2. Une nouvelle poussée à la hausse des prix de l'électricité
Sans entrer dans le détail des raisons expliquant les variations des prix de l'électricité sur les marchés libéralisés, votre rapporteur pour avis tient à relever qu' au cours de l'année 2008 les prix de l'électricité ont connu une nouvelle envolée spectaculaire , notamment sous l'effet du renchérissement du prix des énergies fossiles. Ainsi, au-delà des hausses enregistrées depuis l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité, le prix du « ruban » 97 ( * ) est passé d'environ 50 euros le mégawattheure (MWh) en 2006-2007 à 60-70 euros par MWh en 2008, voire 90 euros . Cette hausse doit toutefois être relativisée compte tenu du faible nombre de clients qui, en France, s'approvisionnent sur la base d'un contrat reposant sur les prix de marché. En effet, la plupart des clients bénéficient aujourd'hui de tarifs réglementés « classiques » et ceux d'entre eux qui avaient exercé leur éligibilité ont, pour leur grande majorité, profité de la création 98 ( * ) du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM), dont la durée d'application a été prolongée jusqu'au 30 juin 2010 99 ( * ) , qui leur offre un prix de l'électricité considérablement moins élevé. En effet, en vertu de la loi du 7 décembre 2006, le niveau du TaRTAM ne peut être supérieur de plus de 25 % au tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site de consommation présentant les mêmes caractéristiques. En pratique, un consommateur s'acquitte de sa fourniture d'électricité à un prix fixé aux alentours de 38 euros le MWh.
En revanche, cette augmentation s'avère plus problématique pour les gestionnaires de réseaux , de transport -RTE- et de distribution -Electricité Réseau Distribution France (ERDF) 100 ( * ) et services « gestion des réseaux » des distributeurs non nationalisés (DNN). En effet, ces derniers sont tenus, en application de la directive 2003/54 101 ( * ) , de se procurer l'énergie qu'ils utilisent pour couvrir les pertes 102 ( * ) selon des procédures transparentes, non discriminatoires et reposant sur les règles du marché. Il en résulte que l'ensemble des pertes sur les réseaux, 13 TWh par an pour RTE et 22 TWh par an pour les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD), est acquis au niveau des prix de marché. Certes, la loi prévoit que les coûts liés à l'acquisition des pertes sont répercutés sur le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE). Toutefois, le TURPE actuellement applicable, dont le niveau a été fixé le 1 er janvier 2006, prévoit cette répercussion sur la base d'un prix du MWh d'environ 30 euros. Dans ces conditions, ce sont les gestionnaires de réseaux qui supportent actuellement les surcoûts liés à l'évolution des prix de marché, au détriment des actions en faveur de la qualité de ces réseaux.
Conformément à la nouvelle procédure prévue par la loi du 13 juillet 2005 103 ( * ) , la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a transmis aux pouvoirs publics une nouvelle proposition de TURPE le 31 octobre dernier. Selon les éléments d'information fournis par M. Philippe de Ladoucette, président de la CRE, lors de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale 104 ( * ) , cette proposition, élaborée à l'issue d'une concertation approfondie avec les acteurs concernés, devrait permettre à la fois de renouer avec un niveau élevé de qualité des réseaux et de couvrir les charges prévisionnelles d'exploitation. En conséquence, un certain rattrapage du TURPE, qui devrait notamment prendre en compte la hausse des coûts liés au rachat des pertes, a été soumis à l'approbation du Gouvernement 105 ( * ) , qui devrait se prononcer avant la fin de l'année.
En ce qui concerne les tarifs réglementés d'électricité, un arrêté 106 ( * ) a été publié, dans le courant du mois d'août, afin d'actualiser leurs niveaux. Il a ainsi été prévu une hausse de 2 % du tarif bleu, applicable aux consommateurs domestiques et aux petits professionnels 107 ( * ) , et de 6 % et 8 % pour les tarifs jaune et vert, dont bénéficient les entreprises. Cette hausse, en vigueur depuis le 15 août 2008, permet de respecter les stipulations du contrat de service public conclu entre l'Etat et EDF et de ne pas augmenter les tarifs, pour les particuliers, à un niveau supérieur à celui de l'inflation. En revanche, si le Gouvernement accepte une proposition d'augmentation du TURPE, la question se pose de savoir s'il procédera à une répercussion de celle-ci sur le niveau des tarifs intégrés , ce qui, outre la nouvelle hausse induite sur la facture des consommateurs, risquerait de ne pas permettre de respecter cette règle d'augmentation inférieure à l'inflation. Votre rapporteur pour avis sera particulièrement attentif à l'évolution de ce dossier, compte tenu de son impact sur le pouvoir d'achat des ménages.
* 97 Fourniture, pour l'année N+1, d'une puissance d'un MW pour toutes les heures de l'année.
* 98 Articles 15 et 16 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie.
* 99 Article 166 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
* 100 Entité résultant de la filialisation des activités de gestion des réseaux de distribution. ERDF est une filiale à 100 % d'EDF.
* 101 Directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE.
* 102 En raison de l'effet d'échauffement des lignes qui font transiter le courant électrique d'un point à un autre, la puissance délivrée au bout d'une ligne est inférieure à celle qui sort de la centrale de production.
* 103 En vertu de laquelle il appartient à la CRE d'élaborer une proposition motivée d'évolution du TURPE et de la transmettre aux ministres compétents, lesquels disposent d'un délai de deux mois pour faire part de leur opposition éventuelle. En l'absence d'opposition, la proposition est publiée au Journal officiel par les ministres.
* 104 Réunion du mercredi 22 octobre 2008.
* 105 Le détail de cette proposition n'a pas été rendu public dans l'attente de la décision des ministres.
* 106 Arrêté du 12 août 2008 relatif au prix de l'électricité.
* 107 Professions libérales, artisans, commerçants, etc.