I. LES RÉFORMES DU NOUVEAU GOUVERNEMENT HONGROIS

A. UNE ALTERNANCE HISTORIQUE ?

Les élections législatives des 11-25 avril 2010 se sont traduites par un véritable raz-de-marée au bénéfice du FIDESZ.

Lors des précédentes élections tenues en avril 2006, la coalition au pouvoir, le Parti socialiste hongrois - Alliance des démocrates libres (MSZP-SZDSZ), dirigée par le Premier ministre de l'époque Ferenc GYURCSANY (MSZP), avait remporté 210 des 386 sièges en jeu, devenant le premier gouvernement à être reconduit depuis l'effondrement du régime communiste en 1990. Son principal rival, l'Union civique hongroise - Parti chrétien-démocrate du peuple (FIDESZ-KNDP), a remporté 164 sièges. Le Forum démocratique hongrois (MDF) et l'Association du Comté de Somogy (Somogyért) avaient remporté respectivement 11 sièges et 1 siège.

Le pays a connu une forte croissance économique jusqu'à ce que la crise économique mondiale le frappe en 2008. La Hongrie a évité la faillite grâce à un renflouement international de 20 milliards d'euros du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de l'Union européenne. Toutefois, le gouvernement n'est pas parvenu à faire adopter des mesures pour redresser l'économie, et le Premier ministre Gyurcsany a démissionné en mars 2009. Le Ministre de l'économie de l'époque, M. Gordon Bajnai (MSZP), a accepté de prendre la relève jusqu'aux élections de 2010, à condition que l'Assemblée nationale adopte les mesures d'austérité économique imposées par le renflouement. Le programme d'austérité de son gouvernement comporte des augmentations d'impôt et des réductions des salaires et des retraites.

Le taux de chômage est resté élevé (plus de 11 % en mars 2010). Le MSZP a en outre été affaibli par une série d'affaires de corruption impliquant ses membres et ses responsables. En conséquence, le FIDESZ-KDNP - dirigé par l'ancien Premier ministre Viktor ORBAN - était donné vainqueur dans les sondages précédant les élections de 2010. Les autres principaux concurrents étaient le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik - extrême droite), un parti de droite, et Faire de la politique autrement (LMP), parti libéral écologiste fondé en février 2009.

Le FIDESZ-KDNP a fait campagne sous le slogan « Le temps est venu ! » (« Itt az ido ! »). Il a promis de créer un million d'emplois en 10 ans, de stimuler les prêts, de soutenir les petites entreprises et de réduire les impôts.

Le Jobbik, fondé en 2003, est connu pour sa rhétorique anti-Rom et antisémite. Il a remporté près de 15 % des voix aux élections au Parlement européen en juin 2009. Le dirigeant du Jobbik, Gabor Vona, a affirmé que « la Hongrie appartient aux Hongrois ». En 2007, le Jobbik a créé la Garde hongroise (organisation aujourd'hui interdite), dont les membres portent des uniformes semblables à ceux que portaient les membres du parti fasciste des Croix fléchées avant la Seconde guerre mondiale. M. Vona s'est engagé à porter l'uniforme de la Garde hongroise lors de son premier jour au Parlement 1 ( * ) . La participation du Jobbik aux élections de 2010 a suscité une vive controverse. Le FIDESZ-KDNP a dit qu'il n'entrerait en aucun cas dans une coalition avec le Jobbik. Le Premier ministre BAJNAI (MSZP), qui ne s'était pas présenté aux élections de 2010, a vivement incité les partis modérés à s'unir contre les extrémistes. Il a affirmé que le Jobbik détruirait la démocratie hongroise, le qualifiant publiquement de « monstre » . Les médias ont évoqué l'éventualité d'une alternance et l'apparition d'une force extrémiste à l'Assemblée nationale. Le MSZP a soutenu la candidature de M. Attila MESTERHAZY, économiste de 36 ans, au poste de Premier ministre.

Au premier tour des élections, tenu le 11 avril, 64,38 % des 8 millions d'électeurs inscrits se sont rendus aux urnes. 265 membres sur 386 ont été élus au premier tour. Le FIDESZ-KDNP a remporté une victoire retentissante en obtenant 206 des 265 sièges confirmés au premier tour. Il s'est adjugé sans difficulté l'ensemble des 119 sièges élus des circonscriptions uninominales. Le MSZP est arrivé loin derrière en deuxième position, ne remportant que 28 sièges. Le Jobbik est entré pour la première fois au Parlement, arrivant en troisième position avec 26 sièges. Le LMP a remporté cinq sièges. Le MDF n'étant pas parvenu à dépasser le seuil de 5 %, sa dirigeante, Mme Ibolya DEVID, a annoncé sa démission.

Lors du second tour qui a eu lieu le 25 avril, le FIDESZ-KDNP a remporté 57 sièges supplémentaires et détient ainsi 263 sièges à l'Assemblée nationale qui en compte 386. Le MSZP et le Jobbik ont remporté respectivement 59 et 47 sièges. 35 femmes ont été élues.

Cette nette victoire (54 % des voix), amplifiée par le mode de scrutin, a donné au FIDESZ une majorité supérieure aux deux tiers (68 % des sièges exactement) qui lui permet de réaliser son programme mais également de transformer substantiellement les institutions hongroises dans une approche qualifiée par de nombreux observateurs de « partisane ».

Le mode de scrutin de l'Orszaggyules (Assemblée nationale hongroise )

Les 386 députés hongrois sont élus par un scrutin mixte, majoritaire et proportionnel : 176 circonscriptions uninominales élisent autant de députés ; 20 circonscriptions territoriales -départementales, et celle de la capitale, élisent 146 députés ; les 64 autres sont élus sur les listes nationales de "compensation" présentées par les partis.

Dans les circonscriptions locales, il est prévu deux tours de scrutin, chaque électeur votant pour un candidat et pour une liste de parti. Si, dans une circonscription locale, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des suffrages au premier tour ou que le nombre de votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé à un deuxième tour de scrutin. Dans ce cas (moins de votants que la moitié des électeurs), tous les candidats inscrits au premier tour peuvent se présenter à nouveau; est alors déclaré élu le candidat qui recueille le plus grand nombre de suffrages, à condition que 25 % au moins des électeurs de la circonscription aient voté.

Dans le premier cas (absence de majorité absolue), tous les candidats ayant obtenu au moins 15 % des suffrages valables peuvent entrer à nouveau en lice; s'il y en a un ou deux qui remplissent cette condition, les trois candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour sont autorisés à tenter de nouveau leur chance. En tout état de cause, comme pour le premier cas, est déclaré élu le candidat qui obtient le plus grand nombre de suffrages, à condition que 25 % au moins des électeurs de la circonscription aient voté.

Dans les 20 circonscriptions territoriales, les élections sont au scrutin proportionnel (quotient électoral simple) à un tour, à moins que le nombre des votants soit inférieur à 50 % des électeurs inscrits. Les partis qui recueillent moins de 5 % des suffrages n'ont pas droit à un siège à travers ce système.

Les 64 sièges de "liste nationale" sont attribués aux partis selon un système de proportionnelle intégrale sur la base du "reliquat des voix", c'est-à-dire, le total national des suffrages qui avaient été exprimés en faveur des candidats ou des listes éliminés.

En cas de vacance de sièges de circonscriptions relevant du scrutin uninominal, il est procédé à des élections partielles, alors que, pour les sièges relevant d'une liste territoriale ou nationale, ce sont les partis qui désignent les remplaçants des titulaires parmi les candidats figurant sur la liste originale.


Il n'existe pas de sièges réservés ou de quotas pour les femmes, les minorités ethniques ou autres catégories. Le vote n'est pas obligatoire et la participation les 11-25 avril s'est élevée à 64,38 %.


* 1 Cette attitude a alors été condamnée par le chef de l'Etat de l'époque, M. Laszlo Solyom, qui a déclaré (AFP, 14 mai 2010) : « tous les élus doivent respecter les lois (...) Un député qui dérange la séance inaugurale du Parlement en commettant un délit, sachant que la loi sur l'immunité lui donne carte blanche ne se fait du tort qu'à lui-même ».

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