D. LE MOUVEMENT DE DECONVENTIONNEMENT
Ce mouvement, qui touche actuellement une dizaine d'établissements, obéit à plusieurs logiques. L'impossibilité d'appliquer le décret 2002-22 aux résidents des Etats-Unis justifie pour une part le déconventionnement de quelques écoles, mais pas de toutes. L'avantage de n'être plus une école homologuée est patent pour le lycée Vauban de Luxembourg . Dans le cadre d'une redéfinition politique du réseau de l'AEFE en Espagne , la rupture de la convention peut être admise pour telle ou telle école ; le lycée Victor Segalen de Hong Kong fonctionne selon des normes que l'AEFE ne juge plus conforme à celles d'un établissement conventionné, ce qui l'amène à envisager de dénoncer la convention. Mais il n'en demeure pas moins que ce mouvement a pour résultat de dégager financièrement l'Etat du fonctionnement de ces établissements et de donner des marges de manoeuvre en matière de carte scolaire à l'AEFE sans qu'il en coûte un sou.
Or un tel processus porte atteinte à la capacité de l'AEFE d'atteindre les objectifs que lui avait fixés la loi de 1990 . Le réseau y perd en capacité d'accueil et en cohérence institutionnelle. Un établissement dont on résilie la convention devient un « électron libre », une école homologuée de plus, dégagée des obligations relatives au prolongement du service public à l'étranger.
L'AEFE y perd aussi en cohérence pédagogique car le lien conceptuel qui relie l'établissement déconventionné au système français tend à se distendre. L'établissement y perd une aide financière, ce qui l'oblige à accroître la participation des familles, et les personnels titulaires de la fonction publique voient disparaître les garanties statutaires qui les protégeaient face aux associations gestionnaires .
Il n'est pas étonnant que nombre d'acteurs du réseau, dont les parents d'élèves et les enseignants, s'inquiètent de cette évolution, et que l'AEFE, pour sa part, cherche des moyens pour resserrer ses liens avec les établissements homologués.
1. Luxembourg
Une nouvelle loi luxembourgeoise prévoit que l'Etat peut participer au financement des infrastructures et du fonctionnement des établissements d'enseignement privés. L'une des conditions est que l'établissement soit « l'employeur des enseignants et du personnel administratif et technique ». Cette loi entrera en vigueur au 1 er janvier 2004. Compte tenu de l'importance des aides financières prévues, l'association gestionnaire du Lycée Vauban a fait savoir à l'Agence qu'elle souhaitait se placer sous ce régime très avantageux, qui allègera considérablement la charge des familles. L'Agence a précisé que les délais prévus pour la dénonciation de la convention devaient, en tout état de cause, être respectés, et qu'il importait de donner la possibilité aux personnels de l'établissement (12 enseignants résidents et 1 proviseur expatrié), de pouvoir choisir entre une réintégration, un acte de candidature sur un poste à l'étranger ou le maintien sur un poste de recrutement local dans le respect des calendriers administratifs français.
Une négociation a été menée localement avec les autorités luxembourgeoises. Celles-ci ont accepté de prendre en compte la date du 31 août 2004 pour le lycée Vauban. L'association gestionnaire doit maintenant confirmer à l'agence la décision qu'elle entend prendre par rapport à l'actuelle convention.
2. Espagne
De nombreux rapports se sont interrogés, depuis une dizaine d'années, sur l'opportunité de conserver un réseau d'établissements aussi dense en Espagne, réseau créé à une époque où la France avait intérêt à scolariser des enfants en grande partie espagnols, demandeurs d'un système alternatif au système national franquiste. En outre, les autorités espagnoles sont favorables à une véritable coopération avec la France (mise en place d'un modèle de certification internationale).
La question du déconventionnement se pose pour le collège Molière de Saragosse et le collège français de Las Palmas , car le nombre d'élèves français est faible (respectivement 18 % sur un effectif total de 649 élèves et 15 % sur un effectif de 398, à la dernière rentrée), et il existe plusieurs intervenants, la Mission Laïque Française étant gestionnaire de ces établissements. Pour ces deux établissements, les personnels détachés par l'AEFE sont au total au nombre de 25.
L'Ambassade de France a mis en place un groupe de réflexion informel sur l'évolution de l'enseignement français en Espagne , associant l'ensemble des acteurs de la communauté éducative et des personnalités extérieures dont les délégués des Français à l'étranger. L'idée d'une charte qui regrouperait tous les établissements du réseau a, en particulier, été lancée.
Le déconventionnement de ces établissements, qui implique, en tout état de cause, une information des personnels qui choisiraient de rester dans l'établissement avec un statut de recrutement local, les différents aspects de leur situation, fait actuellement l'objet d'un examen.
3. Hong Kong
Créé en 1979 et doté, conformément à la législation locale, d'une filière internationale en partenariat avec « l'Education department » de Hong Kong, le lycée Victor Segalen fonctionne selon des normes que l'AEFE ne juge pas conformes à la convention-type. Les pourparlers entamés depuis le 31 janvier 2003 sont dans une impasse, et l'AEFE refuse de signer la convention spécifique proposée par le Comité exécutif du lycée au mois de juin. Le déconventionnement annoncé par l'AEFE alourdira la charge salariale de l'établissement et engendrera une augmentation des frais de scolarité qui inquiète les familles et les entreprises. Quant au personnel, il s'inquiète de devenir salarié d'une entreprise privée de droit local et, pour les fonctionnaires de perdre une part des garanties du statut de la fonction publique.
4. Toronto
Cet établissement de 270 élèves connaît des difficultés juridiques et financières graves provoquées par la gestion aventureuse de la précédente association de parents d'élèves. Le retrait de l'AEFE, annoncé au lendemain de la rentrée 2003, avec effet à la fin de l'année scolaire, ajoute à la fragilité de l'école. La perte de recette provoquée par le déconventionnement s'élève à 600 000 dollars canadiens. L'assainissement financier est obéré par une charge annuelle de 200 000 dollars canadiens qui pèsent sur le budget. L'association gestionnaire propose donc une augmentation des frais de scolarité de 2500 à 3000 dollars canadiens dès la rentrée 2004. Même si ces frais de scolarité restent inférieurs à ceux de la Toronto French School (qui ne prépare pas au baccalauréat français), ce déconventionnement met l'établissement en danger . C'est un rude coup porté à l'actuelle association gestionnaire qui agit efficacement pour rétablir la situation afin que la France offre l'enseignement de qualité français recherché par les familles françaises et étrangères francophiles dans la capitale économique du Canada anglophone.