II. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES SIGNIFICATIFS

A. UN RECUL APPARENT DANS UN MARCHÉ QUI DÉPEND POUR PARTIE DU POLITIQUE

Le commerce avec l'Irak s'effectue dans le cadre très contraignant des sanctions imposées depuis août 1990.

Depuis 1996 dans le cadre des dispositions de la résolutions 1986 « pétrole contre nourriture » la France, en partie en raison de ses positions équilibrées vis-à-vis de l'Irak, a obtenu un montant cumulé de contrats de plus de 3,5 milliards de dollars durant les sept première phases de ce programme.

Ce lien politique évident, valable pour tous les pays travaillant en Irak, est du reste clairement affirmé par les responsables irakiens. C'est ainsi qu'en septembre 2001, le nouveau ministre des affaires étrangères , M. Naji Sabri AL HADITHI, a déclaré que l'Irak « ne fermait pas la porte aux entreprises françaises, mais qu'il était illogique de leur accorder la priorité dans la mesure où la position française sur l'Irak à l'ONU avait évolué ».

Toutefois, l'interprétation des échanges économiques avec l'Irak dépend de son mode de présentation. Le ministère du commerce irakien publie des informations relatives aux contrats conclus et à leur montant financier potentiel. Hors il est évident que bon nombre de ces contrats sont bloqués et mis en attente par le comité des sanctions et que certains contrats n'aboutissent pas du fait de la défaillance du fournisseur. Enfin, les statistiques irakiennes donnent une photographie à un instant donné alors que de nombreux contrats n'ont de réalisation effective que deux à trois ans après qu'ils aient été conclus par les irakiens.

Cette position présentation plus politique que technique permet une classification officieuse des partenaires de l'Irak en fonction de leur nationalité.

Selon cette classification notre pays n'appartiendrait pas à la liste « prioritaire » qui comprendrait les pays qui soutiennent le plus l'Irak parmi lesquels on peut citer la Russie, l'Inde, la Chine et les pays arabes les plus proches comme la Syrie, l'Egypte, la Jordanie, le Yemen, le Liban, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Turquie, les Emirats arabes unis. Cette liste traduit bien la stratégie du gouvernement irakien qui privilégie les attributaires de contrats selon des critères politiques et géographiques. Cette dernière stratégie confirme clairement la réorientation du commerce légal irakien vers ses voisins. Quatre pays - l'Egypte, la Jordanie, la Syrie et les Emirats arabes unis se partageaient en août 2001 40% du marché irakien.

Pourtant la France serait en tête de la liste « non prioritaire » notamment avant les autres pays européens. Avec environ 3% du marché irakien la France se situerait en onzième position.

Selon cette lecture, il s'agirait d'un recul très significatif puisque de décembre 1996 à juin 2000 (Phases I à VII) nos entreprises possédaient 15 % environ de ce marché. Cette situation exceptionnelle et remarquable s'est dégradée lorsque les autorités irakiennes ont fait le choix de « l'option arabe » qui privilégiait l'approche régionale et géographique. En phase VIII la France occupait la sixième position avec un montant de 500 millions de $ (contre 153 M$ en phase IX) et avait 6% du marché irakien.

Ce recul s'est effectué de manière caractéristique au profit de pays comme la Syrie, la Turquie ou la Tunisie mais aussi du Vietnam et de l'Australie. Le lien entre intérêts politiques et économiques est particulièrement clair pour la Syrie dont les parts de marché ne cessent de progresser au rythme des visites du Premier ministre ou du président Bachar El Hassad.

Mais ce recul s'est également effectué au profit de la Russie, considérée par Bagdad comme son principal soutien au Conseil de sécurité. Ce pays détient désormais plus de 8% de parts de marché (contrats conclu avec l'Irak) à l'issue de la phase IX du programme « pétrole contre nourriture ». Mais il faut également souligner qu'elle détient également le triste record des contrats en attente au comité des sanctions. Il n'est du reste pas à exclure que le déblocage d'une partie de ces contrats en attente n'ait pas contribué à l'adoption à l'unanimité de la résolution 1382, le 29 novembre 2001.

Ce recul de notre part de marché serait d'autant plus significatif qu'il correspond à des contrats passés avant le refroidissement politique entre nos deux pays dû à la « nouvelle approche » des sanctions du Conseil de sécurité. Nos entreprises disposent donc d'une marge de progression appréciable qui pourra être d'autant mieux mise à profit que leurs efforts seront soutenus politiquement. Une des voies intéressantes à explorer est évidemment celle de soumissionner aux contrats par l'intermédiaire de filiales implantées dans les pays arabes désormais favorisés par Bagdad.

Toutefois, ce recul ne serait qu'apparent et dépend de la présentation statistique retenue par le gouvernement irakien. En termes de flux commerciaux, la France demeure le premier fournisseur de l'Irak en 2000 et 2001 avec 14% de parts de marché.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page