B. LE RÔLE DU SÉNAT DU CAMBODGE ET LES CONSÉQUENCES À ATTENDRE DE LA DÉCENTRALISATION
1. Le Sénat du Cambodge
Au cours de son déplacement au Cambodge, la délégation du groupe d'amitié s'est entretenue à plusieurs reprises avec les hauts responsables du Sénat du Cambodge (le Président Chea Sim, le Vice-Président le Prince Sisowath Chivan Monirak), et des sénateurs membres du groupe d'amitié Cambodge-France.
L'accueil organisé par le Sénat du Cambodge, sous la direction de Mme Ty Borasy, présidente de la commission des affaires étrangères et du groupe d'amitié Cambodge-France, a été particulièrement chaleureux et constructif. Les échanges ont notamment permis de mesurer le souhait des sénateurs cambodgiens de remplir au mieux leurs fonctions au service des citoyens, et notamment des représentants des collectivités territoriales, qui sont désormais leurs électeurs, depuis la réforme du mode de scrutin.
Le principe de la création d'une deuxième assemblée au Cambodge a en effet été décidé en novembre 1998 dans le but de résoudre la crise née des élections législatives de juillet, aucun des partis en lice n'ayant obtenu la majorité des deux tiers pour gouverner seul. Le compromis réalisé sous les auspices du Roi Norodom Sihanouk, entre Hun Sen, vice-président du Parti du Peuple Cambodgien (PPC) vainqueur des élections, et le Prince Ranariddh, président du FUNCINPEC, reposait sur l'attribution de la présidence de l'Assemblée Nationale à ce dernier, celle du Sénat étant accordée à son prédécesseur, Chea Sim, président du PPC. La deuxième assemblée du Cambodge a été officiellement créée par un amendement constitutionnel du 8 mars en 1999.
Nommés sur la base des résultats obtenus par les trois formations aux élections législatives de 1998, les 61 sénateurs ont tenu leur première session le 25 mars 1999. La composition de la Haute Assemblée était alors la suivante : PPC, 31 sièges, FUNCINPEC, 23 si l'on inclut les deux sénateurs nommés par le Roi, Parti Sam Rainsy (PSR), 7.
Le Sénat a été doté de pouvoirs relativement limités mais réels : initiative des lois conjointement avec l'Assemblée nationale, possibilité d'amendement des textes adoptés par cette dernière (le dernier mot revenant à l'Assemblée) ; saisie du conseil constitutionnel. Le président du Sénat se voit par ailleurs confier l'intérim du chef de l'Etat - une fonction précédemment dévolue au président de l'Assemblée nationale.
Nommés en 1999 pour cinq ans, les sénateurs ont vu leur mandat prolongé d'une année, à deux reprises, en 2004 et 2005. La loi électorale a finalement été promulguée le 20 juin 2005 prévoyant :
- un scrutin proportionnel indirect à la plus forte moyenne, pour 57 des 61 sénateurs ;
- un collège électoral composé des élus locaux et des députés, soit 11.384 grands électeurs ;
- un découpage du territoire en huit circonscriptions.
La loi de 2005 rappelle que deux sénateurs sont nommés par le Roi et que deux autres sont élus - à la majorité relative - par les députés.
Depuis, les premières élections sénatoriales se sont déroulées dans le calme, le 22 janvier 2006 , trois semaines après le lancement d'une campagne qui a été essentiellement marquée par la diffusion à la télévision et à la radio de spots réalisés par les quatre formations en présence, les trois partis représentés à l'Assemblée nationale (PPC, FUNCINPEC et PSR) et le Parti Démocratique Khmer (PDK) et par une importante manifestation des partis de l'opposition dans les rues de la capitale, deux jours avant le scrutin. Le PSR qui aurait souhaité une élection au suffrage universel direct ou un report des sénatoriales en 2007, après l'organisation des deuxièmes élections locales, ne s'est résolu à participer au scrutin que tardivement (10 octobre 2005).
Le scrutin s'est, sans surprise, traduit par une large victoire du PPC, victorieux aux élections communales de février 2002 et aux législatives de juillet 2003 ; il pouvait compter sur une majorité de grands électeurs. Ainsi, le PPC a obtenu 45 élus (31 en 1999), le FUNCINPEC 10 élus (21 en 1999) et le PSR 2 élus (7 en 1999). Si 29 des 31 anciens sénateurs PPC ont obtenu un nouveau mandat, ils ne sont que 5 sur 21 dans le cas du FUNCINPEC et 1 sur 7 pour le PSR. Chea Sim, président sortant du Sénat, a été réélu le 20 mars 2006 à la quasi-unanimité (60 voix sur 61).
Au-delà de l'importance de la victoire du PPC, l'une des autres caractéristiques de cette élection a concerné l'entrée au Sénat de plusieurs hommes d'affaires importateurs et distributeurs de cigarettes, propriétaires d'hôtels et de casinos, de sociétés de concessions forestière ou de production d'huile de palme, de caoutchouc, liés à la construction ou aux services portuaires. Ils ont tous le titre « d'okhna », distinction attribuée aux personnes ayant contribué de manière significative au développement du pays.