COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
M. Serge
MATHIEU, président du groupe d'amitié
(Républicain Indépendant, sénateur du Rhône)
M. Edmond LAURET
(Rassemblement pour la République, sénateur de la Réunion)
M. Marc MASSION
(Groupe socialiste, sénateur de Seine Maritime)
M. Michel PELCHAT
(Républicain Indépendant, sénateur de l'Essonne)
La délégation était accompagnée de M. Olivier
DELAMARE DEBOUTTEVILLE, administrateur des services du Sénat,
secrétaire exécutif du groupe d'amitié ainsi que de :
Mme Nadia BENAMER, chirurgien orthopédiste
M. Gabriel LENA , neurochirurgien pédiatre
M. Jean Marie PRIVAT, neurochirurgien
INTRODUCTION
Dans la
longue histoire de l'après guerre du golfe, des voix de plus en plus
nombreuses se sont élevées contre les conséquences
humanitaires et l'inefficacité politique de l'embargo imposé
à ce pays sur la base d'un impressionnant dispositif juridique de l'ONU.
L'objectif de l'embargo sur les armes n'est certes contesté par
personne, pas même par les autorités irakiennes. Il n'en va pas de
même de l'embargo sur les biens civils. On a suffisamment
dénoncé, dans de nombreux rapports, de nombreuses
conférences, le caractère ubuesque de certaines décisions
du Comité des sanctions interdisant l'acquisition de biens pouvant avoir
un double usage, civil et militaire, pour qu'il soit utile d'y revenir ici.
Les conséquences humanitaires catastrophiques de l'embargo ont conduit
l'ONU et le Conseil de Sécurité à mettre en place en 1996
le programme « pétrole contre nourriture » afin de
tenter de desserrer l'étau qui se refermait sur la population civile.
Si ce dispositif a eu une certaine efficacité en ralentissant la
dégradation de la situation sanitaire et sociale, mais non en la
stoppant, il n'a en rien empêché l'Irak de contourner les
restrictions imposées en laissant se développer un important
marché de contrebande et en multipliant les accords régionaux
avec ses voisins.
Les chiffres avancées par l'UNICEF font état d'au moins 1 million
de morts supplémentaires par rapport à la tendance naturelle en
10 ans d'embargo. Sans qu'il soit nécessaire de rentrer dans un
débat inutile sur la définition du génocide, il s'agit
bien là d'un acte de cette nature par son ampleur comme par son
caractère implacablement organisé et par la connaissance qu'ont
les responsables de ses conséquences sur la population.
On ne veut certes pas dire que l'objectif de l'embargo était d'organiser
un génocide mais, de manière tout aussi terrible, que la
première conséquence de l'embargo a été un
génocide rampant pendant 10 années de souffrances
supportées par le peuple irakien, notamment les plus faibles d'enter
eux, les enfants. Ces chiffres sont connus et officiels. Ce qui signifie
malheureusement qu'ils ne peuvent être ignorés de ceux qui, aux
gouvernements ou au Comité des sanctions, continuent à prendre
des décisions mortifères.
Quant à l'objectif politique de l'embargo qui était de faire
s'effondrer le régime conduit par M. Saddam HUSSEIN, l'expérience
cubaine aurait suffit pour en démonter l'inanité. Loin de
fragiliser le régime en faisant monter une opposition intérieure,
elle a conduit à un renforcement de celui-ci.
Le groupe d'amitié France Irak du Sénat a de longue date
milité pour une levée totale de l'embargo, principalement pour
des raisons humanitaires, mais aussi parce que l'expérience nous
enseigne que la démocratie dépend étroitement du
développement économique et social. Le grand poète
Rabindrahna TAGORE exprimait magnifiquement cette idée en affirmant que
« ventre creux n'a pas d'oreille ».
C'est cette conviction et cet objectif qui ont conduit le groupe
d'amitié à organiser au mois de juin 2001 une mission en Irak. La
délégation, conduite par son président M. Serge MATHIEU,
était composée de MM. Edmond LAURET, Marc MASSION et Michel
PELCHAT.
L'objectif de cette mission était de se rendre compte sur place des
conséquences sanitaires et sociales de l'embargo. C'est la raison pour
laquelle la délégation était accompagnée de trois
médecins venus opérer en Irak : Mme Nadia BENAMER,
chirurgien orthopédiste, Jean Marie PRIVAT, neurochirurgien et Gabriel
LENA, neurochirurgien pédiatre. Le rapport de ces praticiens qui nous a
été remis en janvier 2002 est joint en annexe de ce rapport
d'information.
Ce rapport exprime les analyses et les opinions de ses
auteurs
. Nous n'avons pas cru utile d'ajouter au caractère terrible
de ce rapport dont le constat est accablant et moralement inacceptable.
Depuis juin 2001, le contexte des relations avec l'Irak a été
modifié par deux faits marquants :
D'une part l'adoption des résolutions 1352 et 1382, respectivement du
1
er
juin et du 29 novembre 2001 va modifier, en l'assouplissant, le
programme « pétrole contre nourriture »,
D'autre part, les événements tragiques du 11 septembre ont
modifié l'approche que les principales puissances, et notamment les
États-Unis d'Amérique, ont de l'avenir des relations de la
communauté internationale et de l'Irak. La question d'une intervention
militaire américaine contre ce pays semble se préciser de plus en
plus.
Face à ses modifications, l'Irak a jusqu'à présent
adopté une attitude de rejet totale. Il demande une levée pure et
simple de l'embargo qui le frappe et refuse que lui soient imposées de
nouvelles modalités d'application des sanctions. Depuis 1998, l'Irak
s'oppose également à la venue de la mission d'inspection
créée par la résolution 1284. Le contexte des attentats du
11 septembre a contribué encore plus à aggraver la situation et
à dresser l'un contre l'autre deux intransigeances. L'Irak est
aujourd'hui en danger.