M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de la présente proposition de loi.

Je tiens évidemment à en remercier les auteurs, nos collègues Roux et Rapin, ainsi que M. le rapporteur. Je salue également Mme la ministre, qui a suivi l’élan du Sénat.

Nos travaux ont permis de clarifier un certain nombre de dispositions pour intervenir sur les cours d’eau.

Toutefois, je souhaite insister sur la dimension ex post, c’est-à-dire après la survenue d’une inondation. Je pense aussi qu’il faut informer les élus sur ce qu’ils peuvent faire ex ante ; parfois, il y a une forme d’autocensure à cet égard. Il me paraît donc important de communiquer auprès d’eux, par exemple sur les embâcles.

Nous avons mis en place le référent Papi, qui va dans le bon sens, ainsi que la réserve d’ingénierie.

Néanmoins, comme de nombreux collègues l’ont indiqué, ce texte est, je le pense, un premier pas qui en appelle d’autres.

Pour faire suite aux recommandations de la mission d’information, nous allons devoir, à mon sens, nous pencher sur d’autres enjeux dans les prochaines semaines. Je pense notamment à la question du financement, ainsi qu’à celle de la péréquation Gemapi. Des textes financiers sont évidemment nécessaires, mais commençons déjà par travailler sur la péréquation : dans certaines collectivités rurales, les recettes ne sont véritablement pas à la hauteur des besoins.

Peut-être faut-il aussi réfléchir à une adaptation du fonds Barnier afin de permettre des travaux de prévention individuels face aux inondations.

La question des avances de trésorerie se pose également, très peu d’aides et de subventions étant possibles pour effectuer des travaux, de voirie par exemple, après des inondations.

Tels sont les retours qui me parviennent des élus sur le terrain, notamment des bassins de l’Armançon et du Serein, dans l’Yonne. L’année dernière, nous avons été fortement touchés par des inondations. Il faut que nous puissions continuer à avancer.

Je voterai évidemment la présente proposition de loi. Puissions-nous retrouver la belle unanimité qui s’est exprimée lors des travaux en commission !

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.

Mme Maryse Carrère. Je tiens tout d’abord à remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

J’adresse un salut particulier à nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, qui ont su faire appel à leur expérience d’élus locaux et à leur vécu, l’un dans la vallée de l’Ubaye, l’autre dans le Pas-de-Calais. C’est, me semble-t-il, une bonne chose d’avoir des élus qui savent de quoi ils parlent lorsqu’ils déposent des propositions de loi.

Merci également à Mme la ministre d’avoir engagé la procédure accélérée sur ce texte.

La présente proposition de loi prévoit de véritables avancées, très pragmatiques, pour accompagner nos territoires et les acteurs concernés sur le terrain, qui souffrent au quotidien de la complexité des procédures.

Et je sais de quoi je parle ! J’étais présidente d’un syndicat gemapien en 2013, lors de la crue du Gave de Pau, qui a dévasté toute la vallée des Gaves, dans les Hautes-Pyrénées.

J’étais aussi à la manœuvre lorsqu’il a fallu présenter et exécuter un Papi de 15 millions d’euros. J’ai alors dû respecter des procédures complexes et nombreuses, remplir sans fin des déclarations et des demandes d’autorisation conformément aux dispositions de la loi sur l’eau. Ces procédures sont difficiles à effectuer pour les acteurs locaux, alors même qu’il s’agit souvent de sauver, dans l’urgence, les biens et les personnes.

Merci aux deux auteurs de cette proposition de loi de l’avoir inscrite dans la niche du groupe du RDSE. Les acteurs des territoires en seront satisfaits. Comme Jean-Baptiste Lemoyne, je pense que beaucoup reste à faire en la matière, mais avec ce texte, nous avons posé une première pierre à l’édifice. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – M. Hervé Gillé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.

M. Jean-François Rapin. Ce débat est très intéressant, parce que l’on sent bien que l’on pourrait encore ajouter à ce texte des articles et des articles au fil des discussions.

Je veux appuyer les propos de Jean-Baptiste Lemoyne sur le financement des travaux d’urgence pour les très petites communes qui n’ont pas assez d’argent. C’est très compliqué pour elles. À cet égard, permettez-moi de vous soumettre une idée, madame la ministre, dont nous pourrons discuter à l’avenir.

La Caisse des dépôts et consignations a beaucoup d’argent. Or, même si un préfet s’engage à subventionner les travaux à hauteur de 80 %, voire de 100 %, la collectivité concernée doit tout de même être en mesure d’avancer les fonds. Ce n’est pas en allant voir leur banquier que les maires s’en sortent. Peut-être faudrait-il donc un support plus adapté : la Caisse des dépôts me paraissait convenir.

Sans doute la Caisse peut-elle proposer des prêts, mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent dans les situations d’urgence, vous le savez très bien, madame la ministre, pour l’avoir vu ou vécu sur le terrain : quand les maires ont besoin d’argent, il le leur faut tout de suite et quasiment sans condition, y compris parfois pour effectuer de menus travaux. Nous devons conduire une réflexion de fond sur ce sujet.

Cela a été souligné, c’est un travail de longue haleine qui commence ; servez-vous d’ailleurs des recommandations que Jean-Yves Roux et moi avons faites, madame la ministre.

Je remercie par ailleurs Maryse Carrère d’avoir rappelé que nous étions des élus de terrain. Dans quelques jours, je célébrerai mes trente ans de vie publique, j’ai été maire dix-sept ans et, en comptant mes années comme adjoint, j’ai passé presque vingt-cinq ans en mairie. Nous savons donc de quoi nous parlons ; nous le faisons avec humilité, mais nous avons aussi eu l’occasion de ressentir de grandes tristesses face à des territoires dévastés.

Je remercie donc le Sénat et le Gouvernement d’apporter leur soutien à ce texte. Nous espérons qu’il sera très vite examiné à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Le groupe Union Centriste tient également à saluer l’initiative des auteurs de ce texte, Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, ainsi que le travail du rapporteur Pascal Martin et les propositions du Gouvernement.

La Bretagne est, hélas ! le dernier territoire en date à avoir subi des inondations ; les territoires de mes collègues Anne-Sophie Patru, l’Ille-et-Vilaine, et Yves Bleunven, le Morbihan, y ont notamment été confrontés. Grâce justement aux dispositions de ce texte, nous devrions pouvoir apporter à l’avenir de meilleures réponses à ce type de situations.

Je remercie le Gouvernement de proposer de simplifier les procédures ; c’est absolument nécessaire à la réalisation par les collectivités de bon nombre d’actions, souvent dans l’urgence, car il est essentiel dans de telles circonstances de pouvoir agir très vite. Ces simplifications devraient y contribuer.

Par conséquent, poursuivons et étendons à d’autres sujets ce travail de simplification, auquel le groupe Union Centriste est particulièrement attaché. Le Gouvernement pourra toujours compter sur notre soutien, madame la ministre, pour simplifier la vie de nos concitoyens et permettre de résoudre plus aisément les problèmes de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Ce texte va en effet dans le bon sens. C’est une brique qui doit être complétée par d’autres travaux.

La délégation aux collectivités territoriales a lancé une mission pour aller plus loin sur ces sujets et les approfondir, mais il faut avancer pas à pas, être aussi pragmatique et cohérent que possible, afin de répondre dans les meilleures conditions aux besoins des collectivités territoriales.

Ces sujets sont de nature à faire émerger un consensus politique permettant d’avancer de manière pragmatique. Nous souhaitons donc instaurer un dialogue aussi efficace que possible avec le Gouvernement et avancer le plus vite possible.

En effet, les enjeux sont cruciaux, alors que, nous le savons, les événements météorologiques majeurs, comme les sécheresses et les pluviométries intenses, vont se multiplier. Nous devons donc préparer notre réponse aujourd’hui et adapter nos modèles.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je tiens d’abord à remercier tous ceux qui ont contribué à l’adoption de cette proposition de loi : M. le président de la commission, M. le rapporteur et MM. les sénateurs Rapin et Roux.

Vous l’aurez compris au travers des messages que je vous ai adressés, il convient de solliciter mes services sur les bons sujets, qui doivent être priorisés par rapport à d’autres ; c’est une forme d’appel de ma part.

J’appelle également votre attention sur la question du contentieux, qui occasionne une grande souffrance chez les agents de mon ministère : les projets d’accélération du déploiement des énergies renouvelables et d’adaptation au changement climatique font tous l’objet d’un contentieux, ce qui suscite en outre l’incompréhension des porteurs de projet sur le terrain.

Je veux aussi réagir aux propos très justes de M. Jean-Baptiste Lemoyne : ce texte n’est qu’un petit pas sur le long chemin que nous devons parcourir ensemble.

Lundi prochain, je dévoilerai le plan national d’adaptation au changement climatique, point de départ de la mise en œuvre de différentes feuilles de route, sur lesquelles j’appelle chacun à se mobiliser selon les enjeux de son territoire : le trait de côte sur le littoral, la montagne, la forêt ou encore les inondations.

Sur tous ces sujets, il est important d’accélérer et de nourrir notre réflexion, notamment dans la perspective du projet de loi de finances pour 2026. En effet, vous l’avez dit, il reste des angles morts évidents, pour ce qui concerne par exemple le préfinancement des collectivités locales ou le niveau de financement des biens non assurables. En effet, ce n’est pas avec la petite enveloppe de 40 millions d’euros que l’on pourra faire face au niveau de sinistralité qui s’impose malheureusement à nous désormais.

C’est pourquoi je vous invite à vous saisir de ces éléments pour que nous puissions avancer de concert, tant sur le terrain qu’au sein de la Haute Assemblée. Nous devons à présent monter d’un cran et réorienter nettement notre action écologique vers la protection des populations et investir dans la prévention, afin de réaliser des économies assez évidentes dans le futur : 1 euro investi dans la prévention permettra d’éviter une dépense de 8 euros à l’avenir ; et ce ratio va même augmenter au cours des années qui viennent.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote, présentée par M. Ahmed Laouedj et plusieurs de ses collègues (proposition n° 222, texte de la commission n° 360, rapport n° 359).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Ahmed Laouedj, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la consommation détournée de protoxyde d’azote, souvent désigné sous le nom de « gaz hilarant », est devenue un enjeu majeur de santé publique. Ce phénomène, qui touche particulièrement les jeunes adultes et les mineurs, ne cesse d’augmenter et a des conséquences dramatiques, sur le plan tant sanitaire que social.

Si certaines mesures ont été prises en 2021 pour encadrer cette pratique, nous devons aujourd’hui aller plus loin. C’est dans cette optique que je vous présente aujourd’hui la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre l’usage détourné de ce gaz, afin de mieux protéger nos concitoyens, en particulier les plus jeunes.

Il est désormais évident que la consommation de protoxyde d’azote est non pas une mode passagère, mais un véritable phénomène de société. Bien qu’utilisé dans des contextes légitimes, le protoxyde d’azote est aussi de plus en plus détourné à des fins récréatives, au mépris des dangers qu’il représente.

Cette tendance est particulièrement préoccupante parmi les jeunes, qui, attirés par sa facilité d’accès, en consomment à des fins ludiques, sans prendre réellement la mesure des risques qu’ils prennent. L’augmentation des cas d’intoxications graves, voire de décès, témoigne de l’ampleur du problème. Les chiffres de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sont alarmants et soulignent la nécessité d’une action législative plus forte.

La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui s’inscrit dans cette démarche de prévention et de protection. Si la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote a constitué une première avancée en interdisant la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, elle ne permet pas de lutter efficacement contre l’usage détourné de ce gaz.

En effet, la réglementation actuelle présente de nombreuses lacunes. Les saisies massives réalisées par les forces de l’ordre, comme celle de 31 tonnes à Drancy en avril 2024, témoignent non seulement de la propagation de ce phénomène, mais aussi de la facilité avec laquelle ce produit peut être acquis. Dès 2021, plus de 1 200 cartouches avaient été saisies à Rosny-sous-Bois, illustrant bien la réalité à laquelle nous faisons face.

Face à cette situation, plusieurs maires, y compris dans le département dont je suis élu, la Seine-Saint-Denis, ont pris des mesures locales, en interdisant la vente et la détention de protoxyde d’azote dans leur commune. Ces actions montrent qu’il existe un réel besoin d’une législation nationale plus stricte, qui puisse accompagner les initiatives locales et offrir un cadre de régulation cohérent. C’est pourquoi j’ai déposé le 18 décembre dernier cette proposition de loi, qui introduit plusieurs mesures concrètes.

Je vais vous en détailler les principales dispositions.

Premièrement, nous proposons de sanctionner la consommation détournée de protoxyde d’azote. Il s’agit d’instaurer des sanctions pénales, incluant une amende et une peine d’emprisonnement, et de créer une procédure d’amende forfaitaire pour mieux encadrer cette pratique.

Deuxièmement, nous entendons interdire la détention par les mineurs de cartouches de protoxyde d’azote. Nous souhaitons renforcer les sanctions en cas de vente de ce produit à des mineurs afin de limiter leur accès à ce gaz dangereux.

Troisièmement, nous voulons sensibiliser les consommateurs au danger de la consommation détournée. Chaque contenant de protoxyde d’azote devra désormais comporter un avertissement clair concernant les risques liés à son usage détourné.

Quatrièmement, nous proposons de mettre en œuvre un suivi rigoureux de la vente de protoxyde d’azote. Nous souhaitons instaurer un contrôle plus strict des produits vendus, en particulier en ligne, afin de prévenir leur acquisition par des jeunes.

Cinquièmement, enfin, nous voulons encadrer la vente de protoxyde d’azote : celle-ci sera désormais soumise à une autorisation administrative et la vente nocturne sera interdite pour éviter que des personnes, souvent mineures, ne puissent se procurer ce produit à toute heure.

La commission des affaires sociales est néanmoins revenue sur ce dernier point, craignant qu’il puisse être regardé comme une entrave à la libre circulation des marchandises. Le système d’agrément des vendeurs de protoxyde d’azote a finalement été transformé en un système déclaratif, afin de ne pas pénaliser les circuits de vente légaux de protoxyde d’azote, notamment les acteurs de la grande distribution. De mon point de vue, il fallait aller plus loin, mais je comprends les contraintes qui ont guidé la réflexion de la commission.

En parallèle de ces mesures répressives, il est important de renforcer les actions de prévention et d’éducation. Les jeunes, qui représentent une part importante des consommateurs de protoxyde d’azote, doivent être mieux informés des risques sanitaires associés à cette pratique. Il est donc essentiel d’intégrer des messages de prévention dans les programmes scolaires, via des dispositifs tels que les journées de prévention des conduites addictives organisées dans les collèges et lycées.

Un sondage réalisé par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a révélé qu’une grande partie des jeunes consommateurs ne percevaient pas les dangers neurologiques liés à la consommation de protoxyde d’azote. Ce constat souligne la nécessité d’une campagne de sensibilisation de long terme, visant à changer les perceptions et à renforcer la prise de conscience collective sur les risques de cette pratique.

En outre, l’enjeu environnemental lié à la consommation de protoxyde d’azote ne peut être ignoré. Le dépôt ou l’abandon de cartouches et de bonbonnes de gaz hilarant dans les espaces publics représente un danger supplémentaire. Le hasard de notre ordre du jour montre bien toute l’actualité du sujet, puisque nous venons d’examiner la proposition de loi visant à renforcer la prévention des risques d’accidents lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitement des déchets.

Vous l’aurez compris, l’abandon sur la voie publique de cartouches et de bonbonnes de protoxyde d’azote ne constitue pas seulement un enjeu de santé publique ou une simple pollution visuelle ou matérielle : ces contenants peuvent provoquer de graves explosions lorsqu’ils sont traités dans les usines de recyclage et d’incinération. Des incidents de ce type ont déjà eu lieu, entraînant des pertes financières considérables pour les installations de traitement des déchets, ainsi que des risques pour la sécurité du personnel.

C’est pourquoi cette proposition de loi prévoit également de sanctionner le dépôt ou l’abandon de ces contenants sur la voie publique, afin de prévenir de tels accidents et de protéger nos infrastructures.

Ces nouvelles données renforcent la nécessité d’agir sur le plan législatif. Notre objectif est non pas d’interdire les usages légitimes du protoxyde d’azote, mais de lutter efficacement contre son utilisation détournée. Le but n’est pas de pénaliser les professionnels qui utilisent ce gaz de façon encadrée, il est de prévenir les risques liés à sa consommation récréative. Les jeunes doivent être protégés des dangers de ce produit et la société doit se mobiliser pour prévenir ces dérives.

La situation actuelle est alarmante : le protoxyde d’azote est accessible à des prix très bas, notamment en ligne, ce qui en fait un produit à la portée de tous, y compris des mineurs. Même si la législation actuelle a permis de restreindre l’accès au gaz hilarant pour les moins de 18 ans, il est évident que les jeunes trouvent encore des moyens de contourner cette interdiction. En 2021, près de 11 % des consommateurs de protoxyde d’azote étaient des mineurs, ce qui est beaucoup trop élevé. Nous devons renforcer les mesures législatives pour mettre un terme à cette dérive et protéger nos enfants et nos adolescents des dangers de ce gaz.

Je tiens à remercier la rapporteure, Mme Maryse Carrère, avec qui mes échanges ont été constructifs. Les amendements qu’elle a présentés lors de l’examen du texte en commission me semblent aller dans la bonne direction. Je remercie également mes collègues du groupe du RDSE, qui m’ont permis d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de nos travaux.

Mes chers collègues, il est de notre responsabilité de prendre des mesures concrètes et efficaces pour lutter contre ce fléau. La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui est un pas en avant important dans la protection de la santé publique, mais, pour qu’elle soit pleinement efficace, il est impératif que nous soyons mobilisés.

J’espère que vous adopterez cette proposition de loi, afin de renforcer le cadre législatif de la consommation de protoxyde d’azote et de protéger ainsi les générations futures. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’usage récréatif du protoxyde d’azote est devenu un véritable problème de santé publique. Voilà trois ans et demi, la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote avait permis de fixer un premier cadre législatif pour réguler les conditions de vente et d’utilisation de ce gaz, qui jouit en France d’un double statut, porteur d’ambiguïté ; j’y reviendrai.

Au cours des dernières années, face à l’accroissement des usages récréatifs en France, les autorités sanitaires ont multiplié les alertes. Celles-ci nous invitent à réagir par des mesures fortes, mais proportionnées.

C’est dans ce contexte que notre collègue Ahmed Laouedj a déposé, au mois de décembre dernier, la présente proposition de loi. Ce texte s’inscrit dans la continuité de la loi du 1er juin 2021 et a la même ambition : circonscrire les détournements d’usage de ce gaz par des mesures d’encadrement strictes, tout en soutenant une politique de prévention active.

Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que, en parallèle de nos travaux, l’Assemblée nationale a adopté, le 29 janvier dernier, une proposition de loi visant à interdire totalement la vente du protoxyde d’azote aux particuliers. Telle n’est pas l’orientation retenue dans la proposition de loi que nous examinons, qui prévoit une stratégie de lutte contre les mésusages seuls et non contre le protoxyde d’azote lui-même.

Je crois d’ailleurs utile de rappeler que le protoxyde d’azote n’est pas un stupéfiant et d’indiquer que les autorités sanitaires ne semblent pas envisager à ce jour, selon les informations recueillies dans le cadre de l’instruction de ce texte, de le classer comme tel.

Je rappelle également que le protoxyde d’azote est à la fois un médicament, utilisé comme adjuvant en anesthésie générale et en analgésie, et un produit de consommation courante.

En tant que médicament, il est soumis à une prescription médicale, réservé à un usage professionnel, et inscrit sur la liste 1 des substances vénéneuses.

En tant que produit de consommation courante, il est utilisé comme additif alimentaire, vendu dans de petites cartouches destinées à la préparation de crème fouettée, et il est employé comme gaz de compression dans l’industrie automobile, l’horlogerie ou la photographie.

Son usage non médical n’est pas pour autant exempt de toute réglementation. À l’échelon européen d’abord, les cartouches à usage alimentaire sont régies par le règlement de 2008 sur les additifs alimentaires et par celui de 2011 relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. À l’échelon national ensuite, la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote a fixé un cadre visant prioritairement à protéger les mineurs des risques de mésusage.

Néanmoins, le caractère licite du protoxyde d’azote ne facilite pas la perception des risques dont son utilisation peut s’accompagner, lorsque celle-ci relève d’un détournement d’usage ou d’un mésusage.

Malgré une connaissance encore lacunaire de l’évolution et de la prévalence de la consommation récréative du protoxyde d’azote, les données dont nous disposons dessinent un panorama inquiétant.

Si le phénomène reste globalement circonscrit, notamment si on le compare aux données de consommation du tabac ou de l’alcool, l’augmentation des signalements pour intoxication au protoxyde d’azote dans le cadre d’un usage récréatif est spectaculaire : entre 2020 et 2023, le nombre de cas notifiés aux centres d’addictovigilance a été multiplié par presque quatre, passant de 120 à 458. En parallèle, en 2022, près de 14 % des 18-24 ans déclaraient avoir expérimenté le protoxyde d’azote.

D’autres signaux doivent encore nous alarmer.

En premier lieu, je pense aux nouvelles caractéristiques de cette consommation. En raison de la disponibilité de contenants de grand volume, c’est-à-dire de bonbonnes ou de bouteilles, les quantités inhalées par les consommateurs sont de plus en plus importantes, pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de cartouches par jour. Il en résulte une aggravation des symptômes cliniques, caractérisés, dans plus de 80 % des cas, par des complications neurologiques et neuromusculaires, tandis que les troubles psychiatriques et les complications cardiovasculaires de type thrombotique sont en hausse.

En deuxième lieu, l’accessibilité du produit sur internet et la diversification des circuits de distribution ont favorisé l’apparition d’un marché parallèle de revente illicite. L’essentiel des ventes étant réalisé en ligne, parfois sur des sites hébergés hors de France, le contrôle des contenants est à peu près inexistant, bien que seules les cartouches de petit format soient autorisées à la vente depuis le 1er janvier 2024. La saisie de 13 000 bonbonnes de protoxyde d’azote réalisée en Île-de-France l’an dernier illustre ce trafic émergent.

En troisième lieu, les troubles à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité publiques se multiplient, principalement dans les zones urbaines. Nombre de municipalités et de préfectures font usage de leurs pouvoirs de police pour tenter d’endiguer le phénomène, interdisant par exemple la vente de protoxyde d’azote la nuit ou sa consommation dans l’espace public. Tel est le cas, pour ne citer que quelques exemples, à Marseille, à Lyon, à Montpellier, à Paris, à Argenteuil ou à Saint-Ouen. Toutefois, ces mesures sont nécessairement limitées dans le temps et dans l’espace, en vertu du principe de proportionnalité des mesures de police et du respect des libertés publiques.

L’abandon massif de bonbonnes sur les bords de route et les parkings est par ailleurs devenu une problématique aiguë de gestion des déchets pour les communes. Du fait de l’absence de dégazage préalable des contenants, ces déchets dangereux exposent en outre les travailleurs des usines de traitement et d’incinération des déchets à des risques d’explosion. La proposition de loi adoptée en début d’après-midi, qui vise à renforcer la lutte contre le risque d’incendie dans les installations de collecte, traite de cette question via la responsabilité élargie du producteur (REP).

Près de quatre ans après son entrée en vigueur, le bilan que l’on peut tirer de la loi du 1er juin 2021, marquée par la recherche d’un équilibre entre la régulation des conditions de vente du protoxyde d’azote et la sensibilisation aux dangers liés à sa consommation récréative, est en demi-teinte. Si les statistiques des ministères de l’intérieur et de la justice témoignent d’une appropriation progressive de ces dispositions législatives, les autorités de police relatent leurs difficultés à matérialiser certaines infractions et soulignent le caractère peu dissuasif des peines prévues par la loi.

En effet, l’ensemble des infractions à la loi, à l’exception du délit d’incitation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs, ne sont punies que d’une amende de 3 750 euros. Par ailleurs, aucune sanction n’a été prévue en cas de violation des dispositions relatives aux quantités maximales pouvant être vendues aux particuliers.

La commission des affaires sociales a adopté, lors de l’examen de ce texte, divers amendements visant à renforcer et à équilibrer le texte soumis à votre examen. Elle s’est notamment attachée à veiller au respect des principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines.

Ainsi, pour dissuader la consommation récréative de protoxyde d’azote et renforcer la portée des contrôles de police, le texte de la commission pénalise l’usage détourné de protoxyde d’azote et aligne diverses sanctions sur celles qui sont prévues en matière d’encadrement des débits de boissons et de lutte contre l’alcoolisme. De plus, il prévoit désormais une sanction en cas de non-respect des dispositions relatives aux quantités maximales de vente de protoxyde d’azote aux particuliers.

Afin de mieux contrôler les circuits de la vente aux particuliers, il instaure également un dispositif de déclaration administrative, permettant de recenser les vendeurs et valant autorisation de vente.

Dans l’objectif de responsabiliser les consommateurs en matière environnementale, le texte prévoit de sanctionner l’abandon ou le dépôt sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d’azote.

Enfin, le texte comporte un volet visant à renforcer les actions de prévention en milieu scolaire, que la commission a souhaité consolider, même si celles-ci relèvent largement d’une impulsion politique encore timide.

Ainsi, malgré le faible recul dont nous disposons sur la mise en œuvre de la loi de 2021, je suis convaincue que, dans la situation actuelle, nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo législatif. Le cadre législatif en vigueur souffre de plusieurs carences, qu’il convient de combler, tout en veillant à la proportionnalité des moyens employés. Telle est l’ambition de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte soumis ce soir à votre examen, de nouveau sur l’initiative du Sénat, s’inscrit dans une dynamique plus générale de renforcement de la législation contre le mésusage du protoxyde d’azote.

Ce n’est pas la première fois que le Sénat se saisit de l’usage détourné de produits du quotidien pour en faire de véritables drogues. Le protoxyde d’azote, aussi appelé « gaz hilarant » ou « proto », souvent utilisé comme anesthésiant en médecine, est emblématique de cette pratique. C’est un sujet dont nous avons également débattu à l’Assemblée nationale il y a quelques semaines.

C’est grâce à une initiative sénatoriale transpartisane, portée par la désormais ministre Valérie Létard, que les pouvoirs publics ont pu réagir dès les premières alertes remontées par l’ANSM ou formulées par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives.

Ainsi, la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote, dite loi Létard, a permis d’interdire la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, quelles que soient les circonstances, mais aussi de manière générale dans certains commerces, comme les débits de tabac et les débits de boissons, de prohiber les dispositifs facilitant les usages détournés, comme les « crackers », et de renforcer les contrôles.

Il était essentiel de poser un cadre de loi ferme et spécifique, car nous assistons depuis plusieurs années à une recrudescence de l’usage détourné du protoxyde d’azote, principalement chez les lycéens, mais également chez les très jeunes collégiens, qui l’utilisent dès l’âge de 10 ou de 11 ans.

Ce gaz n’a malheureusement d’hilarant que le nom, même si l’effet d’euphorie spontanée recherché peut paraître inoffensif, voire bon enfant. Il ne faut absolument pas s’y tromper : les risques pour la santé sont majeurs. La liste est longue, et vous l’avez rappelée, madame la rapporteure : chutes, brûlures, asphyxie, paralysie, troubles neurologiques, hématologiques, cardiaques. Les conséquences peuvent être également psychosociales. La consommation de protoxyde d’azote peut entraîner un isolement et créer une dépendance susceptible de provoquer un phénomène de manque et des troubles psychologiques. Enfin, elle peut malheureusement être à l’origine d’accidents sur la voie publique et de mises en danger d’autrui.

Le protoxyde d’azote présente également des risques pour la sécurité publique et environnementale puisque bon nombre de bonbonnes de « proto » sont à l’origine d’explosions quasi quotidiennes dans les usines d’incinération. Le syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains et assimilés estime ainsi qu’un tiers des installations françaises sont concernées, chaque incident ayant un coût pouvant aller jusqu’à 200 000 euros.

Pour ces raisons, le ministère de la santé n’a cessé de renforcer notre arsenal réglementaire en la matière.

Ainsi, l’arrêté du 19 juillet 2023 limite fortement les volumes de vente aux particuliers. Précisément, il interdit la commercialisation de bouteilles et de bonbonnes et limite la taille des cartouches à 8,6 grammes maximum et les volumes de vente à dix unités par acte d’achat.

En effet, quand on cherche à se procurer des bonbonnes d’un tel format ou bien des cartouches dans de telles quantités, on devine aisément que ce n’est pas forcément pour préparer de la chantilly !

Cet arrêté ne prévoyant toutefois pas de sanctions, je suis bien conscient qu’il s’agissait d’une de ses limites. C’est pourquoi j’ai demandé aux services de mon ministère d’en définir dans un décret qui est en cours d’élaboration et qui sera publié cette année.

Par ailleurs, le décret du 20 décembre 2023 renforce les informations légales et l’obligation d’afficher un message sanitaire sur les emballages mettant en garde contre les risques d’inhalation et d’intoxication.

Je pense que vous le savez tous, l’Europe se mobilise également sur le sujet : des procédures de classement du protoxyde d’azote sont en cours à cet échelon. Celles-ci pourraient mener à des restrictions très importantes, allant jusqu’à l’interdiction du produit. Précisément, en mars 2023, le comité d’experts de l’Agence européenne des produits chimiques a classé le protoxyde d’azote comme produit neurotoxique et reprotoxique. Ce classement doit désormais être confirmé par la Commission et devrait aboutir dans les douze mois.

La proposition de loi que nous examinons s’inscrit donc dans une dynamique nationale et désormais européenne de renforcement continu de notre cadre légal et réglementaire contre le mésusage du protoxyde d’azote. Je souscris tout à fait à cet objectif en tant que ministre de la santé.

J’accueille donc très favorablement cette initiative, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, sous réserve de quelques ajustements dont nous aurons à débattre dans quelques instants.

Il est, en effet, nécessaire de veiller à ce que les dispositions de ce texte soient proportionnées et coordonnées avec toutes les réglementations en vigueur ou en cours d’élaboration. Je pense notamment au travail en cours sur les sanctions pour les contrevenants aux limites de vente, que j’ai déjà évoqué. Il faut également naturellement prendre en compte les notifications et l’alignement avec le droit européen.

Contre les usages détournés du protoxyde d’azote, nous sommes forts d’un arsenal législatif et réglementaire déjà riche et régulièrement renforcé. Le combat doit donc aussi se mener sur le terrain pour que les interdictions soient appliquées, pour que les contrôles soient effectifs et pour renforcer la prévention. Je sais que c’est également un point auquel vous êtes toutes et tous attachés.

C’est probablement sur le terrain de la prévention que nous devons désormais progresser, en allant vers les jeunes, en diffusant largement des ressources accessibles dans les écoles, les collèges et les lycées, et en proposant un accompagnement adapté. Je sais que plusieurs initiatives se développent localement dans un certain nombre de territoires.

Je pense notamment à la campagne de sensibilisation menée par les agences régionales de santé (ARS) des Hauts-de-France et d’Île-de-France : « Le proto, c’est trop risqué d’en rire ». Cette initiative a connu un réel succès auprès du jeune public, notamment grâce à la diffusion des vidéos explicatives et ludiques de Jamy Gourmaud, le présentateur vedette que nous connaissons tous de l’émission Cest pas sorcier. Je vous invite d’ailleurs à les regarder : la présentation physiopathologique des effets du gaz hilarant, qui agit sur une zone préfrontale, est très instructive.

La proposition de loi prévoit également une information sur les dangers des usages détournés du protoxyde d’azote lors des séances de prévention et de sensibilisation aux conduites addictives organisées dans les collèges et les lycées. Je salue d’ailleurs le renforcement du volet du texte relatif à la prévention grâce au travail effectué en commission des affaires sociales.

Je veux m’appuyer sur l’ensemble de ces actions et sur l’engagement des acteurs de terrain pour que nous réussissions collectivement à détourner les jeunes de cette substance, qui n’a rien – je le rappelle encore une fois – d’un divertissement léger et sans conséquence. Il provoque au contraire de graves atteintes à la santé physique et mentale.

Ce travail de fond, qui nécessite une véritable action de proximité et de pédagogie, est indispensable pour modifier le regard que la société porte sur le protoxyde d’azote. C’est seulement ainsi que nous réussirons. Je mènerai ce chantier avec détermination, en sachant pouvoir compter sur le soutien des sénatrices et des sénateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et RDSE. – M. le président de la commission et Mme Marion Canalès applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marion Canalès applaudit également.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1999, nous constatons l’usage détourné du protoxyde d’azote. Employée, d’une part, comme anesthésique et analgésique, d’autre part, comme gaz de pressurisation d’aérosol pour les siphons de chantilly, qui font tant parler cette assemblée, cette substance est détournée pour ses effets hilarants.

Si ce dernier usage a bénéficié d’une visibilité médiatique importante, rappelons qu’il reste un phénomène mineur. En 2022, 4,3 % des adultes déclaraient avoir expérimenté le protoxyde d’azote et 5,4 % des 15-18 ans.

Pour autant, monsieur le ministre, les conséquences sanitaires de cette consommation – brûlures par le froid, asphyxie, pertes de connaissance, risques mortels de fausse route, troubles neurologiques, troubles psychiques – nous invitent à renforcer la lutte contre les usages détournés. Le protoxyde d’azote n’est pas un produit anodin et sans risque, bien au contraire. En outre, vous avez rappelé, monsieur le ministre, l’impact environnemental problématique des bonbonnes et les risques qu’elles font courir aux travailleurs des déchetteries.

Si la loi Létard de 2021 a interdit la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, mais aussi aux majeurs dans certains lieux, ainsi que la vente de tous les produits contenant une faible quantité de ce gaz et ne correspondant pas aux usages traditionnels de ces produits, force est de constater que la consommation n’a pas diminué. Le nombre de cas signalés par le réseau Addictovigilance et de cas graves a été multiplié par quatre entre 2020 et 2023.

Aussi la présente proposition de loi est-elle l’occasion de faire œuvre utile si nous renforçons la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote. Si et seulement si !

En effet, plusieurs mesures – il faut le reconnaître – vont dans le bon sens, comme le renforcement des sanctions en cas de vente aux mineurs et d’incitation à l’usage détourné de protoxyde d’azote par un mineur, lesquelles sont désormais alignées sur la législation relative à la vente d’alcool. Il en est de même du renforcement de la prévention et de la présentation explicite des dangers des usages détournés du protoxyde d’azote lors des séances de sensibilisation aux conduites addictives au collège et au lycée.

Toutefois, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose à la pénalisation de l’usage détourné de protoxyde d’azote. Il ne s’agit évidemment pas de dire que celui-ci doit être encouragé ni qu’il est sans risque. Comme je l’ai indiqué dans l’exposé des motifs de ma proposition de loi relative à la dépénalisation de l’usage de drogues pour mieux soigner les personnes dépendantes et apaiser l’espace public, il faut admettre la réalité : la pénalisation des usages n’a pas d’effet sur la consommation.

Pis, la pénalisation est contre-productive, car elle empêche l’usager d’entrer dans un parcours de soins, concentre l’action publique sur le tout-répressif aux dépens de la prévention et de la santé publique, et, enfin, elle surmobilise les effectifs de police auprès des consommateurs.

Nous l’avons vu à Paris : la police n’arrive à rien du tout en appréhendant les jeunes concernés, en général des mineurs ayant de graves problèmes sociaux que leur arrestation ne permet pas de résoudre. Cette surmobilisation se fait au détriment de la lutte contre les trafics et la vente illégale.

Ainsi, nous proposons – je le répète – de supprimer la pénalisation qui nous est ici proposée.

Le texte qui nous est soumis encadre davantage la vente de protoxyde d’azote au travers d’un régime de déclaration administrative. Cette déclaration vaudrait autorisation de vente pour les commerces. Si nous saluons cette mesure, nous lui préférons une option mieux-disante : il faudrait simplement interdire, monsieur le ministre, la vente de protoxyde d’azote aux particuliers.

En effet, l’usage licite de ce produit dans les siphons à chantilly ne constitue pas, à nos yeux, une nécessité. Préservons donc les usages médicaux et industriels pour la restauration collective et interdisons l’accès des particuliers au protoxyde d’azote.

Surtout, gardons en tête que c’est par l’information sur les risques liés aux conduites addictives que nous parviendrons à prévenir la consommation de drogues, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre. Puisque nous y sommes parvenus pour le tabac, nous pouvons obtenir le même succès avec le protoxyde d’azote. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)