II. ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEUR : DES BUDGETS TRÈS CONTRAINTS
A. ARTE-FRANCE : UN BUDGET SERRÉ
La dotation publique allouée à ARTE-France s'élève en PLF 2013 à 262,8 millions d'euros HT (268,4 millions d'euros TTC), contre 262,5 millions d'euros HT (268,1 millions d'euros TTC) en 2012 , soit une diminution de 0,1 % là où le contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2012-2016 prévoyait une augmentation de 4,8 %.
Cette baisse s'inscrit dans un contexte économique général difficile, la question étant de savoir si ARTE pourra continuer à mener à bien ses missions.
Votre rapporteur pour avis souligne que le soutien à cette chaîne est pleinement légitime à la fois au vu de la qualité des programmes diffusés et de l'importance de son développement.
1. Un relance éditoriale réussie
L'objectif principal fixé par le nouveau COM d'ARTE était de parvenir à reconquérir son audience sans perdre ni sa singularité de chaîne culturelle européenne , ni son exigence en matière de création.
Afin d'atteindre cet objectif, une nouvelle grille a été lancée dès janvier 2012, dont les éléments principaux étaient :
- un nouveau programme d'avant soirée innovant, sur la case 20 h 00- 20 h 40 tous les jours de la semaine, combinant magazine et oeuvre (fiction ou animation courte) ;
- un décalage du journal d'information à un horaire plus adapté au public français, de 19 h 00 à 19 h 40 ;
- une « verticalisation » de la grille : chaque jour de la semaine, le programme complet de la soirée s'adresse à un public cible donné, afin de le fidéliser dans la durée par une lisibilité accrue de la programmation ;
- un rendez-vous documentaire avec un invité, tous les jours de la semaine, vers 18 h 00, axé sur la découverte ;
- un après-midi culturel tous les dimanches ;
- des évènements documentaires dans l'année, répartis dans les différentes cases documentaires de la grille ;
- et une amélioration de la qualité des productions de fictions et d'animation.
Votre rapporteur pour avis constate que la part d'audience de la chaîne est à nouveau en hausse après sept années de baisse continue : elle s'élève ainsi à 1,7 % pour l'année en cours contre 1,5 % en 2011 , ce qui correspond à une augmentation de 13 %.
En outre, selon le baromètre IFOP de février 2012, ARTE voit sa note globale de satisfaction augmenter en France, passant de 6,2 en 2011 à 6,4 points en 2012. La chaîne obtient ainsi les meilleures notes du paysage audiovisuel français (PAF) sur des critères comme la culture , la dimension européenne , la découverte et le sérieux et progresse beaucoup sur des critères tels que la créativité , la proximité et l' information .
2. ARTE : un média de référence pour la culture et la création européenne
Avec trois quarts de son budget alloués à la production d'oeuvres originales , ARTE-France s'impose comme un acteur important de l'émergence d'auteurs et de nouvelles écritures audiovisuelles, tout en respectant l'équilibre entre les grands genres fondateurs de son identité : le documentaire , le spectacle vivant et la fiction . A ce titre, il est à noter l'importance de séries ambitieuses en coproductions européennes comme Ainsi soient-ils de Rodolphe Tissot dont l'audience des premiers épisodes est un succès (près d'1,5 million de téléspectateurs en moyenne) ou encore d' acquisitions notoires comme celle de la saison 2 de Borgen , série danoise sur le pouvoir politique.
Parmi les téléfilms d'auteurs , on retrouve des succès critiques et publics tels que Just like a woman de Rachid Bouchareb ou encore Les 5 parties du monde de Gérard Mordillat (FIPA d'or 2012).
Des documentaires à succès doivent aussi être mentionnés comme Titanic, l'ultime scénario qui a réuni pas moins de 5,3 % de parts d'audience (pda) et 1,3 million de téléspectateurs ou Les cathédrales dévoilées (4,2 % de pda et 1,2 million de téléspectateurs).
Enfin, la diffusion de spectacles est aussi appréciée à l'instar de Michael Flatley, Lord of the dance (4 % de pda et 558 000 téléspectateurs) ou Françoise Hardy (2,9 % de pda et 574 000 téléspectateurs) ; ARTE Video Night , pour la quatrième année consécutive, propose de son côté un musée éphémère entièrement dédié à l'art vidéo, diffusé au moment de la foire internationale d'art contemporain (FIAC), dans le cadre de partenariats avec de hauts lieux de création, à l'image du Palais de Tokyo en 2012.
La science, l'environnement et la découverte ne sont pas non plus en reste, ARTE-France abordant largement ces questions dans des programmes comme Xenius , un magazine quotidien de connaissance de 26 minutes ou par le truchement de la case ARTE Sciences , diffusée chaque jeudi en deuxième partie de soirée et présentant des films de fiction ou des documentaires traitant des enjeux sociétaux et éthiques de l'avancée de la recherche actuelle.
En tant que pôle de coproduction, ARTE-France respecte aussi l'objectif d'investissement de 3,5 % de son chiffre d'affaires dans la création cinématographique , à travers sa filiale ARTE-France Cinéma : ce sont ainsi environ vingt films et trois long-métrages documentaires qui sont produits par an, les recettes générées étant réinvesties dans la production de nouveaux films. De nombreux prix sont venus récompensés ces films, à Cannes notamment, du Prix d'interprétation féminine à Kirsten Dunst pour Melancholia aux Palmes d'Or pour L'Éternité et un jour de Théo Angelopoulos et Dancer in the dark de Lars Von Trier.
3. Le succès de la « galaxie » numérique
Grâce à une politique innovante, ARTE a acquis une très forte notoriété dans le monde numérique avec des programmes destinés spécifiquement à Internet récompensés par des prix internationaux et en devenant une référence du secteur pour la captation de spectacles vivants retransmis gratuitement en ligne (ARTE Live Web).
Selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis, l'audience d'Arte Live Web s'établit au premier semestre 2012 à 320 000 visites (+ 25 % par rapport au premier semestre 2011) et 817 000 pages vues. Les résultats d'Arte Creative sont également en progression (+ 167 % par rapport au premier semestre 2011 avec 142 000 visites).
Cette stratégie de production de programmes non linéaires spécifiques pour l'Internet fixe ou mobile s'est encore développée récemment : ARTE France constitue ainsi l'un des principaux moteurs de la création web dans l'hexagone en accueillant et suscitant de nouvelles expérimentations et de nouvelles écritures à destination d'un public plus jeune. En matière de webdocumentaire, ARTE France coproduit des programmes interactifs comme Code Barre qui interroge le rapport que nous entretenons avec les objets que nous consommons : connecté au site ou via l' application iPhone , le spectateur est invité à scanner le code barre d'objets proches (cigarettes, produits alimentaires, livres...) déclenchant un film lié à celui-ci . On navigue ainsi par thèmes, objets, associations d'idées, décrivant un parcours unique matérialisé par un code personnalisé. L'internaute peut également contribuer à enrichir le dispositif, en envoyant des photos des objets accompagnées de leur histoire, ou en référençant de nouveaux objets dans la base de données de codes barres. Dans le domaine de la webfiction, ARTE France a lancé, après la première expérience Addicts en 2010, 60 secondes , un programme initié pour le web avec une diffusion sur Facebook . Enfin, d'autres projets hybrides, de fiction et de documentaires, sont en cours d'élaboration, comme l'ambitieux projet transmédia Intime conviction qui mettra en scène un procès de cour d'assises faisant se rencontrer des acteurs, des professionnels de la justice et des internautes sollicités en tant que jurés.
Votre rapporteur pour avis considère que cette stratégie est particulièrement pertinente dans un contexte d'évolution technologique rapide, d'augmentation du nombre de chaînes hertziennes et pour une chaîne dont le public est plutôt spécialisé .
L'offre ARTE VOD payante, disponible sur le site artevod.com représente en outre pour ARTE un axe de développement important : elle propose au public 2 600 programmes, enrichis d'environ 400 programmes chaque année - à noter que 600 d'entre eux sont disponibles en format DVD à la demande, service qui permet de faire graver sur DVD sa propre sélection de programmes. Ce service permet de compléter la gamme des services déjà proposés au public : télévision de rattrapage, édition DVD, édition livres, VOD. Notons à cet égard que les ressources propres d'Arte sont en évolution régulière avec une prévision de 2,8 millions d'euros de recettes pour 2013 (+ 4 % par rapport à 2012).
4. Une gestion d'ARTE-France rigoureuse
Compte tenu des dépenses de personnel liées à l'arrivée d'une nouvelle équipe dirigeante, à la mise en place d'une nouvelle organisation au sein de l'entreprise et à la conception d'une nouvelle grille de programmes, la part des charges de personnel dans les dépenses totales est passée de 7,4 % en 2010 à 8,3 % en 2011. Il reste que le projet annuel de performance prévoit que les frais de personnel restent très limités : la stratégie multimédias est ainsi opérée grâce un important redéploiement de personnel dans une chaîne pour laquelle aucun départ à la retraite n'est prévu avant 2017.
Par ailleurs, les frais de structure sont maintenus à un faible niveau et devraient même diminuer en 2013 du fait des économies engendrées par la renégociation anticipée du bail du siège social du groupe.
Ces différents éléments montrent que les ajustements du budget 2013 ne pourront se faire que sur les dépenses de programmes, dont une baisse est déjà prévu e (142,3 millions d'euros en 2013 contre 151 millions d'euros en 2012).
5. Les conclusions de votre rapporteur pour avis : un maintien nécessaire des crédits
Dans un contexte de concurrence élargie (arrivée des nouvelles chaînes de la TNT et de la télévision connectée), les objectifs prioritaires d'ARTE-France de relance éditoriale et de développement du numérique doivent passer par une diminution la plus faible possible du budget consacré aux programmes.
Votre rapporteur pour avis considère ainsi que la faiblesse des marges de manoeuvre du groupe dans les coûts fixes impose un maintien a minima de la dotation prévue pour 2013 , à hauteur de 262,8 millions d'euros.
B. RADIO FRANCE : LE MAINTIEN DU CAP
La dotation publique allouée à Radio France via le programme 843 « Radio France » s'élève en PLF 2013 à 611,7 millions d'euros HT (624,6 millions d'euros TTC), en baisse de 0,1 % par rapport à 2012 (612,1 millions d'euros HT). Cette dotation est inférieure à la trajectoire prévue par le COM, qui prévoyait un montant de 636,8 millions d'euros.
Ce budget représente 16,4 % des ressources issues de la contribution à l'audiovisuel public. A ce stade, Radio France anticipe que les recettes publicitaires seraient au mieux stables en 2013 par rapport au budget initial de 2012.
Au vu des informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le succès des antennes de Radio France en 2012 est patent.
Elles bénéficient en premier lieu de l'augmentation du nombre d'auditeurs de la radio, observée depuis 2011, après six années de baisse, qui se poursuit en 2011-2012 : du lundi au vendredi, l'audience cumulée du média, à 82,1 %, a ainsi progressé de 0,3 point. La durée d'écoute reste stable pour la troisième saison à 174 minutes en moyenne.
Sur la période 2011-2012, l'auditoire de Radio France s'accroît quant à lui en semaine comme le week-end . Du lundi au vendredi, l'audience cumulée, à 26,7 % (14 millions d'individus âgés de 13 ans et plus), progresse de 1,2 point, soit un gain de 672 000 auditeurs :
- l'audience cumulée de France Inter, à 10,8 %, progresse de 0,6 point, obtenant ainsi son meilleur résultat depuis neuf ans. Le succès des émissions telles que Comme on nous parle de Pascale Clark ou Là-bas si j'y suis de Daniel Mermet montre que la qualité est compatible avec l'audience ;
- l'audience cumulée de France Info, à 9 %, progresse de 0,3 point. Elle est particulièrement élevée le matin entre 7 h 00 et 9 h 00 avec 2,2 millions d'auditeurs.
- pour la troisième saison de suite, l'audience cumulée de France Bleu se situe au-dessus des 7 %. Elle rassemble chaque jour 3,8 millions d'auditeurs (7,2 % en audience cumulée). Le maillage du territoire par le réseau France Bleu se poursuivra en 2013. Le gouvernement a ainsi confirmé la création de la 44 e station du réseau France Bleu à Saint-Étienne ;
- France Culture connaît une audience cumulée de 1,9 % en progression de 0,2 point depuis la saison précédente. C'est le niveau le plus élevé obtenu par France Culture, avec près d'un million d'auditeurs à l'écoute un jour moyen de semaine.
- après le tassement d'audience observé au cours des saisons 2009-2010 et 2010-2011, l'audience de France Musique a atteint 1,5 %, soit près de 800 000 auditeurs, en progression de 0,2 point ;
- l'audience cumulée de Fip s'établissait à 368 000 auditeurs au cours de la saison 2010-2011. La station a rassemblé cette saison 79 000 auditeurs supplémentaires et son auditoire atteignant 447 000 auditeurs.
En revanche, l'audience du Mouv' est en forte baisse puisqu'elle s'établit à 0,4 %, contre 0,5 % en 2011 et 0,7 % en 2010. La direction de Radio France reconnaît au demeurant que « les changements importants intervenus dans les programmes du Mouv' ont entraîné une baisse de l'auditoire » . Cependant, lors de son audition du 15 novembre 2013, M. Jean-Luc Hees, président de Radio France, a indiqué une audience remontée à 0,5 % sur les derniers mois. Formulons le voeu que cette progression soit durable.
Votre rapporteur pour avis se félicite de la réussite des radios du groupe qui, tout en assurant pleinement ses missions de service public, parvient à réunir des audiences importantes.
Il considère cependant que la rencontre entre le service public et le public jeune constitue un impératif, qui justifiait la création du Mouv' à la fin des années 1990, et qui reste pleinement d'actualité. Le succès de cette radio au milieu des années 2000 a au demeurant montré que le défi pouvait être relevé.
Le président de Radio France a reconnu, lors de son audition à l'Assemblée nationale que l'on « ne peut pas ignorer une catégorie qui représente 15 à 30 % de la population (...) et ensuite regretter que les jeunes n'aient pas accès à l'information, à la culture, à l'éducation, à des divertissements de qualité. Nous avons un rôle à jouer. Même si la tâche est difficile, nous ne lâcherons pas ». Dans un contexte budgétaire difficile, il a ensuite annoncé l'augmentation de 30 % du budget de cette radio , qui reste celui d'une radio locale.
S'agissant des investissements, le projet de réhabilitation de la Maison de la Radio suit son court et son achèvement est prévu pour 2016. Il grève forcément les autres projets de modernisation de l'entreprise.
Aux termes du PAP, Radio France approfondira, en 2013, la démarche déjà engagée en matière de rationalisation de sa gestion. Ses efforts devraient se traduire par des économies structurelles portant en priorité sur les achats et les charges externes, et par une « accélération de la modernisation de l'entreprise » , sans que cette expression soit rendue explicite dans le projet annuel de performances.
Force est en fait de reconnaître que les perspectives d'économies à réaliser sont très faibles dans les prochaines années . La principale mesure prise par le ministère de la culture afin de limiter l'augmentation des dépenses de Radio France a été de renoncer à préempter des fréquences pour Radio France sur la radio numérique, estimant que cela « engendrerait des surcoûts significatifs pour les radios publiques, liés à la nécessité devant laquelle elles se trouveraient de diffuser à la fois en modulation de fréquences et en numérique » . Les frais entraînés par une double diffusion constituent au demeurant le principal frein au développement de la radio numérique terrestre, dont les rapports de MM. Marc Tessier et David Kessler avaient souligné l'importance du coût.
Votre rapporteur pour avis tire de ces analyses une double conclusion :
- le groupe Radio France doit garder le cap sur ses ambitions culturelles ;
- l'État ne peut pas baisser à court ou moyen terme la dotation versée à cet acteur essentiel de notre audiovisuel public.
C. L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL : LA SAUVEGARDE DES FONDAMENTAUX
La dotation de l'Institut national de l'audiovisuel s'élève à 90,5 millions d'euros HT en PLF 2013, soit la même somme qu'en 2012. Ces moyens représentent une baisse de 2,5 % par rapport à ceux prévus par le COM négocié en 2009 .
Votre rapporteur pour avis note en outre que le budget 2013 sera d'autant plus contraint que :
- les objectifs de ressources propres prévus dans le COM ne sont pas atteints, et seront même inférieurs de 10 % à ceux anticipés (- 4,2 millions d'euros). Leur part dans le budget total est ainsi prévu à 29 % en 2013 (33,2 % en 2012). Cette évolution sera difficile à contrarier à court terme dans la mesure où les droits audiovisuels dévolus par la loi tendent à se restreindre, du fait notamment de la baisse des activités de production des chaînes de l'audiovisuel public. Votre rapporteur pour avis précise à cet égard qu'une réflexion sur ce thème sera engagée en 2013 par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à travers la constitution d'un groupe de travail ;
- les charges de personnel affichent une hausse de 2,5 % par rapport au budget prévisionnel 2012, notamment suite à la mise en place de l'accord collectif, rendu nécessaire par la caducité de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle prévue par la loi du 5 mars 2009 ;
- l'INA a déjà puisé dans sa capacité de diminution des charges d'exploitation à travers un plan d'économie sur les procédures d'achat et de numérisation.
Dans ce contexte, l'INA devra se concentrer sur ses trois missions principales que sont :
- la conduite de sa mission de sauvegarde des archives et d'enrichissement de sa collection ;
- la valorisation de sa collection ;
- et la transmission des savoirs et des compétences.
S'agissant de la sauvegarde du patrimoine, selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis, il est prévu pour la période 2012-2014, d'une part de poursuivre la sauvegarde et la numérisation des fonds TV et radio sur le périmètre initial, et d'autre part, d'étendre le périmètre du plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) aux autres fonds menacés de dégradations apparues postérieurement à l'expertise menée en 2003 . Cette extension se ferait selon cinq axes :
- la préservation des fonds de RFO. L'audit VERITAS de fin 2002 ne tenait pas compte des fonds qui n'avaient pas encore été collectés, ce qui était le cas des fonds conservés en outre-mer . L'INA a mené une expertise d'évaluation de la volumétrie des fonds RFO et mis en évidence le mauvais état de ce fonds et l'urgence à le sauvegarder ; qui a été confirmée par les premiers travaux effectués sur les fonds guyanais et martiniquais. Selon l'INA, le fonds télévisuel de l'ensemble des stations de RFO est estimé entre 125 000 et 150 000 heures pour un coût total de numérisation estimé à 7,5 millions d'euros, notamment financé par les investissements d'avenir. Votre rapporteur pour avis est particulièrement convaincu par l'importance de sauvegarder ce patrimoine télévisuel et radiophonique d'outre-mer, qui constitue un enjeu de mémoire majeur ;
- la préservation des 1/2 pouce Betacam. Le fonds total Betacam détenu par l'INA est estimé aujourd'hui à 370 000 heures sur lesquelles, fin 2011, 166 491 ont été numérisées soit 67 %.
- la sauvegarde des supports optiques CD déposés par Radio France ;
- la restauration des bandes magnétiques radio 6,25 mm (30 000 heures) et des disques 78 tours (8 500 heures), qui devrait débuter en 2013. Il est envisagé de traiter prioritairement une sélection de programmes (par exemple : les concerts des années 1949 à 1956 enregistrés en 76 cm par seconde, les enregistrements du Club d'Essai de Pierre Schaeffer, les premières émissions de variétés dont le support est fragilisé du fait de nombreuses communications, etc.). Cette sélection est évaluée à 10 000 heures sur bandes 6,25 mm ;
- la sauvegarde des fonds radiophoniques régionaux. L'INA envisage de sauvegarder une sélection de 10 000 heures représentatives du fonds régional (sur une volumétrie totale estimée à 50 000 heures).
D. LE SOUTIEN À L'EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE : UNE DIMINUTION DIFFICILE DES CRÉDITS
Aux termes de l'article 80 modifié de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les radios locales associatives dont les ressources commerciales issues de la publicité sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total, qui accomplissent une mission de communication sociale de proximité, peuvent bénéficier d'une subvention versée dans le cadre du Fonds de soutien à l'expression radiophonique .
La dotation inscrite dans le PLF 2013 afin d'abonder ce fonds s'élève à 29 millions d'euros , soit la même somme qu'en 2012 et 2011.
Votre rapporteur pour avis rappelle qu'aux termes du décret n° 2006-1067 du 25 août 2006, quatre types de subventions sont prévus :
- la subvention d'installation, bénéficiant uniquement aux radios associatives nouvellement autorisées par le CSA (16 000 euros au maximum) ;
- la subvention d'équipement, destinée à financer les projets d'investissement en matériel radiophonique d'un service de radio, à hauteur de 50 % au maximum de leur montant et dans la limite de 18 000 euros par période de cinq ans ;
- et les subventions de fonctionnement. Elles prennent deux formes : la subvention d'exploitation , dont l'attribution annuelle revêt un caractère automatique, est déterminée selon un barème fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la communication et du budget ; la seconde subvention de fonctionnement, introduite par la réforme de 2006, est la subvention sélective à l'action radiophonique . Cette dernière est attribuée par le ministre chargé de la communication sur proposition d'une commission consultative, et a pour objet de soutenir les services de radio qui ont réalisé des actions particulières dans un certain nombre de domaines tels que l'emploi, l'intégration, la lutte contre les discriminations, la culture et l'éducation.
Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis des crédits relatifs à l'audiovisuel à l'Assemblée nationale, dans son rapport sur le PLF 2013, a considéré que certains programmes spécifiques étaient développés de manière opportuniste et qu'ils devraient faire l'objet d'un contrôle particulier (5,48 millions d'euros au titre de la subvention sélective à l'action radiophonique, contre 4,4 millions d'euros en 2010).
La question de la « soutenabilité » du financement sera au demeurant posée dès l'exécution 2013 : en effet, le soutien de l'État aux radios associatives comprenait une augmentation de 2 millions d'euros par rapport à 2009 qui devait permettre de soutenir les radios associatives pour le passage à la radio numérique terrestre (RNT). Le lancement de la RNT n'ayant pas eu lieu, les 2 millions d'euros ont alors servi à résorber le décalage de trésorerie du FSER. En 2011 et 2012, ces 2 millions d'euros ont été reconduits en LFI et, malgré l'absence de lancement de la RNT, ils ont été distribués principalement en subventions sélectives (1,1 M€ en 2011), mais aussi en subvention automatique (0,8 M€), le reliquat ayant servi à réduire marginalement le décalage de trésorerie. La question se posera en 2013 de verser un montant d'aide inférieur aux crédits votés, afin d'anticiper un éventuel lancement de la RNT ou de résorber le décalage de trésorerie.
Votre rapporteur pour avis, attaché à l'activité de ces radios qui jouent un rôle culturel et social important au niveau local, considère qu'une analyse plus globale devrait être menée sur le financement de ces radios.
En effet, l'origine des recettes des radios est très variable, les différentes aides du fonds ne représentant en moyenne que 40% de leurs ressources :
- les recettes publicitaires jouent un rôle non négligeable pour une soixantaine de radios pour lesquelles elles dépassent 10 % de leur chiffre d'affaires. Cette part est limitée à 20 % si les radios veulent bénéficier du FSER ;
- et les autres ressources dont bénéficient les radios de catégorie A proviennent des aides à l'emploi versées pour le compte de l'État par le CNASEA (principal bailleur public après le FSER), de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), des subventions des collectivités territoriales, du produit de certaines activités radiophoniques ou non radiophoniques, des cotisations et des dons. La part des dons des communautés ou institutions religieuses est parfois considérable pour les radios confessionnelles.
Cette analyse pourrait porter sur le rendement de la taxe prévue à l'article 302 bis KD du code général des impôts, et sur son éventuelle réaffectation au Fonds de soutien, sur le nombre de radios associatives aidées ou encore sur leur capacité à disposer de ressources propres.
E. L'AEF : UN EXERCICE D'ÉQUILIBRISTE POUR 2013
Votre rapporteur pour avis n'est pas chargé de l'analyse des crédits dédiés à l'audiovisuel extérieur de la France au titre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, confiée à Mme Claudine Lepage, qui établit un rapport spécifique sur ce secteur.
Néanmoins, le groupe AEF dispose d'une part de la contribution à l'audiovisuel public et sa situation doit donc être analysée finement dès lors que l'on souhaite travailler sur la juste répartition de son produit.
Au vu de l'analyse très complète de Mme Claudine Lepage, il apparaît que l'AEF sera dans une situation budgétaire compliquée en 2013, qui ne permettra pas de dégager des marges de manoeuvre.
Votre rapporteur pour avis prend donc acte de ce constat et en tirera les conséquences, notamment sur le montant de contribution à l'audiovisuel public dont il sera nécessaire de disposer en 2013.
F. FRANCE TÉLÉVISIONS : LE PRIX À PAYER DE LA RÉFORME ?
1. Le budget prévu pour 2013 : la nécessité d'un nouveau COM
Le présent projet de loi de finances prévoit que France Télévisions reçoive les dotations suivantes :
- 2 196 millions d'euros HT (soit 2 243,1 millions d'euros TTC), contre 2 091,6 millions d'euros TTC en 2012, au titre du programme 841 « France Télévisions » de la mission « Avances à l'audiovisuel public », ce qui correspond à une augmentation des crédits de plus de 7 % ;
- et 256,4 millions d'euros au titre du programme 313 « Contribution au financement de l'audiovisuel » de la mission « Médias », ce qui correspond à une baisse de 42 % de la dotation budgétaire .
Les crédits globaux de France Télévisions pour l'année 2013 s'élèvent donc à 2453,3 millions d'euros HT, soit une baisse de 3 % par rapport à 2012.
Votre rapporteur pour avis a constaté que de très nombreux chiffres circulaient sur le financement de France Télévisions et souhaite à cet égard apporter quelques éclairages.
Les évolutions suivantes ont été constatées entre le PLF 2012 et le budget réel de France Télévisions pour 2012 :
- une diminution des crédits de 15 millions d'euros en LFI 2012 ;
- une réduction supplémentaire de 6 millions d'euros en LFR 2012 ;
- le report de crédits publicitaires de 28 millions d'euros de 2011 sur le budget 2012 s'est accompagné d'une baisse équivalente de la dotation et n'a donc eu de conséquence sur le budget de France Télévisions pour 2012 ;
Sur le sujet des ressources publicitaires, il peut être rappelé que la précédente majorité avait été particulièrement visionnaire en modifiant l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 (article 133), afin de prévoir que la compensation de l'État pour la suppression de la publicité soit réduite « à due concurrence du montant des recettes propres excédant le produit attendu de ces mêmes recettes tel que déterminé par le contrat d'objectifs et de moyens ».
Non seulement cette disposition risquait de décourager la régie publicitaire de France Télévisions dont les éventuels surplus auraient été sans intérêt pour le groupe, mais témoignait d'une méconnaissance de l'évolution du marché publicitaire des groupes audiovisuels, qui sera négative dans le court et moyen terme. Cette disposition ne trouvera aucune application en 2013 et devra, selon votre rapporteur pour avis, être supprimée au même titre que celle prévoyant la suppression de la publicité en 2016 sur les écrans diurnes de France Télévisions, dans le prochain texte de loi relatif à l'audiovisuel ;
- et un gel des crédits pour 2012, à une hauteur méconnue pour l'instant, devrait être réajusté en loi de finances rectificative de fin d'année.
Le tableau suivant résume ces évolutions de crédits et les compare à la dotation 2013, qui s'élève à 2 453,3 millions d'euros hors taxes.
RESSOURCES PUBLIQUES ATTRIBUÉES À FRANCE TÉLÉVISIONS EN 2012 ET 2013
(en millions d'euros)
Montant de la dotation en 2012 (hors taxes) |
Évolution entre 2012 et LFI 2013 (en valeur absolue) |
Évolution entre 2012 et LFI 2013 (en %) |
|
PLF 2012 |
2554,4 |
-101,1 |
- 3,9 % |
LFI 2012 |
2554,4 - 15 = 2539,4 |
- 86,1 |
- 3,4 % |
LFR 2012 |
2539,4 - 6 = 2533,4 |
- 80,1 |
- 3,2 % |
Montant réellement déboursé par l'État du fait du report de 28 millions d'euros |
2533,4 - 28 = 2505,4 |
- 52,1 |
- 2 % |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles et commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat
Votre rapporteur pour avis considère que la meilleure comparaison doit être faite avec la somme votée en LFR 2012 , qui est la plus pertinente du point de vue des sommes dont France Télévisions a réellement bénéficié.
La diminution des crédits entre 2013 et 2012 prévue dans le présent PLF est donc de 80,1 millions d'euros , ce qui représente une baisse de 3,2 %. |
Notons qu'à ces difficultés s'ajoutent celles relatives aux recettes publicitaires. Alors qu'elles étaient anticipées à hauteur de 451,9 millions d'euros (471,9 millions d'euros dans le COM) elles devraient s'établir à 425 millions d'euros en 2012 et sont prévues à hauteur de 359 millions d'euros pour 2013.
Le groupe ne sera donc pas à l'équilibre en 2012 et c'est une diminution de recettes de 67 millions d'euros qui est anticipée pour 2013 !
Votre rapporteur pour avis se félicite que la trajectoire de recettes commerciales ait été revue afin d'être conforme à la réalité alors que le précédent COM était notoirement trop optimiste, mais s'inquiète très fortement de ces prévisions .
Dans le bleu budgétaire, il est souligné que « la prévision de ressources publiques et publicitaires de France Télévisions pour 2013 s'établit à 2 811 millions d'euros HT, soit une baisse de 152,9 millions d'euros HT par rapport au niveau 2012 de ressources prévu pour le budget 2012 (- 5,2 %) » , avec une diminution de 86 millions d'euros des concours publics et de 67 millions d'euros de publicité.
Votre rapporteur pour avis considère quant à lui que la juste comparaison fait apparaître une diminution des ressources de plus de 147,1 millions d'euros entre 2012 et 2013 , soit 4,9 % de son budget. |
Même si France Télévisions n'appliquait pas la « charte du parrainage » mise en place volontairement à partir de 2010, cette baisse reste extrêmement importante (le « coût » du dispositif pour le groupe est inférieur à 10 millions d'euros).
RESSOURCES DE FRANCE TÉLÉVISIONS EN 2012 ET 2013
2012 (LFI + LFR) |
PLF 2013 |
Évolution en valeur absolue |
Évolution en % |
|
Dotation budgétaire et CAP |
2533,4 |
2453,3 |
80,1 |
- 3,2 % |
Recettes publicitaires |
425 |
359 |
67 |
- 15,6 % |
Total |
2958,4 |
2812,3 |
147,1 |
- 4,9 % |
Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication
Le montant de cette baisse correspond à 5 % du budget de France Télévisions, ce qui constituerait un effort très considérable pour le groupe, qu'il n'arriverait probablement pas à effectuer .
Par rapport au COM, l'écart serait même de 200 millions d'euros (6,7 %) : votre rapporteur pour avis considère donc qu'il est nécessaire d'entrer rapidement dans une phase de négociation d'un nouveau COM, conforme aux attentes de l'État s'agissant de la trajectoire financière du groupe .
En attendant, il a essayé d'analyser précisément les charges de France Télévisions afin de savoir si la somme inscrite au PLF 2013 pourrait suffire à les financer.
Votre rapporteur pour avis notait dans son rapport 7 ( * ) sur le PLF 2012 que « si le fonctionnement de France Télévisions paraît a priori garanti en 2012, une lecture plus attentive des crédits montre que son financement n'est pas assuré, ne serait-ce qu'à moyen terme, et que l'entreprise a été profondément fragilisée par la réforme menée en 2009 ».
Cette analyse est pleinement confirmée pour 2013 et le rapport relatif au bilan de la loi du 5 mars 2009 8 ( * ) , a approfondi l'analyse sur les effets terriblement négatifs de la réforme menée par le précédent gouvernement.
2. Un groupe malmené en raison d'une réforme mal menée
a) La fusion du groupe, source de confusion
La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a refondu les dispositions de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 afin de substituer aux différentes sociétés existantes une société nationale de programme unique, dénommée France Télévisions. En lui conférant la qualité de société nationale de programme, le législateur a donné à la société France Télévisions pour objet principal non plus simplement de coordonner l'activité des chaînes mais de concevoir et de programmer directement des émissions audiovisuelles .
La constitution de l'entreprise unique s'est effectuée par une fusion-absorption juridiquement ordonnée par l'article 86 de la loi du 5 mars 2009 et réputée intervenir à la date du 1 er janvier 2009. Les statuts de la nouvelle société nationale de programme unifiée ont ensuite été approuvés par le décret n° 2009-1263 du 19 octobre 2009.
Outre les aspects sociaux, la mise en place de l'entreprise unique représentait un défi important d'adaptation en interne, qui n'était pas justifié aux yeux de votre rapporteur pour avis par l'intérêt de cette réforme.
Votre rapporteur pour avis saluait l'année dernière la capacité de la direction de France Télévisions et des syndicats à négocier un accord sur l'avenant à la convention collective des journalistes, qui a été signé le 15 septembre 2011. Il s'agissait d'un défi important imposé par la réforme. Il espérait qu'un texte de substitution à la convention collective des personnels techniques et administratifs soit signé avant le 8 octobre 2012. Ce n'est finalement pas le cas et votre rapporteur pour avis souligne que parmi les grands acteurs de l'audiovisuel public, seul l'INA est parvenu à signer un accord avant cette date, alors que l'AEF, Radio France et France Télévisions peinent à y parvenir .
Votre rapporteur pour avis et M. Jacques Legendre constataient dans le rapport précité sur le bilan de la loi du 5 mars 2009, que la fusion s'est traduite par :
- « des hausses de coûts en matière de ressources humaines (avec une croissance régulière des effectifs de l'entreprise commune tout au long de la période : 10 207 ETP en 2010, 10 358 en 2011, 10 403 prévus au budget 2012). S'agissant du plan de départs à la retraite mis en place en 2009, comme le note la Cour des comptes, l'objectif initial était de 900 départs fin 2012 avec un taux de remplacement de 25 %, finalement ont été constatés 520 départs avec un taux de remplacement de 75 % ;
- une augmentation potentielle de la masse salariale : l'alignement des statuts des collaborateurs des ex-sociétés fusionnées et les négociations sociales commune à l'ensemble de la sphère de l'audiovisuel public pourraient, selon des évaluations récentes, représenter un coût salarial pérenne d'environ 40 millions d'euros ;
- des accroissements de frais immobiliers : la fusion juridique des chaînes a entraîné l'occupation (prise à bail ou acquisitions) de nouvelles surfaces (dans un document présenté au conseil d'administration du 19 octobre 2011, France Télévisions signale ainsi que « la situation actuelle est la plus élevée en termes de coûts puisque trois implantations immobilières nouvelles sont venues s'ajouter aux implantations existantes au début de l'année 2010 »). Par ailleurs, le prix moyen du mètre carré occupé par France Télévisions va croissant : le prix du mètre carré de surface utile brute locative passe en effet de 295 euros en 2009 à 308 euros en 2010, puis à 311 euros estimé début 2013, et ce sans prise en compte des augmentations indiciaires de loyer ;
- des coûts de conseils en stratégie : d'après un audit mené par la direction de l'Audit Interne de FTV, les prestations de conseil sur la mise en place et l'organisation de l'entreprise commune ont coûté plus de 14 millions d'euros auxquels viennent s'ajouter entre autres des prestations de conseil en stratégie et des prestations spécifiques aux ressources humaines ou à la direction financière ».
- « enfin, l'instabilité de l'organigramme, selon le Contrôle général économique et financier, n'a pas été propice à la mise en place des synergies, parce que le changement d'organisation a fortement occupé les esprits. De plus, la « redécentralisation » opérée en faveur des différentes antennes s'est probablement faite au détriment d'éventuelles économies ».
Votre rapporteur pour avis note que si l'instabilité de l'organigramme peut être imputée à l'actuelle direction, les autres effets sont pour la plupart dus à des effets automatiques de la fusion. A cet égard, la discussion parlementaire et l'éclairage gouvernemental ont été insuffisants au moment des débats sur la loi du 5 mars 2009 et l es conséquences néfastes apparaissent clairement aujourd'hui.
Au vu du dernier rapport de la Cour des comptes, les premières économies pourraient être observées à partir de 2013, dans le meilleur des cas, mais il est évident qu'elles seront loin d'atteindre les 150 millions d'euros nécessaires pour assumer la baisse des crédits prévue .
b) Des finances non financées
Votre rapporteur pour avis avait souligné dans son rapport sur le PLF 2012 que le financement de la suppression de la publicité n'avait absolument pas été assuré par le Gouvernement.
En effet :
- la taxe sur les recettes de publicité des éditeurs de télévision instaurée par la loi du 5 mars 2009 précitée a vu son taux passer de 3 % du montant des recettes annuelles, à 0,5 % jusqu'à la suppression totale de la publicité sur France Télévisions. Le montant des sommes encaissées, qui devait avoisiner les 50 millions d'euros, s'est donc élevé à 17,8 millions d'euros en 2010, 17 millions d'euros en 2011 et est estimé à 18 millions d'euros en 2012 ;
- la taxe prévue à l'article 302 bis KH du code général des impôts (CGI) sur les prestations fournies par les opérateurs de communications électroniques a fait l'objet d'un avis motivé de la part de la Commission européenne, qui estime qu'elle est incompatible avec l'article 12 de la directive « autorisation », laquelle prévoit que les taxes imposées aux opérateurs de télécommunications doivent être spécifiquement et directement liées à la couverture des coûts administratifs et réglementaires du secteur des télécommunications. La France ayant décidé de ne pas se conformer à cet avis, la question sera tranchée par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), probablement au début de l'année 2013.
Le montant du produit de cette taxe, qui s'est élevé à 255 millions d'euros en 2010, et 251 millions d'euros en 2011, devrait être à la même hauteur en 2012.
PRODUIT DES TAXES INSTITUÉES AUX
ARTICLES 302
BIS
KG ET KH
ET DOTATION BUDGÉTAIRE DE
FRANCE TÉLÉVISIONS
(en millions d'euros)
Taxes instituées |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 (prévisionnel) |
Total sur la période |
|
302 bis KG |
Publicité |
27,7 |
17,8 |
17 |
18 |
80,5 |
302 bis KH |
Communications électroniques |
185,9 |
255 |
251 |
251 |
942,9 |
Total |
213,6 |
272,8 |
268 |
269 |
1 023,4 |
|
Sommes versées à France Télévisions au titre de la dotation budgétaire |
415 |
423,3 |
361,9 (389,9 prévus initialement) |
451,9 |
1 652,1 |
|
Manque à gagner pour l'État |
201,4 |
150,5 |
93,9 |
182,9 |
628,7 |
|
Effet cumulé avec un éventuel remboursement des sommes versées au titre de la taxe « télécoms » |
387,3 |
405,5 |
344,9 |
433,9 |
1 571,6 |
Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat
Le montant cumulé de ces deux taxes se fixe à environ 270 millions d'euros, ce qui est éloigné des 450 millions d'euros prévus initialement et encore bien loin des 300/350 millions d'euros nécessaires afin de neutraliser la réforme de l'audiovisuel public sur les comptes de l'État .
C'est bien évidemment à cette aune qu'il faut lire, d'une part les difficultés actuelles de l'audiovisuel public, et d'autre part le choix du Gouvernement de proposer une augmentation de 2 euros du montant de la redevance, afin d'apporter 50 millions d'euros au financement de la réforme.
A cela s'ajoute le risque précité et très réel de voir la Commission européenne demander à la France de rembourser plus d'un milliard d'euros aux opérateurs télécoms.
Si une telle décision était prise, elle devrait entraîner une réaction rapide de la France destinée à éviter son effet dévastateur pour les finances publiques.
c) Les dépenses d'avenir de France Télévisions
(1) Le volontarisme numérique de France Télévisions
Comme la presse écrite avant lui, le monde audiovisuel fait sa révolution numérique : les innovations technologiques, la multiplication des écrans, l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché ont déjà modifié le paysage et le modifieront profondément ces prochaines années.
L'audiovisuel public se doit de suivre les usages et les technologies au service des téléspectateurs et de l'ambition culturelle qu'on peut avoir pour lui. Dans ce cadre, France Télévisions axe son développement sur une stratégie de « média global ».
Dans ce cadre, FTV adopte une stratégie de distribution la plus large possible (ensemble des supports de communication et des terminaux), passant par l'intégration d'une logique multi-supports en amont de la conception des programmes, le développement de nouveaux services et l'acquisition des droits sur les nouveaux médias.
Pour répondre à cet objectif, FTV déploie sa stratégie autour de cinq axes majeurs :
- bâtir des offres transversales en matière d'information et de sport .
Selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis, l'offre existante jusqu'à la fin de l'année 2011 avait peu d'impact, en rassemblant seulement 15 % des pages vues sur l'ensemble des sites Internet du groupe (chiffres juillet 2011). En 2011, la priorité a été donnée au développement d'une offre d'information nationale, avec la création d'une plateforme d'information en continu traitant l'actualité en temps réel : francetvinfo.fr.
L'offre sportive a également été remodelée autour du lancement de la plate-forme sport « sport.francetv.fr », de la couverture des principaux événements sportifs, en particulier ceux dont France Télévisions détient les droits (Roland Garros, Tour de France, Tournoi des VI Nations, etc.). Votre rapporteur pour avis souligne à cet égard la qualité du dispositif mis en place pour les Jeux Olympiques de Londres, avec la possibilité de regarder la quasi-totalité des épreuves en direct, sur tous les supports (internet, mobile, tablette, télévision connectée) ;
- veiller à la projection des programmes dans l'univers du numérique.
Des partenariats avec les réseaux sociaux ont ainsi été lancés tels que celui entre Facebook et l'émission Mots croisés ;
- développer la télévision sur tous les écrans et tous les supports.
En mobilité, le retard sur la diffusion des directs a été comblé par le lancement de l'application France Télévisions (disponible sur iPad et iPhone) en avril 2011. L'application propose ainsi l'accès en direct aux chaînes nationales et ultramarines tandis que les 24 chaînes régionales de France 3 sont accessibles depuis cette année 2012. Près de 1 200 programmes, issus des 38 chaînes du groupe (France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, plus les 24 régions de France 3 et les 9 chaînes « 1ère » ultramarines) sont également disponibles en rattrapage sur l'application.
Votre rapporteur pour avis se réjouit en outre très fortement de la refonte de pluzz.fr, dont la nouvelle version est déjà disponible en version beta , avec un accès très aisé à l'ensemble des émissions de France Télévisions, notamment à partir d'un programme des chaînes de l'ensemble de la semaine écoulée . Ce site Internet permet ainsi aux redevables de la contribution à l'audiovisuel public de visionner les programmes de toutes natures qu'ils ont pu manquer pendant la semaine, et constitue une réelle plus value pour l'offre du service public ;
- se préparer à l'arrivée d'Internet sur les téléviseurs. France Télévisions développe de nombreuses initiatives sur ce terrain comme, par exemple, le lancement d'un guide de programme en août 2011 sur France 2 HD et France 4, puis en novembre sur France 2SD, France 3, France 5 et France Ô. Il a la particularité d'être accessible en mode « non connecté » à Internet mais aussi en mode « connecté » avec plus de contenus ;
- innover et développer. Le groupe renforce, conformément à ses missions de service public, ses actions dans la création et dans l'éducation.
Plusieurs « web documentaires » (Manipulations, l'expérience web, Doisneau ou le destin des Halles de Paris, Amours 2.0 et La campagne à vélo) ont ainsi été lancés. En matière de fiction, la stratégie vise à travailler sur les séries puissantes du groupe qui sont capables de rassembler d'importantes communautés.
En matière éducative, le groupe développe, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, une offre de vidéos et de services associés à destination d'une part du grand public et d'autre part des établissements scolaires à l'image de l'opération Ciné-lycée en 2010 et Culture Lycée en 2012. Inaugurée le 21 mars 2012, cette plate-forme Internet de vidéo à la demande permet aux lycéens d'accéder à plus de 150 films ainsi qu'à d'autres oeuvres (danse, musique, opéra, théâtre et arts visuels) et leur propose d'organiser les séances dans leur établissement.
France Télévisions a ainsi alloué au développement numérique un budget de 56,5 millions d'euros en 2011 et de 63 millions d'euros en 2012, et un budget au moins équivalent devrait y être consacré en 2013.
Votre rapporteur pour avis souligne à cet égard que les dépenses pour le numérique de la BBC s'élevaient à 233 millions d'euros en 2011 (244,8 millions d'euros en 2010), dont 125,8 millions d'euros pour les contenus, 21,1 pour les coûts de distribution et 47 pour l'infrastructure.
L'iPlayer de la BBC représente ainsi 12 % de l'ensemble des visites de sites de vidéo au Royaume-Uni, ce qui est particulièrement exceptionnel.
Le fait que le groupe audiovisuel britannique soit propriétaire des programmes qu'il diffuse change cependant la donne et votre rapporteur pour avis note à cet égard que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication lancera un groupe de travail sur la question de la gestion des droits en 2013 . Le débat mérite en effet d'être ouvert tant il peut paraître sujet à discussion que les programmes financés par le contribuable ne puissent pas participer à la construction d'un patrimoine audiovisuel public .
Votre rapporteur pour avis regrettait que le contrat d'objectifs et de moyens ne détaille pas l'investissement prévu en matière numérique de 2012 à 2015.
Il considère que le prochain COM devra se pencher sur cette question. Il est d'ores et déjà évident que les dépenses en matière de numérique sont l'un des enjeux majeurs de développement du groupe et de pérennisation de la puissance du service public de l'audiovisuel.
S'agissant des bénéfices tirés de la numérisation de la diffusion, votre rapporteur pour avis souhaite évoquer la question de la possibilité pour le téléspectateur de disposer de la version originale des programmes étrangers , retransmis sur les chaînes de télévision. Il s'agit d'un élément de renforcement de la qualité de l'offre du service public. Il salue à ce titre l'existence de versions multilingues pour les séries étrangères (France 4 depuis 2012, France 2 à partir de 2013) et encourage France Télévisions à continuer sur cette voie (films, extension aux chaînes concernées).
(2) La question de la chaîne jeunesse
Le groupe France Télévisions a pour ambition de mettre en place avec France 4 une chaîne pour jeunes adultes (15-34 ans) populaire de service public.
Votre rapporteur pour avis ne conteste pas cette ambition mais insiste sur l'importance de créer une offre jeunesse spécifique , qui soit largement dédiée à l'animation.
A cet égard, il estime qu'une cohabitation des deux cibles sur un même canal est possible et l'appelle de ses voeux. La stratégie du groupe France Télévisions est plutôt celle d'un développement uniquement numérique des programmes pour enfants.
Votre rapporteur pour avis n'est pas convaincu par ce choix. Ce débat important mérite probablement une étude approfondie sur les attentes du public en matière de programmation jeunesse , que le CSA, France Télévisions ou l'État pourrait commander ou produire en 2013.
d) La définition d'un modèle de financement crédible : l'actualité du débat
Le titre de cette partie dans le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2012 s'intitulait : « La définition d'un modèle de financement crédible ». Rien n'avait été fait l'année dernière sur ce sujet, alors que les problèmes étaient pendants depuis la réforme très décevante de 2009.
Votre rapporteur pour avis estimait que « la contribution à l'audiovisuel public (devait être) le socle du financement du secteur parce qu'à travers son affectation, elle garantit l'indépendance de ce média majeur qu'est l'audiovisuel » .
Cette année, le Gouvernement s'est saisi du problème en proposant une hausse de la contribution à l'audiovisuel public qui permet de dégager 50 millions de recettes supplémentaires.
Cette stratégie s'est accompagnée d'un resserrement de la contrainte budgétaire de l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel public , avec un budget constant pour Radio France, l'INA et ARTE, et en très légère augmentation pour l'AEF. Le groupe France Télévisions, qui est en partie financé par une dotation budgétaire, est cependant tout particulièrement concerné puisqu'une diminution de près de 3 % de ses crédits est prévue .
Ce sera d'autant plus difficile à prendre en charge que le groupe France Télévisions est celui qui dépend le plus de ses ressources propres, qui sont anticipées comme étant en forte baisse en 2013.
Après une analyse approfondie du budget 2013 du groupe, votre rapporteur pour avis en est venu à la conclusion qu'une telle baisse des crédits aurait deux conséquences :
- un déséquilibre qu'on peut déjà anticiper du budget 2013 , dans la mesure où à crédits et recettes publicitaires supérieures, l'exécution 2012 est déjà assez fortement déficitaire, et où les marges de manoeuvre en termes de baisse de dépenses sont très limitées ;
- et un risque de démotivation du groupe devant une réduction aussi importante de ses recettes, impossible à compenser par les efforts de productivité qui pourraient être réalisés en interne.
Votre rapporteur pour avis ne conteste donc absolument pas le principe de la contribution de France Télévisions à l'effort de redressement des finances publiques, loin s'en faut, mais considère que la stratégie de l'État sera d'autant plus efficace qu'elle sera pleinement crédible : à cet égard, une baisse plus modérée de la dotation de France Télévisions, à hauteur d'une trentaine de millions d'euros serait davantage susceptible d'être compensée par France Télévisions, via une baisse de ses dépenses, et permettrait donc finalement à l'État d'atteindre son objectif de rationalisation de la dépense publique.
50 millions de crédits supplémentaires seraient nécessaires pour atteindre cet objectif. Ils peuvent être obtenus par une augmentation de 2 euros du montant de la contribution à l'audiovisuel public, que votre rapporteur pour avis a donc proposée à la commission.
Celle-ci a adopté l'amendement proposé (voir ci-joint), consciente qu'il était nécessaire afin de rendre soutenable le budget 2013 du groupe.
e) L'élargissement aux résidences secondaires et le rétablissement de la publicité après 20 heures : une poire pour la soif ?
Votre rapporteur pour avis note que les effets de la réforme de 2009, notamment en termes de financement, ne sont malgré tout pas encore résorbés.
Il considère ainsi qu'une éventuelle annulation de la taxe « télécoms » par la CJUE devrait entrainer une décision de la part de l'État.
Votre rapporteur n'a pas de tabou sur le sujet mais un cap à tenir : celui du financement pertinent de l'audiovisuel public.
Le retour de la publicité sur les écrans nocturnes de France Télévisions ou le rétablissement des résidences secondaires dans l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public sont des pistes dont il faudra sérieusement discuter.
* 7 Médias, livre et industries culturelles : audiovisuel et presse - avis n° 110 (2011-2012) du 17 novembre 2011, Tome V, Fascicule 1 - par M. David Assouline.
* 8 Communication audiovisuelle et nouveau service public de télévision, rapport n° 572 (2011-2012), par MM. David Assouline et Jacques Legendre, sénateurs, au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois.