II. UN SECTEUR OÙ LE MAINTIEN DE L'EMPLOI EST LOIN D'ÊTRE ASSURÉ
1. La flottille de pêche française se caractérise par un lent et régulier déclin en volume
Au 31 décembre 2000, la flotte métropolitaine comptait 5.803 navires armés représentant une puissance de 917.945 kilowatts.
EVOLUTION DE LA FLOTTE DE PÊCHE FRANÇAISE
EN
NOMBRE DE NAVIRES
Source
: CAAM - situation au 31 décembre
2000
On constate une
diminution continue
de la flotte française. Cette
situation, qui préoccupe votre rapporteur, résulte de la mise en
oeuvre des réductions opérées dans le cadre des programmes
d'orientation pluriannuels successifs.
De ce point de vue, on ne peut que regretter la lenteur avec laquelle les
pouvoirs publics autorisent le renouvellement de la flotte, et ce malgré
l'autorisation de Bruxelles. Au rythme actuel, il faudrait deux siècles
pour renouveler intégralement la flottille... or la moyenne d'âge
des navires ne cesse de s'élever, au détriment de la
sécurité.
Comme à l'accoutumée, l'examen de la structure de la flotte
française fait apparaître
une prédominance des petites
unités de moins de 12 mètres
, c'est-à-dire des
navires artisans de petite pêche côtière.
En effet, parmi les 5.803 navires que compte la flotte de pêche
métropolitaire, se trouvent :
- 156 navires de pêche industrielle et semi-industrielle (plus
de 25 mètres) ;
- 1.297 navires de pêche artisanale et hauturière (de 12
à 25 mètres) ;
- 4.829 navires artisans de petite pêche côtière
(moins de 16 mètres), dont 4.291 de moins de
12 mètres.
Entre 1995 et 2001, le nombre de navires de moins de 16 mètres a
diminué de 5.712 à 4.829 (15,45 %), reflétant les
obligations de réduction de l'effort de pêche imposées par
la réglementation communautaire. La classe des navires de pêche
industrielle a diminué de 8,77 % et celle des 16 à
25 mètres de 14,5 %. Entre 1995 et 2001, au total, la flotte
métropolitaine a diminué de 11,97 % en nombre
d'unités, avec une contraction concomitante de 9,13 % de la
puissance.
C'est ainsi qu'en 2000, pour satisfaire aux objectifs du POP IV,
différentes mesures ont été mises en oeuvre au niveau
national afin de réduire la capacité de la flotte et l'effort de
pêche. A ce titre, une capacité totale de 12.500 kilowatts a
été inscrite au plan de sortie de flotte ouvert en 2000.
La Bretagne représente la région la plus concernée par
la pêche maritime puisqu'elle totalise 40 % de la puissance totale
des navires.
La façade méditerranéenne totalise 19 % de la
puissance des navires.
2. La situation des marins pêcheurs et des conchyliculteurs
Le déclin progressif de la flotte de pêche française entraîne naturellement une diminution des emplois.
a) Des emplois en diminution
Les effectifs de marins
embarqués à
la
pêche font l'objet de deux modes de comptabilisation :
- le nombre total de marins embarqués au 31 décembre
est le mode de calcul traditionnel ; il ne reflète cependant pas
l'activité de l'ensemble des marins qui ont embarqué de
façon régulière au cours de l'année ;
- le nombre de marins embarqués à la pêche plus de
trois mois en cours d'année ; ce chiffre, outre qu'il
reflète mieux l'activité réelle, est de plus celui retenu
pour les comparaisons internationales. Selon le mode de calcul
, le nombre de
marins embarqués au 31 décembre 2000 était de 28.623,
y compris la « conchyliculture - petite
pêche ».
Globalement, l'emploi à la pêche est
en constante diminution
depuis dix ans
. La diminution des effectifs s'est poursuivie entre
1997 et 2000 à un rythme annuel moyen de - 1,8 %. La
pêche française a perdu de la sorte 1.600 marins en trois
ans, dont 1.128 à la petite pêche, soit 5 % de ses
effectifs.
L'évolution de l'emploi par genre de navigation montre néanmoins
une reprise de l'emploi à la grande pêche depuis un an et la
stabilité depuis trois ans des effectifs de la
conchyliculture-petite pêche.
La petite pêche concentre
l'essentiel (71 %) des pertes d'emplois.
Si l'on suit l'évolution de l'emploi par façade maritime sur les
trois dernières années, toutes sont atteintes par la baisse des
effectifs, même si les DOM-TOM (- 2,1 %) résistent. Deux
façades sont particulièrement touchées,
Poitou-charentes/Aquitaine (- 9,4 %) et Pays de Loire
(- 9,5 %).
Tous les genres de navigation ne représentent pas le même nombre
d'emplois.
Le secteur de la petite pêche est traditionnellement dominant. En 2000,
ce dernier représentait 43,3 % des emplois, tout en ayant
enregistré la diminution la plus marquée (- 5,1 %).
Les demandeurs d'emploi
Selon l'UNEDIC, le nombre de demandeurs d'emplois indemnisés à la
pêche industrielle est passé de 576 en 1991 à moins de 300
en 1998, soit une baisse continue. La proportion de chômeurs
indemnisés est établie aux environs de 1,8 % de la
population active du secteur en 1998.
Ces chiffres doivent néanmoins être maniés avec
précaution, car les marins pêcheurs artisans ne s'inscrivent pas
systématiquement à l'ANPE, du fait notamment de la non
affiliation de ce secteur à l'assurance chômage des ASSEDIC et du
faible recours des entreprises de pêche artisanale au réseau de
l'ANPE. Les objectifs de réduction de l'effort de pêche et de
restructuration de l'appareil productif ont conduit les pouvoirs publics
à instaurer des dispositifs d'accompagnement social des cessations
d'activité :
- la cessation anticipée d'activité (CAA) constitue une
préretraite servie aux marins et patrons-pêcheurs depuis 1995
à la condition d'être âgé d'au moins 50 ans
à la date de licenciement. Les bénéficiaires
reçoivent un revenu de remplacement calculé en fonction de leur
âge ;
- l'allocation complémentaire de ressources (ACR) assure un revenu
de remplacement aux marins pêcheurs privés involontairement
d'emplois. L'ACR se substitue aux prestations-chômage de l'UNEDIC, pour
les marins non adhérents à ce régime. Elle est servie sous
condition d'être licencié en raison d'une sortie de flotte et
d'être à la recherche d'un nouvel emploi.
Les perspectives
Lors de l'élaboration de la loi d'orientation sur la pêche du
18 novembre 1997, le législateur a envisagé une
amélioration de la protection des marins contre les différentes
formes de chômage. Un rapport sur ce thème a été
remis au Parlement en août 1998.
Toutefois, votre rapporteur pour avis regrette d'avoir à constater que
plusieurs textes d'application à caractère social de la loi
d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines ne sont
toujours pas parus, contrairement aux décrets et arrêtés
prévus dans le domaine économique.
b) Un système de formation dont la réforme devra remédier à la pénurie de main d'oeuvre
La
formation est indissociable de l'exercice de la profession de marin
pêcheur, qui est notamment subordonnée à l'obtention de
brevets de navigation.
Votre rapporteur pour avis rappelle que les
professionnels appellent de leurs voeux une meilleure prise en compte de la
spécificité de ce métier
, qui devrait se traduire par
une plus grande place faite à l'embarquement dans la formation initiale
ainsi qu'à la dimension économique et gestionnaire du rôle
du chef d'entreprise à la pêche artisanale.
Les réformes engagées dans l'adaptation des cursus de formation
ainsi que celles prévues par la loi d'orientation sur la pêche
maritime de 1997 visent à répondre à ces
préoccupations. Ainsi, la loi d'orientation a prévu
l'élargissement du champ d'action du fonds d'assurance formation de la
pêche et des cultures marines et le développement de
l'apprentissage. Elle prévoit également un encouragement à
la formation économique des chefs d'entreprise de pêche artisanale
par le biais d'une incitation fiscale à l'installation pour les jeunes
patrons qui auront suivi une telle formation.
Votre rapporteur pour avis est, en revanche, plus circonspect sur la mise en
oeuvre de la
réforme du statut des personnels de l'enseignement
maritime.
L'organisation des systèmes de l'enseignement maritime et aquacole
secondaire s'avérant compliquée, et trop refermée sur
elle-même, il était proposé, dès 1996,
d'intégrer les personnels de l'Association pour la gérance des
écoles de formation maritime et aquacole (AGEMA) dans les corps
existants de la fonction publique.
Le rapport présenté à cette époque allait plus loin
en dessinant les évolutions induites par ce passage sous statut
public :
- une relation plus étroite entre les lycées d'enseignement
maritime et aquacole (LEMA) et les écoles nationales de la marine
marchande (ENMM), ouvrant ainsi la voie à la création d'un
véritable service public de l'enseignement maritime ;
- une réflexion prospective sur les moyens humains et le
fonctionnement qui, à terme, doit se traduire par une véritable
politique de la pédagogie du système ;
- une reconnaissance de l'originalité de l'éducation
maritime dont la polyvalence des enseignants est une richesse ainsi que son
système de formation continue qui facilite la promotion sociale des gens
de mer, tout en étant résolument tourné vers
l'international.
Une disposition législative a été introduite dans la loi
de finances 2000 pour intégrer les agents de l'AGEMA sous statut public
(article 133 de la loi de finances n° 99-1172 du
30 décembre 1999).
Le décret n° 2001-33 fixant les conditions
d'intégration des personnels de l'AGEMA a été pris en
Conseil d'Etat le 10 janvier 2001 et sera complété par
un certain nombre d'arrêtés d'application.
Cette intégration sera finalisée le 1
er
décembre 2001 pour les personnels intégrés dans un des
corps d'accueil du Ministère de l'Equipement, des Transports et du
Logement (METL) et le 1
er
janvier 2002 pour ceux
intégrables au Ministère de l'agriculture et de la pêche
(MAP).
Pour le personnel non intégré (contractuel), un règlement
intérieur est en cours d'élaboration.
Par ailleurs, les conséquences sociales du changement de statut des
salariés de l'AGEMA, sont gérées dans le cadre d'un accord
collectif d'entreprise en cours d'élaboration.
Votre rapporteur pour avis tient à souligner que la réforme de
l'enseignement maritime ne saurait se limiter au changement de statut des
personnels de l'AGEMA
.
En effet, face aux difficultés de recrutement de main d'oeuvre que
rencontrent les armateurs, qui amènent les uns à recruter des
étrangers (portugais, polonais, ukrainiens...), les autres à
rester à quai, les derniers à appareiller à
équipage réduit au détriment de la sécurité,
il convient de repenser et de revaloriser l'enseignement maritime.
La
désaffection à l'égard des métiers de la
mer
est imputable à plusieurs facteurs :
- des conditions de travail difficiles : le métier de
marin-pêcheur se caractérise par une pénibilité
forte (cadences fatigantes, nuits en mer...) et par une dangerosité
avérée ;
- un manque de reconnaissance, commun à tous les métiers
« manuels » ;
- le défaut de perspectives : un jeune ne peut songer à
s'installer un jour à son compte dans un contexte de non-renouvellement
de la flottille ;
- des rémunérations pas toujours suffisantes pour compenser
les points précédents. L'image du métier de
marin-pêcheur peine à se défaire des payes négatives
rendues publiques en 1993-1994, alors qu'elles se situaient dans un contexte
exceptionnel entraîné par la baisse
généralisée des prix et par les dévaluations
compétitives des pays européens voisins, clients ou concurrents
de la France.
Plusieurs pistes permettant de résorber cette difficulté
mériteraient d'être explorées.
D'une part, il faudrait
inciter les gens de mer à accroître
leur présence dans les écoles.
Les professionnels conviennent
eux-mêmes de leur manque d'implication dans le système
d'enseignement maritime et de la nécessité d'accueillir plus
d'élèves stagiaires en mer. Le développement de
l'alternance signifie une ouverture réciproque et une collaboration
accrue entre la sphère professionnelle et le corps enseignant.
D'autre part,
un décloisonnement plus large de l'enseignement
maritime s'impose
. Des passerelles entre l'enseignement
général et l'enseignement de la pêche autoriseraient une
plus grande souplesse dont bénéficieraient tant les
élèves que les professionnels. Ainsi, la création de
baccalauréats professionnels, maillons manquants entre le niveau
secondaire et le niveau supérieur, et souhaités par les
professionnels à l'instar de ceux existant dans le domaine agricole,
fournirait aux élèves un socle de connaissances
générales leur offrant des possibilités de reconversion
plus aisée vers d'autres secteurs, que ne permettent pas les brevets
d'enseignement professionnel (BEP) et certificats d'aptitude professionnelle
(CAP). En outre, les professionnels estiment que certaines fonctions techniques
à bord des bateaux (mécanicien...) devraient pouvoir être
confiées à des diplômés de CAP ou BEP
généraux et non spécifiquement maritimes.
Votre rapporteur pour avis souligne que les lacunes du système actuel
tiennent pour beaucoup à une sectorisation- qui, si elle reconnaît
la spécificité de l'éducation maritime et autorise la
polyvalence des enseignants, n'en est pas moins préjudiciable par
certains aspects-, l'enseignement maritime relevant du ministère de
l'Equipement, des Transports et du Logement et non de l'Education nationale.
Il insiste sur le caractère crucial de la pénurie de main
d'oeuvre,
imputable tant à la désaffection pour les
métiers de la mer qu'à l'inadéquation entre offre et
demande de main d'oeuvre au sein de chaque flottille.
Il appelle le
Gouvernement à y remédier rapidement, cette pénurie
risquant de s'accroître
avec la mise en place des 35 heures dans
la pêche, les départs en retraite massifs qui interviendront
prochainement et les cessations anticipées d'activité qu'un
prochain décret devrait proposer aux marins de la pêche et du
commerce ayant été exposés à l'amiante dans le
cadre de l'exercice de leur profession.