En tout état de cause, un gros travail a été fait pour élargir les périmètres. La suite appartient désormais aux élus et aux préfets des différents territoires ultramarins.
À son tour, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.
Article 3
(Supprimé)
Après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Bélim, MM. Kanner, Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et à Saint-Martin, les modalités de mise en œuvre de l’exemption au règlement (UE) 2024/3110 établissant des règles harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant le règlement (UE) n° 305/2011 sont précisées par décret.
Le représentant de l’État dans le bassin géographique constitue des comités référentiels construction, compétents sur des zones géographiques précisées par le décret précité afin de contribuer à la mise en œuvre de cette exemption et de contribuer à la définition de référentiels de construction en tenant compte des besoins de la production locale, des spécificités et contraintes locales.
Les règles d’organisation, de fonctionnement et de contrôle de ces comités sont fixées par décret.
Les comités sont éligibles aux financements publics et peuvent mener des travaux avec les instances nationales ou internationales, ainsi que des collectivités françaises ultramarines ne relevant pas de l’article 349 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne.
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à créer des comités référentiels construction, dont la mission sera d’appliquer l’exemption de marquage CE, de soutenir l’innovation locale et de définir des référentiels de construction adaptés à nos spécificités et aux besoins de la production locale. Ces comités devront intégrer en leur sein des acteurs locaux – représentants des filières de construction, scientifiques, experts… –, garants de leur pertinence et de leur efficacité.
La rédaction que je vous propose procède d’une concertation avec les cabinets de Manuel Valls et de Valérie Létard, France Assureurs, l’Agence Qualité Construction et la Fédération des entreprises d’outre-mer. En outre, elle est soutenue par le Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment et par le Conseil national de l’ordre des architectes.
À l’issue de longs échanges, nous avons abouti à une rédaction faisant consensus, preuve que toutes les parties sont prêtes à avancer sur le sujet. L’adaptation des normes n’est plus une option, c’est une nécessité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Chère Audrey Bélim, je l’ai déjà fait lors de mon intervention en discussion générale, mais je tiens à saluer une fois encore votre engagement, que je sais sincère, pour que nous aboutissions rapidement à une solution sur ce sujet de l’adaptation des normes.
Cet engagement est aussi le mien, et il ne date pas d’hier. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler l’implication de la délégation sénatoriale aux outre-mer dans l’élaboration du rapport d’information sur la politique du logement dans les outre-mer en 2021, du livre blanc de la construction durable en outre-mer, à la fin de 2024, ou encore de la proposition de résolution européenne sur l’intégration régionale des régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne. Je n’ai donc pas de problème a priori pour que nous légiférions en la matière, bien au contraire.
Toutefois, le long et patient travail mené par la délégation depuis des années montre que le sujet est très complexe. Cette question fait intervenir de nombreux acteurs et exige encore de faire émerger des consensus de manière à maintenir la confiance.
Dans cet esprit, nous nous sommes mis d’accord pour supprimer l’article 3 et poursuivre la réflexion sur la méthode la plus appropriée pour faire enfin aboutir les initiatives visant à adapter les normes, en nous appuyant sur les évolutions récentes du droit européen.
Votre proposition n’en demeure pas moins intéressante, ma chère collègue, même si elle tend à cranter les choses, alors même que les études conduites par le Gouvernement ne sont pas terminées et que la concertation entre les parties prenantes ne fait que commencer.
Par ailleurs, il ne me semble pas que l’Agence française de normalisation (Afnor), qui est le principal organisme d’organisation et de gestion des normes, soutienne votre démarche.
En outre, il nous faut veiller à ne pas créer un énième comité qui travaillerait en silo, sous l’égide de l’État, comme souvent, dans le seul domaine de la construction, alors que le besoin d’adaptation des normes est beaucoup plus vaste.
Je rappelle également que le traitement des déchets de l’amiante est très dispendieux : la destruction des tours Gabarre, en Guadeloupe, a coûté 10 millions d’euros. La gestion des déchets est également un point important de la régionalisation.
Cela étant dit, je comprends le sens de cet amendement, dont la rédaction constituera une base de travail pour les textes à venir.
Pour ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, cet amendement vise à instaurer des comités référentiels construction dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et à Saint-Martin.
Lesdits comités auraient pour mission de contribuer à mettre en œuvre l’exemption aux règlements sur les produits de construction et de définir des référentiels de construction adaptés aux spécificités locales.
Il s’agit de mettre en application une dérogation obtenue de haute lutte à Bruxelles, l’année dernière, grâce à une importante mobilisation du gouvernement français et des élus ultramarins, qui ont été nombreux à se manifester sur ce sujet.
Le Gouvernement est favorable à ce premier pas vers une adaptation des normes. J’en profite pour saluer la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, qui travaille sur ce sujet depuis longtemps, ainsi que l’auteure de ce texte.
Madame Bélim, vous vous êtes fortement impliquée sur ce sujet particulier, sur lequel il ne faut plus perdre de temps. Cet amendement découle d’un travail considérable réalisé au sein de la délégation et tend à poser une première brique. Il conviendra de la consolider collectivement et d’aller plus loin dans cette adaptation des normes, qui est essentielle pour lutter contre la vie chère et aboutir à des solutions adaptées.
Je remercie sincèrement la délégation de son travail sur ce sujet, que je sais sensible et épineux. Madame la rapporteure, madame la présidente de la commission des affaires économiques, je vous félicite d’avoir une nouvelle fois su dégager un consensus.
Le Gouvernement remercie l’ensemble des acteurs qui ont fait un pas les uns vers les autres pour avancer dans la bonne direction et poursuivre le travail engagé et émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
Article 4
Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Après les drames humains et matériels que nous avons connus en Nouvelle-Calédonie au mois de mai de l’année dernière, après le passage des cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion, le très grand consensus qui s’est dégagé au cours de cet espace réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est particulièrement rassurant. Nous envoyons un formidable message, très positif, à nos 2,2 millions de concitoyens vivant dans les outre-mer.
Je remercie Victorin Lurel, Audrey Bélim et Mme la rapporteure pour ce travail très constructif, qui nous montre bien le rôle utile que peut jouer le Sénat – que Valérie Létard connaît bien – pour nos territoires.
Madame la ministre, je salue votre engagement et je tiens également à dire le plaisir que nous avons eu à travailler avec celui qui vous a précédé cet après-midi au banc des ministres, Manuel Valls, qui a pris toute sa part dans le succès des propositions de loi de cette niche parlementaire, qui connaîtront manifestement toutes deux une issue favorable.
Il s’agit d’une bonne nouvelle pour le Sénat, pour les outre-mer, mais aussi pour la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Je remercie Audrey Bélim et l’ensemble du groupe socialiste d’avoir défendu cette proposition de loi, qui constitue une avancée importante.
Je remercie également la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Micheline Jacques, et Victorin Lurel, avec qui j’ai élaboré en 2021 un rapport d’information sur la politique du logement dans les outre-mer.
Ce rapport, tout comme les travaux de la délégation, montre l’importance non seulement d’encadrer les loyers, mais aussi d’adapter les normes aux réalités locales pour construire et reconstruire en utilisant des matériaux et des savoir-faire locaux.
Si nous voulons avancer sur ce sujet, qui est éminemment d’actualité, il nous faut agir sur la question de la normalisation. À cet égard, la dérogation au label CE permise en 2024 par l’Union européenne a constitué une avancée importante. S’il reste beaucoup de travail, ce texte inscrira dans la loi de réelles avancées.
Nous avons récemment eu l’occasion de constater l’intérêt, y compris économique, d’utiliser des matériaux et des savoir-faire locaux, notamment la terre crue à Mayotte.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte. Encore une fois, je remercie tous ceux qui ont travaillé à son élaboration. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
L’ordre du jour de cette après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Reconnaissance du bénévolat de sécurité civile
Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur la reconnaissance du bénévolat de sécurité civile.
Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour d’un droit de réplique, pour une minute.
Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.
Dans le débat, la parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements.)
M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste –Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit me tient particulièrement à cœur dans la mesure où mon département, le Pas-de-Calais, a subi à la fin de 2023 et au début de 2024 deux vagues d’inondations extrêmement violentes. En raison de leur soudaineté et de leur intensité, nombre de nos communes et de leurs habitants ont été plongés dans des situations très préoccupantes. Fort heureusement, elles n’ont pas fait de victimes.
Au cours de cet épisode critique et inédit, chacun a pu attester de l’utilité, de l’engagement et de l’efficacité des associations agrées de sécurité civile, en particulier la protection civile. Nous le mesurons également lors de chaque événement climatique qui frappe nos outre-mer.
À titre d’exemple, dix bénévoles de la protection civile du Pas-de-Calais se sont récemment rendus à Mayotte, sur leurs congés payés, avec des billets d’avion pris en charge par la protection civile sur ses fonds propres. De même, dès demain, quinze autres bénévoles, dont trois Pas-de-Calaisiens, s’envoleront pour La Réunion.
Vous le savez sans doute, une proposition de loi visant à reconnaître le bénévolat de sécurité civile a été déposée à l’Assemblée nationale en avril 2023, avant d’être adoptée à l’unanimité par la commission des lois, puis en séance publique en mars 2024. Elle était défendue par le député Yannick Chenevard, qui est présent ce soir dans nos tribunes – je l’en remercie.
Si le texte a été transmis au Sénat dans la foulée de son adoption, il n’a toujours pas été inscrit à l’agenda de nos travaux, d’où l’organisation de ce débat.
Mes chers collègues, en 2017, le Président de la République a déclaré, devant les bénévoles des associations agréées de sécurité civile (AASC) : « Vous incarnez toutes et tous le visage d’une France solidaire, ouverte, généreuse, […] et je suis fier de cette énergie que chacun de vous déploie en ces moments difficiles et éprouvants, par le seul souci de l’autre et le seul intérêt de la France. ».
Monsieur le ministre, j’ai participé en 2020 à la mission commune d’information sur le sauvetage en mer, qui a été créée après un terrible drame : le décès de trois sauveteurs en Vendée au cours d’une mission d’intervention. Nous avions alors abordé des questions proches de celles qui nous occupent ce soir : comment mieux reconnaître le bénévolat assuré par les sauveteurs en mer ? Comment pérenniser le modèle économique de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui repose, en moyenne annuelle, à 50 % sur la générosité publique ?
Nous posons aujourd’hui les mêmes questions au sujet des associations agréées de sécurité civile. Pas moins de 200 000 bénévoles œuvrent au sein de ces structures et interviennent quotidiennement auprès de nos concitoyens. Ils agissent dans un cadre préventif, par exemple en assurant le secours lors de manifestations ou événements, mais aussi en dispensant des formations et en conduisant des actions de sensibilisation aux risques et aux réflexes de premiers secours. Ils interviennent aussi et surtout aux côtés des sapeurs-pompiers et des forces publiques dans le cadre de crises, notamment les plus graves, pour accompagner les personnes touchées.
À titre d’illustration, dans mon département du Pas-de-Calais, 250 bénévoles et 10 salariés – 50 en période estivale – assurent la surveillance des plages. Au sein des huit antennes réparties sur le territoire, ils totalisent 150 000 heures de bénévolat pour secourir 2 700 personnes et en assister 1 800 autres. Ces bénévoles sont également présents dans les postes de secours installés pour des événements d’ampleur comme l’Enduropale du Touquet-Pas-de-Calais ou le Main Square Festival d’Arras, mais aussi dans 300 autres manifestations.
Quelque 200 interventions sont effectuées chaque année, qu’il s’agisse d’opérations d’urgence à la demande du préfet, de l’encadrement des populations ou du soutien à des personnes sinistrées, grâce à soixante-quatre véhicules, dont six véhicules de premier secours. En outre, la protection civile du Pas-de-Calais a été missionnée par la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) pour prendre en charge les migrants après l’intervention des forces de sécurité sur le littoral.
Ces structures jouent donc un rôle essentiel de soutien auprès des services de secours, rôle appelé à s’accroître dans un contexte d’accélération des crises géopolitiques, sanitaires et climatiques, dont les répercussions s’intensifient dans notre pays.
Le texte adopté à l’Assemblée nationale, réclamé de longue date par les associations du secteur, comporte des avancées significatives, qui répondent en partie aux attentes. Ces associations demandent à titre principal la reconnaissance de l’engagement des bénévoles.
La proposition de loi apporte plusieurs réponses à cet effet : améliorer l’articulation de leur engagement avec leur activité professionnelle ; mieux prendre en compte le temps de bénévolat au titre du compte personnel de formation (CPF) ; consentir l’octroi de trimestres supplémentaires pour le calcul de leur retraite ; mais aussi, tout simplement, leur attribuer des distinctions pour reconnaître leur investissement.
Pour soutenir les activités des bénévoles, le texte prévoit une réduction de prix sur le carburant, comme cela peut exister dans d’autres secteurs.
Néanmoins, la proposition de loi adoptée par les députés élude dans une large mesure la question pourtant sensible et centrale du renforcement des moyens des associations agréées. En effet, à la demande du Gouvernement, différents articles introduisant un soutien financier aux associations ont été retirés du texte, au motif de l’état inquiétant des finances publiques de notre pays. Pour mémoire, il s’agissait notamment de créer un fonds de garantie, d’instaurer des dispositifs d’exonération de taxes ou encore de majorer les incitations fiscales pour renforcer la générosité publique en la matière.
Sans nier la réalité de notre situation budgétaire, force est de constater que la version issue des travaux de l’Assemblée nationale diminue grandement la portée du texte, mais aussi et surtout son ambition initiale. Certes, des efforts budgétaires doivent être consentis ; toutefois, au regard de la particularité des missions concernées, ce secteur aurait peut-être dû être préservé.
Si je prends de nouveau le cas de mon département, seuls six des dix postes de salariés de la protection civile sont financés par l’État, les quatre autres reposant sur les fonds propres de l’association. Au-delà de la prise en charge de ces six postes, la structure ne touche pas de financement de l’État : ses ressources proviennent principalement de ses prestations payantes.
Si l’on ajoute à cela les retards de remboursement des frais avancés pour des interventions demandées par l’État, vous comprendrez que la situation soit extrêmement tendue. Pour les interventions réalisées lors de la vague d’inondations de l’hiver 2023-2024, à laquelle j’ai fait référence au début de mon propos, 150 000 euros de carburant et de consommables n’ont toujours pas été remboursés.
L’autre argument avancé par le Gouvernement était le lancement d’un Beauvau de la sécurité civile, engagé en avril 2024, avec pour objectif de mener une réflexion globale sur la protection civile. Monsieur le ministre, à ce jour, et sauf erreur de ma part, seul un champ thématique parmi les cinq ouverts, autour de la question « Quelle mission pour la sécurité du demain ? », s’est traduit par la mise en ligne d’un rapport sur le site du ministère.
Quid des quatre autres chantiers que vous avez lancés, monsieur le ministre, dont celui, essentiel, du soutien financier au secteur de la protection civile ? Nous aimerions avoir accès à l’avancement des travaux afin de participer à la concertation. Au reste, sans remettre en cause les vertus de la concertation, faut-il rappeler que le texte déposé à l’Assemblée nationale en avril 2023 était déjà le fruit d’une concertation avec les acteurs du terrain ?
En ouverture de ce débat, de nombreuses questions se posent : combien de temps les bénévoles concernés devront-ils encore attendre avant que cette loi soit votée ? La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, prévoyait déjà de consolider l’organisation des associations, mais n’a pas été véritablement suivie d’effets sur le terrain.
Que devons-nous répondre aux sollicitations récurrentes des associations concernées dans nos départements, qui sont confrontées à des difficultés financières ou à des carences en matériel d’intervention ? Il est de notre responsabilité d’identifier les mécanismes financiers susceptibles de leur permettre de pérenniser leur organisation, mais aussi et surtout d’agir plus sereinement.
Au-delà de la réduction du coût de l’essence, il convient, par exemple, de réfléchir au malus écologique, qui s’applique actuellement aux véhicules d’intervention ou à une exonération de la taxe foncière pour les locaux des associations agréées – mais cette dernière mesure relève des communes.
Quel est le calendrier prévu pour la clôture des travaux du Beauvau ? Où en est l’enquête en ligne menée depuis juin 2024 et toujours ouverte à ce jour, dont les résultats ne sont toujours pas disponibles ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d’inscrire de façon urgente l’examen de cette proposition de loi à notre agenda. J’espère que nous pourrons nous enorgueillir, à l’image de nos collègues députés, d’un vote unanime. C’est le moins que nous puissions faire pour des personnes qui agissent au quotidien pour la sécurité de nos concitoyens, de façon pleinement désintéressée, parfois au péril de leur propre vie.
Il semble que le texte pourrait être inscrit à notre agenda avant l’été. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous le confirmer ? Quelle est la position du Gouvernement sur les moyens à mettre en œuvre pour accompagner les associations agréées de sécurité civile, reconnues d’utilité publique ? (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite de cette intervention liminaire, permettez-moi de formuler quelques observations sur le calendrier du Beauvau de la sécurité civile.
Cette démarche a en effet été engagée en 2024, mais elle a subi les événements politiques que nous connaissons tous. Elle a repris dès le mois de janvier dernier et plusieurs déplacements ont été effectués dans ce cadre. Nous sommes en train d’analyser l’ensemble des contributions issues de la concertation, qui a été extrêmement riche, sur l’ensemble des thématiques qui étaient soulevées – je rappelle que chaque débat était organisé autour d’une thématique.
Ce travail devrait s’achever dans le courant du mois de mars. Lorsque ce sera le cas, nous organiserons une nouvelle concertation, dans un format beaucoup plus restreint, notamment avec les associations départementales, la SNSM et les parlementaires s’intéressant au sujet, dont vous faites partie.
Nous préparerons ensuite un projet de loi, que nous espérons finaliser avant l’été, c’est-à-dire au plus tard au début du mois de juillet. Nous ne savons pas s’il pourra être présenté au Parlement à cette date, mais nous souhaitons que les étapes préparatoires de ce texte – réunions interministérielles, avis du Conseil d’État… – soient achevées, de sorte qu’il puisse être examiné à la rentrée de septembre. Voilà pour ce qui est du calendrier.
En ce qui concerne le sujet même de ce débat, à savoir le bénévolat, il est évident que toutes les associations agréées de sécurité civile participent aux discussions et seront prises en considération au sein du projet de loi, dont un volet concernera le monde bénévole et l’aide à son maintien. Cela participe d’une stratégie très importante.
Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre modèle de sécurité civile, unique en Europe, repose sur une complémentarité entre professionnels, volontaires et bénévoles. Ensemble, ils assurent la protection de nos concitoyens face aux crises climatiques, sanitaires, technologiques ou géopolitiques.
Avec près de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires et 200 000 bénévoles au sein des associations agréées de sécurité civile, ce modèle repose majoritairement sur l’engagement citoyen. Ces femmes et ces hommes, en parallèle de leur vie professionnelle et personnelle, choisissent de consacrer leur temps et leur énergie à la protection des autres, dans un esprit de solidarité et de dévouement qui fait la force de notre nation.
La sécurité civile française est reconnue comme l’une des plus efficaces au monde. Elle repose sur un maillage territorial fort et une capacité à mobiliser rapidement des forces opérationnelles, que ce soit pour lutter contre les incendies ou pour gérer les catastrophes naturelles ou les situations de crise exceptionnelles.
Pourtant, ce modèle est aujourd’hui fragilisé et confronté à de nombreux défis.
Il est fondamental de garantir la pérennité du volontariat et du bénévolat en sécurité civile. Or la jurisprudence, en particulier l’arrêt dit Matzak, menace sérieusement notre modèle en assimilant les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs. Les sapeurs-pompiers ne sont pas les seuls concernés : la menace pèse aussi sur l’ensemble des bénévoles de la sécurité civile, qui risquent d’être soumis à des contraintes administratives incompatibles avec leur engagement.
Si cette interprétation venait à s’imposer, elle pourrait décourager des vocations, complexifier les conditions d’engagement et affaiblir notre capacité de réponse aux crises.
Notre assemblée a déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce sujet. Elle a plaidé pour une directive européenne spécifique encadrant l’engagement citoyen bénévole et volontaire, afin de préserver le statut des intéressés et d’éviter leur requalification par le droit du travail. Le Gouvernement soutiendra-t-il une directive européenne spécifique pour protéger le volontariat de sécurité civile contre une telle requalification ?
Avec leurs 200 000 engagés, ces associations jouent un rôle fondamental dans le secours d’urgence, l’appui aux populations sinistrées, la formation aux gestes qui sauvent et l’encadrement des grands événements. Pourtant, les bénévoles des associations agréées de sécurité civile restent insuffisamment intégrés dans la chaîne des secours. Leur rôle doit être clarifié et renforcé, dans une logique de complémentarité avec les sapeurs-pompiers.
Le Gouvernement prévoit-il de renforcer la coordination entre les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et les AASC pour assurer une meilleure complémentarité sans provoquer de concurrence ?
Si nous devons protéger le volontariat en sécurité civile, nous devons aussi mieux reconnaître l’engagement des bénévoles des AASC.
Ces associations peinent aujourd’hui à recruter et à fidéliser des bénévoles, notamment en raison d’un manque de reconnaissance et de contraintes liées à la conciliation de cet engagement avec la vie professionnelle et familiale.
La loi Matras et la loi de finances rectificative (LFR) pour 2023 ont marqué des avancées pour les sapeurs-pompiers volontaires. Je pense notamment à la facilitation de leur disponibilité auprès des employeurs et à la bonification de trimestres pour la retraite, ainsi qu’à la valorisation de leur engagement dans la formation et dans les parcours professionnels. Mais ces dispositifs ne bénéficient pas aux bénévoles des AASC, alors qu’ils exercent des missions complémentaires et tout aussi essentielles.
L’extension de ces avantages auxdits bénévoles paraît, dès lors, légitime. Le Gouvernement y est-il favorable ? Au-delà, envisage-t-il la création d’un véritable statut de bénévole de sécurité civile, garantissant une meilleure conciliation entre engagement, vie professionnelle et vie familiale ?
Enfin, il est impératif d’assurer un financement stable et durable aux associations agréées de sécurité civile. Ces structures, qui sont essentielles à notre capacité de réponse aux crises, fonctionnent souvent avec des moyens précaires, reposant sur des dons, des subventions ponctuelles ou des mécénats incertains. (M. Gérard Lahellec acquiesce.)
La proposition de loi de notre collègue député Yannick Chenevard, adoptée par l’Assemblée nationale le 27 mars 2024 et en attente d’examen au Sénat, contient des avancées notables, comme la création d’un fonds de garantie assurant un financement pérenne des AASC, l’extension de certaines incitations fiscales, le bénéfice de déductions de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et l’exonération de taxe foncière pour les locaux opérationnels. Le Gouvernement est-il favorable à ces mesures et, plus largement, à l’esprit de la proposition de loi déposée par M. Chenevard ?
Ces défis nous obligent. Nous devons agir dès aujourd’hui pour préserver et renforcer notre modèle de sécurité civile, dont la force repose sur l’engagement volontaire et sur la solidarité citoyenne.
En assurant une concertation entre les différents acteurs concernés, le Beauvau de la sécurité civile a permis d’identifier des solutions concrètes. Quelles leçons le Gouvernement tire-t-il de ce travail ? Quelles mesures découleront de ces échanges et sous quels délais ? Il est de notre responsabilité de nous hisser à la hauteur des défis que notre sécurité civile, pilier de notre résilience collective, doit et devra affronter. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Schillinger, vous avez raison de rappeler que notre dispositif de sécurité civile est l’un des plus performants au monde ; son rôle de leader est d’ailleurs reconnu à l’échelle européenne.
Les sapeurs-pompiers professionnels, les sapeurs-pompiers volontaires et les bénévoles des différentes associations de sécurité civile concourent à notre action de sécurité civile. Toutefois, ce dispositif multifacettes paraît aujourd’hui fragile, pour plusieurs raisons : tout d’abord, la pérennité de son financement est menacée ; ensuite, un certain nombre d’évolutions, notamment le changement climatique et les autres risques rappelés très clairement par M. Corbisez, nous imposent de revoir ses missions ; enfin, nous devons planifier le renouvellement de divers équipements – je pense en particulier à nos canadairs.
Ces enjeux considérables exigent un vaste travail de réflexion, dans lequel s’inscrit le débat de ce soir.
Le Gouvernement soutiendrait-il une directive européenne précisant le statut des bénévoles ? Sans l’ombre d’une hésitation, je vous réponds oui : nous soutenons cette démarche.
Vous m’interrogez également sur le statut des volontaires. Ce sujet est au menu du Beauvau de la sécurité civile. Il n’est pas tranché – à cet égard, les positions des uns et des autres sont très différentes –, mais il fait partie de ceux que nous devons examiner.
Quant au maintien de l’attractivité du bénévolat, il constitue, à nos yeux, un enjeu fondamental. Notre dispositif de sécurité civile repose largement sur le volontariat et le bénévolat : souvenons-nous qu’il dénombre 45 000 professionnels, parmi lesquels les sapeurs-pompiers, alors qu’avec les volontaires et les membres des associations agréées ses effectifs totaux sont bien plus nombreux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements.)
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky d’avoir pris l’initiative de ce débat. Les bénévoles de la sécurité civile ont bel et bien besoin d’une plus grande reconnaissance.
Je ne vous apprendrai rien en rappelant que, en vertu de l’article L.112-1 du code de la sécurité intérieure, la sécurité civile « a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ».
S’ajoute à cette mission ô combien importante, pour ne pas dire indispensable, « la protection des personnes, des animaux, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes ».
Ces actions passent par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées.
En la matière, le modèle français, à la fois hybride et original, permet à plus de 250 000 sapeurs-pompiers, à plus de 13 000 militaires des bataillons de marins-pompiers de Marseille et sapeurs-pompiers de Paris, aux 1 500 sauveteurs, pilotes d’avion et d’hélicoptère et aux 200 000 bénévoles de concourir à l’exercice de cette mission. En 2023, plus de 4 millions d’heures de bénévolat ont ainsi été effectuées.