III. UNE RENTABILITÉ ET DES RÉMUNÉRATIONS À LA PÊCHE GREVÉES PAR LE PRIX DES CARBURANTS
1. Une rentabilité amoindrie
La
hausse du prix moyen des ventes de poisson a permis de compenser la stagnation
des tonnages de pêche débarqués en 2000.
Toutefois, cette relative bonne tenue des chiffres d'affaires n'a pu
permettre de maintenir les excédents bruts d'exploitation
.
En effet, la flambée des prix du pétrole, conjuguée
à la dépréciation de l'euro face au dollar, ont
provoqué une
forte hausse des prix du gazole
(+ 75 %)
au cours de l'année 2000 -et un triplement sur trois ans-
qui, bien que compensée partiellement par des mesures de
réduction de charges, a affecté très sérieusement
la rentabilité des bateaux. Celle-ci baisse donc pour l'essentiel des
segments et notamment pour les hauturiers (dont la consommation de gazole est
très importante).
Ainsi, en Bretagne, l'Observatoire économique régional des
pêches maritimes, mis en place par la Fédération bretonne
de la Coopération maritime, a publié une synthèse des
résultats 2000 qui met au jour une
baisse notoire des
excédents bruts d'exploitation sur la décennie
écoulée :
(1.000 francs constants 2000)
Type de bateau |
1989 |
1990 |
1999 |
2000 |
Hauturiers 20,5-24 m |
1 031 |
786 |
772 |
568 |
Hauturiers 19-20,5 m |
654 |
470 |
470 |
422 |
Hauturiers 15-17 m |
410 |
453 |
280 |
185 |
Langoustiniers hauturiers |
879 |
686 |
546 |
466 |
Côtiers intermédiaires |
406 |
348 |
298 |
298 |
Source
: Observatoire économique
régional des pêches maritimes -
Note de synthèse
1999/2000.
Certes, il existe de bons taux de rentabilité pour certaines entreprises
de pêche, pouvant atteindre 15 à 20 % des capitaux investis
sur certaines pêcheries spécialisées. Mais certains types
de pêche, en particulier chalutière, connaissent en revanche des
difficultés croissantes, étant, en effet, très sensibles
à la hausse des coûts d'exploitation induite par la montée
du prix du gazole.
Le gazole constitue, en effet, un poste important pour l'équilibre des
comptes d'exploitation des navires de pêche. Le prix de vente du gazole
suit l'évolution du marché pétrolier. Après une
certaine stabilisation ces dernières années et une baisse
significative en 1998, le prix de vente a subi une hausse brutale et continue
depuis le début de l'année 1999 (le prix moyen était
de 0,74 franc au 1
er
janvier 1999 contre
1,60 franc -1,80 franc courant juillet 2000).
La poursuite de
la hausse des prix du pétrole (qui vaut encore 1,60 francs au
1
er
octobre 2001) fragilise de nombreux armements. Cette charge, qui
se place en deuxième ou troisième position, après les
charges de personnel et d'armement, peut représenter dorénavant
près de 20 % des coûts d'exploitation (contre 10%
début 1999) d'un navire. Variable selon le type de métier
pratiqué, cette brutale augmentation des frais communs est
particulièrement lourde pour les chalutiers
, qui développent
les puissances les plus importantes. L'augmentation du prix du gazole touche
d'autant plus la France qu'une grande partie de la pêche française
s'effectue hors des eaux territoriales françaises.
Les effets de cet alourdissement de charges sont d'autant plus
sévères que la structure du marché des produits de la mer
rend sa répercussion très difficile sur le prix des produits
vendus.
2. Des rémunérations en baisse
Cette
évolution a eu des répercussions immédiates sur le revenu
des pêcheurs.
Le poste de charge dont relève le gazole pèse, en effet, d'un
poids considérable dans le revenu des armements et des marins
pêcheurs pour lesquels tout accroissement des frais communs, s'il n'y a
pas amélioration du chiffre d'affaires, entraîne une diminution
parallèle et mécanique de la part qui revient aux
équipages.
Dès la fin 1999, l'impact du prix du gazole était
déjà sensible et a affecté l'évolution moyenne des
résultats des entreprises de pêche et donc le revenu des
équipages, poussant, en août de cette même année, de
nombreux armements à stopper les navires et à débarquer
les équipages, ce qui a entraîné de vifs mouvements sociaux
et le blocage généralisé des ports au
deuxième semestre 2000.
Ainsi, en Bretagne, par exemple, sur les dix premiers mois de
l'année 2000, a pu être constatée une baisse des
rémunérations brutes des équipages hauturiers de plus de
8 % par rapport à l'année 1999.
D'une manière plus générale, on notera que l'incidence
d'une augmentation de 1 franc par litre de gazole sur le « reste
à partager » des équipages a été
évaluée à un niveau variant de 4 % pour les plus
petits fileyeurs à près de 16 % pour les chalutiers de plus
de 24 mètres.
Face à cette sévère dégradation de la
rémunération des pêcheurs, le Gouvernement a mis en oeuvre
un plan global pour la pêche au deuxième semestre 2000 dans
l'optique de ramener le prix du gazole à un prix compatible avec
l'équilibre des armements et la juste rémunération des
pêcheurs.
Ce plan global pour la pêche a permis d'atténuer tout ou partie du
surcoût subi par les entreprises de pêche en raison de l'inflation
du prix du carburant.
Votre rapporteur pour avis souligne toutefois que cette amélioration
ne doit pas dissimuler la fragilité persistante de l'équilibre
économique des flottilles.
Quand bien
même ces difficultés ne seraient que conjoncturelles, la tendance
de fond à la diminution de la flotte française et des emplois ne
cesse de l'inquiéter
. Si les évolutions observées ces
dix dernières années se poursuivent, et qu'aucune mesure n'est
prise afin de soutenir la filière, il est, en effet, à craindre
que la baisse des effectifs de marins et navires ne prenne des proportions
alarmantes et n'entraîne un sinistre de l'économie littorale des
secteurs dépendants de la pêche.
On peut se demander si les
pouvoirs publics communautaires ne s'en accommoderaient finalement pas. La
commission des Affaires économiques et son rapporteur pour avis refusent
de l'envisager et appellent le Gouvernement à défendre notre
tradition maritime et à tout mettre en oeuvre pour développer et
moderniser nos entreprises de pêche.