III. UNE POLITIQUE DE FORMATION DES DEMANDEURS D'EMPLOI EN FRICHE
Chaque
année, près de 800.000 demandeurs d'emploi accèdent
à des actions de formation professionnelle.
Mais, alors que la formation des demandeurs d'emploi devrait constituer la
composante majeure des politiques actives de lutte contre le chômage dans
une perspective de retour durable à l'emploi, celle-ci reste encore
très imparfaite.
Le Gouvernement est d'ailleurs le premier à formuler un tel
constat :
« Il faut constater que la formation des demandeurs d'emploi
souffre aujourd'hui de nombreuses limites.
« Tout d'abord le paysage est complexe et peu lisible pour celui qui,
au chômage, souhaite suivre une formation ; l'accès aux
financements, l'accès à l'information, à l'insertion,
à l'offre de formation restent difficiles (...)
« En dehors des formations offertes par l'AFPA (plus de
70.000 personnes par an) la plupart des formations ne débouchent
sur aucune qualification ou certification ; d'ailleurs lorsque c'est le
cas, il ne s'agit même pas d'un critère de mesure de
l'efficacité de ces actions (...).
« L'éclatement des structures d'information et d'orientation
et la faiblesse des moyens consacrés à l'aide à la
construction du projet et au choix d'une formation sont des obstacles tout
aussi importants à lever que la diversité des dispositifs de
formation eux-mêmes (...).
« Malgré les progrès accomplis par les méthodes
d'évaluation, le contrôle de la qualité de l'offre et de la
pertinence des actions conduites au regard du public et de l'objectif
professionnel est encore insuffisant (...).
« Les conditions juridiques de la relation entre les organismes de
formation et les commanditaires publics résultent d'une circulaire de
1974. Ce cadre n'a pas été réactualisé, il en est
ainsi en particulier de la notion « d'heure-stagiaire » qui
enferme la commande publique et empêche une approche plus dynamique et
plus efficace au bout du compte.
« Le statut du stagiaire de la formation professionnelle qui est le
statut réservé aux demandeurs d'emploi en formation
nécessiterait un réexamen (...).
« Un phénomène préoccupant se
développe : à côté de ces stagiaires
rémunérés apparaît une population de plus en plus
importante, celle des stagiaires non
rémunérés. »
25(
*
)
Or, malgré ce diagnostic sévère, l'action du Gouvernement
en la matière a surtout pris la forme, là encore, d'un
désengagement budgétaire.
On observe en effet depuis 1997 une tendance à la baisse de la
dépense finale de formation en faveur des demandeurs d'emploi.
Part
des dépenses en faveur des demandeurs d'emploi
dans la dépense
finale de formation professionnelle
1997 |
1998 |
1999 (1) |
20 % |
18,2 % |
16,8 % |
(1) provisoire Source : DARES
Si cette tendance s'explique en partie par la baisse du chômage, elle tient aussi à une politique délibérée de retrait de l'Etat. Le projet de budget pour 2002 témoigne avec force de la poursuite d'une telle tendance.
A. UNE POLITIQUE DE RÉMUNÉRATION DES STAGIAIRES DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE FRAGILISÉE
1. Un paysage bouleversé par la nouvelle convention d'assurance chômage
Jusqu'à présent, l'Etat contribuait au
financement des
rémunérations des demandeurs d'emploi en formation selon un
double mécanisme.
Pour les chômeurs relevant du régime de solidarité, l'Etat
assure une rémunération au titre du livre IX du code du travail.
Il s'agit principalement des rémunérations des stagiaires de
l'AFPA et de celles, financées par le programme national de formation
professionnelle, des chômeurs suivant des formations
agréées par l'Etat.
Pour les chômeurs relevant du régime d'assurance, l'Etat
intervient, en complément de l'UNEDIC, en participant au financement de
l'allocation formation reclassement
(AFR).
L'Allocation Formation Reclassement
L'Allocation Formation Reclassement (AFR) a été
instituée par un accord des partenaires sociaux en date du
30 décembre 1987. Financée conjointement par l'Etat et
l'UNEDIC, elle a vocation à assurer la rémunération des
chômeurs bénéficiaires de l'allocation unique
dégressive (AUD) et entrant en formation.
L'AFR, dont le montant est égal à l'AUD et qui n'est pas
dégressive, est servie à titre de rémunération au
maximum pendant la durée des droits à l'assurance chômage
restant à courir après l'entrée en stage. Si la
durée de la formation excède la durée des droits à
l'assurance chômage, une allocation de formation de fin de stage, de
même nature et de même montant, est versée jusqu'à la
fin de la formation.
Un avenant à la convention financière du 2 juillet 1997
prévoit que l'Etat prend en charge 41 % des dépenses de
l'AFR, alors que les dispositions antérieures aboutissaient à un
taux de prise en charge d'environ 80 %.
Le montant des prestations versées au titre de l'AFR s'est
élevé à 969 millions d'euros en 1997,
859 millions d'euros en 1998, 789 millions d'euros en 1999 et
à 757 millions d'euros en 2000.
La convention d'assurance chômage du 1
er
janvier 2001 a
supprimé les nouvelles entrées en AFR à compter du
1
er
juillet 2001.
En 1998, ce furent ainsi quelque 400.000 demandeurs d'emploi qui
bénéficièrent d'une rémunération au titre du
régime public et 190.000 autres qui bénéficièrent
de l'AFR.
La rémunération des demandeurs d'emploi constituait alors, dans
ce cadre, l'un des trois principaux postes du budget de la formation aux
côtés des formations en alternance et des dotations de
décentralisation.
Crédits budgétaires de rémunération des stagiaires de la formation professionnelle
(en millions d'euros)
|
LFI 1999 |
LFI 2000 |
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Programme national de formation professionnelle |
141 |
141 |
153 |
156 |
Jeunes Etat |
2 |
2 |
2 |
2 |
Stagiaires AFPA |
137 |
153 |
153 |
153 |
AFR |
414 |
387 |
229 |
38 |
TOTAL |
694 |
683 |
537 |
349 |
C'est
ce paysage, au demeurant fort complexe et peu lisible, qui a été
bouleversé par la nouvelle convention d'assurance chômage du
1
er
janvier 2001.
La formation y est désormais considérée, dans le cadre du
projet d'action personnalisée
(PAP), comme le vecteur principal
de retour à l'emploi. Cela entraîne alors deux conséquences.
D'une part, les demandeurs d'emplois continuent à
bénéficier de
l'allocation de retour à l'emploi
(ARE) durant les périodes de formation. En conséquence, l'AFR est
supprimée à compter du 1
er
juillet 2001. L'UNEDIC
prend ainsi à sa charge la totalité de la
rémunération des demandeurs d'emploi indemnisés en
formation.
D'autre part, est instituée une nouvelle aide, financée par
l'UNEDIC, à la formation des demandeurs d'emploi indemnisés qui
suivent une action de formation prescrite par l'ANPE dans le cadre du PAP.
Cette aide doit permettre la prise en charge des frais de formation, des frais
de dossier et d'inscription et des frais de transport et d'hébergement
restant à la charge du salarié privé d'emploi. Elle vise
soit les actions de formation sélectionnées en fonction des
débouchés qu'elles offrent sur le marché de l'emploi, soit
les actions de formation dont la réalisation constitue un
préalable à l'embauche.
Cette convention vise en définitive à lever les obstacles encore
existants à l'entrée en formation des demandeurs d'emploi.
2. L'absence de compensation budgétaire à la disparition de l'AFR
Cette transformation du paysage de la formation des demandeurs d'emploi n'est pas sans conséquence budgétaire pour l'Etat car elle se traduit par l'extinction progressive de sa participation au financement de l'AFR.
Versement de l'Etat à l'UNEDIC au titre de l'AFR
(en millions d'euros)
LFI 1999 |
LFI 2000 |
LFI 2001 |
PLF 2002 |
414 |
387 |
229 |
38 |
En 2002,
seuls 38 millions d'euros de dotations budgétaires à ce
titre sont inscrits dans le projet de loi de finances : 15 sont
destinés à rémunérer les demandeurs d'emploi dont
l'entrée en stage a été décidée avant le
1
er
juillet 2001 et qui par conséquent
bénéficient encore de l'AFR, 23 sont destinés à
financer la future allocation de fin de formation.
Au total, la suppression de l'AFR se traduit par un
« gain » budgétaire de l'ordre de 380 millions
d'euros (soit près de 2,5 milliards de francs) en année
pleine.
On aurait alors pu imaginer que le Gouvernement en profite pour
redéployer au moins une partie de ces économies
budgétaires afin de favoriser la formation des demandeurs d'emploi, et
tout particulièrement ceux relevant du régime de
solidarité, qui reste largement imparfaite.
Or, le projet de budget pour 2002 se contente simplement de prévoir deux
mesures nouvelles en faveur de la formation des demandeurs d'emploi.
D'une part, il prévoit une
revalorisation des barèmes
forfaitaires de rémunération des stagiaires de la formation
professionnelle
. La dotation arrêtée pour 2002 à ce
titre est de 21 millions d'euros.
La
revalorisation des barèmes de rémunération
des
stagiaires de la formation professionnelle
Les
demandeurs d'emploi non indemnisés par le régime d'assurance
chômage qui sont stagiaires de la formation professionnelle sont
actuellement rémunérés en fonction d'un système
extrêmement complexe, comptant pas moins de dix barèmes
différents (dont huit forfaitaires). Ces barèmes sont
eux-mêmes fonction de critère d'activité professionnelle
antérieure, de situation personnelle (handicap, âge,
détention) ou familiale (parent isolé ou femme seule). Les
rémunérations s'échelonnent ainsi de 11 % du SMIC
à 1,8 SMIC.
Ce système souffre aujourd'hui de trois limites :
- une extrême complexité ;
- une très forte distorsion des barèmes ;
- l'absence de revalorisation depuis 1993.
Le programme de prévention et de lutte contre la pauvreté et
l'exclusion, présenté le 18 juillet dernier, a prévu la
simplification et la revalorisation des barèmes sur deux ans. Le nombre
de barèmes forfaitaires sera ainsi réduit de moitié et les
rémunérations des demandeurs d'emplois qu ne sont plus
indemnisés seront ainsi portés de 2.000 à 2.600 francs par
mois en 2002, puis à 3.200 francs en 2003.
D'autre part, la perspective de
mise en place d'une allocation de fin de
formation
(AFF) aux demandeurs d'emploi ayant épuisé leur
droit à indemnisation par le régime d'assurance sans avoir
achevé leur formation se traduit par l'inscription de 23 millions
d'euros de crédits à ce titre.
Ces mesures nouvelles sont à apprécier différemment.
Votre commission estime notamment que la revalorisation des barèmes est
tout à fait appropriée même si elle considère
qu'elle aurait dû s'accompagner d'une simplification accrue du dispositif.
Elle observe ainsi qu'elle devrait notamment contribuer à
prévenir les abandons de formation en cours de stage qui se sont
multipliés ces dernières années. On estime en effet que 15
à 20 % des stagiaires n'achèvent pas leurs parcours de
formation, souvent pour reprendre un emploi non qualifié, voire un
emploi intérimaire. Ces ruptures, fondée sur une démarche
à très court terme, semblent dangereuses car elles risquent
d'entraver l'employabilité à venir de ces personnes faute de
qualification reconnue. Dès lors, une revalorisation des barèmes
semble de nature à renforcer l'attractivité des formations sans
pour autant atteindre un niveau tel qu'elle désinciterait au retour
à l'emploi.
Votre commission ne méconnaît certes pas qu'une telle
revalorisation aura mécaniquement des répercussions
financières sur les régions, même si elles devraient
être relativement modestes, car les régions alignent leurs
barèmes de rémunération sur ceux de l'Etat.
Elle se félicite tout de même que le Gouvernement ait retenu une
telle mesure. Il est vrai qu'il en avait largement les moyens
budgétaires compte tenu de l'extinction de l'AFR.
Mais, à l'évidence, le compte n'y est pas.
Votre commission ne peut alors que constater que les craintes qu'elle avait
exprimées l'an passé sont devenues une réalité.
« Il reste qu'à partir du 1
er
juillet 2001, la
nature de la participation de l'Etat au financement de la formation des
chômeurs n'est ni définie, ni budgétée (...).
« Dans ces conditions, votre commission exprime la crainte que cette
incertitude budgétaire ne reflète qu'une volonté de
désengagement de la part de l'Etat laissant la charge de la formation
des demandeurs d'emploi aux seuls partenaires sociaux ».
26(
*
)
.
Le désengagement budgétaire de l'Etat du financement de la
formation des demandeurs d'emploi peut se chiffrer, pour la seule AFR, à
335 millions d'euros (2,2 milliards de francs) par an.
Votre commission considère un tel désengagement comme
inacceptable au moment où la formation des demandeurs d'emploi devrait
constituer une priorité nationale. Elle estime pour sa part que les
marges de manoeuvre budgétaires existantes auraient utilement pu
être redéployées dans le cadre d'une réforme
d'ensemble de la politique de formation des demandeurs d'emplois.
Celle-ci reste en effet segmentée entre deux logiques contradictoires.
D'un côté, on privilégie une politique d'incitation
à l'entrée rapide en formation des demandeurs d'emplois
indemnisés. C'était la logique de l'AFR. C'est désormais
la logique de la nouvelle convention d'assurance chômage.
De l'autre, la politique suivie à l'égard des demandeurs d'emploi
non indemnisés s'est largement restreinte à la formation des
chômeurs de longue durée, pour lesquels l'entrée en
formation n'est préconisée qu'après un an de
chômage : c'est la logique des stages d'insertion et de formation ou
celle des CQA.
Mais, entre ces deux logiques, il n'existe toujours pas de passerelle.
Votre commission regrette alors que le Gouvernement n'ait en définitive
choisi, dans un nouveau réflexe de frilosité budgétaire,
de déserter le champ de la formation des demandeurs d'emploi, laissant
celui-ci à la charge des partenaires sociaux, plutôt que d'engager
une réforme en profondeur du régime de
rémunération.
3. Un risque important de blocage
Ce
manque d'ambition est d'autant plus regrettable que le système de
formation des demandeurs d'emplois apparaît globalement fragilisé
par la mise en oeuvre, pour l'instant chaotique, du volet formation de la
convention d`assurance chômage.
Pour le moment, l'aide à la formation des demandeurs d'emploi n'est
toujours pas distribuée par l'UNEDIC, tandis que le taux d'accès
à la formation des demandeurs d'emploi sur prescription de l'ANPE n'a
pas augmenté.
Les blocages sont de deux ordres, chacun étant peu ou prou imputable
à l'action du Gouvernement.
D'une part, la mise en oeuvre du volet formation de la convention
d'assurance chômage passe par la conclusion préalable d'une
convention tripartite entre l'Etat, l'UNEDIC et l'association des
régions de France.
Cette convention doit établir le cadre des relations entre les trois
financeurs potentiels des formations accessibles aux demandeurs d'emploi
relevant du régime d'assurance chômage. Elle doit notamment
déterminer les missions respectives de l'Etat, de l'UNEDIC, et des
régions en matière d'identification des besoins de qualification,
de mise en place des dispositifs de formation, de prise en charge des
coûts et de suivi et d'évaluation des actions.
Or, cette convention n'est toujours pas signée alors même qu'elle
devra être ultérieurement déclinée dans chaque
région. Elle ne pourra vraisemblablement pas être mise en oeuvre
avant la fin du premier trimestre 2002.
Votre commission ne peut que regretter les retards accumulés par la
conclusion de cette convention. Certes elle ne méconnaît pas les
difficultés liées à cette négociation. Mais elle
observe cependant que la convention d'assurance chômage, conclue le 19
octobre 2000 et agréée le 4 décembre 2000, impliquait
dès l'origine une telle convention d'application.
Le second point de blocage est tout aussi préoccupant. Il tient au
retard très préjudiciable de publication du décret
instituant l'AFF.
La convention d'assurance chômage ayant supprimé l'AFR et
l'allocation de formation de fin de stage
(AFFS) qui avait vocation
à lui succéder, il est en effet nécessaire de mettre en
place une nouvelle
allocation de fin de formation
(AFF) destinée
à assurer la rémunération des demandeurs d'emploi ayant
épuisé leurs droits à indemnisation par le régime
d'assurance chômage sans avoir terminé leur formation. Cette
allocation, en garantissant un revenu de remplacement vise alors à leur
permettre de poursuivre la formation en cours. L'article 3 de la loi du 17
juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et
culturel, instituait une telle AFF, mais renvoyait à un décret en
Conseil d'Etat la définition du régime de cette allocation.
Mais ce décret, pourtant successivement annoncé pour septembre,
puis pour octobre, n'est toujours pas publié. Votre commission craint
d'ailleurs qu'il ne le soit pas avant la fin de l'année.
Cette situation est inacceptable car elle entrave sérieusement
l'accès à la formation des demandeurs d'emploi. En l'absence
d'AFF, l'ANPE hésite, en effet, à prescrire des formations
longues pour lesquelles elle ne sait si les stagiaires seront
rémunérés jusqu'au bout. Cela conduit alors soit à
reporter les entrées en formation au détriment d'un retour rapide
à l'emploi, soit à refuser toute formation longue même s'il
peut pourtant exister de durables pénuries de main-d'oeuvre dans
certaines professions.
On peut penser ici notamment aux infirmières
et aux assistantes sociales.
Le projet de budget prévoit certes l'inscription de crédits
à hauteur de 23 millions d'euros.
Il reste que le projet de décret qui a été
communiqué à votre rapporteur pour avis paraît tout
spécialement restrictif dans sa version provisoire.
Jusqu'à présent, l'ensemble des demandeurs d'emploi titulaires de
l'AFR pouvaient bénéficier, à l'extinction de leur droit
à indemnisation, de l'AFFS si leur formation n'était pas
achevée. L'AFFS était alors versée jusqu'à la fin
de la formation entreprise.
L'AFF en revanche ne pourrait bénéficier qu'aux chômeurs
n'ayant droit qu'à un maximum de sept mois d'indemnisation et pour une
durée limitée à quatre mois, même si des
« dérogations exceptionnelles »,
dont on ne
connaît d'ailleurs pas la nature, pourraient être
éventuellement envisagées.
Dans sa version provisoire, la nouvelle AFF se situerait donc doublement en
retrait par rapport à l'AFFS :
- elle ne bénéficierait pas à tous les demandeurs
d'emploi ;
- elle ne garantirait pas l'indemnisation pendant toute la durée de
la formation.
Votre commission ne peut bien évidemment pas s'associer à la
rédaction actuellement envisagée. Il lui paraît pour le
moins paradoxal que le nouveau régime soit bien moins favorable que
l'ancien alors même que le Gouvernement bénéficie de marges
de manoeuvre budgétaires substantielles liées à la
suppression de l'AFR.
Elle souligne en outre que le dispositif envisagé ne répond pas
à l'intention initiale du législateur telle qu'exprimée
dans les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 2001
précitée.
Au total, les retards enregistrés, pour une large partie liés aux
hésitations du Gouvernement, vont se traduire par un report de
près d'un an de la mise en oeuvre du volet formation de la nouvelle
assurance chômage, au détriment d'un retour rapide à
l'emploi des chômeurs.
B. UNE ADAPTATION DE L'AFPA AU POINT MORT
1. La réorientation délicate de l'activité de l'AFPA vers les demandeurs d'emploi
Le contrat de progrès 1999-2003 conclu entre l'Etat et l'AFPA a pour principal objectif de recentrer l'activité de l'AFPA vers la formation des demandeurs d'emploi, dans le cadre d'un nouveau partenariat avec l'AFPA.
L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes
Créée en 1949,
l'Association nationale pour la
formation professionnelle des adultes
(AFPA) est une association de la loi
de 1901 à gestion paritaire (Etat, partenaires sociaux) chargée
d'une mission de service public par délégation du ministre du
travail.
Composante du service public de l'emploi, elle intervient aux
côtés de l'ANPE et des services déconcentrés de
l'Etat, pour permettre à des personnes engagées dans la vie
active d'acquérir une qualification, de la maintenir ou de la
développer, afin de favoriser leur insertion ou leur évolution
dans l'emploi en fonction des besoins du marché du travail. Depuis 1994,
les relations de l'AFPA avec l'Etat sont régies par un
« contrat de progrès ». Le contrat signé pour
la période 1999-2003 précise que la mission centrale de l'AFPA
est de permettre à des demandeurs d'emploi adultes d'acquérir une
qualification favorisant leur insertion dans l'emploi.
L'AFPA est gérée par deux organes délibérants,
l'assemblée générale et le Bureau. Mais, comme le rappelle
la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 1997, « le
président élu » par l'assemblée
générale a toujours été choisi au sein du
collège des représentants de l'administration ; le
ministère du travail, chargé de la tutelle de l'AFPA,
désigne en fait le directeur général et le fait ensuite
agréer par « l'assemblée
générale ».
L'AFPA emploie 11.400 salariés, dont 4.700 formateurs et 700
psychologues du travail, répartis sur 265 sites de formation et en 192
services d'orientation. Elle gère également 144 lieux de
restauration et 17.200 lits pour assurer l'accueil des stagiaires. Elle
propose environ 500 types de formations pour 300 métiers.
Le budget de l'AFPA en 2002 devrait être de 958 millions d'euros.
L'exercice 2000 a ainsi marqué la deuxième année
d'exécution du contrat de progrès. En 2000, parmi les 145.000
personnes ayant suivi une formation à l'AFPA, près de 92.000
étaient des demandeurs d'emploi.
Un bref examen rétrospectif souligne cependant les difficultés
rencontrées par l'AFPA dans la réorientation de son
activité.
Part des demandeurs d'emploi dans les entrées en formation à l'AFPA (1)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Nombre d'entrées en stage |
159.300 |
161.120 |
149.200 |
145.259 |
Nombre de demandeurs d'emploi |
102.440 |
103.820 |
95.200 |
91.700 |
Proportion des demandeurs d'emploi |
64,3 % |
64,4 % |
63,9 % |
63,3 % |
(1)
Hors enseignement à distance.
Certes, l'activité d'orientation de l'AFPA s'est encore recentrée
sur les demandeurs d'emploi adressés par l'ANPE.
En 2000, l'AFPA a accueilli 194.000 personnes dans le cadre du
« service d'appui à l'élaboration d'un projet
professionnel »
(dit S2) dont 100.000 environ adressés par
l'ANPE. L'objectif fixé est donc atteint.
Il semble néanmoins difficile à l'avenir d'atteindre un objectif
de 80 % des entrées dans le programme S2 réservé aux
demandeurs d'emploi adressés par l'ANPE.
Activité d'orientation de l'AFPA en 2000
(en nombre d'entrées)
Services |
Commande publique et FSE |
Actions déconcentrées de l'Etat |
Collectivités territoriales |
CIF |
Marché privé |
Total 2000 |
Evolution sur un an |
Diagnostic des besoins |
67.311 |
139 |
24 |
366 |
55 |
67.895 |
- 18,9 % |
Construction et validation d'un parcours de formation (S2) |
190.837 |
667 |
122 |
1.551 |
883 |
194.060 |
+ 6,3 % |
Evaluation des compétences et des acquis professionnels (ECAP) |
18.806 |
495 |
17 |
499 |
496 |
20313 |
+ 28 % |
Suivi et soutien des stagiaires en formation |
44.737 |
243 |
108 |
53 |
189 |
45.330 |
- 5,4 % |
Accompagnement vers et dans l'emploi |
45.296 |
628 |
124 |
26 |
40 |
46.114 |
+ 1,2 % |
Services spécifiques |
27.370 |
15.061 |
6.116 |
511 |
45.187 |
94.245 |
- 7,5 % |
Total |
394.357 |
17.233 |
6.511 |
3.006 |
46.850 |
467.957 |
- 2,0 % |
Source : AFPA
De même, l'activité de formation de l'AFPA s'est elle aussi
concentrée sur la commande publique et sur la formation des
demandeurs d'emploi.
Désormais, la moitié des demandeurs d'emploi entrés en
formation le sont dans le cadre d'une relation organisée avec l'ANPE. On
reste cependant en deçà de l'objectif fixé à 65 %.
Activité de formation de l'AFPA en 2000
|
Entrées |
Evolution sur un an |
Etat (commande publique) et FSE |
73.095 |
- 2,0 % |
Hors commande publique dont : |
72.164 |
- 3,0 % |
Etat |
10.439 |
- 15,7 % |
Collectivités territoriales |
8.157 |
- 0,9 % |
Entreprises |
53.568 |
- 0,4 % |
Total |
145.259 |
- 2,5 % |
Enseignement à distance |
20.838 |
+ 41,2 % |
Total général |
166.097 |
+ 1,4 % |
Source : AFPA
Ces résultats en demi-teinte dans un contexte de ralentissement de
l'activité globale de l'AFPA ne doivent cependant pas masquer l'ampleur
des évolutions déjà accomplies par l'AFPA depuis quelques
années.
Il reste que l'évolution du contexte dans lequel intervient l'AFPA exige
désormais un nouvel élan dans son adaptation.
2. Une indispensable révision du contrat de progrès
En 2002, la subvention de fonctionnement de l'Etat à l'AFPA -qui représente les trois quarts des recettes de l'association- devrait augmenter de 2,3 %, soit un rythme près de deux fois moindre à celui enregistré en 2001.
Subvention de fonctionnement de l'Etat à l'AFPA
(en millions d'euros)
LFI 1998 |
LFI 1999 |
LFI 2000 |
LFI 2001 |
PLF 2002 |
610 |
629 |
661 |
689 |
704 |
Cette
évolution s'inscrit, comme l'an passé, dans le cadre du
déroulement normal du contrat de progrès.
Elle n'appellerait donc pas d'observation particulière si
l'exécution du contrat de progrès pouvait encore faire l'objet
d'un tel déroulement normal.
Or, le contexte dans lequel a été conclu le contrat de
progrès a si profondément évolué qu'il tend
aujourd'hui à rendre celui-ci obsolète.
Les objectifs du contrat de progrès 1999-2003
Le
deuxième contrat de progrès, conclu pour la période
1999-2003, doit être l'occasion de poursuivre et de renforcer les
avancées du premier contrat : ainsi en est-il de la modernisation
de la gestion de l'AFPA, de la démarche engagée de
déconcentration interne et de répartition régionale de ses
moyens, de l'évolution de son dispositif de formation et de la gestion
de ses ressources humaines, en vue d'accroître la performance globale et
l'efficacité de l'association.
Il exprime par ailleurs des inflexions dont la finalité est de mieux
situer l'AFPA dans sa mission de service public. Cet objectif
général doit conduire l'association à progresser dans
quatre directions :
• centrer sa mission, en complémentarité avec celle
dévolue à l'ANPE, sur les services apportés aux demandeurs
d'emploi en vue de leur retour dans l'emploi.
Pour cela l'AFPA devra agir
de façon à :
-
organiser avec l'ANPE un dispositif intégré d'appui
personnalisé aux demandeurs d'emploi jeunes et adultes pour la
construction de leur projet professionnel, dans lequel l'AFPA veillera à
la bonne adéquation du recours à la formation, que celle-ci se
déroule à l'AFPA ou dans un autre organisme,
- permettre aux demandeurs d'emploi adultes, dans la perspective de la
formation tout au long de la vie, d'acquérir ou de développer une
qualification certifiée, adaptée aux évolutions des
activités économiques, des métiers, des techniques et des
organisations, en leur proposant un ensemble de prestations articulées
en fonction de leurs besoins et leurs capacités,
• ancrer plus fortement son activité dans les objectifs et les
priorités des politiques publiques pour la formation professionnelle et
l'emploi.
L'AFPA contribuera, par l'ensemble de son activité,
à la réalisation des objectifs définis par le plan
national d'action pour l'emploi et notamment son volet de prévention et,
en particulier, la promotion de l'égalité des chances entre les
femmes et les hommes ;
• renforcer ses liens avec les deux autres composantes du service
public de l'emploi,
les services déconcentrés de l'Etat et
l'ANPE, à la fois pour l'accès au dispositif qualifiant de
l'AFPA, et pour mettre en complémentarité les services en faveur
de l'accès à l'emploi des demandeurs d'emploi ;
• affirmer et clarifier ses modes de relations avec les partenaires du
service public de l'emploi
que sont les régions et les branches
professionnelles, et travailler plus étroitement avec les entreprises au
plus près du terrain, en complémentarité et en
cohérence avec sa mission centrale de qualification des demandeurs
d'emploi.
Source : préambule du contrat de progrès.
L'année 2002 devrait en effet transformer en profondeur les conditions
d'intervention de l'AFPA à deux égards.
En premier lieu, le volet formation de la convention d'assurance
chômage devrait enfin être pleinement applicable l'an prochain.
Dans ce cadre, la mise en oeuvre généralisée du PAP
impliquera une adaptation de l'action du service public de l'emploi. Or, le PAP
repose avant tout sur des actions d'orientation, d'évaluation des
compétences et de formation qui relèvent à
l'évidence du champ d'intervention traditionnel et des
compétences de l'AFPA.
Cela impose notamment à l'AFPA de restructurer son offre de formation
pour l'adapter aux nouvelles exigences posées par la convention.
Mais, pour l'heure, il semble qu'aucune réflexion approfondie n'ait
été menée sur le positionnement de l'AFPA dans ce nouveau
paysage de prise en charge des demandeurs d'emploi. Cette modernisation doit
principalement viser le développement de formations courtes et
« sur-mesure » dans la perspective d'un retour rapide
à l'emploi. On rappellera à ce propos que la durée moyenne
des formations proposées par l'AFPA était de 764 heures en
2000, en augmentation de 10 heures par rapport à 1999. Cette
modernisation exige également une réactivité accrue aux
évolutions du marché du travail pour mieux prendre en compte les
besoins de formation qui apparaissent à l'échelle territoriale.
En second lieu, le projet de loi relatif à la démocratie de
proximité devrait être également applicable courant 2002.
Or, celui-ci comporte d'importantes dispositions qui ne manqueront pas
d'influer fortement sur l'organisation et l'action de l'AFPA.
Ainsi, le projet de loi entend favoriser la contractualisation entre l'AFPA et
les régions, de manière à assurer une meilleure
adéquation entre l'offre de formation de l'AFPA et le
plan
régional de développement des formations professionnelles
(PRDF) élaboré par la région. Il autorise donc les
régions à arrêter les schémas régionaux de
formation de l'AFPA.
Au total, ce devrait être environ 80 % de l'activité de
l'AFPA qui sera à l'avenir définie à l'échelon
régional.
Or, là encore, aucune implication n'est pour l'instant tirée de
cette déconcentration de l'AFPA, au demeurant fort proche d'une
régionalisation pure et simple.
Ces deux évolutions majeures rendent désormais
nécessaire une révision rapide du contrat de progrès qui
semble désormais en partie caduc. Mais, pour l'heure, le Gouvernement ne
paraît pas pressé de redéfinir les orientations
stratégiques de l'AFPA. Votre commission le regrette et craint que cette
absence de pilotage n'entraîne en définitive une fragilisation de
l'AFPA qui reste pourtant un instrument indispensable de notre politique de
formation.
*
* *
La
politique de formation des demandeurs d'emplois, qui relève pourtant en
premier chef de la responsabilité de l'Etat au titre de la
solidarité nationale, apparaît aujourd'hui en
déshérence.
Le Gouvernement n'a pris la mesure de la nouvelle convention d'assurance
chômage, ni pour réformer sa politique de
rémunération des demandeurs d'emploi en formation, ni pour
moderniser les conditions d'intervention de l'AFPA, au risque de retarder la
mise en oeuvre du volet formation de cette convention et de mettre en
péril l'avenir de l'AFPA.
En la matière, le projet de budget pour 2002 témoigne en
définitive d'un immobilisme sans doute principalement motivé par
la perspective d'économies budgétaires de court terme.