Comment accepter que, en France, en 2025, l’accès à un logement digne soit un luxe inaccessible pour tant de nos compatriotes ? Cette situation est d’autant plus intolérable pour les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, qui sont confrontées à un véritable parcours du combattant au vu de la rareté des logements adaptés.

Le problème de fond est connu : le coût du logement est devenu insoutenable. En outre-mer, les loyers atteignent des niveaux comparables à ceux de la métropole, alors même que 18 % des Français vivant dans la grande pauvreté résident dans ces territoires. Les salaires y sont moins élevés, mais les ménages doivent payer plus. Cette inégalité, nourrie par la spéculation foncière, est inacceptable.

Le logement ne peut être traité comme un simple produit de marché. Il est avant tout un droit fondamental. Face à cette crise, nous avons des solutions. L’encadrement des loyers, déjà expérimenté avec succès en métropole, doit être institué de manière pérenne en outre-mer. Pourquoi ce qui fonctionne ici ne serait-il pas appliqué là-bas ?

Mais agir sur les loyers ne suffit pas. Nous devons aussi garantir des logements durables, conçus avec des matériaux résistants et adaptés aux réalités climatiques locales. Le cyclone Chido à Mayotte a montré une fois de plus l’urgence qu’il y a à repenser la construction et la rénovation de l’habitat ultramarin.

Permettez-moi au passage de vous conseiller la lecture de l’excellent rapport de mes collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel, dont on devrait s’inspirer très largement, y compris en métropole !

Madame la ministre, notre République ne peut plus détourner le regard. Trop de mesures prises jusqu’ici n’ont été que des pansements sur une plaie béante, ne permettant jamais de s’attaquer aux causes profondes de la crise. Il est temps d’apporter des réponses fortes, à la hauteur des attentes et de la dignité que nous devons à nos compatriotes ultramarins.

Ce texte offre de nouvelles perspectives, mais il nous faudra aller encore plus loin, c’est-à-dire travailler à un grand plan en faveur du logement et du parcours locatif de nos compatriotes d’outre-mer, tout en portant une grande ambition, celle de faire en sorte que plus personne ne vive sans un toit au-dessus de sa tête.

Nous voterons ce texte, qui, à notre avis, va tout à fait dans bon sens. J’espère que nous irons même encore plus loin en la matière : nous aurons prochainement un autre rendez-vous, qui, je le souhaite, permettra à chacun de prendre la mesure des enjeux et d’apporter des réponses adaptées à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord associer à mes propos notre collègue Saïd Omar Oili, qui, faute d’avion depuis Mayotte, ne peut pas être parmi nous aujourd’hui. Il aurait souhaité s’exprimer sur cette proposition de loi, qu’il soutient avec force.

Avant son examen en commission, ce texte comportait trois pistes de solutions à la crise du logement qui sévit dans les outre-mer plus gravement encore qu’en métropole.

Les territoires ultramarins, du fait de leurs multiples spécificités, sont en effet frappés plus durement par des réalités économiques, géographiques et climatiques sans commune mesure avec ce que connaît l’Hexagone.

Sans vouloir vous assommer de chiffres, je citerai les plus éloquents : en outre-mer, 80 % des ménages sont éligibles au logement social, mais seuls 25 % y résident. 70 % de la population ultramarine pourraient même légitimement prétendre au logement très social, contre 29 % seulement en France métropolitaine. C’est donc le parc privé qui concentre l’essentiel des habitants.

Or on constate plusieurs déséquilibres, au premier rang desquels un déséquilibre entre une offre faible et une demande importante, qui suscite une explosion du prix des loyers. Cela crée mécaniquement un lien entre le coût du logement et le niveau de vie, qui est évidemment défavorable aux habitants ultramarins.

L’Hexagone connaît les mêmes problèmes que les territoires d’outre-mer en matière de logement : déficit de constructions, coût des matériaux, problème de foncier et de zonage, etc. Pour tous nos concitoyens, qu’ils soient ou non ultramarins, le logement est aujourd’hui le premier poste de dépenses. Cette situation est d’autant plus prégnante dans les outre-mer.

Avec cette proposition de loi, notre collègue Audrey Bélim a pour ambition de traiter le problème avec précision et simplicité.

L’article 1er, conservé par la commission, autorise l’encadrement des loyers dans les communes ultramarines considérées comme tendues.

Compte tenu des éléments que j’ai évoqués précédemment et de la forte concentration de la population ultramarine dans le parc privé, la nécessité de rééquilibrer le marché et de donner des outils de régulation aux élus locaux s’impose. L’encadrement des loyers est un dispositif qui a fait ses preuves, puisqu’il permet de bloquer les loyers abusifs au-delà de 20 % d’un loyer de référence fixé en fonction des prix du marché.

Malheureusement, la publication du décret du 25 août 2023, qui élargissait la liste des communes tendues, est intervenue trop tard, et de nombreuses communes ultramarines n’ont pu se porter candidates.

L’article 1er prévoit donc d’étendre d’une année la durée totale de l’expérimentation et de rouvrir le délai de candidature au dispositif jusqu’au 25 novembre 2026. C’est le seul article du texte initial qui subsiste, les articles 2 et 3 ayant été supprimés avant que nous n’examinions le texte en séance publique.

Je souhaite néanmoins évoquer le dispositif originel de l’article 3, car celui-ci s’attaquait à une problématique propre aux outre-mer : la nécessaire adaptation des normes de construction et le recours à des matériaux locaux, souvent moins coûteux.

Depuis bientôt un an, l’Union européenne autorise la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin à déroger au marquage CE et à importer des produits de construction issus de leur environnement géographique. C’est un gain de temps et d’argent. Cela relève aussi du bon sens écologique : non seulement les matériaux ont une empreinte carbone plus faible, mais ils sont aussi plus adaptés aux réalités locales.

L’article 3, dans sa rédaction initiale, prévoyait ainsi de mettre en place de nouveaux mécanismes locaux de contrôle et de certification des matériaux et de créer des centres d’agrément pour homologuer les matériaux ultramarins. Il a été supprimé en commission, mais l’importance du sujet a amené l’auteure de ce texte à proposer une nouvelle rédaction.

Audrey Bélim souhaite mettre en place un cadre de travail spécifique, caractérisé par la création de comités référentiels associant toutes les parties prenantes, afin de proposer une adaptation des normes aux spécificités locales, tout en étant exigeants sur la sécurité et la fiabilité.

Sur ce sujet, nous ne partons pas d’une page blanche. En effet, dans les conclusions de leur rapport sur la politique du logement dans les outre-mer, présenté au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, nos collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel préconisaient la nécessaire adaptation des normes de construction.

De plus, ce texte s’inscrit pleinement dans la lignée du livre blanc de la construction durable en outre-mer préfacé par Mme le rapporteur.

Si cette proposition de loi, nous en sommes conscients, ne résoudra pas à elle seule le problème du logement en outre-mer, elle est bienvenue.

Néanmoins, le travail n’est pas terminé : je souhaite qu’il soit complété et enrichi par les mesures contenues dans la proposition de loi que présentera la présidente de la délégation aux outre-mer, Micheline Jacques. Je remercie d’ailleurs celle-ci du travail tout à fait considérable qu’elle réalise sur ces questions.

Pour l’heure, ce texte prévoit des mesures simples, adaptées aux spécificités des territoires ultramarins. Je souhaite donc, mes chers collègues, que nos débats vous conduisent à le voter. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’avoir à mon tour une pensée pour l’ensemble de nos concitoyens de l’île de La Réunion.

La question du logement dans les outre-mer est un enjeu majeur. Dans ces territoires, un grand nombre d’habitations sont précaires ou insalubres, exposant leurs habitants à des conditions de vie indignes. Au-delà de ces situations critiques, de nombreux foyers sont également confrontés à de véritables problèmes de confort, tels qu’un vis-à-vis trop proche, une isolation insuffisante ou des niveaux préoccupants d’humidité.

En Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et dans bien d’autres territoires encore, l’accès à un logement décent est un véritable défi, et la question de l’accès à l’eau courante en est un exemple frappant.

Si la situation de Mayotte a été largement évoquée après le passage du cyclone Chido, d’autres territoires font également face à des coupures d’eau prolongées, qui perturbent profondément le quotidien des habitants et affectent aussi bien les foyers que les établissements publics, tels que les écoles et les hôpitaux. Ces difficultés sont d’autant plus dommageables que les revenus y sont bien inférieurs à ceux de l’Hexagone, tandis que le taux de pauvreté y demeure très élevé.

Alors que dans l’Hexagone, une fraction relativement réduite de la population est confrontée à une extrême précarité, la situation dans les outre-mer est bien plus préoccupante, notamment aux Antilles et en Guyane, où une large partie des habitants vit en situation de grande vulnérabilité économique.

Par ailleurs, à la problématique de la qualité des logements s’ajoute la question de leur insuffisance, en particulier s’agissant des logements sociaux. Si 80 % des foyers ultramarins remplissent les critères d’attribution d’un logement social, seuls 15 % d’entre eux en disposent effectivement. En Guadeloupe, plus de 10 000 demandes de logement social seraient en attente ; il y en aurait 12 000 en Guyane et 45 000 à La Réunion.

Face à cette pénurie, des milliers de demandes restent en attente dans chaque territoire, forçant de nombreux habitants à se tourner vers le parc privé.

Or les loyers y sont souvent bien plus élevés que dans l’Hexagone. Ils atteignent dans certains cas des niveaux comparables à ceux des grandes métropoles françaises. À Baie-Mahault, en Guadeloupe, le prix du mètre carré en location dépasse ainsi celui de certaines grandes villes de l’Hexagone, ce qui rend l’accès au logement particulièrement difficile pour les ménages les plus modestes.

Cette situation a pour conséquence directe le poids considérable du logement dans le budget des familles ultramarines. Dans certaines communes de La Réunion, les dépenses liées au logement peuvent représenter 80 % des revenus.

Pourtant, lorsque la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, a institué un encadrement expérimental des loyers dans les zones tendues, les territoires ultramarins ont été exclus de cette mesure.

Depuis six ans, malgré les revendications constantes des élus locaux, cette expérimentation n’a jamais été étendue aux départements et régions d’outre-mer (Drom), alors même que la situation y est particulièrement critique. À titre d’exemple, à Saint-Denis de La Réunion, on note une augmentation significative des loyers ces dernières années, ce qui rend encore plus urgente la nécessité d’une régulation.

Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi : créer une expérimentation spécifique en matière d’encadrement des loyers dans les Drom, pour une durée de cinq ans. Cette mesure permettra aux collectivités ultramarines qui le souhaitent d’y adhérer librement pendant une période de deux ans.

Dans l’Hexagone, près de soixante-dix communes appliquent déjà l’encadrement des loyers. Il serait donc profondément injuste de ne pas accorder la même possibilité aux collectivités ultramarines qui en formulent la demande. Cette disposition s’inscrit pleinement dans le combat plus large mené contre la vie chère en outre-mer, qui exige des solutions multiples et adaptées aux réalités locales.

Sous réserve des ajustements qui pourraient être apportés à ce texte au cours de nos débats, nous soutiendrons cette proposition de loi, qui nous semble à la fois légitime et nécessaire pour les habitants des outre-mer. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, SER et GEST.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen du texte de la commission.

proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer

Article 1er

I. – A. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, un dispositif d’encadrement des loyers peut être mis en place dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution dans les conditions prévues à l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

B. – Par dérogation au deuxième alinéa du I du même article 140, dans ces collectivités, la proposition du demandeur est transmise dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

II. – Au plus tard six mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation prévue au I.

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Margaté, MM. Gay et Lahellec, Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer les mots :

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans

II. – Après l’alinéa 1

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

Le I de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « À titre expérimental et pour une durée de huit ans » sont supprimés ;

2° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur l’encadrement des loyers » ;

3° Au neuvième alinéa, le mot : « expérimentation » est remplacé par le mot : « mesure ».

III. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Nous souhaiterions profiter de cette très bonne initiative de nos collègues socialistes pour rappeler que, dans la loi, l’encadrement des loyers est toujours considéré comme une expérimentation.

Pourtant, depuis son entrée en vigueur, cette mesure convainc partout où elle est mise en œuvre. Ce n’est certes pas une solution miracle ; il s’agit plutôt d’un dispositif de bon sens, qui permet aux élus locaux de tenir les marchés lorsque les prix s’envolent.

En bloquant les loyers au-delà de 20 % du loyer médian, cette mesure fait ce qu’elle dit, d’autant plus lorsque les collectivités ont les moyens de faire appliquer un tel encadrement, notamment via des sanctions. Il est prévu que l’expérimentation prenne fin en novembre 2026. À ce jour, le dispositif s’applique dans 69 communes et a vocation à s’étendre, non à s’éteindre…

La proposition de loi dont nous débattons en est la preuve : les départements et régions d’outre-mer pourront bientôt mettre en application cet encadrement des loyers et, ainsi, faciliter l’accès au logement de nombreux ménages ou, au moins, éviter que leurs difficultés ne s’accroissent.

Avec ce texte, la crise du logement est aujourd’hui à notre ordre du jour au travers de la situation particulièrement préoccupante des outre-mer.

Nous ne savons pas quand nous aurons l’occasion de parler de nouveau du droit au logement, lequel ne semble pas être une priorité du Premier ministre. Nous nous saisissons donc de l’occasion qui nous est offerte ce soir pour proposer dès à présent la pérennisation de l’encadrement des loyers.

Nous le faisons à un an des élections municipales, dans la mesure où cette mesure contribuera à renforcer le pouvoir des maires, un objectif auquel, je le sais, nous sommes nombreux à être sensibles dans cet hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. L’expérimentation actuelle de l’encadrement des loyers arrivera à échéance en 2026. Elle est en cours d’évaluation par le Gouvernement. Or il n’est pas souhaitable de la pérenniser avant de disposer d’un bilan global.

En commission, nous étions convenus avec l’auteure de la proposition de loi, Mme Bélim, de ne pas rouvrir le débat sur l’expérimentation mise en œuvre dans l’Hexagone.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Cet amendement vise à pérenniser l’encadrement des loyers, y compris dans l’Hexagone.

Comme vous le savez, madame Margaté, l’article 140 de la loi Élan a prévu une expérimentation de l’encadrement des loyers jusqu’à la fin de 2026, afin que les collectivités qui le souhaitent puissent s’en saisir.

Il est évidemment essentiel de disposer d’un bilan de cette expérimentation, afin d’avoir une meilleure compréhension des effets de cette mesure sur le marché locatif, notamment de ses effets de bord éventuels, préalablement à toute décision de pérennisation du dispositif.

Ce bilan fera l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation. J’ai d’ores et déjà signé l’ordre de mission qui permettra de s’assurer que nous disposerons bel et bien d’une analyse fine de la situation et d’éléments objectifs pour nous faire une idée.

Les collectivités dans les départements et régions d’outre-mer n’ont pu postuler à cette expérimentation nationale lors de son lancement, compte tenu du niveau des loyers observés dans certains territoires ultramarins et de leurs particularités. L’article 1er offre désormais la possibilité d’y expérimenter de manière spécifique l’encadrement des loyers.

Pour les mêmes raisons que pour le dispositif national, une pérennisation n’est pas souhaitable sans que ses effets aient été observés au préalable.

C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Bélim, MM. Kanner, Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…. – Par dérogation au cinquième alinéa du B du III du même article 140, aucun complément de loyer ne peut être appliqué lorsque le logement n’est pas décent conformément à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement tend à mettre en cohérence avec nos spécificités ultramarines la transposition par l’article 1er du présent texte de l’expérimentation prévue par la loi Élan. En effet, les critères de décence prévus par le dispositif, pensés initialement pour l’Hexagone, ne sont malheureusement pas adaptés aux départements et régions d’outre-mer.

Il est par conséquent proposé de renvoyer, pour les conditions d’application d’un complément de loyer, aux règles de décence spécifiques à nos territoires, actuellement fixées par l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, qui prévoit déjà un calendrier propre aux collectivités d’outre-mer pour ce qui est de la décence énergétique.

Cette solution présenterait l’avantage de la simplicité et aurait pour conséquence de garantir que l’on ne pourra pas appliquer un complément de loyer pour un logement non décent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je partage votre intention, ma chère collègue, de ne pas appliquer les règles relatives au diagnostic de performance énergétique de l’Hexagone pour cette expérimentation dans les outre-mer. Mais je sais également que les règles de décence des logements dans les outre-mer sont différentes de celles qui prévalent dans l’Hexagone.

Ici, nous parlons de compléments de loyer. Est-il vraiment souhaitable de faire référence à ces critères de décence, qui sont moins-disants que dans l’Hexagone ? Cela aurait pour effet d’offrir la possibilité à un propriétaire de fixer un loyer allant au-delà des loyers encadrés, alors que l’on souhaite précisément encadrer ces derniers pour lutter contre la hausse du coût de la vie.

Un logement indécent ne devrait même pas être loué. Avec un tel amendement, on autoriserait par exemple un propriétaire à appliquer un complément de loyer, alors même que les toilettes sont situées en dehors du logement. C’est interdit dans l’Hexagone : au nom de quel principe cela devrait-il être autorisé dans les outre-mer ?

De même, la fourniture d’eau chaude n’est pas obligatoire pour qu’un logement soit considéré comme décent dans les outre-mer. Cela se justifie au titre des spécificités ultramarines. Pour autant, un logement sans eau chaude doit-il pouvoir faire l’objet d’un complément de loyer, même dans les outre-mer ?

Même s’ils sont considérés comme décents, quelque 22 000 logements sont jugés comme précaires à La Réunion et 9 % du parc de logements ne disposent pas d’eau chaude sanitaire.

C’est ce que je mettais en évidence en 2022 avec Victorin Lurel et Guillaume Gontard dans notre rapport sur la politique du logement dans les outre-mer. C’est également ce que soulignait le ministre tout à l’heure lors de la discussion générale.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, ministre. Les critères qui permettent à un bailleur d’appliquer un complément de loyer dans les zones soumises à encadrement des loyers sont définis par la loi Élan.

Il s’agit de critères qui avaient été initialement pensés pour le territoire hexagonal, le seul concerné jusqu’à présent par l’expérimentation, et qui sont manifestement inadaptés aux territoires d’outre-mer.

Parmi les critères actuellement prévus par la loi Élan, on trouve les signes d’humidité sur certains murs, des fenêtres qui laissent anormalement passer l’air, hors grille de ventilation, ou encore une mauvaise exposition de la pièce principale.

Ainsi, sans le présent amendement, en outre-mer, toute construction qui présenterait des signes d’humidité sur certains murs, ce qui est fréquent compte tenu des conditions climatiques locales, ou qui disposerait d’un dispositif de ventilation naturelle, ce qui est de bonne pratique, ne pourrait paradoxalement pas donner lieu à un complément de loyer.

Il est nécessaire aujourd’hui d’adapter les critères de la loi Élan à l’outre-mer et d’autoriser l’application d’un complément de loyer lorsque les caractéristiques du logement le justifient raisonnablement.

Le présent amendement vise, à juste titre, à adapter à l’outre-mer les critères de déclenchement du complément de loyer, en renvoyant aux critères généraux de décence prévus par la loi du 6 juillet 1989. Il s’agit notamment de l’absence de risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, de l’absence de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites et d’un niveau de performance énergétique adapté à l’outre-mer.

Cet amendement tend plus particulièrement à conserver pour l’application de la décence énergétique en outre-mer le bénéfice d’un calendrier spécifique, décalé par rapport à celui qui s’applique pour le territoire métropolitain.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 2

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Margaté, MM. Gay et Lahellec, Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À l’avant-dernier alinéa du I de l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, après les mots : « collectivités d’outre-mer », sont insérés les mots : « , sans que cela soit restrictif en termes d’accès, ».

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Notre amendement vise tout simplement au rétablissement de l’article 2 dans sa rédaction initiale, c’est-à-dire tel qu’il figurait dans le texte avant qu’il ne soit supprimé en commission.

Nous souhaitons notamment souligner la nécessité de soutenir certaines collectivités au titre de leurs nombreux quartiers, au-delà des critères de priorité prévus par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de 2014, dite loi Lamy.

Nous entendons les arguments selon lesquels le nombre des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) a augmenté, puisqu’il est passé de 218 à 247 au 1er janvier 2025. Cependant, les QPV étaient au nombre de 330 avant la première réforme de la géographie prioritaire.

Les critères d’éligibilité retenus en matière de revenus et de densité ne nous semblent pas coller à la réalité des outre-mer, ni permettre à nos concitoyens ultramarins de faire face aux difficultés du quotidien, notamment en matière d’habitat et de cadre de vie.

J’en profite pour vous alerter, madame la ministre, sur le manque de moyens alloués à la politique de la ville dans le projet de loi de finances pour 2025, un budget encore moins élevé que celui de l’exercice 2024, ainsi que sur la suppression annoncée des 5 000 postes d’adultes-relais, tant dans les communes ultramarines que dans l’ensemble des communes de l’Hexagone. Le constat est alarmant.

Il convient de faciliter les interventions de l’État et des collectivités, là où l’on reconnaît qu’elles doivent être prioritaires, particulièrement dans les outre-mer. Il faut s’en donner les moyens budgétaires et humains, et cela commence par l’élargissement des critères d’éligibilité et d’accès aux aides de l’État pour les collectivités qui en ont le plus besoin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Comme nous l’avons souligné en commission, en accord avec l’auteure de la proposition de loi, l’objectif recherché au travers de cet amendement est satisfait par la dernière actualisation de la géographie prioritaire de la politique de la ville.

En outre, toute modification des critères de délimitation de la géographie prioritaire de la ville nécessite un calibrage fin. Les critères de délimitation des QPV dans les outre-mer sont spécifiques à ces territoires et ne se superposent pas à ceux qui sont utilisés dans l’Hexagone.

La rédaction actuelle de la loi Lamy, n’induit donc pas un accès plus restrictif des territoires ultramarins à la politique de la ville : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’article 2, qui a été supprimé en commission, afin de préciser que les critères utilisés pour la délimitation des QPV dans les territoires ultramarins ne doivent pas être restrictifs en termes d’accès.

Si je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, je me joins à Mme la rapporteure pour souligner que les critères de délimitation des QPV dans les outre-mer ont été rendus moins restrictifs par un décret du 27 décembre 2024, lequel a également permis d’harmoniser les méthodologies entre les différents territoires ultramarins. Depuis l’entrée en vigueur de cette mesure le 1er janvier 2025, le nombre de QPV ultramarins est passé de 218 à 247.

Par ailleurs, en cas de difficulté, le préfet peut ajuster les périmètres à la marge. C’est un élément important eu égard aux spécificités à prendre en considération à l’échelle de chaque site ultramarin. Un dialogue doit donc être établi avec les préfets lorsque des problèmes se font jour aux limites des QPV.