B. DES RESSOURCES ÉCONOMIQUES DONT L'EXPLOITATION RESTE LIMITÉE
Le
voyageur qui marche dans les montagnes au Nord de Sanaa découvre
à perte de vue, jusqu'à plus de 3.000 mètres, utilisant la
moindre parcelle de terrain, des milliers de terrasses cultivées,
plantées de sorgho et de café. Le Yémen fut d'ailleurs une
importante place tournante pour le commerce du café et nom du port de
Mokha, aujourd'hui en fort déclin, est passé dans le vocabulaire
courant. Le mokha n'est-il pas le café par excellence ?
Cette agriculture traditionnelle, toujours en place avec ses araires, son
battage du sorgho au fléau, ses boeufs remontant l'eau des puits, ne
peut plus faire face aux besoins d'une population en très forte
augmentation. Celle-ci a besoin de la mobilisation d'autres ressources.
Le Yémen ne manque pas de ressources : pétrole, pêche,
tourisme sont des secteurs fragiles, mais prometteurs, dans lesquels les
investissements sont encore limités. Le second revenu du Yémen
après le pétrole est ainsi constitué par les transferts de
ses travailleurs émigrés.
1. Pétrole, une manne vitale
Les exportations de pétrole constituent la principale ressource du Yémen : elles représentent plus de 90% de ses recettes d'exportations. Les réserves pétrolières prouvées du Yémen sont estimées à 4,6 milliards de barils 33( * ) dont 1,7 milliard sont aujourd'hui exploitables.
Champ (opérateur) |
Millions de barils |
Masila (CanOxy) |
550 |
Marib (Yemen Hunt) |
490 |
Jannah (Jannah Hunt) |
345 |
Shabwa (Total Yemen) |
180 |
Iyad (Nimir) |
135 |
La
production s'élevait en 2000 à 440.000 barils /jour. Cette
production pourrait s'accroître à l'avenir. La
délégation du groupe sénatorial a d'une part pu visiter le
champ de Shabwa, géré par Total, qui recèle
vraisemblablement des perspectives de développement. D'autre part,
à la suite de l'accord frontalier avec l'Arabie Saoudite, 4 nouveaux
blocs, en plus des 59 existants, vont prochainement pouvoir être mis en
exploration.
Si le pétrole constitue une ressource précieuse pour le
Yémen, il ne prendra toutefois pas la forme d'une rente comme dans
beaucoup d'autres États de la péninsule arabique.
2. Agriculture et pêche, des ressources traditionnelles
a) Une agriculture ancienne aux progrès limités
Le
Yémen est indéniablement la partie la plus fertile de la
péninsule arabique. L'agriculture et l'élevage
représentent 23% du PIB et occupent 50% de la population active.
L'agriculture yéménite est aujourd'hui une agriculture peu
moderne, fondée sur de très petites exploitations tournées
vers l'autosubsistance. Les paysans yéménites cultivent de petits
lopins de terre et leurs troupeaux de chèvres ou de moutons
dépassent rarement une quinzaine de têtes.
Le cheptel yéménite en 1997
Ovins |
3.970.000 |
Caprins |
3.700.000 |
Bovins |
1.250.000 |
Chameaux |
183.000 |
Total |
9.103.000 |
Sur 3,5 millions d'hectares cultivables, 1,4 millions sont cultivés. Les surfaces se répartissent comme suit :
Céréales |
50% |
Fruits et légumes |
20% |
Qât |
12% |
Le
qât occupe une part croissante des terres cultivables et de la production
agricole totale. La production de céréales (sorgho, blé,
maïs, orge) s'élevait en 1997 à 700.000 tonnes, soit 25% des
besoins du pays et celle de fruits et légumes à 900.000 tonnes.
Une zone maraîchère se développe autour de Sanaa pour
nourrir les habitants de la capitale.
L'agriculture yéménite n'incite pas à l'optimisme. Sans
remise en cause de la priorité accordée au qât, sans un
investissement fort de l'État yéménite et de la
coopération internationale en faveur de cultures alternatives comme le
café, compte tenu de la localisation de nombreuses parcelles,
cultivées en montagne, les perspectives d'augmentation de la production
agricole sont aujourd'hui relativement limitées.
b) La pêche, un secteur prometteur encore peu développé
La
République du Yémen compte 2.250 km de côtes. La
combinaison de ces étendues côtières et de la richesse
halieutique des eaux territoriales peut créer une forte dynamique
économique. Les produits de la mer se situent aujourd'hui au
quatrième ou au cinquième rang des productions
yéménites.
Le Yémen compte une vingtaine de ports de pêche dont les plus
importants sont Aden, Mukalla et Shihr sur l'Océan Indien, et Hodeidah
et Mokha sur la Mer Rouge. Les espèces capturées sont très
variées puisque l'on pêche au Yémen, thons, requins,
barracudas, daurades, mulets, maquereaux, bars, loups de mer, raies, sardines,
anchois, poulpes, pieuvres, calamars, homards, langoustes, crevettes, crabes
bleus, moules, coques, pétoncles...
Prises en volume (en tonnes)
|
1997 |
1998 |
Poissons de surface |
93.547 |
101.966 |
Poissons des profondeurs |
12.367 |
13.480 |
Autres
produits de la mer
|
9.740 |
10.617 |
Si le Yémen exporte poissons et crustacés de l'Océan Indien et crevettes de la Mer Rouge, principalement vers l'Union Européenne (Belgique, Espagne, France, Pays-Bas), le Japon et la Corée du Sud, et un peu vers les États-Unis, l'Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient, la pêche yéménite reste artisanale, dangereuse et mal considérée. L'insuffisance d'usines de transformation comme le mauvais respect des standards occidentaux d'hygiène empêche encore le secteur de la pêche de se développer.
3. Le tourisme, une ressource fragile
La
délégation du groupe sénatorial a pu se convaincre au
cours de sa mission que le Yémen recelait un potentiel touristique
considérable. Culture, patrimoine, tradition, chaleur de la population
possèdent pour le voyageur un charme irrésistible.
Le Yémen n'offre pas de perspectives en matière de tourisme de
masse : ses richesses peuvent engendrer un tourisme culturel, un tourisme
de plongée, un tourisme « vert » qui peuvent
être vecteurs de développement durables. Les voyageurs occidentaux
ne s'y sont pas trompés et le nombre de voyages au Yémen a
constamment augmenté dans la deuxième moitié des
années 90.
Le tourisme au Yémen : quelques chiffres
ANNÉE |
NOMBRE DE TOURISTES |
REVENUS
ENGENDRES
|
1988 |
60.000 |
21 millions |
1989 |
65.000 |
26 millions |
1990 |
52.000 |
20 millions |
1991 |
44.000 |
21 millions |
1992 |
72.000 |
7 millions |
1993 |
70.000 |
45 millions |
1994 |
40.000 |
19 millions |
1995 |
61.000 |
33 millions |
1996 |
74.000 |
42 millions |
1997 |
84.000 |
69 millions |
1998 |
100.000 (estimation) |
200 millions |
Provenance des voyageurs en 2000
Allemagne |
5.522 |
Italie |
3.851 |
France |
3.734 |
Inde |
2.934 |
États-Unis |
1.074 |
Royaume-Uni |
265 |
Autres |
3.612 |
Le
nombre de visiteurs avait augmenté de 20% en 1998. Le rapt meurtrier
d'Abyane a porté un coup au développement du tourisme au
Yémen. Si les enlèvements étaient fréquents
auparavant, ils n'avaient jamais entraîné mort d'homme. Le rapt
d'Abyane a été suivi quelques mois après d'un autre
enlèvement malheureux
34(
*
)
,
de l'attentat du USS Cole, qui ont remis en cause le développement
touristique yéménite. Les touristes recommencent en 2001 à
venir en nombre au Yémen mais la question de la sécurité
continue de décourager de nombreux candidats au voyage. Les
ministères des affaires étrangères britanniques et
américains dissuadent d'ailleurs leurs ressortissants de se rendre en
vacances au Yémen.
Cette image du Yémen, fausse pour l'essentiel, empêche
également les investissements dans le domaine hôtelier. Le
Yémen mettra sans doute quelques années à attirer de
nouveau les voyageurs en nombre, en absence d'une communication
spécifique à leur intention
35(
*
)
.