III. MARCHER SUR SES DEUX JAMBES : DÉFENDRE LE FRANÇAIS EN FRANCE ET LE DIFFUSER À L'EXTÉRIEUR
Votre rapporteur pour avis estime que les deux démarches de protection de la langue française en France et de sa promotion à l'étranger sont parfaitement complémentaires et peuvent constituer un cercle vertueux. Une langue est vivante lorsqu'elle sait s'adapter aux évolutions de la société en créant des nouveaux concepts. C'est par sa vitalité et sa modernité qu'elle va ensuite séduire ceux qui souhaitent l'apprendre. L'élargissement du nombre de locuteurs permet enfin de faire perdurer la langue et d'augmenter son rayonnement.
A. LES TRIBULATIONS DU FRANÇAIS EN FRANCE
1. Réforme des brevets : a-t-on lâché la proie pour Londres ?
Aux termes de la Convention de Munich qui régissait le régime linguistique du brevet européen avant que n'entre en application le « protocole de Londres » suite à sa ratification par la loi n° 2007-1477 du 17 octobre 2007, les demandes de brevet européen devaient nécessairement être introduites dans l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets (OEB) : l'allemand, l'anglais ou le français.
La délivrance du brevet intervenant 3 à 4 ans après la publication de la demande, la traduction des revendications devait à ce stade être effectuée dans les deux autres langues officielles de l'Office.
Puis, à compter de la délivrance du brevet, selon les termes de l'article 65 de la Convention, la traduction intégrale, tant des revendications que de la description devait être disponible dans les langues nationales des États désignés l'exigeant. L'ensemble des États parties à la Convention ont usé de cette faculté de traduction offerte par l'article 65 de la Convention permettant aux États de prescrire la traduction intégrale du brevet dans leur langue nationale pour rendre celui-ci valide sur leur territoire .
Les États signataires de l'accord de Londres se sont engagés à renoncer, en tout ou partie, au dépôt de traductions des brevets européens dans leur langue.
Ainsi, la France ne peut-elle plus conditionner la validité d'un brevet européen sur leur territoire à l'existence d'une traduction des descriptions en français. Toutefois, elle peut imposer la traduction des revendications en français.
Selon votre rapporteur, le risque est donc de voir disparaître l'utilisation du français comme langue internationale du fait de son usage de plus en plus réduit dans un nombre croissant de domaines (sciences, transport, informatique, domaine militaire...). Il estime que les étrangers souhaitant choisir le français comme langue d'accès à la modernité seront ainsi de moins en moins nombreux et souligne que les arguments qui s'appuient sur le caractère élevé des frais de traduction ne font pas suffisamment cas de l'importance du maintien de la diversité culturelle et linguistique .
Votre rapporteur, plutôt favorable à la ratification du protocole dans un premier temps, compte tenu de ses avantages en termes de simplification et de réduction de coût, s'est dans un second temps aperçu que les bénéfices attendus de l'accord du point de vue économique étaient très relatifs, compte tenu des difficultés qu'éprouveront les petites et moyennes entreprises en matière de veille technologique et du risque pour la France d'être « inondée » de brevets anglo-saxons non traduits.
Votre rapporteur pour avis a donc l'impression qu'en ratifiant le protocole de Londres, la France a sacrifié vainement la francophonie sur l'autel de gains économiques putatifs. Il sera donc attentif aux retombées industrielles et économiques concrètes de cette ratification, en espérant qu'elles seront à l'avantage des entreprises françaises, notamment les petites et moyennes.
Il estime à tout le moins regrettable que cette ratification n'ait pas été accompagnée d'un engagement fort en faveur de la francophonie, comme par exemple l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi adoptée par le Sénat à l'unanimité le 10 novembre 2005, actualisant la loi dite « Toubon ».