CHAPITRE II
LES PRESTATAIRES TECHNIQUES
Article 2
(art. 17, 43-7 à 43-14-1, 79-7 et 79-8 nouveaux de la loi
n° 86-1067
du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication)
Obligations et responsabilités des
prestataires intermédiaires
Divisé, depuis la première lecture de
l'Assemblée nationale, en six paragraphes (
I à VI
), cet
article procède, d'abord, à des corrections de forme dans la loi
n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication.
Cet article prévoit ainsi, dans son paragraphe I, une
renumérotation de pure forme de l'article 43-11 de la loi
précitée, qui deviendrait l'article 43-16, pour prendre en compte
les nouvelles dispositions introduites par le présent projet de loi.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement,
présenté par sa commission des Lois, créant un paragraphe
V au sein de l'article 2, afin de tirer les conséquences de ce
changement de numérotation. Les références à
l'article 43-11 figurant à l'article 26, I, deuxième
alinéa, à l'article 33-1, premier alinéa, à
l'article 44, I, dernier alinéa, ainsi qu'à l'article 53, I,
deuxième alinéa de la loi précitée du 30 septembre
1986 seraient ainsi remplacées par des références à
l'article 43-16.
Outre ces modifications de pure forme, l'article 2 du présent projet de
loi a pour objet, d'une part, de restreindre la compétence actuellement
dévolue au Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière
concurrentielle dans le domaine audiovisuel, et d'autre part, de
préciser les obligations et la responsabilité des prestataires
techniques intervenant dans le cadre de la communication publique en ligne,
telle qu'elle est définie à l'article 1
er
du
présent projet de loi.
A cette fin, diverses dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication seraient
modifiées.
1. L'intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel
Dans sa rédaction initiale, le I de l'article 2 du présent projet
de loi tendait à compléter l'article 41-4 de la loi
précitée du 30 septembre 1986, afin de préciser que ses
dispositions seraient applicables aux services visés au chapitre VI du
titre II de la loi susmentionnée.
Le chapitre VI du titre II de la loi du 30 septembre 1986 définit les
obligations et responsabilités des services de communication en ligne,
qui fait par ailleurs l'objet d'une refonte à l'occasion du
présent projet de loi.
L'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit l'intervention du
Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dans le cadre des
procédures conduites devant le Conseil de la concurrence.
En premier lieu, lorsque le Conseil de la concurrence est saisi, par le
ministre de l'économie, d'opérations de concentration concernant
un éditeur ou distributeur de services de communication audiovisuelle ou
de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la communication
audiovisuelle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est saisi pour
avis.
En second lieu, le CSA a la faculté de saisir le Conseil de la
concurrence de tout fait susceptible de constituer une pratique
anticoncurrentielle dont il a connaissance dans le secteur de la communication
audiovisuelle.
La modification de l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986
envisagée par le projet de loi aurait donc étendu, de
manière expresse, l'intervention du CSA lorsque sont concernés
les services de communication publique en ligne.
L'Assemblée nationale a
néanmoins
adopté
en
première lecture, et contre l'avis du Gouvernement,
un amendement
présenté par le rapporteur pour avis de sa commission des Lois,
tendant à ne pas appliquer aux services de communication publique en
ligne les compétences spécifiques dévolues au Conseil
supérieur de l'audiovisuel en matière de concurrence.
Le I du présent article prévoit donc de modifier l'article 17 de
la loi précitée du 30 septembre 1986, afin de préciser que
les prérogatives permettant au Conseil supérieur de l'audiovisuel
d'adresser des recommandations au Gouvernement pour le développement de
la concurrence dans les activités de communication audiovisuelle et de
saisir les autorités administratives et judiciaires à
l'égard de pratiques restrictives de concurrence ou de concentrations ne
s'appliquent pas aux services de communication publique en ligne.
Selon le rapporteur pour avis de la commission des Lois de l'Assemblée
nationale, la compétence du CSA ne s'imposerait pas en matière
d'atteinte à la concurrence dans le domaine de la communication publique
en ligne.
L'extension, prévue par le présent projet de loi, du rôle
du CSA à ce type de communication découle de la philosophie
première du présent projet de loi. La communication publique en
ligne y est en effet définie comme un simple sous-ensemble de la
communication audiovisuelle, telle qu'elle est définie par l'article 2
de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication. L'article 1
er
du présent
projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture, dispose d'ailleurs : «
on entend par
communication publique en ligne toute communication audiovisuelle transmise sur
demande individuelle formulée par un procédé de
télécommunication
. »
Dans la mesure où le CSA dispose, en vertu de l'article 17 de la loi du
30 septembre 1986 susvisée d'une compétence
générale en matière de concurrence, il a pu sembler
cohérent au Gouvernement de prévoir l'extension des pouvoirs
actuellement définis par l'article 41-4 de cette loi.
Toutefois, votre commission des Lois souligne que
la question du
rattachement de la communication publique en ligne à la communication
audiovisuelle et la soumission de ces deux activités à une
même autorité de régulation sont deux questions
distinctes.
Quand bien même la communication publique en ligne serait un
sous-ensemble de la communication audiovisuelle, sa spécificité
devrait conduire à ne pas lui appliquer la même autorité de
régulation. La pertinence de l'intervention du CSA dans le cadre de la
communication publique en ligne, lors des procédure relevant du droit
des pratiques anticoncurrentielle et des concentrations, se pose en effet.
Votre commission estime que l'intervention du CSA, dans le cadre des
procédures de concurrence qui seraient intentées à
l'encontre d'opérateurs de la communication publique en ligne ne semble
pas justifiée. Elle approuve donc pleinement l'amendement adopté
en première lecture par l'Assemblée nationale.
2. Les obligations et responsabilités des prestataires
intermédiaires de la communication publique en ligne
Le
III
du présent article procède à une
refonte
du chapitre VI du titre II de la loi du 30 septembre 1986
.
A l'intitulé initial («
Dispositions relatives aux services
de communication en ligne autres que de correspondance
privée
») serait substitué un nouvel
intitulé : «
Dispositions relatives aux services de
communication publique en ligne
».
L'article 2 du présent projet de loi procède tout
particulièrement à la
transposition des articles 14 et 15 de
la directive communautaire
.
Dans sa forme issue de la première lecture à l'Assemblée
nationale,
le chapitre VI du titre II de la loi du 30 septembre 1986
comprendrait désormais dix articles instituant un nouveau régime
de responsabilité des prestataires intermédiaires
.
Article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986
Obligations des fournisseurs
d'accès en matière de
filtrage
Cet
article modifié de la loi du 30 septembre 1986 met à la charge
des fournisseurs d'accès deux obligations et donne une définition
de ces prestataires techniques. Il reprend, sans modification de fond, l'actuel
article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986, tel qu'il résulte de
l'article 1
er
de la loi précitée du 1
er
août 2000.
La définition des fournisseurs d'accès
Les fournisseurs d'accès sont définis comme «
les
personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des
services de communication publique en ligne
».
Par rapport au texte de l'actuel article 43-7 de la loi du
30 septembre 1986, les modifications sont mineures.
La précision selon laquelle les fournisseurs d'accès pouvaient
être des personnes physiques ou morales a été
supprimée. Elle pouvait en effet sembler inutile.
En second lieu, la nouvelle définition donnée des fournisseurs
d'accès tient compte de la définition des services de la
société de l'information retenue par l'article 1
er
du
présent projet de loi. Les mots «
services de communication
publique en ligne
» sont ainsi substitués à
l'ancienne expression «
services de communication en ligne autres
que des correspondances privées
».
Les obligations mises à la charge des fournisseurs
d'accès
La volonté de protéger les mineurs contre certains services
nuisibles disponibles sur l'Internet, à commencer par les sites à
caractère pornographique, a conduit le législateur à
prévoir, dès 2000, certaines obligations à la charge des
fournisseurs d'accès.
Le présent article reprend à l'identique les dispositions
figurant à l'actuel article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986. Deux
obligations sont ainsi mises à la charge des fournisseurs d'accès
en matière de contrôle parental.
Les fournisseurs se voient d'abord imposer une obligation d'information,
à l'égard de leurs abonnés, quant à l'existence de
moyens techniques permettant, soit de restreindre l'accès à
certains sites ou services Internet, soit de sélectionner les sites ou
services accessibles. Une seconde obligation leur impose, par ailleurs, de
mettre un tel moyen technique à disposition des internautes auxquels ils
donnent accès aux données circulant sur Internet.
En tout état de cause, l'abonné reste libre de faire usage de ces
moyens techniques lors de l'utilisation d'Internet.
La mise en oeuvre de l'obligation ainsi établie est actuellement
largement laissée à l'autorégulation des acteurs
de la
communication publique en ligne.
Dans la pratique, les fournisseurs d'accès satisfont à cette
obligation de deux manières. Certains proposent simplement sur leurs
sites des liens vers d'autres sites présentant divers logiciels de
contrôle parental. D'autres incluent dans leurs offres commerciales
(« packs ») de tels logiciels. Dans ce cadre, il s'agit
parfois d'un argument de vente à faire valoir devant les utilisateurs,
dans le cadre d'une forte concurrence entre les prestataires techniques.
Votre commission des Lois estime que cette situation n'exige pas que soient
définies plus strictement les conditions techniques de mise en oeuvre de
cette obligation qui, au demeurant, ressortiraient de la compétence du
pouvoir réglementaire.
Elle vous soumet toutefois un
amendement
visant à
améliorer la rédaction du présent article.
Article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986
Responsabilité civile
des fournisseurs d'hébergement
à l'égard des contenus
stockés
Le
présent article tend à instituer un régime de
responsabilité civile restrictif, conformément aux prescriptions
du 1 de l'article 14 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000.
Ce nouveau dispositif vise à éviter la mise en cause
systématique de la responsabilité des fournisseurs
d'hébergement lors de la diffusion des informations qu'ils stockent sur
leur serveur et auxquelles les utilisateurs sont susceptibles d'accéder.
Pour ce faire, il présente d'abord une définition de
l'hébergeur.
1. La définition des fournisseurs d'hébergement
Aux termes du présent article, le fournisseur d'hébergement est
la personne qui assure, «
même à titre gratuit, pour
mise à disposition du public par des services de communication publique
en ligne, le stockage direct et permanent de signaux, d'écrits,
d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires
de ces services
».
Cette rédaction résulte d'un amendement, adopté en
première lecture, présenté par le rapporteur pour avis de
la commission des Lois de l'Assemblée nationale. Elle est proche de
celle retenue par l'actuel article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, tel
qu'il résulte de la loi du 1
er
août 2000, mais s'en
distingue en ce qu'elle englobe désormais de manière expresse les
activités d'intermédiations techniques qui permettent notamment
de stocker les données fournies par les destinataires des services de
communication publique en ligne.
Toutefois, cette rédaction apparaît plus restrictive que celle qui
figure à l'article 14 de la directive précitée du 8 juin
2000. Au sens de cette dernière disposition, le fournisseur
d'hébergement est en effet la personne qui fournit «
un
service de la société de l'information consistant à
stocker les informations fournies par un destinataire du
service
».
En précisant que l'hébergeur est celui qui stocke,
de
manière directe et permanente
des contenus, l'article 43-8, tel
qu'il résulte de la rédaction adoptée par l'article 2 du
présent projet de loi, apparaît donc notablement restrictif. Il
exclut certains prestataires techniques et ne leur fait pas
bénéficier du régime de responsabilité
limitée applicable aux hébergeurs.
En particulier, le caractère direct du stockage exigé par le
projet de loi ne permet pas de couvrir certains prestataires qui feraient
procéder matériellement au stockage des contenus par un tiers
sous-traitant.
L'exigence que le stockage soit permanent exclut, quant à elle, les
prestataires organisant des forums de discussions, encore appelés
« newsgroups ». Ces forums sont des espaces, mis à
la disposition des utilisateurs de services, permettant à ces derniers
d'échanger, par courrier électronique, des informations sur un
même thème. Or, dans une telle hypothèse, le stockage
opéré par l'hébergeur n'a pas un caractère
permanent.
Dans ce contexte, une question essentielle est également de
déterminer si les organisateurs de forums de discussion doivent,
à certains égards, être considérés comme des
hébergeurs.
Certains organisateurs de forums de discussion dépassent sans doute le
rôle de simples intermédiaires techniques. En effet, les forums de
discussion peuvent avoir un « modérateur »,
c'est-à-dire une personne dont la mission est de vérifier le
contenu des informations et des données adressées par les
utilisateurs pour s'assurer, notamment, que celles-ci font effectivement partie
du « thème » pour lequel le forum a
été mis en place. Ce type de prestataire doit davantage
s'analyser comme un éditeur et, en conséquence, ne saurait se
voir appliquer un régime de responsabilité limitée.
Cependant, la plupart des organisateurs de forums de discussion n'ont pas mis
en place de modérateurs et se comportent comme de simples
intermédiaires techniques. Dans cette hypothèse, il convient de
les faire bénéficier du régime de responsabilité
limitée résultant de l'article 43-8 de la loi du 30 septembre
1986, tel qu'il résulterait du présent projet de loi.
Ceci conforterait la jurisprudence dégagée par les
juridictions judiciaires mais qui donne encore lieu à certaines
contestations
17(
*
)
.
En conséquence, il importe
de
supprimer la mention selon
laquelle seules les personnes qui stockent des données de façon
directe et permanente
peuvent bénéficier du régime
de responsabilité limitée défini au présent
article.
Toutefois, il devient alors nécessaire de définir
les caractères de ce stockage.
En effet, aux termes de l'article 13 de la directive 2000/31/CE,
précitée, les Etats membres doivent veiller à ce que, en
cas de fourniture d'un service de la société de l'information
consistant à transmettre des informations fournies par un destinataire
du service, le prestataire ne soit pas responsable, sous certaines conditions,
«
au titre du stockage automatique, intermédiaire et
temporaire de cette information fait dans le but de rendre plus efficace la
transmission ultérieure de l'information, à la demande d'autres
destinataires du service
». Cette disposition institue donc un
régime d'irresponsabilité pour des activités consistant en
un stockage temporaire des pages les plus consultées, soit sur le
serveur informatique, soit dans la mémoire de l'ordinateur de
l'utilisateur. Cette activité est qualifiée d'activité de
« cache » ou « caching ».
Si le nouvel article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 ne précisait
pas les conditions du stockage des données des utilisateurs, il pourrait
alors sembler concerner également les activités de cache qui, aux
termes de la directive, sont soumises à un régime de
responsabilité distinct. Il y aurait, en conséquence, une
incompatibilité entre le présent projet de loi et la directive.
Aussi, votre commission des Lois vous soumet-elle un
amendement visant
à préciser que le stockage doit avoir un caractère
durable
. Par ce biais, les activités de cache ne seraient pas
soumises au régime de responsabilité applicable aux
hébergeurs. Cette précision n'exclurait pas, en tout état
de cause, les données et informations présentes dans les forums
de discussion dépourvus de modérateurs.
2. L'obligation de retirer ou de rendre impossible l'accès aux
données illicites hébergées
La présente disposition a pour objet essentiel d'instituer un
régime de responsabilité limitée des fournisseurs
d'hébergement.
Elle s'inscrit dans le mouvement initié par la loi
précitée du 1
er
août 2000. Cette dernière
avait en effet prévu que les hébergeurs pouvaient voir leur
responsabilité engagée :
- soit, lorsque saisis par une autorité judiciaire, ils n'avaient
pas agi promptement pour empêcher l'accès à un contenu
déterminé ;
- soit, lorsque, saisis par un tiers estimant que le contenu qu'ils
hébergeaient était illicite ou lui causait préjudice, ils
n'avaient pas procédé aux diligences appropriées.
Le Conseil constitutionnel a jugé ce dernier cas de mise en jeu de la
responsabilité contraire à la Constitution.
18(
*
)
Ce faisant, il a
pérennisé l'application du régime de responsabilité
de droit commun à l'égard des hébergeurs.
Mais l'objet du présent article est, avant tout, de
procéder
à la transposition de l'article 14 de la directive 2000/31/CE du 8 juin
2000
qui prévoit, pour les hébergeurs, une
responsabilité particulièrement encadrée.
Tel qu'il serait organisé par le nouvel article 43-8 de la loi du
30 septembre 1986,
ce nouveau régime conduirait à ne
pouvoir engager la responsabilité civile d'un fournisseur
d'hébergement que si ce dernier, informé ou ayant eu
effectivement connaissance du caractère illicite des contenus
hébergés n'agissait pas promptement, soit pour retirer ces
données, soit pour en rendre l'accès impossible.
Le champ d'application de la responsabilité civile de ces
intermédiaires techniques serait ainsi considérablement
réduit.
-
Pour voir sa responsabilité engagée,
l'hébergeur devrait d'abord avoir connaissance de
l'illicéité du contenu qu'il héberge ou, tout du moins, de
faits et circonstances faisant apparaître son caractère
illicite
.
Or, conformément à l'article 15 de la directive 2000/31/CE,
l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, tel que
modifié par le présent projet de loi, ne ferait peser sur
l'hébergeur aucune obligation générale de surveillance ou
de recherche des contenus illicites figurant sur son site. En
conséquence, le caractère illicite de ce contenu sera, la plupart
du temps, porté à la connaissance du fournisseur
d'hébergement par un événement extérieur.
Cette situation se rencontrera d'abord dans l'hypothèse où une
décision juridictionnelle viendra constater l'illicéité du
contenu hébergé. Dans ce cas, l'hébergeur aura la
«
connaissance effective du caractère illicite de ce
contenu
», au sens du présent article. Sur ce point, la
présente disposition ne présente pas d'innovation par rapport
à l'état du droit, tel qu'il découle de la loi du
1
er
août 2000.
Mais cette situation se rencontrera également dans l'hypothèse
où un tiers viendrait, hors de toute procédure juridictionnelle,
informer l'hébergeur de l'existence, sur son service, d'un contenu qu'il
estime être illicite. Dans cette hypothèse, l'hébergeur
aurait alors connaissance «
de faits et circonstances faisant
apparaître [le] caractère illicite
» des
données stockées, au sens du présent article.
-
La responsabilité de l'hébergeur ne saurait
néanmoins être engagée sur la base du présent
article que si,
informé du caractère illicite de l'information
stockée, celui-ci n'a pas agi promptement pour retirer ce contenu ou en
rendre l'accès impossible
.
Une obligation de réaction - rapide - à la connaissance de
l'illicéité est donc mise à la charge du fournisseur
d'hébergement. On peut, certes, regretter l'emploi du terme
« promptitude » dans la rédaction du présent
article, qui n'est guère utilisé dans notre législation.
Cependant, sur ce point, le présent projet de loi ne fait que confirmer
des choix terminologiques faits tant par l'actuel article 43-8, tel qu'il
résulte de la loi du 1
er
août 2000,
précitée, que par l'article 14 de la directive du 8 juin 2000.
Informé, le fournisseur d'hébergement doit retirer le contenu
stocké ou en rendre l'accès impossible. Il s'agit donc d'une
obligation de résultat
mise à sa charge.
Toutefois, cette obligation pose la question de
savoir si le fournisseur
d'hébergement aura une faculté d'appréciation du
caractère illicite du contenu stocké.
En effet, saisi par un
tiers alléguant l'illicéité d'un tel contenu,
l'hébergeur pourra-t-il, sans craindre d'engager sa
responsabilité civile, refuser de retirer l'information, estimant que
l'illégalité n'est pas suffisamment
caractérisée ?
Il s'agit une question centrale, et deux philosophies peuvent cohabiter sur ce
point.
La première est parfois connue sous le nom de «
notice and
take down
». Elle implique que, dès que l'hébergeur
a connaissance, par un tiers, de l'existence sur son serveur de données
qui lui sont présentées comme illicites, il procède
automatiquement au retrait de celles-ci. Cette procédure de retrait
automatique est cependant susceptible de porter gravement atteinte à
l'exercice de la liberté d'expression, puisque toute notification
d'illicéité -fût-elle ou non fondée- conduirait
ipso facto
au retrait de l'information hébergée.
Une seconde philosophie, plus libérale, serait de laisser à
l'hébergeur une certaine marge d'appréciation sur la conduite
qu'il doit tenir lorsque l'illicéité d'un contenu est
soulevée devant lui par un tiers. Compte tenu de l'économie de
l'article 14 de la directive précitée du 8 juin 2000, cette
seconde acception doit être retenue pour l'interprétation du texte
proposé pour l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986.
Si l'illicéité est constatée par une juridiction,
l'hébergeur devra nécessairement procéder au retrait des
données illicites, sauf à engager sa responsabilité tant
civile que pénale. Mais, lorsqu'un simple tiers a présenté
certaines données stockées comme illicites, l'hébergeur se
voit,
de facto
, reconnaître une certaine marge
d'appréciation. L'hébergeur ne court-il pas alors le risque de
voir se multiplier les actions contre lui, exercées notamment par les
éditeurs qui s'estimeraient lésés par la coupure
injustifiée de leurs contenus ?
On ne saurait certes attendre du fournisseur d'hébergement qu'il se
comporte en juge. Mais il est certain qu'un professionnel n'est pas sans savoir
que certains faits ou certaines informations ont, sans beaucoup
d'hésitation, un caractère illicite. Tel est le cas, en
particulier, des contenus à caractère pédopornographiques
ou à caractère raciste et xénophobe.
En définitive,
seule l'inaction du fournisseur d'hébergement
face à un contenu dont il ne pouvait ignorer l'illicéité,
compte tenu des circonstances, pourra donner lieu à un engagement de sa
responsabilité civile
.
Dans un tel système, l'office
du juge sera, en tout état de cause, déterminant, car il lui
reviendra,
a posteriori
, d'apprécier
in concreto
si
l'hébergeur devait ou non reconnaître la réalité de
l'illicéité du contenu hébergé.
Votre commission des Lois vous soumet un
amendement
pour souligner
que seule l'inaction de l'hébergeur lorsque les faits et circonstances
qui sont portés à sa connaissance font apparaître, avec une
certaine évidence, leur caractère illicite peut conduire à
la mise en jeu de sa responsabilité civile
.
3. La création d'une incrimination pénale en cas de
signalement abusif de contenus à l'hébergeur
Pour protéger l'exercice de la liberté d'expression sur Internet,
il convient toutefois de
prévenir,
autant que faire se peut,
les actions qui n'auraient d'autre but que de faire retirer une information
parfaitement licite
. Les dispositions du premier alinéa du texte
prévu pour l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 pourraient en
effet être détournées de leur finalité par des
personnes cherchant sciemment à empêcher la diffusion de certaines
informations ou données licites, ce qui constituerait une entrave
à la liberté d'expression.
A la suite d'un amendement présenté par la commission des Lois de
l'Assemblée nationale et adopté en première lecture, une
précision a été apportée sur ce point au sein du
présent article. Le second alinéa de l'article 43-8
définit désormais une incrimination pénale nouvelle,
consistant à «
caractériser de façon abusive
une apparence d'illicéité aux fins d'obtenir le retrait de
données ou d'en rendre l'accès impossible
». Ce
comportement constituerait le délit réprimé par l'article
431-1 du code pénal, qui prévoit une peine d'un an
d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
Votre commission des Lois souscrit pleinement à la volonté
d'éviter que la liberté d'expression dans le cadre de la
communication publique en ligne ne soit remise en cause par des signalements
illégitimes de contenus à l'hébergeur. Cependant, en
l'état actuel,
ce deuxième alinéa suscite de fortes
réserves.
En premier lieu, l'incrimination, telle qu'elle est rédigée,
apparaît beaucoup trop large, puisqu'elle vise seulement la personne qui,
de façon abusive, présente un contenu comme illicite.
L'élément intentionnel - indispensable en droit pénal -
n'est pas défini. Or, l'abus en question peut très bien
intervenir de bonne foi, et sans intention de nuire. Il serait alors
inacceptable que des personnes qui, de bonne foi, auraient
présenté un contenu comme illicite alors qu'il ne l'est pas,
puissent être condamnées pénalement.
En second lieu, le texte adopté par l'Assemblée nationale vise
l'article 431-1 du code pénal. Cet article réprime en effet les
entraves à l'exercice de la liberté d'expression, du travail,
d'association, de réunion ou de manifestation. Il n'est pas douteux que
le comportement que vise à incriminer le deuxième alinéa
du texte prévu pour l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 peut
s'analyser comme une atteinte à la liberté d'expression sur
Internet. Mais l'article 431-1 du code pénal exige que cette entrave se
fasse de manière concertée et à l'aide de menaces. On peut
douter que cette dernière condition puisse être réellement
remplie dans le cadre des informations diffusées par des services de
communication publique en ligne.
Telle qu'elle est rédigée, cette incrimination ne saurait donc
être retenue dans le cadre du présent projet de loi.
Votre commission des Lois vous propose donc, par
amendement, d'y substituer
une nouvelle incrimination s'inspirant du délit de dénonciation
calomnieuse, mentionné à l'article 226-10 du code pénal,
lequel
réprime la dénonciation «
d'un
fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires,
administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement
inexact
».
Article 43-9 de la loi du 30 septembre 1986
Responsabilité
pénale des fournisseurs d'hébergement
à l'égard
des contenus stockés
Les
personnes désignées à l'article 43-8 modifié de la
loi du 30 septembre 1986 seraient également responsables
pénalement lorsqu'elles n'auraient pas agi rapidement
«
pour faire cesser la diffusion d'une information ou d'une
activité
» dont les fournisseurs «
ne
pouvaient ignorer le caractère illicite
».
Il convient de souligner, à cet égard, que
la mise en oeuvre
de la responsabilité pénale des fournisseurs d'hébergement
est
plus restrictive que la mise en oeuvre de leur responsabilité
civile
, ce qui apparaît tout à fait justifié.
Sur ce point, le présent projet de loi tire les conséquences de
la censure, par le Conseil constitutionnel,
19(
*
)
de la loi du 1
er
août
2000 précitée, en définissant précisément le
contenu de l'obligation qui s'impose aux fournisseurs d'hébergement
à peine de sanctions pénales.
Le Conseil constitutionnel avait notamment motivé sa déclaration
d'inconstitutionnalité par le fait que le législateur,
«
en ne déterminant pas les caractéristiques
essentielles du comportement fautif de nature à engager, le cas
échéant, la responsabilité pénale
»
des hébergeurs, avait méconnu la compétence qu'il tient de
l'article 34 de la Constitution en matière de détermination des
crimes et des délits, ainsi que les peines qui leur sont applicables.
En
adoptant la présente formulation, le projet de loi respecte
désormais les prescriptions de l'article 34 de la Constitution
et ne
pourra être censuré pour incompétence négative du
législateur. Les caractéristiques essentielles du comportement
fautif des hébergeurs d'accès sont, en effet, désormais
réellement précisées.
La nouvelle rédaction de l'article 43-9 s'inscrit, de plus, dans les
principes essentiels du droit pénal, en énonçant une
condition d'intentionnalité. En effet, l'hébergeur ne pourrait
voir sa responsabilité engagée que dans la circonstance où
il n'aurait pas agi en connaissance de cause.
La responsabilité pénale des fournisseurs est par ailleurs
engagée en cas d'absence de promptitude à faire cesser le
comportement illicite. Cette précision laissera néanmoins une
large marge d'appréciation au juge répressif, qui devra
déterminer, au cas par cas, si l'intermédiaire technique a agi ou
non avec la promptitude requise.
Article 43-9-1 nouveau de la loi du 30 septembre 1986
Notification des
faits illicites au fournisseur
d'hébergement
L'insertion d'un article 43-9-1 dans la loi du 30 septembre
1986,
issue d'un amendement présenté par M. Patrice Martin-Lalande
à l'Assemblée nationale auquel le Gouvernement a donné un
avis favorable, précise les modalités par lesquelles le
caractère illicite d'un contenu est porté à la
connaissance d'un hébergeur.
Le présent article définit une
procédure de
notification
des faits et circonstances faisant apparaître le
caractère illicite des contenus stockés par un hébergeur.
Le nouvel article 43-9-1 détermine ainsi les
mentions devant figurer
dans la notification
. Il s'agit d'abord de la date de cette notification,
de l'identité de son auteur, de l'identité du destinataire, de la
description des faits considérés comme illicites et de leur
localisation.
En outre, le présent article exige que les motifs juridiques et factuels
pour lesquels le contenu doit être retiré soient indiqués
dans cette notification. Cette exigence suscite une certaine perplexité,
car on peut se demander si elle s'avère réaliste. Un tiers ayant
détecté sur le serveur de l'hébergeur un contenu à
caractère pédophile ou pédopornographique n'aura
certainement, dans la plupart des cas, pas connaissance de la disposition
d'incrimination prévue, sur ce point, par un texte répressif
déterminé. On peut craindre que cette exigence ne conduise alors
bon nombre d'internautes à renoncer à signaler les contenus en
cause à l'hébergeur. Cela serait manifestement contraire à
la volonté du législateur.
Enfin, la personne utilisant cette procédure de notification devra
également annexer à sa demande la copie de la correspondance
informant l'auteur ou l'éditeur des informations de la présente
notification ou, le cas échéant, la justification de ce que ce
dernier n'a pu être contacté.
L'utilisation de cette procédure aurait des incidences juridiques,
puisqu'elle créerait une
présomption d'acquisition, par
l'hébergeur, de la connaissance d'un signalement par un tiers de
certains contenus qui lui seraient présentés comme illicites.
Sans doute la mise en place d'une telle procédure
présenterait-elle certains avantages.
D'une part, elle permettrait de prouver que le fournisseur
d'hébergement, sur qui pèse l'obligation de retirer ou de rendre
impossible l'accès à un contenu illicite, a bien
été prévenu, à une date donnée, de
l'existence sur son serveur d'éléments présentés
comme illicites.
D'autre part, ce dispositif pourrait faciliter l'accomplissement par
l'hébergeur de son obligation, dans la mesure où la notification
devra décrire avec précision les faits et circonstances faisant
apparaître l'illicéité d'un contenu et sa localisation,
ainsi que les motifs juridiques et factuels pour lesquels il doit être
retiré.
Néanmoins, il convient de
se demander si cette procédure se
révèlera vraiment efficace, dès lors qu'elle
présente certaines faiblesses.
En premier lieu, l'effet juridique que confère l'utilisation de cette
procédure n'intervient qu'au niveau probatoire. Elle crée une
présomption d'acquisition de la connaissance de l'existence de faits qui
sont présentés comme litigieux par l'auteur de la notification.
En d'autres termes, l'hébergeur sera présumé avoir eu
connaissance de l'existence de certaines informations sur son site.
En second lieu, cette présomption concerne seulement la connaissance des
faits « litigieux ». Elle n'implique pas une connaissance,
à la date de la notification, du caractère illicite du contenu
qui lui est signalé. Les faits sont seulement présentés
comme illicites par le tiers, mais rien n'indique qu'ils le sont
réellement.
En dernier lieu, cette procédure n'a, en vertu du texte même de
l'article 43-19-1, qu'un caractère facultatif. Cela implique que les
tiers pourront également signaler à l'hébergeur un contenu
par d'autres biais. La seule différence sera alors qu'il reviendra
à ces tiers de prouver, par tout moyen, qu'ils ont bien informé
l'hébergeur, à une date donnée, de la présence d'un
contenu qu'ils estimaient illicite.
En définitive, pour que cette procédure ait vraiment une raison
d'être, il faudrait à la fois qu'elle ait un caractère
obligatoire et qu'elle crée une présomption de connaissance de
l'illicéité des contenus stockés par l'hébergeur.
Toutefois, ainsi formulée, cette procédure serait certainement
incompatible avec l'article 14 de la directive 2000/31/CE. Certes, ce
dernier autorise, le cas échéant, les Etats membres à
instaurer des procédures régissant le retrait des informations
illicites ou les actions pour en rendre l'accès impossible. Mais, lier
l'engagement de la responsabilité d'un hébergeur au respect d'une
procédure obligatoire constituerait une condition supplémentaire
d'engagement de cette responsabilité que le texte communautaire ne
prévoit pas.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission des Lois estime que
cette
procédure de notification générerait, en
définitive, davantage de difficultés contentieuses qu'elle n'en
résoudrait
. Elle vous soumet, en conséquence, un
amendement
visant à supprimer le texte prévu pour
l'article 43-9-1 de la loi du 30 septembre 1986.
Cette position n'empêcherait cependant nullement les hébergeurs de
mettre à la disposition des utilisateurs de l'Internet des formulaires
en ligne, grâce auxquels ils guideraient les internautes qui
souhaiteraient signaler certains contenus qu'ils estimeraient illicites. Le
fait que ce formulaire ait été ou non utilisé serait alors
apprécié par le juge comme un élément de preuve,
afin de lui permettre de déterminer si, à un moment donné,
l'hébergeur a bien eu connaissance de « faits et circonstances
mettant en évidence le caractère illicite » du contenu
qu'il stocke.
Article 43-10 de la loi du 30 septembre 1986
Exclusion des prestataires
techniques de la responsabilité applicable
aux producteurs de
communication audiovisuelle
La
volonté du Gouvernement a été de faire de la communication
publique en ligne un simple sous-ensemble de la communication audiovisuelle,
telle qu'elle est définie par la loi précitée du 30
septembre 1986. Dans ce contexte, il était donc nécessaire de
déterminer si les prestataires techniques de services de communication
publique en ligne était soumis au régime de responsabilité
- notamment pénale - applicable à certains intermédiaires
de la communication audiovisuelle.
En effet, aux termes de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet
1982 sur la communication audiovisuelle, le directeur de la publication ou, le
cas échéant, le codirecteur, à défaut, l'auteur ou,
à défaut, le producteur d'un service de communication
audiovisuelle est responsable des infractions prévues par le chapitre IV
de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
La possibilité de voir ce régime s'appliquer aux fournisseurs
d'accès et d'hébergement est en effet réelle, dans la
mesure où certaines décisions juridictionnelles ont
condamné des producteurs de services télématiques
(minitel) sur le fondement de l'article 93-3 de la loi précitée.
Or, il ne semble pas cohérent, alors que les articles 43-8 et 43-9
nouveaux de la loi du 30 septembre 1986 visent à restreindre la
responsabilité des intermédiaires techniques des services de
communication publique en ligne, de soumettre ceux-ci à la
responsabilité pesant sur les producteurs de services audiovisuels.
Le présent article précise donc opportunément que les
fournisseurs d'accès et d'hébergement ne sont pas
considérés comme des producteurs au sens de la loi du 29 juillet
1982 précitée. Ils échappent, de ce fait, aux
incriminations spécialement prévues par cette législation
à l'encontre des producteurs.
Article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986
Absence d'obligation
générale de surveillance des contenus
par les prestataires
techniques
Le
nouvel article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 tend à tirer les
conséquences de la restriction de la responsabilité civile et
pénale des fournisseurs d'accès et d'hébergement. Il doit
être examiné en coordination avec les modifications
proposées pour les articles 43-8 et 43-9 de cette loi.
1. La transposition de l'article 15 de la directive 2000/31/CE du
8 juin 2000
Cette disposition vise à transposer le paragraphe 1 de l'article 15 de
la directive 2000/31/CE. Celui-ci interdit aux Etats membres d'imposer aux
prestataires techniques de la société de l'information
«
une obligation générale de surveiller les
informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation
générale de rechercher activement des faits ou des circonstances
révélant des activités illicites
».
Le nouvel article 43-11 pose ainsi, d'une part, le principe selon lequel les
fournisseurs d'accès et d'hébergement
ne sont pas soumis
à une obligation générale de surveiller les informations
transmises ou stockées
.
Cette question restait discutée en doctrine à la suite
d'évolutions jurisprudentielles pouvant laisser accroire à
l'existence d'une obligation générale de surveillance à la
charge des fournisseurs d'accès et d'hébergement sur Internet. La
directive a tranché ce débat par la négative. En
conséquence, le présent projet de loi ne met pas à la
charge des intermédiaires techniques susvisés une telle
obligation générale en ce domaine.
L'article 43-11, tel qu'il résulte du présent projet de loi,
énonce, d'autre part, que ces mêmes intermédiaires
techniques
ne sont soumis à aucune obligation générale
de rechercher des faits ou des circonstances révélant des
activités illicites
.
Une différence avec la directive doit néanmoins être
relevée : l'adjectif « activement »,
employé à l'article 15 du texte communautaire pour
caractériser la recherche des informations à caractère
illicite, a disparu. Sous l'empire du présent projet de loi, aucune
obligation générale de recherche, quelle qu'elle soit, n'est
imposée. De ce point de vue, le champ d'application de cette
irresponsabilité est donc plus étendu.
Cette suppression est, en tout état de cause, souhaitable. Elle
évite que des contentieux ne naissent devant les juridictions, aux fins
de déterminer si l'hébergeur doit
a contrario
rechercher,
d'une manière « non active », les contenus
illicites. De plus, elle ne remet pas en cause les objectifs de la directive,
qui vise à limiter la responsabilité des hébergeurs
d'accès quant aux contenus qu'ils stockent.
2. La création d'une obligation de prévention de la diffusion
de données constitutives de certaines infractions
Dans le texte adopté en première lecture par l'Assemblée
nationale, et malgré les termes de l'article 15 de la directive du 8
juin 2000, la présente disposition impose désormais aux
fournisseurs d'accès et d'hébergement de mettre en oeuvre
les
moyens destinés à prévenir la diffusion des données
constitutives de certaines infractions
.
L'institution de cette obligation au champ d'application restreint
résulte d'un amendement présenté conjointement par les
rapporteurs de la commission des Affaires économiques et de la
commission des Lois de l'Assemblée nationale. Elle s'inscrit dans la
volonté, légitime, de lutter efficacement contre la montée
en puissance des incitations à la haine raciale et aux crimes, ainsi que
des contenus à caractère pédophile circulant sur
l'Internet.
Aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, les
fournisseurs d'hébergement seraient tenus de prévenir la
diffusion de données constitutives, d'une part, des
infractions
visées aux cinquième et huitième alinéas de
l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté
de la presse.
Les incriminations prévues au cinquième alinéa de cet
article visent à sanctionner l'apologie
des atteintes volontaires
à la vie, des atteintes volontaires à l'intégrité
des personnes, des agressions sexuelles, définies par le titre II du
code pénal ; des vols, extorsions, destructions,
détériorations volontaires dangereuses pour les personnes,
définies au livre III du code pénal ; ainsi que des crimes
de guerre, crimes contre l'humanité, et crimes et délits de
collaboration avec l'ennemi. Les peines prévues pour ces infractions
s'élèvent à cinq ans d'emprisonnement et 45.000 euros
d'amende.
Le huitième alinéa de l'article 245 de la loi du 29 juillet 1881,
précitée, vise à sanctionner la provocation à la
discrimination, à la haine, à la violence raciale, d'une peine
d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.
D'autre part, le présent article 43-11 mentionne les
infractions
prévues à l'article 227-23 du code pénal
. Cette
disposition sanctionne la diffusion, l'enregistrement, la transmission de
l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou
représentation a un caractère pornographique. Ces faits sont
punis d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.
L'obligation ainsi mise à la charge de l'hébergeur doit
être perçue comme une obligation de moyens, dans la mesure
où seule est exigée la mise en oeuvre de «
moyens
conformes à l'art
» en vue de prévenir la diffusion
de données constitutives des infractions susvisées.
Votre commission des Lois reconnaît et affirme la nécessité
de lutter contre ces infractions. Elle vous proposera d'ailleurs, à la
fin de présent projet de loi, d'adopter un article additionnel
après l'article 32, afin d'incriminer la tentative de production
d'images pédopornographiques et l'offre de telles images.
Il n'en demeure pas moins que
la compatibilité du dispositif
adopté par l'Assemblée nationale avec la directive n'est pas
assurée.
En tant qu'elle institue une obligation générale de
prévention, la présente disposition semble en effet remettre en
cause l'absence d'obligation générale de surveillance
énoncée à l'article 15 de la directive. Pour
prévenir la diffusion des contenus constitutifs de ces infractions
déterminées, l'hébergeur devra logiquement et
nécessairement procéder à une surveillance et à un
examen préalable des informations et données qui sont
susceptibles d'être stockées par ses services.
Le considérant 47 de la directive 2000/31/CE énonce, certes, que
«
l'interdiction pour les Etats membres d'imposer aux prestataires
de services une obligation de surveillance ne vaut que pour les obligations
à caractère général. Elle ne concerne pas les
obligations de surveillance applicables à un cas spécifique et,
notamment, elle ne fait pas obstacle aux décisions des autorités
nationales prises conformément à la législation
nationale
». Le considérant 48 précise, quant
à lui, que «
la présente directive n'affecte en rien
la possibilité qu'ont les Etats membres d'exiger des prestataires de
services qui stockent des informations fournies par des destinataires de leurs
services qu'ils agissent avec les précautions que l'on peut
raisonnablement attendre d'eux et qui sont définies dans la
législation nationale et ce, afin de détecter et d'empêcher
certains types d'activités illicites
».
Analysant ces considérants, le rapporteur de la commission des Affaires
économiques de l'Assemblée nationale a estimé qu'ils
pouvaient justifier l'introduction de cette obligation spécifique de
prévention à l'égard de la commission de certaines
infractions. Tel n'est cependant pas l'avis de votre commission des Lois, qui
relève, par ailleurs, qu'aucun autre Etat membre de l'Union
européenne n'a prévu, en transposant la directive en cause, un
dispositif semblable.
En outre, ainsi que l'avait déjà relevé la mission
d'information sur la société de l'information, un fournisseur
d'hébergement ne peut matériellement exercer un contrôle
fiable sur la nature des contenus mis en consultation, du fait de leur volume
et surtout de leur volatilité, ces derniers pouvant à tout moment
être modifiés.
20(
*
)
Votre commission vous soumet, en conséquence, un
amendement visant
à supprimer cette obligation de prévention.
Article 43-12 nouveau de la loi du 30 septembre 1986
Action en
référé en matière de communication publique en
ligne
Cet
article prévoit que
le juge judiciaire des
référés peut être saisi dans le cadre de litiges
intéressant la communication publique en ligne.
La procédure de référé permet à un juge
unique d'ordonner, au terme d'une procédure contradictoire, des mesures
à caractère provisoire. En droit judiciaire privé, elle
est notamment prévue aux articles 808 et 809 du nouveau code de
procédure civile.
21(
*
)
Aux termes du présent article, la compétence en matière de
référé applicable à la communication publique en
ligne serait dévolue à l'autorité judiciaire. Le projet de
loi ne définit pas, sur ce point, la juridiction spécifiquement
compétente au sein de l'ordre judiciaire pour connaître de cette
action. La détermination de la juridiction compétente, au sein de
l'ordre judiciaire, pour connaître de l'action en
référé prévue par cet article semble, en effet,
ressortir de la compétence du pouvoir réglementaire.
Cependant, par application du droit commun, il peut être déduit
que le juge compétent serait le président du tribunal de grande
instance. Cette solution découle de l'application de l'article 810 du
nouveau code de procédure civile qui dispose que les pouvoirs du
président du tribunal de grande instance prévus aux articles 808
et 809 dudit code «
s'étendent à toutes les
matières où il n'existe pas de procédure
particulière de référé
».
Aux termes de l'article 43-22 de la loi modifiée, le juge des
référés pourrait être saisi afin que soient
prononcées «
toutes mesures propres à faire cesser
un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication
publique en ligne
». Ces mesures seraient prononcées
à l'encontre des fournisseurs d'accès ou d'hébergement.
La présente disposition consacre une pratique existante.
Sur la base des articles 808 et 809 du nouveau code de procédure civile,
le juge des référés a déjà pu prescrire de
nombreuses mesures destinées à prévenir ou faire cesser le
dommage résultant du caractère illicite de données
accessibles sur Internet, telles que la fermeture ou la suspension
d'accès au site concerné,
22(
*
)
l'insertion en ligne d'avertissements
afin de prévenir les internautes du caractère illicite ou
dangereux de certaines informations
23(
*
)
, ou la condamnation sous astreinte
à prendre les mesures techniques permettant de rendre impossible la
diffusion de contenus litigieux
24(
*
)
.
Les mesures que le juge des référés pourra prononcer sur
la base de l'article 43-12 nouveau de la loi ne sont pas limitativement
énumérées. La présente disposition se contente
d'évoquer la faculté pour le juge des
référés d'ordonner la cessation du stockage d'un contenu
illicite ou l'interdiction d'y accéder. En conséquence,
le
juge des référés pourra ordonner, sur la base de cette
disposition, toute mesure utile et nécessaire pour faire cesser le
dommage résultant des données litigieuses
.
Toutefois, en évoquant d'abord la possibilité pour le juge
d'ordonner qu'il soit mis fin au stockage et, à défaut seulement,
que l'accès aux données soit supprimé,
le projet de loi
invite le juge à privilégier les sanctions à l'encontre du
fournisseur d'hébergement
.
Cette solution a été adoptée par souci de réalisme.
En effet, seule la cessation du stockage de données se
révèle réellement opérationnelle dans la lutte
contre les contenus illicites diffusés sur Internet. A l'inverse, de
nombreuses limites techniques existent en matière de filtrage de
l'accès aux contenus stockés.
25(
*
)
Compte tenu du nombre important de
fournisseurs d'accès, un contenu qui a été rendu
inaccessible par un fournisseur d'accès pourra malgré tout
être accessible aux internautes par le biais d'autres fournisseurs.
Pourtant, en dépit de ses insuffisances, le filtrage de l'accès
aux contenus se présente comme la seule arme permettant, le cas
échéant, de lutter contre des contenus hébergés
à l'étranger et à l'encontre desquels les décisions
de justice françaises sont inefficaces. Elle est, par ailleurs, le seul
moyen de lutter contre des contenus illicites qui circulent sur Internet par le
biais des systèmes de « peer to peer »
décentralisé
26(
*
)
.
Les progrès techniques qui pourraient intervenir dans le cadre de la
communication publique en ligne devraient, à l'avenir, contribuer
à améliorer les conditions du filtrage de l'accès à
Internet afin de le rendre plus effectif.
En tout état de cause, la présente disposition ne saurait
être entendue comme instituant une action subsidiaire à l'encontre
du fournisseur d'accès, les justiciables devant intenter, en premier
lieu, leur action à l'encontre du fournisseur d'hébergement.
L'action prévue par l'article 43-12 nouveau pourra très bien
être directement - et seulement - intentée à l'encontre du
fournisseur d'accès.
Lors des auditions conduites par votre rapporteur, les prestataires techniques
ont semblé mettre en doute la pertinence de la procédure de
référé ainsi instituée, lui préférant
une procédure sur requête. Un amendement en ce sens a d'ailleurs
été déposé à l'Assemblée nationale,
mais n'a pas été adopté en première lecture.
Aux termes de l'article 493 du nouveau code de procédure civile,
l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non
contradictoirement dans le cas où un requérant est fondé
à ne pas appeler de partie adverse. Motivée, l'ordonnance est
exécutoire au seul vu de sa minute.
Le caractère non contradictoire de cette procédure peut, certes,
être un avantage, dans la mesure où elle est plus rapide et moins
coûteuse, puisque la partie adverse n'a pas à être
présente. Cependant, ce même caractère présente un
inconvénient majeur dans la mesure où la requête est
déposée de manière unilatérale.
Dans le cadre d'une procédure sur requête, faute de respect du
contradictoire, le fournisseur d'accès ou le fournisseur
d'hébergement ne pourra se défendre à l'audience. Or, il
convient d'offrir à l'hébergeur la possibilité de se
défendre, dans la mesure justement où une certaine marge
d'appréciation sur l'illicéité alléguée du
contenu stocké lui est
de facto
reconnue par l'article 43-8
modifié de la loi du 30 septembre 1986.
Votre commission des Lois estime que la procédure de
référé prévue par le présent article doit
donc être conservée.
Article 43-13 nouveau de la loi du 30 septembre 1986
Obligation de
conservation des données nécessaires
à
l'identification des auteurs de
contenus
En
limitant la responsabilité des intermédiaires techniques de la
communication publique en ligne, le présent projet de loi fait porter
l'essentiel de la responsabilité liée aux contenus illicites
accessibles aux internautes sur les auteurs et éditeurs de contenus.
Dans un tel contexte, il est donc essentiel que les auteurs puissent être
identifiés, dans un souci de transparence de la communication publique
en ligne.
L'actuel article 43-9 de la loi du 30 septembre 1986 avait déjà
institué une obligation, pour les fournisseurs d'accès et
d'hébergement, de détenir et de conserver les données de
nature à permettre l'identification de toute personne ayant
contribué à la création du contenu stocké ou auquel
ils donnent accès. L'article 43-13, dans sa rédaction issue du
présent projet de loi, reprend ce dispositif, en y ajoutant une
obligation de vérification des données détenues.
1. L'obligation de détention et de conservation des données
d'identification des auteurs de contenus
Le texte de l'article 43-13, initialement retenu par le présent projet
de loi, prévoyait que
les fournisseurs d'accès et
d'hébergement devaient
détenir et conserver les
données de nature à permettre l'identification des personnes
ayant contribué à la création d'un contenu.
Cette obligation apparaît compatible avec la possibilité offerte
aux Etats membres de l'Union européenne, par le second paragraphe de
l'article 15 de la directive 2000/31/CE, d'instaurer une obligation de
«
communiquer aux autorités compétentes, à
leur demande, les informations permettant d'identifier les destinataires de
leurs services avec lesquels ils ont conclu un accord
d'hébergement
».
Elle se révèle particulièrement utile pour faciliter
l'identification des personnes ayant pris part à la création du
contenu illicite hébergé par le fournisseur ou auquel ce dernier
donne accès. En ce sens, le troisième alinéa de l'article
43-13 précise d'ailleurs que
l'autorité judiciaire peut
requérir communication des données
qui doivent être
conservées.
La nature des données et les conditions de leur conservation, à
commencer par la durée pendant laquelle elles doivent être
détenues, ne sont pas définies précisément par le
présent article. Aussi, le dernier alinéa de l'article 43-13
énonce-t-il
qu'il reviendra au pouvoir réglementaire, par le
biais d'un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), de
préciser ces points.
L'intervention de la CNIL s'avère, en la matière,
appropriée et même nécessaire, dans la mesure où ces
données auront, par leur nature même, un caractère
nominatif. Elles seront, en conséquence, soumises au respect des
règles définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le présent article précise d'ailleurs que les
incriminations
prévues aux articles 226-17, 226-21 et 226-22 du code pénal sont
applicables
aux données conservées.
La première de ces dispositions réprime le fait de
procéder à un traitement informatisé sans prendre les
précautions utiles pour préserver la sécurité de
ces informations. Cette infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et de
300.000 euros d'amende. L'article 226-21 du code pénal réprime le
détournement de finalité des données personnelles
recueillies et prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement et de
300.000 euros d'amende. L'article 226-22 du même code sanctionne la
divulgation, sans autorisation, de données à caractère
personnel qui porterait atteinte à la considération de
l'intéressé ou à l'intimité de sa vie
privée. La peine encourue pour cette infraction est d'un an
d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende (ou 75.000 euros si la divulgation
n'est pas intentionnelle).
Il convient de souligner que la définition de ces infractions et le
régime des peines applicables évolueront à la suite de
l'adoption définitive du projet de loi relatif à la protection
des personnes physiques à l'égard des traitements de
données à caractère personnel, voté par le
Sénat en première lecture le 1
er
avril 2003
27(
*
)
.
En tout état de cause, l'
obligation de conservation de données
d'identification prévue à cet article reprend, en
l'élargissant, le contenu d'une obligation déjà
prévue, à l'égard des seuls fournisseurs d'accès,
par l'article L. 32-3-1 du code des postes et
télécommunications
.
Aux termes de cette disposition, les opérateurs de
télécommunications, et notamment les fournisseurs d'accès
aux services de communication publique en ligne, sont tenus de conserver,
pendant une durée maximale d'un an, certaines données,
définies par décret en Conseil d'Etat, portant sur
«
l'identification des personnes utilisatrices des services
fournis par les opérateurs et sur les caractéristiques techniques
des communications assurées par ces derniers
».
L'obligation prévue par le présent projet de loi est cependant
plus large puisque les données d'identification en cause sembleraient ne
pas se limiter aux seules données techniques mentionnées à
l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications.
2. L'obligation de vérification des données d'identification
recueillies
A la suite d'un amendement présenté par le rapporteur de la
commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale,
l'article 43-13 prévoit désormais une
obligation de
vérification des données recueillies
, à la charge de
l'intermédiaire technique.
La nature de la vérification en cause n'est cependant pas
précisée par le texte adopté par l'Assemblée.
Cette vérification peut d'abord s'analyser comme la vérification
de l'intégrité des données. Il s'agirait, dans une telle
hypothèse, de savoir si les données transmises par
l'éditeur au prestataire technique n'ont pas été
modifiées pendant la transmission. La vérification peut ensuite
se rapporter à l'existence même des données. Mais, dans ce
cas, cette mention paraîtrait inutile : pour conserver les
données qui doivent être fournies par les éditeurs, il faut
qu'elles existent... Enfin, la vérification pourrait concerner
l'exactitude des données recueillies.
C'est, semble-t-il, ce type d'obligation que les députés ont
cherché à instituer. Le rapporteur du projet de loi à
l'Assemblée nationale a ainsi énoncé, dans les
débats, que cette obligation permettrait de
«
vérifier la faisabilité, ou en tout cas le
caractère plausible de ces données personnelles
».
Cette nouvelle obligation a donc pour objet d'éviter que les
fournisseurs d'accès et d'hébergement conservent des
données à caractère fantaisiste qui ne pourraient
permettre d'identifier réellement les auteurs ou éditeurs des
contenus.
Cette nouvelle obligation soulève cependant de sérieuses
réserves.
La première est d'ordre technique. Dans certaines hypothèses, il
peut s'avérer matériellement impossible de vérifier les
éléments d'identification communiqués par l'auteur du
contenu. Tel est le cas notamment à l'égard des prestataires
gratuits.
La seconde réserve est d'ordre juridique et tient à la
compatibilité d'une telle obligation au regard des dispositions de la
directive communautaire du 8 juin 2000. Celle-ci ne prévoit en effet
aucune obligation de ce type à la charge des intermédiaires
techniques de la société de l'information. Elle n'ouvre, par
ailleurs, pas expressément aux Etats membres la faculté d'exiger
la vérification de contenus.
Votre commission des Lois vous propose, en conséquence, un
amendement
tendant à supprimer l'obligation, à la charge
des fournisseurs d'accès et d'hébergement, de vérifier les
données d'identification transmises par les fournisseurs de contenus.
Le second alinéa de l'article 43-13 prévoit, enfin, que les
fournisseurs d'accès et d'hébergement donnent aux auteurs de
contenus présents dans des services de communication publique en ligne
les moyens techniques permettant à ceux-ci de satisfaire aux conditions
d'identification prévues au nouvel article 43-14 de la loi du 30
septembre 1986.
Article 43-14 nouveau de la loi du 30 septembre 1986
Obligations des
éditeurs de contenus
Le texte
proposé pour insérer un article 43-14 dans la loi du
30 septembre 1986 vise à
permettre l'identification par le
public des éditeurs des contenus
accessibles par Internet.
Compte tenu du régime de responsabilité limitée
institué par le présent projet de loi à l'égard des
fournisseurs d'accès et d'hébergement, les responsables des
dommages causés par les contenus stockés et accessibles par les
services de communication publique en ligne seront désormais, à
titre principal, les éditeurs de contenus. Il convient donc que les
internautes puissent, le cas échéant, identifier facilement ces
éditeurs.
Contrairement aux autres intermédiaires auxquels s'applique le
présent projet de loi, ce dernier ne donne pas de définition des
éditeurs de contenus. Sur ce point, il convient donc d'appliquer la
définition retenue, à titre générique par la
doctrine : «
l'éditeur est celui qui est chargé
de la publication et de la diffusion des exemplaires d'une oeuvre de l'esprit
qu'il avait mission de fabriquer ou de faire fabriquer en un nombre
déterminé.
»
28(
*
)
L'actuel article 43-10 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit
déjà une obligation de mise à disposition du public de
certaines informations permettant d'identifier précisément les
éditeurs de contenus. L'article 43-14, tel qu'il résulte de
l'article 2 du présent projet de loi, reprend ce dispositif en le
précisant.
Aux termes du
I
de l'article 43-14, les
éditeurs de contenus
doivent mettre à la disposition du public un certain nombre
d'informations
. Lors de la première lecture, l'Assemblée
nationale a ajouté un certain nombre d'informations nouvelles devant
être mises à disposition par les éditeurs.
Si l'éditeur est une personne physique, ses nom, prénoms,
domicile et numéro de téléphone doivent être mis
à disposition du public.
Il en est de même, si l'éditeur est une personne morale, de sa
dénomination ou raison sociale, son siège social, son
numéro de téléphone et, le cas échéant, son
numéro d'inscription au registre du commerce et des
sociétés ou au répertoire des métiers, ainsi que
son capital social.
Pour les deux catégories d'éditeurs, le nom du directeur de la
publication, au sens de l'article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982
précitée doit également être mis à
disposition du public.
Ce dernier article impose en effet à tout service de communication
audiovisuelle d'avoir un directeur de la publication et précise que,
lorsque le service est fourni par une personne morale, ce directeur de la
publication est le président du directoire ou du conseil
d'administration, le gérant ou le représentant légal de
cette personne. Lorsque le service est fourni par une personne physique, le
directeur de la publication est cette personne physique.
En outre, l'éditeur professionnel est tenu de mettre à
disposition du public le nom ainsi que les coordonnées du fournisseur
d'hébergement auquel il fait appel.
Un
droit à l'anonymat
des éditeurs non professionnels
de contenus vis-à-vis du public est institué
par le
II
du présent article. Cette faculté est déjà offerte
par l'actuel article 43-10 de la loi du 30 septembre 1986.
Les éditeurs non professionnels peuvent en effet, soit se conformer
à l'égard du public aux obligations visées au I du
présent article, soit ne tenir à la disposition du public que le
nom, l'adresse et la dénomination ou raison sociale du fournisseur
d'hébergement.
Cette possibilité est toutefois soumise à la condition que les
éléments d'identification visés au I du présent
article soient effectivement communiqués au fournisseur
d'hébergement.
Dans ce cadre, le dernier alinéa de l'article 43-14 précise que
les
fournisseurs d'hébergement sont soumis au secret professionnel
à l'égard des informations communiquées
et, plus
généralement, à l'égard de toute information
permettant d'identifier la personne concernée. Ils encourent donc les
sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal qui
punit d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende la révélation
de faits couverts par le secret professionnel.
Le présent article précise toutefois que ce secret ne leur est
pas opposable lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article
226-14 du code pénal. Cette dernière disposition énonce
que la révélation du secret peut intervenir «
dans
les cas où la loi impose ou autorise la révélation du
secret
».
De façon plus étonnante, l'article 43-14 précise que le
contrat liant l'éditeur non professionnel au fournisseur
d'hébergement peut prévoir «
des dispositions
contraires légales
» à la non divulgation des
informations couvertes par le secret professionnel. Une telle précision
apparaît contraire à la hiérarchie des normes : une
convention privée ne saurait déroger à la loi et, en tout
état de cause, si des dérogations prévues par la loi
existent, il n'est nul besoin de les prévoir contractuellement.
Votre commission des Lois vous propose, en conséquence, un
amendement
tendant à supprimer cette précision.
Article 43-14-1 nouveau de la loi du 30 septembre 1986
Droit de
réponse applicable à la communication publique en
ligne
Un
droit de réponse spécifiquement applicable à la
communication publique en ligne
a été institué
à la suite d'un amendement présenté par MM. Patrice
Martin-Lalande et André Santini, accepté par le Gouvernement et
adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
L'article 2 du présent projet de loi prévoit désormais
l'insertion d'un nouvel article 43-14-1 dans la loi du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication.
Il s'agit, pour les personnes qui sont nommément désignées
par un service de communication publique en ligne, de disposer d'un droit de
réponse semblable à celui existant en matière de presse
écrite ou de communication audiovisuelle. Cet amendement reprend
d'ailleurs, sur ce point, une disposition du précédent projet de
loi sur la société de l'information
29(
*
)
.
1. Le champ d'application du droit de réponse
En première lecture, l'Assemblée nationale a, à la suite
d'un sous-amendement, accepté par le Gouvernement,
présenté par les rapporteurs de sa commission des lois et de sa
commission des Affaires économiques,
limité ce droit aux
services de communication en ligne «
utilisant un mode
écrit de diffusion de la pensée
»,
c'est-à-dire, plus prosaïquement, à la presse en ligne
.
On peut toutefois se demander si la restriction apportée par cette
précision, qui résulte d'un sous-amendement
présenté par la commission des Lois de l'Assemblée
nationale, est véritablement opportune.
Le droit de réponse a certes été d'abord organisé
pour la presse écrite et, en conséquence, se limite dans ce cadre
aux seuls écrits mettant en cause une personne déterminée.
A ce titre, une photographie ou un dessin ne sauraient donner lieu à
l'exercice d'un droit de réponse, aux termes de la loi du 29 juillet
1881 sur la liberté de la presse
30(
*
)
.
Cependant, un tel droit de réponse existe également dans le cadre
de la communication audiovisuelle, en vertu de l'article 6 de la loi du 29
juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Or, ce droit de réponse
est applicable à l'ensemble des informations diffusées par des
services de communication audiovisuelle.
En outre, une telle restriction pourrait soulever des difficultés
contentieuses. Il faudra en effet que le juge détermine, à chaque
fois, si le service en cause peut être considéré comme un
service de presse en ligne, ce qui pourrait générer de nombreuses
complications.
En tout état de cause, la communication publique en ligne s'apparentant
davantage à la communication audiovisuelle - dont elle n'est, en vertu
de l'article 1
er
du présent projet de loi, qu'un
sous-ensemble -, votre commission des Lois vous soumet un
amendement
tendant à supprimer la limitation du droit de réponse aux seuls
services de communication publique en ligne utilisant un mode écrit de
diffusion de la pensée.
2. Les conditions d'exercice du droit de réponse
Aux termes du présent article, un droit de réponse est offert
à la personne mise en cause, tant que le message est accessible au
public et, au plus tard, dans un délai de trois mois à compter de
la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du
message.
Le présent article ne définit pas la personne auprès de
laquelle ce droit de réponse est exercé. Il est donc
nécessaire de le préciser expressément.
S'il s'agit d'un éditeur professionnel, la demande devrait être
exercée, conformément au droit commun, auprès du directeur
de la publication. S'il s'agit d'un éditeur non professionnel qui a
gardé son anonymat vis-à-vis du public, le fournisseur
d'hébergement devrait être saisi, à charge pour ce dernier
de transmettre sans délai la demande d'exercice du droit de
réponse au directeur de la publication.
Votre commission des Lois vous soumet donc un
amendement
en ce sens.
En cas de refus ou de silence gardé sur la demande d'exercice du droit
de réponse dans les huit jours à compter de la réception
de la demande, le troisième alinéa de l'article 43-14-1 offre
à la personne mise en cause la possibilité d'agir en
référé devant le président du tribunal de grande
instance. Aux termes de la présente disposition, cette action
s'exercerait contre le directeur de la publication.
En revanche, elle ne prévoit pas le cas dans lequel l'identité du
directeur de la publication n'est pas connue, l'éditeur non
professionnel ayant conservé l'anonymat. Cette hypothèse devra
être précisée par le pouvoir réglementaire, le
dernier alinéa de l'article 43-14-1 prévoyant d'ailleurs qu'un
décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application de
cet article.
Dans le cadre du dispositif prévu par cet article, le juge des
référés se verrait, enfin, expressément
conférer le pouvoir d'ordonner, le cas échéant sous
astreinte, la mise à disposition du public de la réponse.
3. La modification corrélative de la loi du 29 juillet 1982 sur la
communication audiovisuelle
La mise en place d'un régime spécifique de droit de
réponse en matière de communication publique en ligne posait la
question de l'application du régime du droit de réponse
prévu à titre général par
l'article 6 de la
loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication
individuelle.
Cette dernière disposition prévoit en effet actuellement un droit
de réponse au profit de toute personne physique ou morale dans
l'hypothèse où des imputations susceptibles de porter atteinte
à son honneur ou à sa réputation auraient
été diffusées par des «
services de
communication audiovisuelle entrant dans le champ d'application de l'article 43
de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication
».
L'article 43 susmentionné est relatif aux services de
vidéographie, appelés également
« télétextes », soumis à autorisation
préalable. Ces services étant, à certains égards,
assimilables à des services de communication en ligne, il convenait de
supprimer ce régime spécifique de droit de réponse.
En conséquence, le
VI de l'article 2 du présent projet de loi
prévoit
, à la suite d'un amendement du Gouvernement
adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, par
coordination, la
suppression du dernier alinéa du I de l'article 6 de
la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication individuelle
.
Article 79-7 nouveau de la loi du 30 septembre 1986
Sanctions
pénales en cas de non conservation
des éléments
d'identification des auteurs de
contenus
Le
IV
de l'article 2 du présent projet de loi, inséré
sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale en première lecture, définit
une
nouvelle incrimination pénale
, après l'article 79-6 de la loi
du 30 septembre 1986, précitée.
Le nouvel article 79-7 prévoirait des sanctions pénales à
l'encontre des
fournisseurs d'accès et des fournisseurs
d'hébergement
lorsque ces derniers n'auront pas satisfait aux
prescriptions de l'article 43-13 dans sa rédaction issue du
présent projet de loi.
Serait ainsi sanctionné d'une peine de 3.750 euros d'amende le fait,
pour une personne physique, de ne pas conserver les informations permettant
d'identifier les auteurs et éditeurs de contenus, ainsi que le fait de
ne pas déférer à la demande d'une autorité
judiciaire d'avoir communication de ces éléments.
Cette responsabilité serait également applicable aux personnes
morales dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code
pénal. Elles encourraient, dans ce cadre, une peine d'amende
définie selon les modalités prévues à l'article
131-38 du code pénal. Cette dernière disposition énonce
que le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est
égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par
la loi qui réprime l'infraction.
L'institution de sanctions pénales spécifique apparaît tout
à fait légitime. Cependant, certaines modifications doivent
être apportées à la rédaction du texte prévu
pour l'article 79-7 de la loi du 30 septembre 1986.
Par souci d'harmonisation avec les sanctions pénales prévues
par l'article L. 39-2 du code des postes et
télécommunications
à l'encontre des opérateurs
de télécommunications - et en particulier des fournisseurs
d'accès - qui n'auraient pas satisfait à leur obligation de
conservation de données d'identification, votre commission des Lois vous
soumet un
amendement
tendant à prévoir qu'en cas de non
conservation de données d'identification, les hébergeurs
personnes physiques seront punis d'un an d'emprisonnement et de 75.000 euros
d'amende et que les hébergeurs personnes morales se verront appliquer
une peine d'amende, dans les conditions prévues par
l'article 131-38 du code pénal et les peines prévues au
2° et 9° de l'article 131-39 du code pénal.
Article 79-8 nouveau de la loi du 30 septembre 1986
Sanction pénale
des auteurs de contenus pour manquement
à leur obligation de
communiquer les informations
permettant leur
identification
Le
IV
de l'article 2 du présent projet de loi insèrerait, en
outre, un nouvel article 79-8 dans la loi du 30 septembre 1986. Cette
disposition prévoirait une sanction pénale à l'encontre
des
éditeurs de services de communication publique en ligne qui
manqueraient à leur obligation de mise à disposition du public ou
du fournisseur d'hébergement des données permettant leur
identification
.
Pour les éditeurs personnes physiques, la peine prévue serait une
amende de 3.750 euros. La peine d'amende applicable aux personnes morales
serait déterminée selon les modalités prévues
à l'article 131-38 du code pénal.
Votre commission des Lois estime que le principe même d'une sanction
pénale est légitime. Toutefois, par souci de cohérence
avec l'incrimination qui serait désormais prévue à
l'article 79-8 de la loi du 30 septembre 1986, elle vous soumet un
amendement
visant à aligner les peines prévues à
l'encontre des éditeurs sur celles prévues pour les fournisseurs
d'accès et les hébergeurs.
Votre commission des Lois a émis un
avis favorable
à
l'adoption de l'article 2
du présent projet de loi
ainsi
modifié.
Article 3
(art. L. 332-1 et 335-6 du code de la propriété
intellectuelle)
Procédure de protection des droits de
propriété
intellectuelle
Cet
article modifie les dispositions des articles L. 332-1 et L. 335-6 du code de
la propriété intellectuelle afin que la procédure de
saisie-contrefaçon s'applique également dans le cadre des
services de communication publique en ligne.
Le développement des moyens de communication publique en ligne constitue
un véritable défi pour la protection des droits de
propriété intellectuelle. Il est à l'origine d'une
prolifération des cas de contrefaçons d'oeuvres
protégées par le droit d'auteur ou les droits voisins.
Comme le soulignait en effet le Conseil d'Etat, en 1998, «
le
risque de contrefaçon est beaucoup plus élevé dans ce
nouvel environnement dans la mesure où la copie numérique d'une
oeuvre est en réalité identique à l'original. En outre, il
est extrêmement aisé, sur un plan pratique, de
télécharger une copie, sur le disque dur d'un ordinateur et de la
dupliquer pour la transmettre ensuite, via le réseau, à un grand
nombre de personnes
».
31(
*
)
Tel est, en particulier, le cas des copies d'oeuvres musicales qui, grâce
au développement de certains logiciels - notamment les logiciels
« MP3 »
32(
*
)
- circulent de disque dur en disque dur par le biais du réseau Internet.
Ils favorisent ainsi la duplication de certaines oeuvres, souvent à des
fins de copies privées, mais également à des fins plus
commerciales.
Dans ce contexte,
il convenait donc de
renforcer les moyens
juridiques permettant de réprimer la contrefaçon
. Depuis mai
2001, il s'agit, en outre, de satisfaire à une obligation juridique.
La directive 2001/29/CE du 21 mai 2001 sur l'harmonisation de certains
aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société
de l'information impose en effet aux Etats membres, dans son article 8,
paragraphe 2, de prendre les «
mesures nécessaires pour
faire en sorte que les titulaires de droits dont les intérêts sont
lésés par une infraction commise sur son territoire puissent
intenter une action en dommages et intérêts et/ou demander qu'une
ordonnance sur requête soit rendue ainsi que, le cas
échéant, demander la saisie du matériel concerné
par l'infraction, ainsi que des dispositifs, produits ou composants
visés à l'article 6, paragraphe 2
. » Cette
disposition, tout comme le reste de la directive, devait être
transposée avant le 22 décembre 2002.
Le présent article procède à la transposition de cette
disposition en étendant l'actuel régime de
saisie-contrefaçon, prévu par le code de la
propriété intellectuelle, aux infractions commises dans le cadre
de la communication publique en ligne.
1. L'application de la procédure de saisie-contrefaçon en cas
de violation des droits de propriété intellectuelle dans le cadre
de la communication publique en ligne
Dans son étude précitée, le Conseil d'Etat avait
souligné que, dans sa forme actuelle, la procédure de
saisie-contrefaçon, définie à l'article L. 332-1 du code
de la propriété intellectuelle, ne pouvait servir utilement
à la lutte contre la contrefaçon sur Internet.
33(
*
)
L'article 3 du présent projet
de loi complète, en conséquence, le dispositif actuel afin qu'il
puisse s'appliquer à la lutte contre la contrefaçon dans le cadre
de la communication publique en ligne.
Aux termes du présent article, le président du tribunal de grande
instance territorialement compétent pourra, par une ordonnance rendue
sur requête, ordonner la
suspension du contenu d'un service de
communication publique en ligne portant atteinte aux droits d'un auteur
.
Pour ce faire, la présente disposition précise que le juge peut
prescrire tout moyen visant à réaliser cet objectif. Toutefois,
à titre illustratif, elle énonce que pourront être
ordonnés la cessation du stockage du contenu portant atteinte aux droits
de l'auteur ou, à défaut, le filtrage de l'accès à
ce contenu.
Comme il l'a fait à l'article 2, dans le texte prévu pour
l'article 43-12 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de la
communication, le présent projet de loi invite donc le juge à
privilégier des mesures à l'égard du fournisseur
d'hébergement et, si de telles mesures, compte tenu des circonstances,
s'avéraient inefficaces, à ordonner des mesures que devraient
mettre en oeuvre le fournisseur d'accès.
En toute hypothèse, cette précision ne saurait être
entendue comme impliquant que l'auteur lésé devra saisir d'abord
le juge d'une action à l'encontre de l'hébergeur. Il pourra
intenter son action uniquement contre le fournisseur d'accès s'il
considère que seules des mesures de filtrage permettront de mettre fin
à la violation des droits dont il est titulaire.
L'article L. 332-2 du code de la propriété intellectuelle
prévoit, à titre général, que dans les trente jours
de l'ordonnance sur requête rendue sur la base de l'article L. 332-1 du
même code, le saisi ou tiers saisi peut demander au président du
tribunal de grande instance la mainlevée de la saisie ou d'en cantonner
les effets. S'il fait droit à cette demande, le magistrat peut alors
ordonner la consignation d'une somme affectée à la garantie des
dommages et intérêts auxquels l'auteur pourrait prétendre.
Compte tenu des spécificités de la communication publique en
ligne et, en particulier, de la volatilité des contenus
hébergés, la rédaction prévue par le présent
article pour le 4° de l'article L. 332-1 du code de la
propriété intellectuelle précise que le délai de
l'article L. 332-2 est ramené à quinze jours.
2. L'extension de la procédure de saisie-contrefaçon aux
titulaires de droits voisins
L'article 3 du présent projet de loi prévoit de compléter
l'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle
par un dernier alinéa.
Cet ajout dépasse le seul domaine de la communication publique en
ligne : il a pour objet d'étendre l'ensemble de la procédure
de saisie-contrefaçon aux titulaires de droits voisins définis
par le livre II du code de la propriété intellectuelle. Ces
droits, qui présentent certains des caractères du droit d'auteur,
sont reconnus aux artistes-interprètes, aux producteurs de phonogrammes
et vidéogrammes, ainsi qu'aux entreprises de communication
audiovisuelle.
Or, actuellement, seul le titulaire d'un droit d'auteur sur une oeuvre
protégée peut bénéficier de la procédure de
saisie-contrefaçon.
Il convenait d'ouvrir également cette procédure aux titulaires de
droits voisins, tant pour des raisons pratiques que juridiques. En effet, la
directive communautaire précitée du 22 mai 2001 vise à
assurer la protection juridique des titulaires de droits voisins au même
titre que les auteurs.
Pour satisfaire à cette obligation, le présent projet de loi a
donc choisi
d'étendre l'ensemble du dispositif de l'article L. 332-1
du code de la propriété intellectuelle aux titulaires de droits
voisins
.
Ceux-ci pourront, en conséquence, obtenir du président du
tribunal de grande instance qu'il ordonne la suspension de la fabrication de
reproductions illicites, la saisie des exemplaires constituant une reproduction
illicite, la saisie des recettes provenant de cette reproduction, ainsi que la
suspension d'un service de communication publique en ligne portant atteinte
à leurs droits protégés.
3. La mise en ligne des décisions de condamnation
Le second alinéa de l'article L. 335-6 du code de la
propriété intellectuelle dispose que, lorsqu'une personne est
reconnue coupable du délit de contrefaçon, le tribunal peut
ordonner l'affichage ou la publication, dans les journaux qu'il désigne,
du jugement de condamnation.
Cette peine complémentaire peut sembler inadaptée lorsque la
contrefaçon d'une oeuvre protégée intervient dans le cadre
d'un service de communication publique en ligne.
Le II de l'article 3 du présent projet de loi prévoit, en
conséquence, de modifier le deuxième alinéa de l'article
L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle afin que le
tribunal puisse également ordonner la publication intégrale ou
par extraits de la décision de condamnation sur les services de
communication publique en ligne qu'il désigne.
Votre commission des Lois a émis un
avis favorable
à
l'adoption de
l'article 3
sans modification
.