de production (préachats), de droits (télévision de rattrapage) et d'offres numériques (web documentaires, développement en commun d'outils pour les réseaux sociaux). L'association de TV5 Monde aux appels d'offres permet également de réaliser d'importantes économies comme sur la bande passante. Les synergies sont également recherchées en matière de publicité.

L'ensemble de ces coopérations amène le directeur général de TV5 Monde à souhaiter la poursuite de ces mutualisations à l'avenir et le maintien, en particulier, de la clause concernant TV5 Monde dans les contrats de droits relatifs aux programmes négociés par France Télévisions.

2. La nécessité de préserver le lien étroit entre les deux entreprises

TV5 Monde n'est pas aujourd'hui associée au projet de chaîne d'information en continu de France Télévisions. La chaîne reconnaît qu'elle a sans doute moins de programmes à partager que France 24, mais elle évoque cependant son journal « Afrique » et des modules culturels qu'elle pourrait apporter au projet. Votre rapporteure pour avis s'interroge, en conséquence, sur la possibilité, pour TV5 Monde, d'intégrer le groupe de travail sur la chaîne d'information en continu.

Elle remarque par ailleurs que le fait que M. Rémy Pflimlin ait conservé la présidence du conseil d'administration de TV5 Monde jusqu'en juin 2016 - qui se comprend aisément eu égard à son implication dans le développement de la chaîne - ne doit pas avoir pour effet une distanciation des liens qui unissent les deux chaînes. La réforme de la gouvernance, en confiant statutairement la présidence du conseil d'administration de TV5 Monde au président en titre de France Télévisions, a constitué une étape importante dans la réorganisation de l'audiovisuel extérieur. Il apparaît essentiel que la présidente de France Télévisions puisse poursuivre ce rapprochement.

Compte tenu de ces observations, votre rapporteure pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur dans la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016.

*

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 25 NOVEMBRE 2015

_______

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - La vie de l'audiovisuel public, cette année encore, n'aura pas été un long fleuve tranquille. Qu'il s'agisse de la grève historique à Radio France, des conditions rocambolesques de la démission de la présidente de l'INA ou de celles, non moins étonnantes de la nomination de la nouvelle présidente de France Télévisions, les raisons ne manquent pas de porter un regard préoccupé sur l'évolution de ce secteur. Au-delà de ces péripéties, il y a des salariés qui s'interrogent sur l'avenir de l'audiovisuel public et qui aiment leur métier. Il y a également les Français qui souhaitent pouvoir se retrouver pour partager des moments en commun, s'informer, se cultiver, se distraire.

Il me semble donc urgent de définir une vision claire de l'avenir de l'audiovisuel public, de ses moyens, de sa légitimité, de ses missions et de sa gouvernance, qui n'existe pas encore ou du moins pas suffisamment pour rassurer les acteurs sur leur avenir. C'est le message que m'ont adressé les syndicats de salariés.

Les initiatives récentes ne répondent qu'imparfaitement aux enjeux. Le rapport Schwartz a contribué à définir la feuille de route de la nouvelle direction. Mais en évitant de se prononcer sur le périmètre du groupe et sur les programmes, il n'a pas clarifié les attentes de l'actionnaire. La création du Comité stratégique de l'audiovisuel public illustre la prise de conscience qu'une meilleure coordination est nécessaire mais cette action reste trop timide pour engager les mutualisations nécessaires.

Au lieu d'avancer courageusement sur la voie des réformes, le gouvernement temporise au risque de voir les problèmes s'aggraver. C'est le cas en ce qui concerne Radio France où le retour à l'équilibre des comptes a été renvoyé sans raison probante à 2018, et aussi pour France Télévisions qui fait des efforts mais reste dépendant d'un financement pas encore stabilisé.

La situation de l'audiovisuel public n'est pas aisée, et loin de moi l'idée que le gouvernement actuel serait responsable de tous ses malheurs. La révolution des usages change radicalement les perspectives du marché publicitaire avec des conséquences immédiates sur les comptes des sociétés. Le déficit de 10 millions d'euros de France Télévisions en 2015 est ainsi le résultat de la dégradation du marché publicitaire. La précédente majorité n'avait pas non plus réussi à stabiliser le modèle économique. Voilà pourquoi nous sommes tous conscients que des changements majeurs sont nécessaires, à commencer par une réforme de la contribution à l'audiovisuel public proposée par André Gattolin et moi-même dans le rapport que nous avons présenté fin septembre.

Cette réforme, les ministères l'ont préparée pendant des mois avant que le gouvernement y renonce à la rentrée pour des raisons politiques. Je le regrette d'autant plus que la solution retenue ne me satisfait pas. Certes, la disparition de la dotation budgétaire ne peut qu'être saluée et le principe d'une affectation du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques peut être considéré comme un moindre mal, puisque cette taxe a justement été créée en 2009 pour compenser la baisse des recettes de France Télévisions. Mais pourquoi l'augmenter de 0,4 point alors que le produit initial de la taxe à 0,9 %, estimé à 225 millions d'euros en 2016, suffit largement à financer les 140,5 millions d'euros dont a besoin France Télévisions ? Cette nouvelle taxe sur les opérateurs risque de se traduire par une hausse de tarif pour les consommateurs qui ne sera qu'une fiscalité détournée. Elle ne doit pas nous dissuader de rappeler l'urgence de réformer la contribution à l'audiovisuel public compte tenu de la baisse du taux d'équipement des ménages en téléviseurs. Plus nous attendrons, plus il sera difficile de soumettre à la redevance des ménages qui en sont exonérés. Je souhaite que le projet de loi de finances 2017 soit l'occasion d'avancer sur ce sujet ; au sein de notre commission, il y a une conviction partagée sur les contours que pourrait prendre cette réforme. Enfin, la contribution à l'audiovisuel public n'augmentera que d'un euro en 2016 du fait de l'indexation, en portant le produit à 3,73 milliards d'euros.

J'en viens à la situation des opérateurs. La présidente de France Télévisions nous a expliqué que, compte tenu de la hausse de 25 millions d'euros des ressources publiques adoptée à l'Assemblée nationale, le déficit prévisionnel qui s'établira à 25 millions d'euros en 2016 pourra être comblé grâce à de nouvelles mesures d'économies sur les programmes.

On ne peut que saluer cet engagement de retour à l'équilibre dès 2016, même si l'entreprise reste structurellement déficitaire et devra infléchir son modèle économique. La réglementation sur la production doit évoluer rapidement afin que France Télévisions puisse mieux valoriser ses 400 millions d'investissement dans la création audiovisuelle. La présidente de France Télévisions s'est déclarée favorable à un remplacement progressif de la publicité par les recettes issues des droits attachés à la production dans le modèle de financement mixte du groupe public. C'est une orientation que nous sommes nombreux à partager, conscients toutefois qu'il s'agit d'un objectif de long terme. Dans l'immédiat, les recettes publicitaires resteront nécessaires pour compléter les 2,56 milliards d'euros issus de la contribution à l'audiovisuel public et les 140,5 millions d'euros affectés sur le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

Un projet tel que celui d'une chaîne d'information en continu, engagé par la présidente de France Télévisions, ne peut être lancé à la légère. La réputation du service public étant en jeu, la décision devra répondre à deux impératifs : proposer une offre radicalement différente de l'existant et la rendre accessible au plus grand nombre. Ces deux conditions incitent à éviter la précipitation et à s'interroger sur la meilleure utilisation des canaux qui pourraient être disponibles - je pense au canal utilisé aujourd'hui par Numéro 23, compte tenu de l'abrogation de son autorisation décidée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à compter du 30 juin 2016.

Sur une note plus positive, le plan de départs volontaires, achevé d'ici la fin de l'année, devrait dégager d'importantes économies sur la masse salariale, ce qui conforte l'intérêt de ce type de mesures pour réduire les coûts.

L'audience d'Arte poursuit sa progression, s'établissant à 2,2 % depuis le début de 2015. L'image de la chaîne continue à s'améliorer, témoin le succès de son offre numérique. Les moyens accordés à Arte seront en hausse de 2,5 millions d'euros en 2016 à 264,3 millions d'euros, soit une stabilité en termes réels. Je regrette que cette chaîne qui porte haut les voix de la culture n'ait pas bénéficié d'un véritable soutien depuis 2012. Par rapport aux objectifs prévus dans le COM 2012-2016, la chaîne accuse un déficit de 34,6 millions d'euros de contribution à l'audiovisuel public. Là encore, on a le sentiment que les efforts des plus méritants ne sont pas récompensés.

La situation de Radio France m'inquiète. La Cour des comptes a pointé de très nombreuses défaillances et formulé des recommandations qui n'ont pas reçu de véritables réponses de la part de l'actionnaire. La grève de 28 jours qui a eu lieu au printemps n'a pas résolu les problèmes de fond en dépit du travail utile du médiateur. Les syndicats m'ont confié que les braises du conflit n'étaient pas éteintes.

Nous sommes ici au coeur des défaillances de l'ensemble de notre audiovisuel public : les réformes ont trop longtemps été repoussées, en particulier en ce qui concerne les méthodes de travail et l'ajustement des effectifs.

Faute de véritable vision pour la société, les réformes sont vécues de manière uniquement négative et comptable par un personnel compétent et très investi, qui ne comprend pas quel avenir on lui prépare. Le projet de chaîne d'information en continu traduit bien cette difficulté avec des salariés qui craignent de se faire absorber par le grand frère, France Télévisions. Le gouvernement temporise avec le souci d'éviter les réactions sociales. On peut le comprendre mais cela ne fait qu'aggraver la situation. Le plan de départs volontaires a été abandonné en faveur d'un non-renouvellement de tous les départs qui aura un impact moindre sur le retour à l'équilibre des comptes. La réforme des formations musicales et la décision sur la poursuite de la diffusion hertzienne du Mouv' ont été renvoyées à 2017. La proposition de fusion des rédactions de Radio France, France Info et France Culture faite par la Cour des comptes, qui constitue le pendant du projet Info 2015 à France Télévisions, a été purement et simplement écartée. Autant dire que le compte des réformes n'y est pas.

La situation financière de Radio France reste très fragile. Le déficit sera ramené à 10 ou 12 millions d'euros en 2015 pour des raisons comptables. En 2016, un nouveau déficit est prévu à hauteur de 16,56 millions d'euros malgré une hausse des ressources publiques de 5 millions d'euros ; il serait encore de 6,46 millions d'euros en 2017. La spécificité de Radio France est mise à mal sur le plan de la publicité. Si l'aménagement du cahier des charges répond sans doute à un besoin, l'absence d'encadrement de la publicité sur les sites Internet du groupe menace l'identité de la radio publique. L'examen du prochain contrat d'objectifs et de moyens de Radio France sera l'occasion d'évoquer ces sujets.

Le nouveau président de l'Institut national de l'audiovisuel, semble avoir pris la mesure des difficultés. Son projet de « retour aux fondamentaux » est le plus raisonnable pour les finances publiques sans être pour autant dénué d'ambitions, comme l'illustre sa volonté de coopérer avec France Télévisions dans le lancement de sa future plateforme de vidéo à la demande. Je retiens aussi sa volonté d'instaurer une véritable culture du contrôle de la dépense qui faisait défaut à l'institution. La reconduction des crédits à hauteur de 89 millions d'euros était, dans ces conditions, sans doute inévitable compte tenu du niveau de la masse salariale et de l'absence de marges de manoeuvre à court terme.

Je porte donc un regard très contrasté sur la situation de l'audiovisuel public, avec une inquiétude sur au moins un des grands opérateurs. L'insuffisance des réformes engagées sur les ressources ou sur le fonctionnement et l'organisation des sociétés et l'absence de volonté d'engager une véritable politique de mutualisation à tous les niveaux m'invitent à vous proposer d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi qu'au compte de concours financier « avances à l'audiovisuel public » de l'audiovisuel extérieur.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - L'examen des crédits de l'audiovisuel extérieur intervient dans un contexte particulier. Depuis janvier, toutes les chaînes de télévision du monde ont pris la triste habitude de relater les attentats qui frappent notre pays. Ceux-ci résultent de la radicalisation de nombreux jeunes Français, essentiellement au travers de médias étrangers et sur Internet. Jamais une information libre, accessible en plusieurs langues - dont l'arabe - n'a été aussi nécessaire. Nos médias sont aussi devenus des cibles. Ainsi, RFI et Monte-Carlo-Doualiya sont scrutés par les gouvernements de certains pays, qui exercent des pressions sur la programmation, et TV5 Monde a fait l'objet d'une attaque informatique sans précédent le 8 avril dernier, qui a presque détruit ses infrastructures et occasionné des coûts importants.

Pourtant, les moyens dévolus à l'audiovisuel extérieur restent contraints, en particulier du fait de la mauvaise santé financière de France Télévisions et de Radio France, qui bénéficient de l'essentiel des moyens disponibles. Alors qu'il y aurait urgence à développer notre audiovisuel extérieur, le PLF 2016 se contente de préserver les moyens et donc limite les nouveaux projets. Cette situation appelle une réforme, dès que possible, de la contribution à l'audiovisuel public, propre à préserver durablement les moyens de l'audiovisuel, et une accélération des réformes dans les grands groupes publics pour dégager des marges de manoeuvre. France Médias Monde a déjà réalisé d'importants efforts lors de la fusion de France 24 et de RFI, tout comme TV5 Monde. Les bons élèves ne doivent pas être condamnés à assumer les errements des plus dissipés !

Chaque semaine, 90 millions d'auditeurs et de téléspectateurs suivent les programmes de France 24, de RFI et de MCD. Ces chaînes occupent des places de premier plan en Afrique et au Proche-Orient. La forte progression des audiences a été obtenue avec des moyens publics globalement identiques depuis 2010. Selon les syndicats, la présidente de France Médias Monde, Mme Saragosse, a su rétablir un dialogue social de qualité et un climat de confiance. Certes, les négociations sur l'accord collectif ont pris du retard, mais elles devraient aboutir d'ici la fin de l'année ou, au plus tard, début 2016.

Le PLF 2016 attribue 244 millions d'euros à France Médias Monde, issus entièrement du produit de la contribution à l'audiovisuel public : c'est 2 millions d'euros de plus qu'en 2015. Compte tenu du pacte de compétitivité et de certaines dispositions fiscales concernant notamment la taxe sur les salaires, le groupe touchera 3,1 millions supplémentaires. Ce surcroît de moyens, bienvenu, reste très limité : le contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2013-2015 prévoyait une augmentation de 10,8 millions d'euros. Dans ces conditions, le développement de France Médias Monde est interrompu en Amérique latine et reste très limité en Inde et plus généralement en Asie du Sud-Est. Les syndicats ont une conscience aiguë de la situation et souhaitent que l'État explique clairement ses ambitions pour l'audiovisuel extérieur. De plus, le projet de chaîne d'information en continu, auquel est associé France 24 - sans en être l'initiateur - constitue une source d'inquiétudes.

Le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui exerce une cotutelle sur France Médias Monde, a réaffirmé récemment la nécessité de donner une nouvelle impulsion à son développement. Nous aurons prochainement l'occasion de nous prononcer sur cette ambition puisque le projet de contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 devrait nous être soumis pour avis au premier trimestre de 2016. La direction de France Médias Monde a identifié trois scénarios d'évolution des moyens. Le premier, avec une hausse des ressources de 0,7 % par an, soit moins que l'évolution de 0,8 % prévue en 2016, préserverait l'outil existant en limitant son développement. Le deuxième prévoit une hausse des moyens de 1,5 % par an pour poursuivre les actions engagées, notamment pour augmenter la notoriété des chaînes. Seul le troisième, qui envisage une hausse des ressources publiques de 2,1 %, permettrait à notre pays de renforcer son influence et d'engager la déclinaison de France 24 en espagnol en Amérique latine. C'est celui que vous avez soutenu auprès de la ministre, Madame la présidente, et qui a notre préférence.

Les conséquences de la cyberattaque du 8 avril dernier obèrent fortement les comptes de TV5 Monde puisque, selon son directeur général, M. Yves Bigot, le surcoût en 2015 devrait s'élever à 4,8 millions d'euros du fait du matériel à remplacer et des protections nouvelles à installer. Le gouvernement a autorisé la chaîne à réallouer 1,2 million d'euros, initialement prévus pour les programmes, à cette dépense, et la fédération Wallonie-Bruxelles a accordé 1 million d'euros au titre de 2015-2016. Mais il manque encore 1,8 million d'euros de la part des autres partenaires. Une réunion des bailleurs, prévue en fin de semaine, devrait compléter le tour de table.

Le PLF 2016 accorde 76,8 millions d'euros à TV5 Monde, soit une hausse de 0,7 million d'euros. L'entreprise bénéficiera, en outre, d'une économie de taxe sur les salaires de 1,7 million d'euros à compter de 2016, liée à son financement par la contribution à l'audiovisuel public. Au lieu d'être affecté au développement des programmes et des nouveaux projets, ce surcroît de ressources sera intégralement consacré au financement des dépenses de sécurité, pour un coût estimé à 2,2 millions d'euros. Six ingénieurs ont été recrutés par TV5 Monde pour renforcer ses moyens de défense et un contrat avec la filiale d'Airbus spécialisée dans la défense électronique prévoit l'augmentation du niveau des protections et la formation du personnel.

La protection de nos médias est une priorité et je ne suis pas sûre que les autres sociétés aient pris la mesure du risque qu'elles encourent, même si le gouvernement est mobilisé sur ce sujet qui a été évoqué lors de la première réunion du nouveau Comité stratégique de l'audiovisuel public. Je rends hommage au personnel de TV5 Monde, qui a su répondre avec compétence et rapidité à la cyberattaque du 8 avril et qui ne compte pas ses heures depuis pour rétablir l'ensemble des systèmes, ce qui n'est pas encore complètement achevé. Hélas, le niveau des moyens a obligé la direction à affaiblir l'offre de programmes du bouquet aux États-Unis pour financer le projet de chaîne jeunesse en Afrique. N'aurait-il pas été possible d'aider un peu la chaîne pour lui éviter de tels arbitrages ?

M. Rémy Pflimlin a conservé la présidence du conseil d'administration de TV5 Monde jusqu'à la prochaine assemblée générale, qui aura lieu au printemps 2016. Or cette présidence doit normalement échoir au président en titre de France Télévisions. Si l'implication de l'ancien président de France Télévisions dans le développement de TV5 Monde explique cette décision, il ne faut pas que l'absence de la présidente de France Télévisions des organes de direction de la chaîne francophone affaiblisse la qualité de ses échanges avec son premier actionnaire, qui constitue une des conditions de son développement. France Télévisions met chaque année 22 000 heures de programmes à la disposition de TV5 Monde.

Bref, les moyens de l'audiovisuel extérieur restent un peu limités mais grâce aux équipes des deux sociétés nous avons un outil précieux pour notre influence dans le monde. Le PLF 2016 consolide cette situation. Je vous proposerai donc de donner un avis favorable aux crédits de l'audiovisuel extérieur, en espérant qu'un geste supplémentaire sera fait dans le cadre du prochain COM de France Médias Monde.

M. David Assouline. - Nous avons beaucoup débattu du financement de l'audiovisuel public, auquel nous sommes tous très attachés. Si chacun renonçait aux postures, nous pourrions largement nous entendre. Le rapport de M. Leleux montre qu'il ne faut pas trop attendre. Or certains se tiennent au coin du bois et s'empresseront de faire capoter toute proposition par leur démagogie. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'accroître les ressources, mais M. Retailleau s'oppose publiquement à la hausse de la contribution à l'audiovisuel public.

M. Bruno Retailleau. - De fait.

M. David Assouline . - Évidemment, puisqu'elle serait impopulaire ! Pourtant, elle est loin d'atteindre le même niveau que chez nos voisins anglais ou allemands. Il faut également élargir son assiette, pour y intégrer le million de personnes qui regardent la télévision sur d'autres appareils. J'ai participé à la préparation de cet élargissement, mais nous avons dû interrompre nos efforts car certains se préparaient à proclamer que nous ferions entrer un million de personnes dans l'impôt... Vous avez supprimé la publicité après vingt heures sans compenser la perte de ressources. Même sous M. Copé, la taxe qui porte son nom n'y a jamais été affectée. Vous souhaitez un budget plus important sans ressources publicitaires et sans augmentation de la redevance ni élargissement de son assiette. C'est impossible et vous le savez !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Ils sont de bonne foi !

M. David Assouline . - Nous sommes d'accord sur l'essentiel. Même si vos critiques ne sont pas partagées par votre camp, elles vous autorisent à voter contre un budget en augmentation. Or seuls les actes comptent.

On le voit bien dans le contexte actuel : l'information audiovisuelle en continu rythme notre quotidien. On peut le déplorer mais c'est un fait. Même pour les riverains des attentats - même, hélas, pour leurs auteurs - elle joue un rôle fondamental. Dès lors, il est extrêmement regrettable que le service public n'ait pas de chaîne d'information en continu, qui présenterait des garanties de citoyenneté, de pluralisme, d'indépendance et de professionnalisme, et qui s'appuierait sur un réseau de plusieurs milliers de journalistes. Il faut aller vite, monsieur Leleux, et ne pas se montrer frileux. Nous avons les moyens de créer rapidement une chaîne qui donnerait le la de l'information aux chaînes privées, au lieu que ce soit l'inverse.

M. Louis Duvernois . - L'audiovisuel public national et l'audiovisuel extérieur ne peuvent plus être dissociés. Vu la contrainte budgétaire, l'interaction entre eux est indispensable. Déjà, France Télévisions fournit 22 000 heures de programmes à l'audiovisuel extérieur. Or la gouvernance n'est pas satisfaisante. Il devient impératif d'élaborer une nouvelle politique de l'audiovisuel public y incluant l'audiovisuel extérieur, doublée d'un plan de financement opérationnel. Faute de réformes, la situation financière se détériore. Administrateur de France Médias Monde, je souscris aux propos de Mme Lepage : c'est le troisième scénario qui doit être retenu si nous ne voulons pas sous-estimer notre représentation audiovisuelle à l'extérieur, qui n'est pas sans servir nos intérêts économiques.

Mme Marie-Christine Blandin . - M. Leleux appelle de ses voeux un grand média global et le retour à l'équilibre financier. Nous partageons ce souhait, mais vous n'avez pas assez insisté sur la qualité de service public. Chacun doit voir la différence entre son offre et celle des médias privés. Arte est exemplaire, et le nombre de ses spectateurs augmente. Sur d'autres chaînes, la différence n'est pas toujours immédiatement perceptible.

Les recommandations du groupe de travail de notre commission sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision concernant le partage des droits d'exploitation et la fin du statut d'animateur-producteur constituent des gisements de ressources considérables. Certains se comportent moins en vendeurs de produits culturels que comme de véritables sangsues à la mamelle du service public. Il serait bon de faire le ménage avec courage. De même, les écologistes ont toujours soutenu l'extension de l'assiette de la redevance aux résidences secondaires, quand d'autres ont reculé au moment du vote.

Où en sommes-nous du passage à la radio numérique terrestre ? Le soutien de 29 millions d'euros à l'expression des radios locales s'ajoutera-t-il bien au soutien aux médias de proximité de 1,5 million d'euros ?

Mme Mireille Jouve . - Nous nous félicitons que l'audiovisuel public soit épargné par les coupes budgétaires et bénéficie d'un compte dédié. Ce PLF augmente même ses ressources et accroît son indépendance vis-à-vis de l'État. Mme Ernotte a évoqué le renforcement des services de vidéo à la demande pour consolider les ressources de France Télévisions. La télévision de rattrapage est de plus en plus sollicitée par les jeunes de moins de 24 ans. Pour favoriser ce renouvellement de l'audience, ne faudrait-il pas étendre la rediffusion au-delà de sept jours ? Nous devons aussi élargir l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public à tous les appareils susceptibles de donner accès à ses programmes, sans pénaliser les usagers qui s'en acquittent déjà. France 24 n'est disponible sur la télévision numérique terrestre, depuis septembre 2014, qu'en Île-de-France. Pourtant, France Médias Monde est financée par la contribution à l'audiovisuel public, que l'on paie partout en France. La création d'une chaîne d'information en continu tirerait parti d'une mutualisation entre les rédactions de France 2 et de France 3 et bénéficierait de la qualité du service public, mais elle aurait un coût et devrait trouver un canal.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Engager des réformes de fond, très bien, mais comment les financer ? L'augmentation de la redevance et l'élargissement de son assiette ne sont pas des mauvaises pistes. J'ai voté pour la suppression de la publicité mais je considérais qu'il fallait prévoir des ressources de substitution. Créer un grand média d'information est une bonne idée, à condition qu'il soit ouvert à tous et qu'il offre une garantie de qualité. Mais comment réfléchir dans le cadre d'un budget contraint ? Il faut lever ce gage ! Pour être piloté correctement, France Télévisions doit être financé par une dotation d'État - plus stable que le produit d'une taxe, qui peut toujours être réaffecté.

Mme Maryvonne Blondin . - Malgré la réforme d'octobre dernier, qui avait resserré les critères pour bénéficier de l'aide du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) accorde de plus en plus d'autorisations et les budgets n'augmentent pas. Or, les recettes des radios associatives sont très variables, alors qu'elles assurent un vrai maillage du territoire. Nous devons donc être vigilants.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Une réforme du financement de l'audiovisuel public semble nécessaire à tous et tous l'estiment urgente. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont voulu faire passer la taxe de 0,9 % à 1,3 %, ce qui rapporterait 100 millions d'euros de plus. Ce serait un détournement de fonds puisque cette taxe a été créée en 2009 pour compenser la perte de ressources publicitaires. Elle était donc moralement, sinon comptablement, affectée, et le Gouvernement ne saurait l'augmenter pour alimenter le budget général. Si notre rapport évoque une hausse temporaire de la CAP, ce n'est que pour compenser l'absence de réforme de l'assiette de la redevance, qui autoriserait une baisse de son tarif, comme en Allemagne. Les économies sont indispensables et il faut exercer une pression pour qu'elles soient faites, mais certaines prennent du temps : avant de réduire les coûts, un plan de départs volontaires représente une dépense supplémentaire. J'ai souhaité éviter une augmentation de la taxe sur les opérateurs de communication électronique car à 0,9 %, elle rapportera 225 millions d'euros en 2016, ce qui suffira largement à compenser la suppression - saine - de la dotation budgétaire de 160 millions d'euros.

C'est la gestion du projet de création d'une chaîne d'information en continu qui pose problème : chacun veut être chef de file, ce qui freine tout. De plus, il faudra vraiment que cette chaîne se distingue des chaînes privées. La première réunion du groupe de travail ne s'est tenue que la semaine dernière : c'est dire si le projet avance lentement. Oui, il faut assouplir le délai de consultation différée, actuellement limité par les droits d'auteur. Le dialogue entre les producteurs et les diffuseurs doit être encouragé, pour faciliter la diffusion des oeuvres. Mme Gonthier-Maurin est favorable à la suppression de la publicité.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - En liaison avec une compensation !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Je partage cette volonté. La publicité constitue 10 % à 12 % du budget de France télévisions : ce n'est pas l'essentiel, mais une marge, qui peut être compensée si l'on pense que l'audiovisuel public doit être libre de publicité. Le développement de la radio numérique terrestre prend du temps, notamment en raison du refus des grandes radios privées. Le CSA a prévu de lancer un appel d'offre pour attribuer les fréquences. Les crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale sont reconduits à l'identique en 2016. Oui, nous devons travailler ensemble à la réforme de la contribution à l'audiovisuel public.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis . - En effet, l'audiovisuel extérieur doit mieux s'intégrer à l'audiovisuel public, même si une partie du travail a été fait. La chaîne publique d'information en continu devrait associer France 24. Pour l'heure, il est difficile de voir quels seront ses contours, puisque Mme Ernotte nous a indiqué que chaque rédaction demeurerait en place. Les réunions de travail ont commencé très récemment et les premiers contacts ont été bilatéraux. L'horizon est la rentrée 2016. Je suis un peu sceptique...

Oui, si le troisième scénario d'évolution des ressources de France Médias Monde était retenu, nous pourrions lancer France 24 en espagnol en Amérique latine, comme le réclame le ministère des affaires étrangères. Pour l'heure, le projet de contrat d'objectifs et de moyens doit faire l'objet d'un arbitrage interministériel. Je plaide pour que France 24 soit diffusée sur tout le territoire, mais on me répond que cette chaîne a été créée pour le rayonnement de la France à l'extérieur. Il serait tout de même intéressant pour nos concitoyens d'y avoir accès.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mme Ernotte elle-même a déclaré lors de son premier conseil d'administration que notre modèle de l'audiovisuel public était usé. Le Président de la République avait annoncé l'an dernier, lors de la clôture d'un colloque au CSA, une nécessaire réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Il y a urgence, en effet. Le Sénat est le fer de lance de la réflexion sur ce sujet, notamment grâce aux travaux de MM. Leleux et Gattolin. Je vous propose que nous tenions un débat en séance publique sur les conclusions de leur rapport.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » ainsi qu'à l'adoption du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2016 .

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

France Médias Monde

Mme Marie-Christine SARAGOSSE, présidente

M. Victor ROCARIES, directeur général délégué

M. Thierry DELPHIN, directeur financier

Mme Geneviève GOETZINGER, directrice des relations institutionnelles

Ministère de la culture

M. Martin AJDARI, directeur général des médias et des industries culturelles

M. Romain LALEIX , chef du bureau de l'audiovisuel public

M. Benoit LECERF, chargé de mission

TV5 MONDE

M. Yves BIGOT , directeur général

M. Thomas DEROBE, s ecrétaire général

M. Yorick GUINEBERT, directeur financier adjoint

Syndicats de France Médias Monde

CFDT : MM. Ludovic DUNOD, Rodolphe PACCARD et Marc THIEBAULT

CFTC : M. Maximilien DE LIBERA

CGT : Mmes Addala BENRAAD, Françoise Delignon, Sabine MELLET et Catherine ROLLAND

SNJ : Mme Nina DESESQUELLE, MM. Marc VERNEY et Sébastien JÉDOR

FO : MM. Hugo CASALINHO, Patrice CHEVALIER et Christophe LOISEL

Ministère des affaires étrangères et du développement international

Mme Anne GRILLO, directrice de la coopération culturelle, universitaire et de la recherche au sein de la direction générale de la Mondialisation, du développement et des partenariats (DGM)

Mme Marguerite HITIER, chef de Pôle de l'audiovisuel extérieur au sein de la direction de la coopération culturelle, universitaire et de la recherche

ANNEXE

Audition de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

MARDI 17 NOVEMBRE 2015

_______

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Cette traditionnelle audition sur le budget de la culture et des médias pour 2016 se tient dans des circonstances extraordinaires : c'est notre première réunion depuis les attentats qui ont si lâchement et cruellement endeuillé notre pays vendredi soir et nous ont tous profondément ébranlés. La colère se mêle en nous à l'émotion et à la compassion pour les victimes de ces attaques sans précédent : personnes décédées, blessés - si nombreux, et dont beaucoup luttent encore contre la mort - qui resteront à jamais marqués dans leur chair, familles et proches des hommes et femmes qui ont hélas croisé le chemin de ces terroristes. En janvier, ils s'attaquaient, à travers Charlie Hebdo , à la liberté de la presse, à la liberté d'expression et de création. Vendredi, ils frappaient des lieux symboliques de notre art de vivre, de ce qui soude notre communauté nationale : stade, salle de concert, terrasses de café où l'on aime se retrouver.

Nous fêtons aujourd'hui le soixante-dixième anniversaire de l'Unesco et le dixième de la convention pour la diversité culturelle. Le Président de la République a rappelé que c'est comme capitale des arts et de la culture que Paris a été choisi pour accueillir le siège de l'Unesco. Élus de la nation, nous devons porter les valeurs universelles qui symbolisent la France et être présents auprès de nos concitoyens qui doutent. Nous avons une pensée particulière pour le monde de la culture et des médias, endeuillé par le décès de techniciens, dans le groupe Vivendi et ses filiales et de journalistes. Nous sommes la commission de la jeunesse, qui a été lourdement frappée et auprès de laquelle nous nous tenons tous.

Je vous propose donc que nous respections une minute de silence. ( Toutes les personnes présentes dans la salle se lèvent et observent une minute de silence .)

Je donne la parole à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Oui, dans ces graves circonstances, cette audition revêt une signification particulière. La France est en deuil, comme le monde de la culture, qui a payé vendredi soir un lourd tribut. C'est la culture que les terroristes ont voulu mettre à terre. Ils s'en sont pris à notre art de vivre, dont nous sommes si fiers, à notre idéal de liberté, de diversité, de mixité, d'ouverture à l'autre, d'intelligence collective... Ils s'en sont pris à toutes les valeurs qui s'épanouissent à travers notre vie culturelle et nos loisirs. Ils s'en sont pris à une génération, qui en est le symbole. À la façon dont nous donnons sens et profondeur à nos vies. Bref, à ce que nous sommes.

Face au terrorisme, la culture est une arme d'émancipation, de destruction de l'ignorance et de l'obscurantisme. Les Français sont déterminés à la mobiliser dans notre guerre contre la terreur. Les terroristes rêvent de salles désertes : il y aura toujours plus de spectacles. La protection des établissements culturels profitera des renforts policiers annoncés par le président de la République. Nous menons actuellement un audit pour identifier les besoins. Déjà, la préfecture de police redéploie ses effectifs vers les sites les plus fragiles : aucun artiste ni aucun spectateur ne doit pénétrer dans un lieu de spectacle la peur au ventre. Pour que la musique continue à se faire entendre, j'ai annoncé hier la création d'un fonds de soutien exceptionnel aux lieux de culture les plus fragiles, qui compensera les difficultés économiques et financières résultant des attentats. Et l'Assemblée nationale a adopté vendredi un crédit d'impôt pour soutenir les producteurs et les tourneurs de spectacle vivant.

Les terroristes s'en prennent à notre jeunesse et à son bouillonnement créatif. Nous allons soutenir les résidences d'artistes et les lieux intermédiaires favorables au partage de projets pluridisciplinaires. Nous financerons davantage l'enseignement supérieur de la culture, qui forme les artistes de demain : la jeunesse reste la priorité du Gouvernement, et la jeune création est la mienne depuis des mois.

Les terroristes contestent la liberté de création et rejettent celle de la presse. Nous gravons la première dans le marbre de la loi - je défendrai le projet de loi sur la liberté de la création, l'architecture et le patrimoine au Sénat début 2016 - et donnons à la seconde de nouveaux moyens pour se moderniser en réformant les aides à la presse, en renforçant les moyens et l'indépendance de l'audiovisuel public et en pérennisant le fonds de soutien aux médias de proximité pour garantir une information de qualité.

Les terroristes veulent brûler les livres. Nous élargissons les horaires d'ouverture des bibliothèques et doublons le budget des contrats territoire-lecture. Les 16 000 médiathèques de France forment le premier réseau culturel de proximité. Nous agirons fermement pour le rendre toujours plus accessible : rapprocher la culture des Français, et surtout de ceux qui s'en sentent le plus éloignés, est ma priorité.

Les terroristes rejettent la vie en bonne intelligence, la mixité : nous leur répondons par une meilleure représentation de la diversité sur scène et à la télévision et en portant notre politique en faveur de l'éducation aux arts et à la culture à son plus haut niveau. Cette ambition, nous l'avions déjà. Les attentats renforcent sa signification. Le Gouvernement continue à faire le choix de la culture, le Premier ministre l'a redit ce matin. Elle continuera à nous faire vibrer à l'unisson, à nous consoler, à nous libérer, à nous émanciper. Elle continuera à interroger le monde, à nous bousculer, à nous donner une raison d'être, à nous rendre lumineux, à faire de nous des citoyens.

Je vous propose une hausse de 2,7 % de la contribution de la nation à la vie culturelle de notre pays. Je vous propose de porter le budget du ministère de la culture à 7,3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter le fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui disposera de 672 millions d'euros. La mission Culture sera dotée de 2,7 milliards d'euros.

Pour renforcer la participation de tous à la vie culturelle, les crédits affectés à la démocratisation culturelle atteindront près de 100 millions d'euros en 2016, contre 75 millions d'euros en 2012. Sur ces sommes, l'éducation artistique et culturelle représente 54,6 millions d'euros, soit 35 % de plus qu'en 2015. Ces crédits en hausse viennent notamment appuyer le retour de l'État dans le financement des conservatoires conventionnés, à hauteur de 8 millions d'euros, ou le renforcement du plan d'éducation artistique et culturelle, qui sera porté l'an prochain à 14,5 millions d'euros.

Nous créerons 65 postes supplémentaires pour accompagner l'ouverture sept jours du sept du musée d'Orsay, de Versailles et du Louvre, pour les enfants et les publics éloignés de la culture. Les territoires pourront compter sur le soutien de l'État pour développer l'accès de tous à la culture : les crédits en région augmenteront de 2,2 % par rapport à 2015 pour atteindre 780 millions d'euros. Les moyens consacrés aux pactes culturels signés avec les collectivités territoriales qui maintiennent leurs efforts en matière de culture seront renforcés.

Deuxième priorité du Gouvernement, soutenir la création, dans sa diversité et dans son renouvellement. Elle est cohérente avec la reconnaissance législative du régime de l'intermittence, qui prend en compte la spécificité des métiers du spectacle. L'intervention de l'État en faveur de la création s'élèvera à 400 millions d'euros, dont 365 millions d'euros pour le spectacle vivant et 35 millions pour les arts plastiques, soit 4 % de plus qu'en 2015.

Nous avons affecté en priorité ces crédits à la jeunesse, en consacrant en particulier plus de 7 millions d'euros à la mise en oeuvre des conclusions des Assises de la jeune création. Les moyens dédiés à la formation des artistes seront en augmentation de 4,9 millions d'euros. Pour accompagner un recrutement plus juste et plus diversifié, cette hausse viendra entre autres financer des classes préparatoires aux écoles de l'enseignement supérieur culture et l'accès aux bourses et à un logement universitaire pour les élèves de ces classes. Enfin, nous financerons à hauteur de 1 million d'euros la programmation « avant les murs » du projet Médicis Clichy-Montfermeil, emblématique de notre politique : hybridation des esthétiques, renouvellement de la création, accès de tous aux oeuvres et aux pratiques.

Nous continuerons à protéger la diversité du cinéma et à améliorer sa compétitivité en France, en stabilisant les financements que nous lui consacrons et en élargissant les crédits d'impôt. En 2016, les moyens du CNC seront stabilisés : il n'y aura ni ponction, ni plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion audiovisuelle. Le crédit d'impôt sera amélioré pour mieux soutenir les entreprises françaises du cinéma et relocaliser les tournages sur notre territoire. Il vous est notamment proposé de l'élargir aux oeuvres tournées en langue étrangère pour des raisons artistiques, aux films d'animation et aux films à fort effet visuel. Le taux sera majoré à 30 % pour les oeuvres tournées en français et le plafond sera relevé de 4 à 30 millions d'euros pour une même oeuvre.

La troisième priorité du Gouvernement est de donner à mon ministère les moyens de son ambition à long terme. Préparer l'avenir, c'est sécuriser les outils de financement, en particulier pour l'archéologie préventive : pour stabiliser le financement des activités de l'Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap), le projet de loi de finances budgétise la redevance sur l'archéologie préventive. Préparer l'avenir, c'est aussi préserver les crédits consacrés aux investissements : 524 millions d'euros, soit 1,5 % de plus qu'en 2015. Pour la troisième année consécutive, nous maintiendrons nos efforts en faveur des monuments historiques. Les crédits de paiement seront stabilisés et les autorisations d'engagement portées à 333 millions d'euros. Ils bénéficieront en particulier aux territoires via les services déconcentrés. Nous lancerons ou poursuivrons des chantiers importants : archives, schémas directeurs du château de Versailles, de Fontainebleau, du Centre Pompidou, relogement du Centre national des arts plastiques, réaménagement des Ateliers Berthier...

Ce budget ambitieux est à la hauteur de ce que nous devons à la culture et de ce que nous devons faire pour elle, a fortiori lorsqu'elle est prise pour cible et que les Français voient dans leur vie culturelle un acte de résistance face à la barbarie et, tout simplement, parce qu'elle est l'expression de ce que nous sommes.

Pour 2016, la mission « Médias, livre et industries culturelles » est dotée de 717 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les 3,8 milliards d'euros que l'État consacre au compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public. »

La première ambition du Gouvernement est de donner aux médias les moyens de leur indépendance, qui passe par une sécurisation des outils de financement. Nous garantissons l'indépendance de l'audiovisuel public en asseyant ses ressources sur des recettes stables. Le financement sur crédits budgétaires sera supprimé dès 2016, avec un an d'avance. Parallèlement, le financement de l'audiovisuel public sera renforcé. Par la contribution à l'audiovisuel public d'abord, dont le produit augmentera mécaniquement de 61 millions d'euros du fait de l'inflation et de la progression du nombre de redevables. Par la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) ensuite, qui sera portée à 1,3 % de son rendement et en partie affectée au financement de France Télévisions, dont les moyens augmenteront de 40 millions d'euros. Cet engagement est nécessaire. Même si l'Assemblée nationale a renforcé les moyens que nous leur consacrerons en 2016, il ne dispense pas les organismes de l'audiovisuel public de poursuivre les efforts de gestion qu'ils ont engagés ou de renforcer leur coopération.

Après les « accords Schwartz », nous maintiendrons les aides directes au pluralisme pour les quotidiens d'information générale et les étendrons aux périodiques. Nous maintiendrons les aides indirectes comme la TVA à taux réduit ou les aides postales à la presse d'information générale et à la presse de la connaissance et du savoir. Nous réorienterons, à terme, une partie de l'aide postale attribuée à la presse de loisir et de divertissement vers la création de médias et l'émergence de nouveaux acteurs et l'aide aux marchands de journaux, qui sont en très grande difficulté. M. Emmanuel Giannesini a été mandaté pour proposer des scénarios. Il faudra six à neuf mois pour classer les titres : 2016 sera donc une année de transition, durant laquelle je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal dont l'augmentation sera limitée.

Le Gouvernement soutient la création, en particulier dans la musique. Après l'augmentation de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) en 2015, il a prorogé le crédit d'impôt phonographique au titre des dépenses engagées pour l'enregistrement de nouveaux talents. Cet effort, qui bénéficie surtout aux TPE et aux PME, représente 11 millions d'euros. Nous augmentons de 0,5 million d'euros les crédits que nous consacrons aux organismes de soutien à l'export. Enfin, nous pérennisons le fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique. Les députés ont en outre adopté un crédit d'impôt en soutien au spectacle vivant pour les tourneurs et les producteurs et amélioré le crédit d'impôt pour la création audiovisuelle.

Le Gouvernement souhaite rendre la création et les industries culturelles plus accessibles. Le financement du fonds de soutien aux médias de proximité sera pérennisé, à hauteur de 1,5 million d'euros : ils apportent un regard différent sur l'actualité et contribuent au lien social sur nos territoires. Les contrats territoire-lecture ont fait leurs preuves : ils seront dotés d'1 million d'euros supplémentaires. Enfin, le Gouvernement proposera par amendement de mobiliser la dotation générale de décentralisation pour soutenir des projets d'extension ou d'évolution des horaires d'ouverture des bibliothèques.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits « Patrimoines » . - J'étais prêt à me réjouir que les crédits du programme « Patrimoines » augmentent, au moins en autorisations d'engagement. Hélas, à la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a réduit de 5 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de ce programme. Je le regrette car les communes et les départements ont les plus grandes difficultés à financer les opérations de rénovation du patrimoine. Du coup, les entreprises licencient : 300 postes en moins en 2014, 200 en 2015. Outre l'impact social, ce sont des savoirs qui disparaissent. Comment répartirez-vous ces crédits, à présent que leur montant a changé ?

Créée à l'initiative de notre ancien collègue Jean-Paul Hugot, la Fondation du patrimoine joue un rôle essentiel en faveur du petit patrimoine non protégé : en 2014, elle a lancé 24 000 opérations. En 2005, un amendement de notre ancien collègue Yann Gaillard lui avait affecté une partie des successions en déshérence. Cette ressource atteignait, bon an mal an, 8 à 12 millions d'euros. Cette année, elle n'est que de 4 millions d'euros. Allez-vous intervenir auprès de Bercy pour remédier à cette situation ?

Vous avez annoncé l'ouverture sept jours sur sept du Louvre, de Versailles et du musée d'Orsay, et je m'en réjouis. Vous annoncez pour cela la création de 65 postes supplémentaires. Comment seront-ils financés ? Le Centre des monuments nationaux (CMN) m'informe qu'il s'est préparé pour réaliser quelque 30 millions d'euros de travaux dans la centaine de monuments qu'ils gère, mais qu'il ne disposera guère que de 20 millions : pourquoi une telle restriction, qui fera reporter des chantiers dans les monuments historiques . Le CMN propose, dans certains cas, de sortir du plafond d'emplois les vacations saisonnières, afin que certains établissements puissent rester ouverts plus longtemps. Il faudrait par exemple ouvrir l'Arc de Triomphe plus tôt le matin et certains monuments au-delà de 18 heures l'été. Est-ce envisageable ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits « Création et cinéma » . - Je veux dire mon émotion et ma peine après ce qui s'est passé vendredi soir, dans un quartier où je vis depuis trente ans et dont je suis élu. Pour tous ceux qui ont l'habitude de traverser ces rues, de s'arrêter pour prendre un café, d'aller au concert, c'est un choc. Peu de personnes, dans ce quartier, ne connaissent pas une ou plusieurs victimes. Les barbares qui ont tué, indiquent dans leur revendication qu'ils ont ciblé ce lieu pour frapper ce qui est vivant, ce qu'ils détestent, comme le montre bien le film d'Abderrahmane Sissako : pour eux, même le football, même la musique sont interdits.

Après la consolidation de l'an dernier - et, hélas, les baisses des deux années précédentes - je me réjouis que ce budget soit en hausse, car la culture est un antidote à l'obscurantisme et la meilleure réponse au défi qui nous est lancé. Dans un moment de délitement social, de doute, et même en période de restrictions budgétaires, il faut mettre le paquet. C'est ce que vous faites, madame la ministre : 27 millions d'euros supplémentaires pour la transmission des savoirs, 15 millions d'euros de plus, par rapport à la trajectoire triennale, pour le programme 131 « Création » - ce qui est rassurant car la loi LCAP arrive prochainement au Sénat. Satisfecit , donc.

J'ai procédé à une quinzaine d'auditions qui m'amènent à vous demander des précisions. Le plan Création artistique, issu des Assises de la Jeune création, prévoit 15 millions d'euros de mesures nouvelles, inscrites au programme 131. S'agit-il bien de mesures nouvelles ? On m'a signalé que la définition des lignes budgétaires et la répartition des crédits n'étaient pas toujours claires. Si les 2 millions d'euros supplémentaires pour le plan SMAC (scènes de musiques actuelles) sont clairement fléchés, on ne sait pas bien où vont aller les 2 millions d'euros prévus pour les « lieux intermédiaires ». Pouvez-vous nous citer des exemples ?

De même, les crédits pour la structuration professionnelle dans les arts plastiques s'élèvent à 640 000 euros, mais le tiers irait à l'organisation d'un Prix de mode. Pourquoi pas, mais quel rapport avec la structuration professionnelle - fondamentale - dans un secteur qui est souvent le parent pauvre du budget ? Du reste, les histogrammes à double échelle du dossier de presse sont trompeurs... Où en est le projet de convention collective pour les arts plastiques ? Je sais que vous sollicitez depuis deux ans le ministère du travail sur ce dossier et qu'il ne répond pas. Comment pouvons-nous progresser ?

Vous avez annoncé, à Arles, la création du Conseil national de la photographie : très bien. Pourquoi ne pas en faire, plus largement, un Conseil national des arts visuels ? Le décret est très attendu. Après de grandes difficultés les années précédentes, la situation s'est améliorée cette année pour les festivals. Certains restent néanmoins fragiles et cette fragilité les menace de disparition. Quel effort concret avez-vous prévu pour les aider ?

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - L'Assemblée nationale a réduit de 10 millions d'euros les crédits de la mission, dont 5 sur le programme 224. Quels sont les domaines concernés ? Vous avez reconnu que le retrait de l'État des conservatoires avait été une erreur et présentez cette année un plan conservatoires de 13,5 millions d'euros, soit 8 millions de plus que le plancher atteint l'an passé : comment comptez-vous répartir ces fonds ? Quelle réforme des procédures de classement envisagez-vous ?

Dans les écoles d'art territoriales, le processus licence-maîtrise-doctorat (LMD) fait monter les exigences. Vous prévoyez des crédits pour les écoles d'architecture : quid des écoles d'art ? Où en est le projet d'un statut des professeurs des écoles supérieures d'art territoriales ? Contrairement à leurs congénères des écoles d'architecture, les étudiants en écoles d'art n'accèdent pas à la mobilité internationale sur critères sociaux et, lorsqu'ils atteignent le troisième cycle ou le post-diplôme, n'ont pas accès aux bourses sur critères sociaux s'ils ne sont pas dans un cursus universitaire. Envisagez-vous la création d'un diplôme national de troisième cycle spécifique aux écoles d'art et qui confère le statut d'étudiant ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Les crédits consacrés aux monuments historiques bénéficient d'abord aux régions. Grâce à la subvention du ministère et à son fonds de roulement, le CMN pourra mener à bien les 30 millions d'euros de travaux prévus en 2016. Ces opérations étant disséminées sur le territoire, elles sont aussi financées par des crédits déconcentrés. Nous ferons en sorte que la baisse porte sur les crédits qui ont le moins d'impact sur notre politique patrimoniale. Je souligne toutefois que mon ministère jouit d'un traitement très favorable, puisque son effort se limite à 12 millions d'euros, sur un budget global de près de 3 milliards d'euros. L'effort portera sur de grosses opérations de l'État et n'aura guère d'impact sur leur réalisation, si ce n'est, à la marge, sur leur calendrier.

La Fondation du patrimoine est effectivement un partenaire précieux de mon ministère. La Cour des comptes a salué sa gestion en 2013 et relevé que son action n'aurait pas été possible sans des financements publics pérennes. Je suis dont très attentive à la contraction des ressources issues des successions en déshérence. La Fondation se mobilise pour y faire face mais je n'ai pas encore de réponse à vous apporter sur ce point, sur lequel j'ai d'ores et déjà entamé une discussion avec le ministère des finances.

L'ouverture sept jours sur sept des grands établissements était un objectif de longue date : il s'agit de créer un jour d'ouverture à destination des jeunes ou des publics les plus éloignés de la culture. Pour la mettre en oeuvre, mon ministère bénéficie de 65 créations nettes d'emplois, de la sanctuarisation de vingt emplois qui devaient être supprimés au Louvre et du maintien du budget de fonctionnement des trois établissements concernés. Le solde des créations d'emplois pour les opérateurs du programme 175 est positif même sans les emplois évoqués, qui n'ont donc pas été financés au détriment d'autres secteurs.

En 2016, le CMN a bénéficié de 27 créations d'emplois pour consolider son réseau. S'agissant d'un opérateur de l'État, le déplafonnement massif du plafond d'emplois est juridiquement impossible. J'en ai beaucoup discuté avec Philippe Bélaval et je continue à réfléchir à la question. Pour l'heure, aucune concertation n'a été engagée avec le personnel, et le CMN se concentre sur des opérations exceptionnelles comme celle de l'hôtel de la Marine... Cela dit, les monuments les plus visités sont déjà très largement ouverts : l'Arc de Triomphe l'est jusqu'à 23 heures.

Les moyens nouveaux pour le spectacle vivant comportent 3 millions d'euros pour les compagnies nationales, 2,5 millions d'euros pour revitaliser les résidences d'artistes et 2 millions d'euros pour favoriser les lieux intermédiaires qui offrent à la fois des espaces de production, de diffusion, de répétition et de fabrication numérique, comme la Friche la Belle de Mai par exemple. Ces tiers-lieux, hybrides, ne sont pas toujours bien pris en compte par les cadres traditionnels du ministère et je souhaite les promouvoir. Le développement du compagnonnage est encouragé à hauteur de 500 000 euros, comme le préconisaient les Assises de la jeune création. Les compagnies qui ne sont pas au plancher bénéficieront de 2 millions d'euros, et 500 000 euros seront consacrés à la création de pôles européens de production. Enfin, 2 millions d'euros iront à l'achèvement du plan SMAC.

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - Pourquoi n'y a-t-il pas de SMAC à Paris ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - C'est une question légitime. Nous privilégions les lieux où l'offre culturelle permet moins de traiter de nouvelles esthétiques.

Les nouveaux moyens consacrés aux arts plastiques renforceront la commande publique dans les territoires les moins bien pourvus. Ils contribueront aussi au soutien aux institutions d'art contemporain en région et favoriseront la politique de résidence et l'engagement de l'élaboration des schémas des arts visuels.

Oui, une convention collective des artistes plasticiens est indispensable. L'initiative en revient toutefois aux partenaires sociaux : ils y travaillent et je les appelle à intensifier leurs négociations. J'espère que leurs réunions, actuellement interrompues, reprendront dans les meilleurs délais, et j'appuierai personnellement leurs propositions auprès de la ministre du travail. La structuration des professions dans les arts plastiques est importante, car les professionnels de ce secteur sont souvent des travailleurs indépendants, qui ne bénéficient donc pas des outils forgés par le paritarisme. Depuis 2012, le ministère a accentué le dialogue et la concertation avec les associations qui les représentent et ouvert plusieurs chantiers complexes, dont la réforme du régime social des artistes auteurs. Nous avons toujours soutenu l'Association nationale de développement des arts de la mode (Andam), qui décerne un prix - essentiellement doté par les partenaires privés - aux jeunes créateurs, dont la situation est très difficile. Emmanuel Macron et moi-même avons confié à Lyne Cohen-Solal une mission sur l'enseignement supérieur, la formation professionnelle et la structuration du secteur de la mode ainsi que sur l'accompagnement des jeunes entreprises. Elle présentera ses conclusions en décembre lors d'un comité stratégique de filière.

J'ai décidé de la création d'un Conseil national de la photographie, qui verra le jour début 2016. Ce parlement de la photographie rassemblera tous les acteurs pour identifier les problématiques communes et formuler des propositions pour y répondre. En attendant, une mission de concertation est en cours sur les questions sensibles : salaire minimum des photojournalistes, droits réservés, droits d'auteur, protection sociale, délais de paiement...

La saison dernière s'est bien passée pour les festivals, dont certains ont enregistré des records d'affluence. Pour autant, nous devons rester attentifs. C'est pourquoi j'ai confié à Pierre Cohen la mission d'identifier les difficultés. Je prépare une circulaire clarifiant les critères d'intervention du soutien de l'État. Du reste, seule une centaine de festivals sur plusieurs milliers bénéficient de son aide. Un comité de rédaction associant France Festivals, Profedim et le Syndicat national des scènes publiques s'est réuni au printemps dernier pour proposer un texte qui fera l'objet d'une concertation.

Le rabot de 5 millions d'euros sur le programme 224 ne portera pas sur nos priorités en matière d'éducation artistique et culturelle. Les économies seront rendues possibles par de décalages dans les projets d'investissement, par exemple à l'école d'architecture de Marseille ou à celle de Bordeaux, ce qui ne remettra pas en cause la priorité assignée à la démocratisation de la transmission des savoirs.

Nous consacrons 8 millions d'euros supplémentaires au plan de soutien aux conservatoires, avec un volet ambitieux d'éducation et de formation artistiques en faveur de la jeunesse, de la diversité artistique et culturelle et de l'irrigation culturelle des territoires. La révision des critères d'intervention de l'État en faveur des conservatoires est menée par un groupe de travail du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC). Les pistes de travail portent sur la mise en oeuvre de pratiques pédagogiques innovantes, le développement des pratiques collectives, la diversification de l'offre artistique, le développement de projets en réseau entre les différents lieux d'enseignement artistique et la mise en oeuvre d'une politique sociale en faveur de l'ouverture au plus grand nombre. Le groupe de travail mène une consultation à l'issue de laquelle il me rendra des propositions, sur le réengagement financier comme sur la révision des critères de classement. Dès la semaine prochaine, associations représentatives du secteur, enseignants, parents d'élèves, directeurs de conservatoires et autres acteurs partenaires seront entendus.

Conformément à l'article 85 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement a évalué les conditions d'un alignement du statut des professeurs territoriaux d'enseignement artistique sur celui des professeurs des écoles nationales supérieures d'art. Ce rapport, transmis au Parlement en avril, préconise la création d'un statut spécifique reprenant les missions et la grille indiciaire des seconds et la convergence des conditions de recrutement, à bac+5. Cette réforme coûterait entre 1,5 et 2,5 millions d'euros. Le ministère de la culture sollicitera les ministères de la fonction publique, du budget, de l'intérieur et de l'enseignement supérieur afin d'élaborer ce nouveau statut. Le 30 octobre, à Lyon, je me suis engagée à m'impliquer personnellement dans ce dossier.

Un plan de financement en cours de finalisation prévoit 500 000 euros supplémentaires pour consolider et préfigurer la création de troisièmes cycles dans les écoles d'art. L'aide du ministère de la culture, à hauteur de 25 000 euros par troisième cycle, est systématiquement complétée par les collectivités territoriales partenaires, voire d'autres institutions. Une aide particulière est prévue pour l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (Ensba), l'École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) et l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (Enssib), qui n'avaient pas été accompagnées au moment du passage au système LMD.

Mme Marie-Christine Blandin . - Vos paroles sur les difficultés du monde de la culture font plaisir. Votre engagement gagnerait à être accompagné de celui de certaines sociétés de perception et de gestion des droits d'auteur, qui dorment sur des milliards quand les salles de spectacle sont en détresse. Si elles n'ont pas la main sur le coeur, nous pourrions avoir la main sur la loi.

Les mesures votées par l'Assemblée nationale minorent votre élan positif de 0,17 %. Il serait question que le couperet tombe plus fort sur le patrimoine et la transmission des savoirs, à hauteur de 0,47 %. J'ai bien entendu que le rabot n'entamerait pas les parcours d'éducation artistique et culturelle, auquel nous tenons beaucoup. En octobre, vous avez dit qu'il fallait rééquilibrer les champs d'intervention pour être en phase avec la société. Nous sommes tous d'accord pour ouvrir les musées et soutenir les lieux d'élite pour tous. Nous sommes lettrés, contre la barbarie, mais certaines personnes ne nous suivent pas dans cet élan vers la culture. Je plaide pour les musiques actuelles : les SMAC, qui ne sont pas présents sur tout le territoire, ne suffisent pas. Il faut des lieux de répétition, de pratique musicale, qu'ont choisie 80 % des Français. Le pourcentage du budget qui leur est alloué est ridicule.

L'augmentation que vous avez portée pour tout le spectacle vivant laisse de côté le domaine des arts du cirque, organisé autour de douze pôles nationaux. Ils ne coûtent pourtant pas cher et sont au plus près des quartiers.

Mme Françoise Férat . - Les crédits en faveur des monuments historiques sont certes maintenus, mais l'État doit soutenir les églises classées qui ne lui appartiennent pas. Dans la Marne, elles sont souvent dans un état sanitaire alarmant, car le coût de leur entretien est trop élevé : imaginez ce que représente 700 000 euros de travaux pour une commune de 150 habitants ! Il faut attendre parfois longtemps une décision favorable de la Drac pour engager les travaux et obtenir le financement lié du département. Les monuments qui appartiennent à l'État reçoivent des fonds en priorité, bien sûr, mais n'oublions pas les autres. Nous allons démolir des églises classées, ce qui est parfaitement insoutenable... Sans compter que de l'activité et des emplois sont en jeu.

M. Jean-Louis Carrère . - Posez donc votre question !

Mme Françoise Férat . - Enfin, le régime fiscal des monuments historiques dit Malraux, profondément réformé par la loi de 2014, le sera à nouveau dans le projet de loi de finances et la LCAP. Vous avez, j'imagine, pris connaissance des propositions du rapport de notre collègue Vincent Eblé sur la dépense fiscale et la préservation du patrimoine historique bâti. Pouvez-vous nous indiquer quelques pistes sur l'application de cette fiscalité ?

Mme Colette Mélot . - Vous avez communiqué sur la croissance du budget en 2016, or celle-ci intervient après une lourde ponction de 4 % en 2013 et de 2 % en 2014 et une stagnation en 2015. En mai, le Premier ministre a même reconnu que la baisse du budget de la culture avait été une erreur. À périmètre constant, les crédits alloués à la culture en 2016 restent inférieurs à ceux de 2012.

Mme Christine Prunaud . - Je me suis entretenue avec le président du Conseil national du livre (CNL), où je représente notre assemblée. Sa situation est très fragile en raison, notamment, de la diminution des taxes de reproduction. Que pensez-vous de la proposition de prélèvement sur l'édition des livres émise par le CNL ?

Mme Françoise Laborde . - Un crédit d'impôt vise à soutenir le cinéma sur tout le territoire. Existe-t-il une ligne budgétaire spéciale pour inciter au tournage de films dans les territoires ruraux ? Des emplois secondaires pourraient être créés. Le CNC décide-t-il seul du maintien des subventions aux festivals de cinéma ? Je pense à celui de Luchon, dont la subvention a beaucoup baissé sous prétexte que le CNC a moins d'argent - ce qui serait de notre faute !

Mme Marie-Pierre Monier . - Je salue l'augmentation des crédits. La budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), très positive dans le contexte de rigueur budgétaire, sécurisera un financement extrêmement aléatoire qui fragilisait l'Inrap et les autres opérateurs, publics ou privés. Élue d'un territoire rural, je suis attachée à la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine culturel local, qui représente souvent un enjeu économique pour les communes. Le budget du patrimoine monumental a baissé drastiquement depuis 14 ans, avant de remonter légèrement l'an dernier et cette année. Je me réjouis que 70 % des crédits soient destinés à des opérations en région. Réserver l'ouverture de certains musées aux scolaires un jour par semaine est aussi très positif. Les subventions aux musées nationaux sont en légère hausse, après neuf années de baisse. Je regrette cependant que le rééquilibrage des crédits en faveur des musées de province amorcé en 2015 ne soit pas confirmé en 2016. La budgétisation de la RAP financera-t-elle les opérations d'archéologie préventive menées par les collectivités ayant reçu l'agrément, et ce financement remettra-t-il sur pied l'Inrap ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Hier j'ai annoncé la création d'un fonds d'urgence pour soutenir les petits opérateurs privés, notamment les petites salles qui vont connaître des difficultés avec les annulations de ces derniers jours. Lors de ma rencontre avec le CNV, j'ai invité les sociétés de perception et de répartition des droits à participer à ce fonds. La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) a annoncé qu'elle y consacrera 500 000 euros ; la société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) y participera aussi, pour un montant qui sera connu le 26 novembre à l'issue de la réunion de son conseil d'administration.

Je partage la nécessité d'un rééquilibrage des interventions, géographique et esthétique. J'incite les grandes institutions parisiennes à systématiser leur intervention en dehors de l'Île-de-France, puisqu'elles perçoivent une grande partie du budget de la culture. Je souhaite que l'ouverture à des esthétiques nouvelles soit abordée dans le dialogue avec les conservatoires sur les 8 millions d'euros supplémentaires engagés. La création d'un diplôme d'enseignement supérieur de danse hip-hop fait partie de cette ouverture. La priorité à l'éducation artistique et culturelle passe aussi par la reconnaissance de ces nouvelles esthétiques. Nous consacrons 27 millions d'euros aux musiques actuelles, dont 12 millions d'euros aux SMAC ; plusieurs ouvriront prochainement, à Annonay, Sainte-Croix Volvestre, Mont-de-Marsan et Bergerac. Un nouveau pôle d'arts du cirque ouvrira prochainement à Châlons-en-Champagne. La loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine reconnaît les circassiens comme professionnels du spectacle, ce qui leur octroie de nouveaux droits sociaux.

L'effort de l'État en faveur du patrimoine religieux s'élève à 100 millions d'euros par an. L'État prend en charge 40 à 50 % du coût des travaux, en fonction du potentiel fiscal des communes. La Fondation du patrimoine contribue elle aussi activement à sa conservation, par des campagnes efficaces de mécénat populaire. L'association La Sauvegarde de l'art français joue également un rôle important en aidant les propriétaires d'édifices religieux antérieurs à 1800. Les petites communes dotées de monuments importants peuvent faire appel aux services de l'État pour une assistance à maîtrise d'ouvrage ou pour sécuriser les Trésors.

Le rapport Eblé fait des propositions très intéressantes sur la fiscalité, sur lesquelles mes services travaillent déjà. Le dispositif Malraux sera maintenu pour les espaces protégés et les nouvelles cités historiques.

Le budget du ministère de la culture dépasse 1 % du budget général. Nous pouvons financer nos priorités. Nous bénéficions d'une augmentation considérable des moyens alloués, auxquels il faut ajouter les crédits d'impôt. Je suis donc très satisfaite.

Le niveau du fonds de soutien du CNC, qui a baissé depuis plusieurs années, sera stabilisé en 2016. Le soutien à la diffusion et au rayonnement reste une priorité. L'examen des festivals est mené au cas par cas, chaque année : le CNC peut reconsidérer sa position d'une année sur l'autre.

Le crédit d'impôt pour la relocalisation des tournages concerne l'ensemble du territoire. De nombreux pôles d'excellence ont été créés, en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, à Annecy... L'installation de tournages est aussi souvent liée à l'accompagnement de la région. Les conseils régionaux doivent être sensibilisés pour que le territoire rural soit attractif. Notons que ces crédits d'impôt portent déjà leurs fruits.

La RAP a fait l'objet de quatre réformes depuis sa création, mais aucune n'a jamais offert un rendement suffisamment régulier pour assurer le financement de l'archéologie préventive. La gestion de ce dispositif étant excessivement complexe, j'en ai obtenu la budgétisation à hauteur de son plafond, soit 118 millions d'euros, comme le préconisait le rapport de Martine Faure. Le budget 2016 assure une sécurisation sans précédent à l'Inrap, aux collectivités territoriales et au Fonds national pour l'archéologie préventive (Fnap). La taxe est maintenue selon le principe aménageur-payeur, mais directement reversée au budget général. Les collectivités territoriales qui réalisent des diagnostics se voient attribuer une subvention de 10 millions d'euros - montant jamais atteint ces dix dernières années. Le Fnap est doté de 35 millions d'euros pour participer au financement des fouilles liées à des aménagements d'intérêt général.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Abordons les questions portant sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. Patrick Abate , rapporteur pour avis des crédits « Presse» . - Les accords Schwartz entre l'État, la Poste et les éditeurs de presse relatif à l'aide postale arrive à échéance le 31 décembre 2015. Vous avez annoncé en juin que le reciblage des aides à la presse sur l'aide au pluralisme modifierait le dispositif en profondeur. La baisse des crédits associés fait craindre une augmentation conséquente des tarifs postaux pour les publications jugées non prioritaires. Si l'on peut comprendre la philosophie de cette réforme, ne craignez-vous pas qu'elle porte un coup fatal à la solidarité indispensable entre familles de presse, qui fonde, depuis la loi Bichet, l'ensemble du système de distribution ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles » . - Les ressources issues de la taxe sur la reprographie, dont dispose le CNL, sont en érosion et la taxe sur les éditeurs pâtit d'un très faible rendement. L'opérateur se verra, en 2016, dans l'obligation de limiter le champ de ses interventions, pourtant essentielles, en faveur du livre et de la lecture. Envisagez-vous d'affecter de nouvelles ressources au CNL ?

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel » . - La nécessité d'une réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) fait consensus, mais elle est encore différée. C'est dommage. La baisse continue du nombre de téléviseurs va rendre plus aléatoire le montant de la recette procurée par la CAP. Une réforme sera-t-elle possible en 2017 ? Seriez-vous d'accord pour que le Gouvernement rende un rapport au Parlement sur la possibilité d'une réforme « à l'allemande », conduisant à une perception sur l'ensemble des ménages, formule qui recueille le soutien des dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public et des syndicats ? Vous compensez l'absence de réforme par une augmentation de la taxe sur les opérateurs, de 0,9 à 1,3 %. L'affectation des 0,9 %, si elle était effective, serait suffisante pour régler certains problèmes.

Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux recommandations du rapport de la Cour des comptes d'avril 2015 sur Radio France ? Pourquoi le projet de contrat d'objectifs et de moyens ne prévoit-il ni la réforme des formations musicales ni la fusion des rédactions qui auraient évité de renvoyer le retour à l'équilibre des comptes à 2018 ?

L'augmentation des ressources propres de France Télévisions à travers les droits attachés à la production est une priorité pour réduire le besoin de financement public. Le Gouvernement envisage-t-il des modifications législatives à brève échéance pour que les diffuseurs puissent faire évoluer leur modèle économique ?

Avez-vous engagé, à la demande de Radio France, une modification du périmètre de la publicité, comme je l'ai entendu ? Quelle serait-elle ?

Mme Claudine Lepage , rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur » . - Le 8 avril, TV5 Monde était frappé par une cyberattaque de grande ampleur. Quelles conséquences le Gouvernement en a-t-il tiré ? Une telle attaque pourrait-elle se reproduire, sur une autre société de l'audiovisuel public ? Quels sont les moyens mobilisés pour la cybersécurité ?

France 24, RFI et TV5 Monde disposent d'importants moyens d'information. Comment seront-elles associées au projet de chaîne d'information en continu de France Télévisions ? Compte tenu des difficultés de définition du projet, un lancement en septembre 2016 est-il encore réaliste ? Pourrait-on envisager un lancement début 2017, afin de doter cette chaîne d'une équipe, d'une identité, de moyens et d'un mode de diffusion adaptés ?

Mme Corinne Bouchoux . - Qu'envisagez-vous pour régler la question de la dette viscale de Mediapart et d'Arrêt sur images due au taux différentiel de TVA entre presse papier et médias en ligne ? Quid du critère de respect des droits réservés des photographes, que l'on spolie allègrement ? À quand sa prise en compte dans l'octroi des aides à la presse ? Il n'y a pas de raison d'aider une presse qui spolie ses photojournalistes. Quelles sont les raisons de la hausse du budget d'Hadopi ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - J'avais préparé un amendement créant un crédit d'impôt pour les séries télévisées, sur le modèle de ce qui existe pour le cinéma. De plus en plus, il s'agit de la même industrie, des mêmes acteurs, des mêmes moyens et de la même tendance à la délocalisation des tournages, d'où la nécessiter d'inciter au rapatriement des tournages en France. L'Assemblée nationale l'a voté : elle en a relevé le taux, ainsi que le plafond. Je serai vigilant à ce que cette modification ne soit pas supprimée au Sénat.

Nous sommes partisans de l'élargissement de l'assiette de la redevance afin de pérenniser ce qui représente quasiment la seule ressource du service public, faute de rétablissement de la publicité après 20 heures. Faisons en sorte que cette ressource ne décline pas. L'engagement de ne pas augmenter les impôts ne doit pas empêcher d'apporter une réponse globale pour pérenniser ces recettes. Je doute de l'avenir du service public sans réforme de la CAP. Le financement du service public par l'impôt garantit son indépendance.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Lors du débat sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique, le Gouvernement avait accepté d'ouvrir des négociations avec les opérateurs techniques de diffusion pour indemniser leur préjudice, et annoncé que des crédits seraient inscrits dans un texte budgétaire d'ici la fin de l'année. Où en sont ces négociations ? Cette inscription est-elle toujours envisagée ?

Les événements récents nous rappellent à quel point le combat pour la liberté d'expression et la diffusion de nos valeurs dans le monde sont essentiels. Trois scénarios portant sur les ressources de France Médias Monde sont envisagés. Nous assurez-vous que vous soutiendrez le troisième, qui prévoit une progression moyenne annuelle des ressources de 2,1 %, quand les deux autres prévoient un maintien voire un tassement des moyens ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Le Gouvernement a mandaté M. Emmanuel Giannesini pour proposer des pistes sur la sortie des accords Schwartz, à partir de 2016. Les arbitrages, en cours, seront partagés avec vous. C'est au nom de la solidarité entre les familles de presse que nous avons choisi de ne pas distinguer les taux de TVA, contrairement à des pays voisins ; cette solidarité en est la contrepartie. La soutenabilité tarifaire sera au coeur des décisions du Gouvernement. 2016 sera une année de transition puisque le classement des titres entre presse de loisirs et du savoir prendra six à neuf mois - il n'est pas question de distinguer entre bonne et mauvaise presse, mais de décider de l'allocation des deniers publics. Pendant cette année, je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal le plus proche possible de l'inflation, et qu'il soit connu au plus vite.

Nous avons constaté la baisse brutale et préoccupante du rendement des taxes alimentant le CNL. Pour en analyser les causes et proposer des solutions, j'ai demandé, avec le ministre des finances, un rapport à l'Inspection générale des affaires culturelles et au Contrôle général économique et financier. Nous l'attendons dans les jours qui viennent. Sans attendre, le CNL doit construire son budget en tenant compte de la tendance constatée en 2014 et 2015. Des pistes plus structurelles, comme une modification de l'assiette des taxes, pourront être envisagées en 2016.

Les modes d'accès à la télévision ont très fortement évolué, l'accès se faisant de plus en plus par Internet et non plus grâce à une antenne râteau. L'affectation à l'audiovisuel public d'une partie de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques tient compte de cette évolution. Le succès commercial des offres à haut et très haut débit tient largement à la circulation des oeuvres, il n'est donc pas illogique que les opérateurs économiques qui en bénéficient contribuent à financer la création. Plusieurs pistes de réforme de la contribution à l'audiovisuel public ont été étudiées. Les choix doivent être les plus consensuels possibles, conjuguer justice sociale et modernité. Nous continuons à travailler sur les différentes hypothèses ; le Parlement sera associé à ces réflexions en temps utile.

Conformément à ses engagements, l'État apporte à Radio France une dotation en capital de 55 millions d'euros pour l'achèvement du chantier de rénovation de la maison de la radio. La dotation d'investissement est de 25 millions d'euros sur trois ans, pour un retour à l'équilibre en 2018. Nous avons clarifié les priorités stratégiques de Radio France dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens. J'ai dit mon attachement à la complémentarité des antennes, au soutien à la création, à la musique, à l'éducation de la jeunesse à l'information, et à la stratégie numérique de l'entreprise, afin que les valeurs du service public restent au coeur de l'action de Radio France. J'ai dit à son président, en avril, qu'il fallait réformer les formations musicales, y compris dans leur dimensionnement et leur organisation, pour plus que jamais faire rayonner la culture de notre pays. Nous avons besoin de plus de musique, plus de spectacle, dans la période actuelle. La fusion des deux orchestres n'a pas été retenue dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens : ce serait affaiblir l'offre musicale pour des économies incertaines. M. Stephan Gehmacher, directeur musical de la Philharmonie de Luxembourg, missionné par Radio France, a formulé des recommandations avant l'été. Le projet de contrat d'objectifs et de moyens prévoit la mise en place de services transverses, dans le respect des identités de chaque antenne. La diversité fait partie de l'ADN de Radio France : il faut faire attention au risque d'uniformisation et préférer une démarche pragmatique au mécano institutionnel.

J'ai dit, à mon arrivée au ministère, que nous devions faire de la production audiovisuelle, notamment de fiction, une priorité. Depuis janvier, je travaille avec tous les acteurs pour renforcer cette filière, en soutenant la création - audace et innovation font partie de la feuille de route de Delphine Ernotte - mais aussi le rayonnement de la création française, et en travaillant à un meilleur partage des risques entre producteurs et diffuseurs. J'ai engagé, à cette fin, une négociation sur l'amélioration de la transparence dans ce secteur, dont je souhaite qu'elle aboutisse rapidement à un accord professionnel. De même, j'ai inscrit des dispositions législatives sur ce sujet dans le projet de loi que je porte. J'ai également engagé un rééquilibrage des relations entre producteurs et diffuseurs, notamment par le décret du 27 avril qui accorde aux diffuseurs la possibilité de prendre des parts de coproduction sur les oeuvres indépendantes qu'ils financent largement. Il faut accompagner la mutation des activités des diffuseurs, qui souhaitent une plus grande implication. Des discussions sont en cours entre France Télévisions et les organisations de producteurs. Ces évolutions doivent être menées sans bouleverser la production indépendante, qui doit être forte et ambitieuse. Aussi, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait renforcé le crédit d'impôt en faveur de la fiction, en revalorisant le taux de 20 à 25 % et augmentant les plafonds, et j'espère qu'il sera confirmé par le Sénat. Nous démontrons ainsi notre volonté de soutenir la production audiovisuelle.

Le Gouvernement souhaite ouvrir le régime publicitaire à tous les annonceurs, par souci de sécurité juridique, tout en encadrant la durée horaire des publicités, y compris pendant la tranche matinale. Une consultation publique était ouverte jusqu'au 1 er novembre. L'objectif est de maintenir le chiffre d'affaires publicitaire au niveau observé ces dernières années, soit 42 millions d'euros. Il n'est pas question d'augmenter le volume de publicité.

Concernant le projet de chaîne publique d'information continue : dès le mois de mars, nous avons tracé les orientations stratégiques de France Télévisions. Nous avons besoin d'une information pluraliste, indépendante, décryptant le monde contemporain. Les complémentarités entre les organismes de l'audiovisuel public sont importantes. L'offre publique d'information était l'un des sujets du comité stratégique de l'audiovisuel public, qui s'est tenu le 21 octobre. Différents sujets d'intérêt commun y ont été abordés. La présidente de France Télévisions présentera son projet en fin d'année, afin de le lancer à la rentrée 2016. Ce calendrier ambitieux traduit la mobilisation des acteurs concernés. Le Parlement sera étroitement associé à ce chantier.

La cyberattaque dont TV5 Monde a été victime, le 8 avril, a été particulièrement violente. La réaction extrêmement rapide des équipes techniques et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) a prévenu la destruction totale de ses infrastructures informatiques. Les organismes de l'audiovisuel public ont intégré les recommandations de l'Anssi. J'ai souhaité qu'ils réfléchissent en commun aux moyens de renforcer leur cybersécurité. La reconstruction du système d'information de TV5 Monde et le renforcement de sa sécurité informatique coûtera 4,9 millions d'euros en 2015, 2,9 millions d'euros en 2016, puis 2,4 millions d'euros par an. Nous avons accepté le redéploiement en cours d'année de 1,2 million d'euros destinés à l'acquisition de programmes français vers les frais communs, confirmé l'augmentation de 0,7 million d'euros de la dotation de TV5 Monde en 2016 et lui avons laissé le bénéfice intégral de l'économie fiscale de 1,7 million d'euros lié à son financement par la contribution à l'audiovisuel public.

Le budget de la Hadopi est effectivement en hausse : il sera de 8,5 millions d'euros en 2016. Cet effort significatif intervient après des années où la haute autorité a largement puisé dans son fonds de roulement. Il s'agit donc d'un rattrapage qui lui permettra de maintenir le périmètre de ses missions actuelles.

Je rappelle l'attachement du Gouvernement au taux de TVA super-réduit sur l'ensemble de la presse, imprimée ou en ligne. La Commission européenne a infléchi sa position. Nous continuons d'appuyer le souhait de la Commission de faire évoluer la directive sur la TVA dès 2016 dans le sens de la neutralité fiscale - sujet soumis à l'unanimité des États membres. Le Gouvernement poursuit son oeuvre de conviction sur la substituabilité entre presse imprimée et en ligne. Il ne m'appartient pas d'interférer dans la situation fiscale de Mediapart , mais j'espère qu'il trouvera une solution avec l'administration fiscale afin de passer cette période délicate pour sa trésorerie.

Le résultat des enchères sur les fréquences de la bande des 700 MHz ont été très positives. Le Gouvernement, soucieux des conséquences économiques sur les opérateurs de diffusion, privilégie la voie du compromis en matière d'indemnisation. L'Inspection générale des finances a été saisie pour évaluer l'impact de ces opérations sur le marché de la diffusion. Les négociations, confidentielles, sont toujours en cours. Des propositions financières ont été adressées aux opérateurs. Je sais la détermination de M. Emmanuel Macron, comme du Premier ministre, à faire aboutir ces négociations. L'engagement du Gouvernement sera tenu, l'objectif restant le dépôt d'un amendement au projet de loi de finances pour 2016 au Sénat, ou au projet de loi de finances rectificative pour 2015. Cette mesure pourrait prendre la forme d'une hausse de l'enveloppe de 27,3 millions d'euros affectée à l'Agence nationale des fréquences (ANFR).

La dotation de France Médias Monde augmentera de 2 millions d'euros en 2016. S'y ajoute un effet fiscal favorable de 3,4 millions d'euros en 2016. En hausse de 2 %, le financement des chaînes est solidement assuré. Le contrat d'objectifs et de moyens, en cours de négociation, vous sera soumis pour avis rapidement. Nous discutons des différents scénarios avec les ministères des affaires étrangères et des finances. Nous choisirons l'option la plus respectueuse des missions de service public de France Médias Monde.


* 1 Avis n° 112 - Tome IV - Fascicule 1b (2014-2015), p. 5.

* 2 Compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », annexe au PLF 2016, p. 134.

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