III. LA CORÉE ET LES LANGUES-CULTURES ÉTRANGÈRES
Historiquement, la première influence
étrangère fut celle de la Chine. Sa prédominance
culturelle s'est notamment manifestée par l'adoption des
idéogrammes chinois, seule langue écrite jusqu'à
l'invention de l'alphabet coréen et toujours utilisée par la
suite.
Les contacts avec le Japon furent sporadiques et principalement à la
suite de conflits, en particulier lors de l'invasion du XVIe siècle et
de la colonisation du début du XXe siècle.
L'ouverture de la Corée à l'Occident est beaucoup plus
récente. Les deux seuls contacts qui eurent lieu au XVIIe siècle,
à l'occasion de naufrages de bateaux hollandais restèrent sans
lendemain.
Un siècle et demi plus tard (1776), la Corée fut de nouveau
confrontée à un apport occidental, à travers
l'introduction du catholicisme. Mais, en butte aux autorités locales,
les missionnaires et les convertis furent l'objet de persécutions.
L'attitude méfiante des Coréens à l'égard des
étrangers s'expliquait par les épreuves subies au cours des
nombreuses invasions, notamment japonaises et mongoles. Leur perception des
étrangers était liée aux horreurs de la guerre et, par
ailleurs, la Chine était considérée comme la seule
puissance civilisée : cela entraîna le repli sur soi et la
fermeture durable des esprits à tous apports extérieurs.
C'est seulement après la signature des traités d'amitité
et de commerce (1882-1886) que l'enseignement des langues occidentales et des
sciences humaines dans les nouvelles écoles permit aux Coréens de
se rendre compte des dimensions du monde. Ils réalisèrent enfin
qu'ils avaient eu tort d'avoir appelé leur pays
" la Grande
Corée "
et que d'autres puissances
existaient en dehors
de leur voisin modèle.
Préalablement à l'étude détaillée de la
langue-culture française, il est apparu intéressant de
décrire la place qu'occupent aujourd'hui les principales langues
étrangères enseignées, pour montrer leurs relations ainsi
que les éléments favorables et défavorables à leur
développement.
A. LE CHINOIS
1. Forte influence chinoise dans le passé
La Corée a longtemps considéré la
Chine comme le modèle de la civilisation, en raison du rayonnement
culturel de ce
" Pays centre du Monde "
, rayonnement
également favorisé par la proximité géographique.
Les historiens coréens admettent que leurs ancêtres sont
entrés dans la péninsule à partir de la Chine du Nord et
de la Mandchourie au Ve siècle avant J.C.
Très tôt, les peuplades du Nord-Ouest se virent soumises à
l'influence culturelle chinoise dans différents domaines :
- la langue (introduction des idéogrammes chinois) ;
- l'agriculture (culture du riz et de l'orge) ;
- l'organisation judiciaire (premiers éléments d'un code
civil et pénal).
Le déclin et la chute de la dynastie chinoise des Han en 220 permit aux
Coréens de consolider les assises de leurs trois premiers royaumes :
celui du Nord (Koguryo), soutenu par une aristocratie militaire en lutte
ouverte contre la Chine, celui du Sud-Ouest (Paekche) aux terres fertiles et au
climat plus clément, entretenant d'excellentes relations avec la Chine,
et celui du Sud-Est (Silla) le moins imprégné d'influence
chinoise.
Cette influence atteignit son apogée sous la dynastie des Tang, l'une
des périodes les plus brillantes de l'histoire chinoise. La
Corée, unifiée par le royaume de Silla au VIIe siècle,
adopta le modèle administratif des Tang sous une forme mieux
adaptée à sa tradition. En voici un exemple : en pays Silla,
seuls les nobles pouvaient gouverner, alors qu'en Chine les postes
administratifs étaient attribués aux lauréats des examens
impériaux sans distinction de classes. Ce système
démocratique ne pouvant être appliqué tel quel, la
difficulté fut tournée en décrétant que lesdits
examens seraient réservés aux garçons de familles
aristocratiques. Comme ces épreuves exigeaient une parfaite connaissance
des classiques chinois, les lettrés coréens,
imprégnés des idées confucéennes, adoptèrent
pour eux-mêmes des noms de famille chinois qui devinrent de plus en plus
courants dans la classe instruite.
Aujourd'hui encore, ces noms sont préservés grâce à
la conservation de la généalogie de chaque famille.