N° 81
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2006 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2007 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME III
AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
Par Mme Paulette BRISEPIERRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3341 , 3363 à 3368 et T.A. 619
Sénat : 77 et 78 (annexe n° 4 ) (2006-2007)
Lois de finances . |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
En 2007, la France devrait tenir l'engagement pris par le président de la République de porter son effort en faveur du développement à 0,5 % de son revenu national, ce qui représente plus de 9 milliards d'euros.
Notre pays tient ses engagements et s'inscrit dans le mouvement général d'augmentation de l'aide qui a suivi la définition d'objectifs communs de lutte contre la pauvreté, « les objectifs du millénaire ».
Certains de ces objectifs seront atteints, notamment dans des pays d'Asie où le développement économique a connu une accélération remarquable. Dans des Etats où la pauvreté et la faiblesse des capacités d'absorption de l'aide rendent plus difficile le déclenchement d'un cercle vertueux, ces objectifs ne seront vraisemblablement pas atteints à l'échéance fixée. Cela ne signifie pas l'absence de dynamiques positives mais bien un défi plus important à relever. Ces Etats sont concentrés en Afrique où la communauté internationale doit redoubler d'efforts.
Comme d'autres domaines, l'aide au développement est soumise à de fortes évolutions de « doctrine » : l'aide multilatérale serait ainsi plus vertueuse que l'aide bilatérale, les dons plus souhaitables que les prêts, les ONG plus efficaces que la coopération institutionnelle, les annulations de dettes à la fois impératives et sans effet, l'assistance technique serait devenue inutile, voire dangereuse...
Votre rapporteur considère qu'il faut se garder de ces choix univoques et préserver la richesse des instruments de l'aide française, de même que son espace privilégié d'intervention, le continent africain. C'est bien en Afrique que doivent se définir de nouveaux partenariats économiques, c'est bien dans son implication pour l'Afrique que se joue la place de notre pays dans le monde.
La mission interministérielle supporte, quant à elle, deux types de politiques : une politique de lutte contre la pauvreté, en phase avec les objectifs du millénaire et une politique d'influence, destinées prioritairement aux pays émergents. De plus en plus, les pays émergents doivent faire l'objet d'un traitement différencié ; leur affirmation dans le champ du développement, à l'exemple de l'engagement de la Chine en Afrique bouscule l'édifice patiemment élaboré des dispositifs multilatéraux.
Sur le plan de l'architecture budgétaire, la politique de rayonnement culturel reste donc partagée entre deux missions, tout comme les subventions aux opérateurs de l'action culturelle. S'il existe bien une dimension culturelle du développement, elle n'est pas mise en relief par le partage uniquement géographique entre les deux missions. Votre rapporteur réitère son souhait d'une clarification et notamment de l'unification de la subvention aux opérateurs. Elle servirait l'effort déjà accompli en faveur d'une présentation beaucoup plus lisible des crédits et des objectifs qui leur sont assignés.
Les grandes lignes de l'effort de la France en 2007 sont les suivantes :
- la poursuite de l'augmentation des contributions aux organismes multilatéraux, en particulier au fonds SIDA qui passe de 225 à 300 millions d'euros, comme en 2001, la part de l'aide multilatérale hors allègement de dettes représente 43 % du total, non plus sous l'effet d'une pénurie de crédits, mais bien d'un choix stratégique ;
- une légère diminution du montant des annulations de dettes, passées de 2,8 milliards à 2 milliards (notamment pour la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo, si la situation le permet),
- une reprise des prêts (542 millions d'euros en 2007) alors que depuis plusieurs années les remboursements de prêts excédaient les décaissements,
- enfin une forte sollicitation du résultat de l'Agence française de développement pour maintenir à niveau l'aide bilatérale.
I. APERÇU GÉNÉRAL DE L'AIDE FRANÇAISE
A. L'OBJECTIF DE 0,5 % DU PIB DEVRAIT ÊTRE ATTEINT EN 2007
1. Une progression régulière depuis 2002
L'effort français en faveur de l'aide au développement fait l'objet d'une comptabilisation par le Comité d'aide au développement de l'OCDE, selon des critères adoptés au sein de l'organisation.
C'est en fonction de ce décompte que sont définis les taux d'effort de chacun des Etats membres, en pourcentage du revenu national.
C'est sur ce fondement qu'ont été définis les objectifs fixés par le Président de la République, de parvenir à 0,5 % du PIB en 2007 et à 0,7 % en 2012, objectif fixé par les Nations unies.
Cet objectif devrait être atteint, l'aide française progressant de plus de 10 % pour s'établir à plus de 9 milliards d'euros. Sur la période 2002-2005, l'aide française aura progressé de 40 %.
En millions d'euros |
Estimation 2006 |
Estimation 2007 |
Dépenses du budget général |
5 004 |
6 192 |
dont mission APD |
2 851 |
3 957 |
Prélèvement sur recettes (budget communautaire) |
908 |
900 |
Opérations de prêts |
- 134 |
542 |
Annulations de dettes |
2 832 |
2 048 |
Total Etat |
8 275 |
9 129 |
Collectivités territoriales |
54 |
61 |
Total |
8 320 |
9 181 |
En % du RNB |
0,47 % |
0,50 % |
Source : DPT APD 2007 |
Le document de politique transversale, associé au projet de loi de finances, précise que ces prévisions ne prennent pas en compte les recettes de la contribution de solidarité sur les billets d'avion, qui devraient s'élever à 50 millions d'euros, en 2006, et à 200 millions d'euros en 2007.
2. La place de la France dans la communauté des bailleurs
L'augmentation de l'aide publique française s'inscrit dans un mouvement général de forte hausse de l'aide publique au développement dont les volumes ont doublé entre 2001 (51,3 milliards de dollars) et 2005 pour s'établir à 106,5 milliards de dollars. A une relative « fatigue de l'aide » au sortir de la guerre froide a succédé l'impératif de la lutte contre la pauvreté, dans une perspective de sécurité et de stabilité à l'échelle mondiale. Le niveau sans précédent et le caractère simultané des annulations de dette représentent, en outre, une part importante de cette augmentation.
L'aide de l'ensemble des pays du CAD (Comité d'aide au développement) est en forte hausse, ce qui explique la place de la France au quatrième rang des donneurs, en volume, et au septième rang, en termes de part du revenu national.
Évolution de l'aide des membres du CAD de l'OCDE
En millions de dollars |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 (données prévisionnelles) |
Australie |
989 |
1 219 |
1 460 |
1 666 |
Autriche |
520 |
505 |
678 |
1 552 |
Belgique |
1 072 |
1 853 |
1 463 |
1 975 |
Canada |
2 004 |
2 031 |
2 599 |
3 731 |
Danemark |
1 643 |
1 748 |
2 037 |
2 107 |
Finlande |
462 |
558 |
680 |
897 |
France |
5 486 |
7 253 |
8 473 |
10 059 |
Allemagne |
5 324 |
6 784 |
7 534 |
9 915 |
Grèce |
276 |
362 |
465 |
535 |
Irlande |
398 |
504 |
607 |
692 |
Italie |
2 332 |
2 433 |
2 462 |
5 053 |
Japon |
9 283 |
8 880 |
8 922 |
13 101 |
Luxembourg |
147 |
194 |
236 |
264 |
Pays-Bas |
3 338 |
3 972 |
4 204 |
5 131 |
Nouvelle-Zélande |
122 |
165 |
212 |
274 |
Norvège |
1 696 |
2 042 |
2 199 |
2 775 |
Portugal |
323 |
320 |
1 031 |
367 |
Espagne |
1 712 |
1 961 |
2 437 |
3 123 |
Suède |
2 012 |
2 400 |
2 722 |
3 280 |
Suisse |
939 |
1 299 |
1 545 |
1 771 |
Royaume Uni |
4 924 |
6 282 |
7 883 |
10 754 |
Etats-Unis |
13 290 |
16 320 |
19 705 |
27 457 |
TOTAL CAD |
58 292 |
69 085 |
79 553 |
106 477 |
L'objectif de 0,7 % du PIB, défini dans le cadre des Nations unies se décline en objectifs intermédiaires.
La France s'est ainsi donné pour objectif la part de 0,5 % du PIB en 2007 et l'Union européenne, après avoir atteint son objectif de 0,39 %, en 2005, en a relevé, en mai 2006, l'ambition à 0,56 %, pour 2010. Après leur adhésion, des nouveaux Etats membres, comme la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque ont augmenté leur aide de façon très significative.
Les années récentes ont également été marquées par la montée en puissance de nouveaux acteurs, le Brésil, l'Inde et la Chine. Depuis 1999, ce dernier pays a effacé la dette de 31 pays africains, pour un montant de 1,3 milliard de dollars. Il a formé plus de 10 000 Africains, y compris dans le domaine militaire. Les échanges sino-africains sont passés de 5,6 milliards à 40 milliards de dollars entre 1999 et 2005. Lors du sommet sino-africain du 7 au 9 novembre 2006, la Chine a annoncé le doublement de son aide au continent africain, entre 2006 et 2009, l'annulation de la dette des PMA et des pays très endettés, l'élargissement de l'accès des exportations des PMA au marché chinois en franchise de droits ainsi que l'envoi de 15 000 assistants techniques.
Cette action est d'autant plus remarquable qu'elle s'effectue en dehors de tout le corpus de règles définies progressivement par la communauté des bailleurs et de toute conditionnalité, au nom de la solidarité « sud-sud ». Si l'on observe l'évolution de la position des pays africains sur la question de Taiwan, il semble que la Chine tire de son action des bénéfices politiques immédiats et une influence grandissante sur le continent. Elle expose cependant la fragile industrie locale africaine à la pression concurrentielle intenable des produits chinois, alors même que les négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce et avec l'Union européenne visent à établir des règles commerciales adaptées pour une insertion bénéfique de l'Afrique dans le commerce mondial. Elle fait également peser le risque du ré-endettement de pays méthodiquement désendettés sous l'effort conjugué des créanciers bilatéraux et des institutions financières internationales.