TITRE II
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE
Le titre
II du projet de loi, qui traite du commerce électronique, regroupe onze
articles sous trois chapitres consacrés successivement à la
définition des principes généraux régissant le
commerce électronique, au régime de la publicité utilisant
le support électronique et au droit applicable aux obligations
souscrites sous forme électronique.
Sur ce titre, votre commission des Lois s'est saisie pour avis de l'examen du
premier et du dernier de ces chapitres.
CHAPITRE PREMIER
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Le chapitre Ier comprend quatre articles proposant, outre une définition du commerce électronique et en particulier celle de son champ d'application, les règles de détermination de la loi applicable, les limites au principe de la liberté d'exercice et enfin les exigences formelles destinées à assurer une transparence du fonctionnement du commerce électronique en garantissant l'identification du prestataire.
Article 6
Définition du commerce
électronique
Dans sa
rédaction issue du
projet de loi initial
, l'article 6
a pour objet de donner une définition du commerce électronique et
en particulier d'en définir le champ
ratione materiae
en excluant
certaines activités désignées par la directive 2000/31/CE
du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à
certains aspects juridiques des services de la société de
l'information, et notamment du commerce électronique, dans le
marché intérieur. Il propose en outre une définition de la
notion d'établissement qui permet de déterminer le cas où
une activité de commerce électronique relève de la loi
française.
Le premier alinéa donne une définition du commerce
électronique applicable aux personnes établies en France et
soumet cette activité au régime juridique résultant des
dispositions du chapitre Ier du titre II du présent projet de loi. Les
éléments de cette définition sont les suivants :
- la
finalité de l'activité
de commerce
électronique est «
la fourniture de biens ou la prestation
de services
». L'activité considérée
consiste à «
proposer ou assurer
» cette
fourniture ou cette prestation. Sont ainsi visés aussi bien les
propositions de vente de marchandises dont la livraison passe par les
procédés traditionnels que les ventes de biens fournis
directement par voie électronique tels que des logiciels
téléchargeables ou encore l'accès à des services en
ligne comme des bases de données d'informations ;
- l'exigence de
l'intervention d'un professionnel
: la
qualification de commerce électronique nécessite que
l'activité consistant à proposer ou assurer la fourniture d'un
bien ou une prestation de services soit le fait d'un professionnel. Ce
critère exclut du champ du commerce électronique certaines
activités proposant des services délivrés gracieusement en
ligne,
via
des forums de discussion ou des sites personnels ;
- le support technique de l'activité et son
exercice
«
à distance
»
impliquent
l'utilisation de l'outil électronique
et des réseaux de
télécommunication : outre l'Internet, il peut s'agir par
exemple du réseau télématique (Minitel), de liaisons
spécialisées ou encore, et ce vecteur est en plein essor, le
téléphone interactif.
Comme le prévoit le d) de l'article 1
er
de la directive du 8
juin 2000 précitée, les trois alinéas suivants (1°
à 3°) du présent article
excluent du champ du commerce
électronique trois types d'activité
:
- les jeux d'argent autorisés, y compris ceux prenant la forme de
paris ou de loteries ;
- l'activité consistant à représenter une personne ou
à l'assister devant les tribunaux ;
- les activités notariales exercées en application des
dispositions de l'article 1
er
de l'ordonnance n° 45-2590
du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat. La directive vise
«
les activités de notaire ou les professions
équivalentes, dans la mesure où elles comportent une
participation directe et spécifique à l'exercice de
l'autorité publique
».
Selon le considérant n° 12 de la directive, l'exclusion de ces
activités du champ du commerce électronique s'explique par le
fait que «
la libre prestation des services dans ces domaines ne
peut être, à ce stade, garantie au regard du traité ou du
droit communautaire dérivé existant
».
Le dernier alinéa du présent article définit
la notion
d'établissement
qui permet de déterminer le cas où une
activité de commerce électronique relève de la loi
française. Est ainsi réputée établie en France la
personne qui y est «
installée d'une manière stable
et durable pour exercer effectivement son activité
»
indépendamment, quand il s'agit d'une personne morale, du lieu
d'implantation de son siège social. Comme l'indique le
considérant n° 19 de la directive, cette définition est
conforme à celle résultant de la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes. La directive précise
que «
le lieu d'établissement d'une société
fournissant des services par le biais d'un site Internet n'est pas le lieu
où se situe l'installation technologique servant de support au site ni
le lieu où son site est accessible, mais le lieu où elle exerce
son activité économique
» et que,
«
dans les cas où il est difficile de déterminer,
entre plusieurs lieux d'établissement, celui à partir duquel un
service donné est fourni, le lieu d'établissement est celui dans
lequel le prestataire a le centre de ses activités pour ce service
spécifique
».
Par un amendement présenté par sa commission des Affaires
économiques, saisie au fond du projet de loi,
l'Assemblée
nationale
a réécrit l'article 6 à l'exception
de son dernier alinéa, le Gouvernement ayant donné un avis de
sagesse.
Cet amendement a eu pour triple objet :
- de supprimer la mention des domaines d'activité exclus du
périmètre du commerce électronique, un amendement de la
commission des Lois saisie pour avis la transférant à l'article 7
du projet de loi ;
- de modifier la définition du commerce électronique ;
- de préciser le champ de la responsabilité du
« cybercommerçant ».
Concernant la
définition du commerce électronique
,
l'Assemblée nationale a préféré l'expression
«
s'engage à assurer ... après en avoir reçu
la commande
» à celle de «
propose ou
assure
». Si le choix de cette expression tend à souligner
l'engagement juridique auquel le commerçant est assujetti dès
réception de la commande, elle paraît cependant
réductrice
dans la mesure où ne serait comprise dans le
champ de la définition que la phase « active » du
commerce, à l'exclusion de la période pendant laquelle l'offre
existe mais n'est pas encore acceptée. Or, il serait dommageable pour
les consommateurs que l'offre elle-même, qui engage juridiquement le
commerçant, ne soit pas soumise au régime juridique défini
par le projet de loi.
L'Assemblée nationale a par ailleurs précisé que
l'engagement du commerçant avait comme contrepartie le paiement. Si cela
est exact, l'activité commerciale prise dans sa globalité
étant une activité à but lucratif, l'exigence de la
rémunération ne vaut pas nécessairement pour chaque
prestation considérée isolément. Or, il serait
préjudiciable à la sécurité du consommateur que
certaines prestations, qui peuvent être par exemple des prestations
« d'appel » ou tendant à fidéliser une
clientèle, échappent au régime juridique applicable au
commerce électronique au motif de leur caractère gratuit. Il
paraît donc sur ce point plus protecteur de s'en tenir à la
définition initiale du projet de loi.
Votre commission des Lois vous soumet donc, par
un amendement
, une
nouvelle définition de l'activité de commerce électronique.
Par ce même amendement, elle vous propose de supprimer le dispositif
introduit par l'Assemblée nationale tendant à expliciter que le
champ de la responsabilité du cybercommerçant s'étend
à toutes les «
opérations intermédiaires
concourant à la satisfaction finale de la commande
». Ce
faisant, les députés ont entendu étendre la
responsabilité du vendeur sur Internet à toute la chaîne
logistique (préparation de la commande, transport et livraison) afin de
«
rassurer le client internaute
».
Cependant, et bien que partant d'une intention louable, la modification
proposée est au minimum inutile et au surplus dangereuse. En effet,
l'étendue de la responsabilité du cybercommerçant
découle des liens contractuels établis entre, d'une part, son
client et, d'autre part, les différents prestataires qui contribuent
à la réalisation de son obligation. Le client internaute ne
connaît juridiquement que le cybercommerçant ; il est le seul
avec lequel il ait un lien contractuel. Il doit et d'ailleurs ne peut agir que
contre lui en cas d'absence d'exécution ou de mauvaise exécution
du contrat, à charge pour le cybercommerçant de se retourner
contre tel ou tel intermédiaire défaillant. Cette
répartition des responsabilités résulte du droit des
contrats et toute disposition venant l'expliciter est inutile ; elle
présente en outre le risque d'une interprétation
a
contrario
dans d'autres domaines du droit comme la vente à distance
puisque l'étendue de la responsabilité du commerçant n'est
pas précisée.
L'Assemblée nationale a enfin prévu de différer d'une
année l'entrée en vigueur de ce dispositif relatif à
l'étendue de la responsabilité du commerçant, ce qui
laisse perplexe puisqu'il s'agit seulement d'expliciter un contexte juridique
correspondant à ce qui existe déjà. L'amendement de
réécriture supprime donc par coordination la mention de ce
délai.
Votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption
de l'article 6
ainsi modifié
.
Article 7
Liberté d'exercice du commerce électronique
-
Détermination de la loi
applicable
L'article 7 comportait, dans sa rédaction initiale, deux
paragraphes traitant de
la liberté d'exercice du commerce
électronique
sur le territoire national et de
ses limites
d'une part, de
la détermination de la loi applicable
, d'autre
part. Comme cela a été indiqué précédemment,
l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Lois,
a transféré en tête de l'article, sous une nouvelle
subdivision, des dispositions qui figuraient à l'article 6 du
projet de loi rappelant que l'activité de commerce électronique
ne pouvait s'exercer dans certains domaines (jeux d'argent,
représentation en justice, notariat).
Les deux premiers paragraphes (IA et I) traitent donc désormais de la
liberté d'exercice du commerce électronique et de ses limites, et
le troisième et dernier paragraphe (II) des critères de
détermination de la loi applicable. S'agissant de questions
dépourvues de lien direct entre elles, il semble
préférable de les traiter sous deux articles distincts :
votre commission vous propose donc
un amendement
de
réécriture de l'article 7 qui serait désormais
exclusivement consacré à la liberté d'exercice du commerce
électronique et à ses limites, un second amendement regroupant
les dispositions relatives à la détermination de la loi
applicable sous un article additionnel après l'article 7.
Le principe de la liberté du commerce électronique
est un
des aspects du principe de la libre circulation des services de la
société de l'information proclamé par la directive du 8
juin 2000, dont le considérant n° 8 affirme que son objectif
est de créer un cadre juridique pour assurer cette liberté. Est
ici transposé le point 2 de l'article 3 de cette directive aux termes
duquel «
les Etats membres ne peuvent, pour des raisons relevant
du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de
la société de l'information en provenance d'un autre Etat
membre
». Notons que son article 4 prévoit par
ailleurs l'interdiction pour les Etats membres de soumettre le commerce
électronique à un régime d'autorisation préalable,
sauf dans les cas où un tel régime existe déjà sans
concerner spécifiquement les services de la société de
l'information.
En écho à la directive, le projet de loi reconnaît des
limites
à l'exercice de cette liberté qui sont de deux
sortes :
l'exclusion de certains domaines
du champ du commerce
électronique, d'une part, qui s'impose à tous les prestataires
qu'ils soient ou non établis sur le territoire national et, pour les
prestataires établis dans un autre Etat membre de la Communauté
européenne,
l'obligation de respecter certaines législations
françaises,
d'autre part.
Comme cela a été indiqué précédemment
puisque ces dispositions figuraient à l'article 6 du projet de loi
initial, sont exclus du champ de la liberté d'exercice du commerce
électronique les jeux d'argent, les activités de
représentation et d'assistance en justice et les activités
notariales. Ces exclusions s'imposent à tous les prestataires des Etats
membres de la Communauté européenne, quel que soit leur lieu
d'établissement dans le périmètre de la Communauté.
Par ailleurs, les prestataires établis dans un autre Etat membre que la
France sont admis à exercer l'activité de commerce
électronique sur notre territoire national à la condition de
respecter les législations suivantes :
- les dispositions relatives au libre établissement et à la
libre prestation des services à l'intérieur de la
Communauté européenne dans le domaine de l'assurance,
prévues aux articles L. 361-1 à L. 364-1 du code des
assurances. Ces articles définissent les conditions dans lesquelles les
entreprises d'assurance communautaires sont admises à exercer leur
activité, par transposition de plusieurs directives auxquelles l'annexe
à la directive du 8 juin 2000 se réfère. Le
dispositif juridique prévoit notamment un mécanisme
d'agrément préalable et des contrôles mis en oeuvre par la
Commission de contrôle des assurances ;
- les dispositions relatives à la publicité et au
démarchage des organismes de placement collectif en valeurs
mobilières, prévues à l'article L. 214-12 du
code monétaire et financier. La Commission des opérations de
bourse, qui devrait prochainement se fondre dans une Autorité des
marchés financiers en vertu du projet de loi de sécurité
financière en cours d'examen, est chargée de définir les
règles applicables ;
- les dispositions relatives aux pratiques anticoncurrentielles et
à la concentration économique, figurant sous les titres II et III
du livre IV du code de commerce. Ces dispositions prohibent en particulier les
actions concertées, les ententes, les abus de position dominante, les
pratiques de prix abusivement bas et fixent un cadre juridique pour la mise en
oeuvre des opérations de concentration ;
- les dispositions relatives à l'interdiction ou à
l'autorisation de la publicité non sollicitée envoyée par
courrier électronique, qui figurent au chapitre II du
présent projet de loi ;
- les dispositions du code général des impôts ;
- les droits protégés par le code de la
propriété intellectuelle.
Par un nouvel
amendement
, votre commission des Lois vous propose de
regrouper sous un
article additionnel après l'article 7
les
dispositions figurant au II de cet article.
Le paragraphe II transpose le point 1 de l'article 3 de la directive du
8 juin 2000 en posant
le principe
selon lequel s'applique au
commerce électronique
la loi du pays d'établissement du
prestataire
,
sous réserve
toutefois de la
volonté
des parties
de faire prévaloir une autre loi.
Ce principe de l'applicabilité de la loi du pays d'origine tend à
éviter une dispersion des régimes juridiques applicables qui
résulterait d'un principe d'applicabilité de la loi du pays du
consommateur, principe qui conduirait en outre les prestataires, afin
d'éviter d'avoir à gérer la complexité, à se
délocaliser hors du périmètre de l'Union européenne.
Le considérant n° 22 de la directive justifie ce choix de la
façon suivante : «
Le contrôle des services de
la société de l'information doit se faire à la source de
l'activité pour assurer une protection efficace des objectifs
d'intérêt général. Pour cela, il est
nécessaire de garantir que l'autorité compétente assure
cette protection non seulement pour les citoyens de son propre pays, mais aussi
pour l'ensemble des citoyens de la Communauté. Pour améliorer la
confiance mutuelle entre les Etats membres, il est indispensable de
préciser clairement cette responsabilité de l'Etat membre
d'origine des services. En outre, afin d'assurer efficacement la libre
prestation des services et une sécurité juridique pour les
prestataires et leurs destinataires, ces services de la société
de l'information doivent être soumis en principe au régime
juridique de l'Etat membre dans lequel le prestataire est
établi
».
Le dispositif prévoit cependant
trois cas de dérogation
au
principe de la loi du pays d'origine et à celui du choix de la loi
applicable effectué par les parties :
- celui où la mise en oeuvre de l'un de ces principes conduirait
à priver un consommateur ayant sa résidence habituelle sur le
territoire national de la protection résultant des dispositions
impératives de la loi française ;
- le cas où cela aurait pour effet de déroger aux
règles de forme impératives prévues par la loi
française pour les contrats créant ou transférant des
droits sur un bien immobilier situé sur le territoire national ;
- le cas, enfin, où cela aurait pour conséquence de
déroger aux règles, prévues aux articles L. 181-1
à L. 183-2 du code des assurances, déterminant la loi
applicable aux contrats d'assurance pour les risques situés sur le
territoire d'un ou plusieurs Etats parties à l'accord sur l'Espace
économique européen et pour les engagements qui y sont pris.
Sur ce paragraphe, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa
commission des Lois, a adopté un amendement de précision tendant
à éviter que les consommateurs ne soient induits en erreur par la
formulation retenue pour la première dérogation susvisée
qui laisse à penser qu'en tout état de cause le consommateur
bénéficiera de la loi la plus protectrice. Or, ce résultat
n'est pas garanti de façon systématique car, en l'absence
d'application du principe de la loi du pays d'origine, il est renvoyé au
droit commun, c'est-à-dire à
la convention de Rome du 19 juin
1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelle
s. Le
considérant n° 23 de la directive du 8 juin 2000
précise en effet qu'elle «
n'a pas [elle-même] pour
objet d'établir des règles supplémentaires de droit
international privé relatives aux conflits de loi ni de traiter de la
compétence des tribunaux
».
En vertu de la convention de Rome, le choix de la loi régissant le
contrat appartient aux parties et, à défaut de volonté
commune, son article 4 prévoit que la loi «
du pays avec
lequel le contrat présente les liens les plus
étroits
» est applicable, cette expression
désignant «
le pays où la partie qui doit fournir la
prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa
résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société,
association ou personne morale, son administration centrale
»,
soit le pays d'établissement du prestataire. Le point 2 de l'article 5
de cette convention énonce cependant une
dérogation tendant
à protéger le consommateur en rendant applicables les
dispositions impératives de la loi du pays dans lequel ce dernier a sa
résidence habituelle
. Toutefois, cette protection n'est
accordée que si l'une ou l'autre des conditions suivantes est
satisfaite :
- la conclusion du contrat a été
précédée dans le pays du consommateur d'une proposition
spécialement faite ou d'une publicité et le consommateur a
accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du
contrat ;
- le cocontractant du consommateur ou son représentant a
reçu la commande dans le pays de la résidence principale du
consommateur.
Ces critères conduisent à restreindre le champ de la protection
du consommateur résultant de l'application de la loi du pays où
il a sa résidence principale. Concernant les relations contractuelles
entre un prestataire et un consommateur passées à distance par
voie électronique, il faudra déterminer au cas par cas quel a
été l'initiateur de la relation contractuelle, si
l'accessibilité au site pouvait être considérée
comme constitutive d'une sollicitation préalable ou si au contraire
l'accès au site révèle une démarche du consommateur.
Il apparaît donc, contrairement à ce que la rédaction
initiale pouvait laisser penser, que l'exception prévue par le 1°
du II de l'article 7 du présent projet de loi n'est pas absolue eu
égard aux conditions posées par la convention de Rome, ce qui a
conduit l'Assemblée nationale à introduire la
référence aux engagements internationaux souscrits par la France
pour éviter toute méprise. Bien que de portée purement
pédagogique, l'ajout de l'Assemblée nationale semble
justifié.
Votre commission des Lois a donné un
avis favorable
à
l'adoption de l'article 7
ainsi modifié
.
Article additionnel après l'article 7
Détermination de la loi
applicable
Votre commission des Lois vous propose, par un amendement de conséquence, d'insérer un article additionnel après l'article 7 pour regrouper les dispositions relatives à la loi applicable aux relations contractuelles en matière de commerce électronique qui figurent, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, au II de l'article 7.
Article 8
Clause de sauvegarde
L'article 8 prévoit une clause de sauvegarde permettant
de
déroger, dans des cas limitativement énumérés, au
principe du libre exercice de l'activité de commerce électronique
et procède ainsi à la transposition du point 4 de l'article
3 de la directive.
Les cas dans lesquels une telle dérogation est possible sont les
suivants : le maintien de l'ordre et de la sécurité publics,
la protection des mineurs, la protection de la santé publique, la
préservation des intérêts de la défense nationale,
la protection des consommateurs et investisseurs, personnes physiques, à
l'exception, pour cette dernière catégorie, de ceux qui sont
visés à l'article L. 411-2 du code monétaire et
financier. Dans ce dernier cas, est donc exclue la possibilité pour
l'autorité administrative de prendre une mesure de sauvegarde
restreignant le libre exercice du commerce électronique, en faveur des
investisseurs constituant l'entourage des proches dirigeants de
l'émetteur d'instruments financiers, ceux qui sont liés à
lui par des relations personnelles d'ordre professionnel ou familial. Ces
proches, qui sont désignés sous l'appellation collective de
«
cercle restreint
», sont au nombre d'une centaine
aux termes de la définition résultant du décret
n° 98-880 du 1
er
octobre 1998.
Cette énumération fait écho à celle figurant au i)
du point 4 de l'article 3 de la directive du 8 juin 2000 qui
prévoit que les Etats membres peuvent prendre des mesures
dérogatoires à l'encontre d'un service de la
société de l'information si elles sont «
nécessaires
» à :
«
- l'ordre public, en particulier la prévention, les
investigations, la détection et les poursuites en matière
pénale, notamment la protection des mineurs et la lutte contre les
atteintes à la dignité de la personne humaine,
« - la protection de la santé publique,
« - la sécurité publique, y compris la protection
de la sécurité et de la défense nationales,
« - la protection des consommateurs, y compris des
investisseurs
».
La nécessité des mesures doit découler de l'existence d'
«
un risque
sérieux et grave
» (point
ii du a du 4 de l'article 3 de la directive) d'atteinte aux objectifs
susvisés. Outre ce principe de
nécessité
, la
directive impose un principe de
proportionnalité
aux objectifs
des mesures prises (point iii du a du 4 de l'article 3 de la directive). Le
principe de proportionnalité des mesures de sauvegarde aux objectifs
visés est transcrit dans le dispositif du projet de loi par
l'idée selon laquelle ces mesures doivent être prises
«
au cas par cas
» ; leur
nécessité et leur portée est ainsi appréciée
in concreto
par l'autorité administrative.
Hormis ces conditions de fond, l'article 3 de la directive impose des
conditions de procédure
en distinguant deux types de
situations : la procédure de droit commun applicable en temps
ordinaire, et une procédure d'urgence.
En vertu de la procédure de droit commun, l'Etat membre doit,
«
préalablement
» à l'adoption d'une
mesure de sauvegarde, pourvoir à deux exigences d'information (point b
du 4 de l'article 3 de la directive) :
- il doit avoir «
demandé à l'Etat membre
[d'établissement du prestataire] de prendre des mesures
»
et «
ce dernier n'en a pas pris ou elles n'ont pas
été suffisantes
» ;
- il doit également avoir «
notifié à la
Commission et à l'Etat membre [concerné] son intention de prendre
de telles mesures
».
En cas d'urgence, notion laissée à l'appréciation des
Etats membres, une procédure spécifique permet à l'Etat
membre de notifier les mesures «
dans les plus brefs
délais
» à la Commission, c'est-à-dire
concomitamment à l'adoption desdites mesures ou dès qu'il les a
prises. Cette notification doit mentionner «
les raisons pour
lesquelles l'Etat membre estime qu'il y a urgence
». Le point 6
de l'article 3 précise que «
sans préjudice de la
faculté pour l'Etat membre de prendre et d'appliquer les mesures en
question, la Commission doit examiner dans les plus brefs délais la
compatibilité des mesures notifiées avec le droit
communautaire
» et que «
lorsqu'elle parvient
à la conclusion que la mesure est incompatible avec le droit
communautaire, la Commission demande à l'Etat membre concerné de
s'abstenir de prendre les mesures envisagées ou de mettre fin d'urgence
aux mesures en question
».
Concernant la procédure à suivre et les conditions dans
lesquelles l'autorité administrative prendra des mesures de sauvegarde,
le dispositif de l'article 8 se contente de renvoyer à un
décret en Conseil d'Etat.
Sur le présent article, adopté sans modification par
l'Assemblée nationale, votre commission des Lois vous soumet
un
amendement
de
coordination
. En effet, les personnes exerçant
l'activité de commerce électronique sont désormais
visées au seul article 7 et non aux articles 6 et 7.
Elle a donné un
avis favorable
à l'adoption de
l'article 8
ainsi modifié
.
Article 9
Obligation de transparence des prestataires en
ligne
Conformément à l'objectif fixé par le
considérant n° 30 de la directive du 8 juin 2000 aux termes
duquel «
dans l'intérêt de la protection des
consommateurs et de la loyauté des transactions, les communications
commerciales [...] doivent respecter un certain nombre d'obligations relatives
à la transparence
», le présent article du projet
de loi transpose le principe de transparence résultant de l'article 5 de
ladite directive.
L'article 9 du projet de loi initial reprend fidèlement les six
rubriques figurant à l'article 5 de la directive répertoriant les
informations qui doivent être portées par le prestataire à
la connaissance du client potentiel. Il est en outre plus exigeant que la
directive en ce qui concerne le champ d'application de l'obligation
d'information et vient préciser les modalités d'accès
à cette information.
Concernant le champ d'application de
l'obligation de transparence
, le
projet de loi faisait peser celle-ci tant sur la personne qui exerce
directement l'activité de commerce électronique que sur
«
tout prestataire concourant directement à la
transaction
». Il s'agissait, selon le rapport établi au
nom de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée
nationale
34(
*
)
, de soumettre
à la même exigence de transparence les prestataires sous-traitants
chargés des commandes, des paiements ou encore des livraisons. Cette
exigence élargie paraissant difficile à mettre en oeuvre en
pratique dans la mesure où les prestations qu'ils assurent ne sont pas,
bien souvent, exercées « en ligne » et pas
nécessairement justifiée dans la mesure où le client a
juridiquement pour seul interlocuteur le prestataire lui-même,
l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des
Affaires économiques, a fait disparaître du premier alinéa
cette mention relative à «
tout prestataire concourant
directement à la transaction
» à l'occasion d'une
réécriture globale de l'article 9.
Reprenant les termes mêmes de la directive du 8 juin 2000, le dispositif
de l'article 9 exige que l'accès aux informations soit
«
facile, direct et permanent
» et précise
que les informations dont la diffusion est requise doivent figurer non
seulement «
sur la page d'accueil
» mais
également «
sur chacune des pages visionnées par le
client à partir du moment où il commence la
transaction
». Ces précisions concrètes semblent
relever davantage du domaine réglementaire que de la loi bien que
mettant l'accent sur la nécessité de porter les informations
relatives au prestataire à la connaissance du client potentiel
dès la page d'accueil, soit en amont de toute transaction.
L'Assemblée nationale a, avec raison, fait disparaître du
dispositif ces mentions qui relèvent du décret.
Les six informations qui doivent être affichées aux termes du
projet de loi initial reprenant les rubriques de la directive sont :
- la dénomination du prestataire, ses nom et prénoms s'il
s'agit d'une personne physique et sa raison sociale s'il s'agit d'une personne
morale ;
- l'adresse géographique d'établissement du prestataire
ainsi que son adresse de courrier électronique. L'Assemblée
nationale, à l'initiative de sa commission des Affaires
économiques, a ajouté la mention du numéro de
téléphone du prestataire ;
- pour les prestataires assujettis à l'inscription au registre du
commerce et des sociétés ou au répertoire des
métiers, le numéro d'immatriculation. Le projet de loi exige
également la mention du montant du capital social et l'adresse du
siège social, qui ne coïncide pas nécessairement avec celle
de l'établissement ;
- lorsque l'activité est soumise à la taxe sur la valeur
ajoutée et que le prestataire est identifié par un numéro
individuel en application de l'article 286
ter
du code
général des impôts, le numéro individuel
d'identification ;
- lorsqu'il s'agit d'une activité soumise à un régime
d'autorisation, les coordonnées (nom et adresse) de l'autorité
ayant délivré l'autorisation ;
- lorsque le prestataire exerce une profession réglementée,
la référence des règles professionnelles applicables, le
titre professionnel et l'Etat membre dans lequel il a été
octroyé, le nom de l'ordre ou de l'organisme professionnel auprès
duquel le prestataire est inscrit.
Notons que le projet de loi ne transcrit pas le point 2 de l'article 5 de la
directive du 8 juin 2000 en vertu duquel les prix doivent être
«
indiqués de manière claire et non
ambiguë
» et doit être précisé
«
si les taxes et les frais de livraison sont
inclus
». En effet, cette dernière exigence entre dans le
champ de l'obligation générale de respect de la loi de l'Etat
membre où le prestataire est établi résultant de l'article
7. En France, cette obligation est prévue, concernant les prix des
produits offerts aux consommateurs, par un arrêté du
3 décembre 1987 et, pour les prix des produits offerts aux
professionnels, par l'article L. 441-3 du code de commerce.
Concernant les informations dont l'affichage est exigé,
l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des
Affaires économiques, a supprimé les trois rubriques
correspondant au numéro d'immatriculation à un registre, à
l'identification de l'autorité ayant délivré
l'autorisation d'exercer l'activité et les références de
la profession réglementée à laquelle l'activité se
rattache. Un sous-amendement présenté par le Gouvernement a
renvoyé à un décret la détermination des mentions
obligatoires qui ne figurent pas dans la loi. Enfin, à l'initiative du
groupe socialiste, l'Assemblée nationale a ajouté une rubrique
nouvelle excédant les exigences de la directive : elle impose de
porter à la connaissance des clients potentiels les
références des logiciels utilisés pour effectuer les
transactions et de garantir la confidentialité des informations
personnelles circulant sur le réseau ainsi que l'indication de la
disponibilité du code source.
Tout en approuvant les simplifications opérées par
l'Assemblée nationale dans la rédaction du premier alinéa
de l'article 9 et la précision apportée à la rubrique
concernant les coordonnées du prestataire, votre commission des Lois
considère qu'une exacte transposition de la directive du 8 juin
2000 nécessite de rétablir la référence aux trois
rubriques supprimées par l'Assemblée nationale. Le simple fait
qu'elles ne trouvent pas systématiquement à s'appliquer ne
constitue pas une raison suffisante pour les faire disparaître de la loi
et opérer par renvoi à un décret. Ce faisant, le
législateur se situerait en effet en retrait de sa compétence et
on aboutirait à la situation dans laquelle certaines obligations de
transparence résulteraient de la loi et pourraient être
sanctionnées tandis que d'autres obligations de transparence, dont
l'importance ne paraît pas moindre, résulteraient d'un simple
décret. En outre, il paraît exclu de prévoir qu'un
décret puisse «
adapter l'application
» de la
loi car cela reviendrait à une habilitation déguisée
donnée au pouvoir réglementaire, ce qui n'est pas conforme
à la Constitution.
Pour toutes ces raisons, votre commission des Lois vous soumet
un
amendement
ayant pour objet de rétablir au sein de l'article 9 les
trois rubriques qui ont été supprimées par
l'Assemblée nationale et de supprimer en conséquence
l'alinéa renvoyant à un simple décret le soin de
préciser et compléter la portée de l'obligation de
transparence. Cet amendement supprime également la mention introduite
par l'Assemblée nationale, relative aux références des
logiciels utilisés et à l'indication de la disponibilité
de leur code source, qui excède les exigences de la directive et risque
de surcharger l'information délivrée aux internautes.
Le dernier alinéa de l'article 9, adopté sans modification par
l'Assemblée nationale, se réfère à plusieurs
articles du code de commerce pour déterminer les conditions dans
lesquelles les «
infractions aux dispositions du présent
article sont recherchées et constatées
». Sont
ainsi visés :
- les premier, troisième et quatrième alinéas de
l'article L. 450-1 qui prévoient que le pouvoir de procéder
aux enquêtes nécessaires est dévolu, sur l'ensemble du
territoire national, à des fonctionnaires habilités à cet
effet par le ministre chargé de l'économie, ou par le garde des
sceaux sur proposition du ministre chargé de l'économie, ces
derniers ne pouvant agir que sur commission rogatoire ;
- l'article L. 450-2 qui prévoit que les enquêtes
donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux ;
- l'article L. 450-3 qui précise que les enquêteurs
peuvent accéder à tous locaux ou véhicules à usage
professionnel, demander communication des livres, factures et tous documents
professionnels et en prendre copie, ainsi que faire procéder à
toute expertise contradictoire ;
- l'article L. 450-4 qui définit le cadre juridique des
visites sur place et des saisies ;
- l'article L. 450-7 qui prévoit le libre accès aux
documents et éléments d'information détenus par les
services et établissements de l'Etat et des autres collectivités
publiques ;
- l'article L. 450-8 qui punit de six mois d'emprisonnement et de
7.500 € d'amende le fait d'entraver les démarches des
enquêteurs ;
- l'article L. 470-1 qui prévoit la possibilité de
condamner solidairement les personnes morales au paiement des amendes
prononcées contre leurs dirigeants ;
- l'article L. 470-5 qui offre la possibilité au ministre
chargé de l'économie de déposer des conclusions devant les
juridictions civiles ou pénales et de produire des procès-verbaux
et rapports d'enquête.
Votre commission des Lois a donné un
avis favorable
à
l'adoption de l'article 9
ainsi modifié
.