2. Un système dont la qualité a tendance à se dégrader
La plupart des universités coréennes ont
été créées selon le modèle de
l'Université Nationale de Séoul. Ainsi, la faculté de
lettres est divisée systématiquement en section de langue et
littérature coréennes, puis en section de langue et
littérature anglaises, et ainsi de suite pour les sections des autres
langues.
Rappelons toute la prééminence de la littérature dans les
études anciennes. Seule, l'Université des Langues
Etrangères de Séoul ne reproduit pas cette organisation, mais
favorise davantage l'enseignement/apprentissage des langues-cultures en
général.
La sclérose des programmes d'études est aussi à l'image
de la rigidité de l'organisation des facultés : une
réflexion autonome de chaque établissement sur le contenu de son
enseignement n'a pas été faite, mais on a transposé un
système tout fait, sans tenir compte de sa particularité, ni de
ses finalités. Ce système a pu fonctionner au début mais,
à partir du moment où le nombre d'étudiants s'est
multiplié et où les enseignants ont négligé leurs
recherches, l'ensemble du système s'est dégradé
inéluctablement.
Les étudiants sont entassés dans des salles
aménagées pour un nombre relativement limité : les cours
de langues et les travaux pratiques se déroulent dans des conditions
défavorables. Finalement, les étudiants préfèrent
compléter leur formation dans les instituts privés, au lieu
d'attendre l'amélioration de la situation et même les professeurs
les y encouragent. Ainsi, l'Alliance Française complète
l'enseignement/apprentissage de la langue-culture française et profite
de la carence en ce domaine des soixante-quinze facultés pourvues de
section française.
________________________
16
45 livres par étudiant contre 100 livres par
étudiant à l'Université de Singapour et 135 à
l'Université de Hong-Kong, SISA Journal de la même date.
3. Le système universitaire face à l'évolution démographique et à la concurrence internationale
Malgré tous les problèmes
précités, les universités coréennes continuent
à profiter de leur prestige et de l'extrême attachement des
Coréens aux études supérieures. Cependant, cette situation
exceptionnelle ne va pas tarder à être remise en cause. D'abord,
avec la chute de la natalité, le nombre des candidats au concours
d'entrée commence à diminuer : 916 200 en 1990, 778 700 en 1994.
Le nombre d'étudiants devrait décroître au-dessous de 600
000 à partir de l'an 2005 et cette tendance devrait se prolonger
au-delà.
Ensuite, l'accord de l'Uruguay Round va accélérer l'installation
d'annexes d'universités étrangères, fort estimées
en Corée. Les instituts privés locaux, incapables de faire face
à la concurrence internationale, risquent de fermer leurs portes. Un
rapport récent, rédigé par le Centre du
Développement de l'Education, a décrit cette situation comme
" proche de la faillite "
17
.
Il souligne,
à
ce sujet, que les Etats-Unis, l'Angleterre, l'Australie et le Canada,
représentent la plus grande menace. Pour les établissements de
ces pays, à la qualité certaine mais souffrant de déficit
financier, la Corée, avec sa demande débordante, demeure un
marché alléchant. La question se pose de savoir comment les
universités locales pourront se préparer sereinement à
cette concurrence.
L'Université de Yonsé, après une étude approfondie
dirigée par un comité de professeurs et de parents, propose le
renforcement des programmes en langues étrangères et en
informatique, ainsi qu'une spécialisation dans les études
coréennes, en continuité avec sa tradition
18
.
L'Université bouddhique de Wonkwang représente une parfaite
illustration de cette nouvelle orientation. Installée dans le sud-ouest
du pays, elle s'efforce d'offrir une éducation solide et globale
à partir d'un approfondissement de la
"
coréanité
", garant d'une adaptation
réussie au monde extérieur.
Sur le plan national, le Ministère de l'Education a
décidé d'évaluer régulièrement la
capacité éducogène de chaque établissement, en
commençant par les sections de haute technologie, directement
liées au développement économique du pays. Ainsi,
quarante-cinq départements d'électronique et cinquante-quatre
départements de sciences physiques ont passé le premier test
national. L'évaluation globale, sur l'ensemble des facultés,
se fera tous les cinq ans à partir de 1996. Ce
_______________________
17
Comment le secteur de l'éducation affrontera-t-il
l'ouverture ? Article paru dans le Courrier de la Corée (revue
hebdomadaire éditée par Korea Herald), n° 870, 15 janvier
1994, Séoul, p. 22.
18
Depuis sa création, l'Université de Yonsé a
favorisé la recherche sur la langue-culture (Kuk-Hak). Ainsi, le
professeur Hyun-Bae CHOI a élaboré le premier grand dictionnaire
de coréen, les Professeurs In-Bo CHUNG, Nam-Un BAIK ont approfondi cette
recherche, SISA Journal, 14 octobre 1993.
nouveau système contrôlant à la fois le nombre, la
qualité et l'intérêt pratique de toutes les dispositions
prises, entraînera sans doute une amélioration et apportera
peut-être même la solution de cette crise.
En ce qui concerne l'enseignement/apprentissage des langues
étrangères, bien que le gouvernement reconnaisse son importance,
rien n'est encore proposé et les étudiants continuent
" les leçons privées ",
grâce aux parents
qui paient volontairement. Mais, cela pourra-t-il perdurer dans ce
système déjà fort sélectif, discriminatoire, et
surtout très coûteux ?
En dépit de l'attention que l'Etat porte aux questions liées
à l'éducation et des efforts pécuniers des familles, la
capacité éducogène du système éducatif
coréen reste limitée et, de ce fait, encore perfectible.