PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la Marne est le département du Grand Est qui a planté le plus de haies dans le cadre du programme « Plantons des haies ! ». Et elle n’a pas eu besoin d’un texte supplémentaire pour le faire !

Au début de 2021, l’État engageait 50 millions d’euros dans le cadre du plan France Relance pour déployer la trame verte et bleue à l’échelle nationale, notamment par le biais du programme « Plantons des haies ! ».

Dans mon département, l’association Symbiose, qui réunit l’ensemble des parties prenantes – chercheurs, agriculteurs, chasseurs, apiculteurs, naturalistes, techniciens, financeurs – a mis en place un guichet unique pour proposer des projets clés en main. Cette initiative fut un réel succès : plus de 110 agriculteurs volontaires marnais ont rencontré la fédération des chasseurs ou la chambre d’agriculture de la Marne en 2021 et 2022, donnant lieu à 84 projets accompagnés et un total de 167 kilomètres de plantations.

Les haies, qui sont à la fois un outil et une ressource, remplissent de multiples fonctions. Elles participent à l’aménagement du territoire, abritent une forte biodiversité et constituent une ressource exploitable et valorisable. En effet, au-delà de leurs effets bénéfiques directs pour les cultures et les exploitations, les haies constituent une ressource économique pouvant se convertir en un supplément de revenu : bois d’énergie, bois de chauffage et bois d’œuvre.

J’irai même plus loin : les haies peuvent avoir une vocation pédagogique. Le 24 janvier dernier, à Courcy, un village de la Marne situé près de Reims, une plantation s’est déroulée de dix-huit heures trente à vingt-deux heures pour permettre à des scolaires d’y assister et d’aider les agriculteurs.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. À Michery dans l’Yonne aussi !

M. Cédric Chevalier. Je tiens à saluer le travail du rapporteur de la commission, qui avait dans un premier temps révisé les objectifs chiffrés initiaux. Toutefois, nous soutenons l’effort du Gouvernement pour mettre en cohérence ce texte avec les engagements ayant déjà été pris dans le cadre de la stratégie nationale biodiversité et du pacte en faveur de la haie présenté en septembre 2023 par le ministère de l’agriculture.

L’idée du label public unique a également été abandonnée au profit d’une reconnaissance officielle, par arrêté ministériel, de labels publics ou privés répondant aux critères légaux de gestion durable et favorisant ainsi une concurrence qualitative.

Un principe d’adaptation territoriale des certifications tenant compte des spécificités locales – plantation en plaine céréalière et gestion dans les anciens bocages – a également été introduit, sans toutefois permettre un assouplissement des exigences de durabilité.

Toutefois, je continue de m’interroger sur ce texte, même dans la version de la commission.

Tout d’abord, je pense aux labels et certifications. Certes, la démarche reste volontaire, mais il ne faudrait pas que les exigences requises pour obtenir une certification dissuadent les agriculteurs d’y adhérer. C’est pourquoi nous accueillons favorablement la proposition du Gouvernement visant à supprimer la mention des différents niveaux de certification. Selon nous, la loi devrait bel et bien se borner à fixer le principe de certifications de gestion durable des haies sur la base de critères communs.

Ensuite, si chacun d’entre nous est convaincu du rôle bénéfique des haies, on peut douter de la nécessité de créer une instance de concertation et un observatoire de la haie. Est-il bien opportun d’ajouter des strates supplémentaires à l’heure où nous devons réaliser des économies ? Les missions des instances précitées ne pourraient-elles pas être confiées à des structures existantes ? Il serait fort dommageable qu’une proposition de loi visant à éradiquer les comités Théodule, comme celle que nous examinerons cette après-midi, ne finisse par les supprimer ! (Sourires.) Nous soutenons, là encore, un allègement des dispositions relatives à la concertation et au suivi avec les parties prenantes.

Enfin, nous ignorons si la contrepartie que représente le crédit d’impôt incitant à une gestion durable de la haie, inscrit dans le projet de loi de finances (PLF) en novembre dernier, sera maintenue. Dès lors, quel est l’intérêt de cette proposition de loi ?

Ce sont là autant d’interrogations formant comme un parcours d’obstacles ou, oserais-je dire, une course de haies ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Il fallait la faire !

M. Cédric Chevalier. Notre groupe, comme chaque groupe de cette assemblée, soutient les haies, leur gestion durable et une meilleure valorisation des ressources qui en sont issues. À quelques jours de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, nous pourrions réfléchir à maintenir la ligne initiale de ce texte : simplification normative et réduction du millefeuille administratif.

C’est la raison pour laquelle nous serons particulièrement attentifs au débat et aux éventuelles simplifications qui seront apportées au présent texte.

Nous soutenons les haies, mais pas celles de la complexification ; car si les haies champêtres sont bénéfiques, les haies législatives, elles, mériteraient un bon coup de sécateur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Béatrice Gosselin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, habitant le département de la Manche, terre de bocage, je suis convaincue que ce texte est d’une importance capitale pour répondre aux enjeux environnementaux, agricoles et économiques auxquels nos territoires sont confrontés.

Il est vrai que cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte budgétaire difficile. Lors de l’examen du projet de loi de finances, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » alloués au pacte en faveur de la haie ont été gravement amputés, malgré des amendements venant de tous les groupes de notre assemblée. Nous le regrettons.

Cette baisse dramatique affaiblit directement les moyens disponibles pour atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement, notamment le gain net de 50 000 kilomètres de haies d’ici à 2030.

Toutefois, je tiens à saluer l’adoption d’un amendement transpartisan, déposé sur la première partie du projet de loi de finances, tendant à inciter financièrement les agriculteurs à gérer les haies de façon durable. Le crédit d’impôt créé à cette fin, qui couvre 60 % des dépenses engagées pour l’entretien et la certification des haies, constitue une avancée notable.

Au-delà des enjeux financiers, les attentes des agriculteurs en matière de simplification administrative ne peuvent être ignorées.

Le régime juridique des haies est aujourd’hui complexe et fragmenté : près de quatorze réglementations, souvent contradictoires et redondantes, s’appliquent. Les agriculteurs demandent que ces contraintes soient simplifiées, grâce à un cadre clair et unique.

À cet égard, la définition de la haie adoptée dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) est particulièrement pertinente, car adaptée aux besoins des agriculteurs. Elle reconnaît la diversité des haies présentes sur notre territoire et évite de restreindre ou de complexifier inutilement les pratiques agricoles.

La haie est ainsi définie comme une unité linéaire de végétation ligneuse, implantée à plat, sur talus ou sur creux, accompagnée d’arbustes et éventuellement d’arbres et d’autres ligneux. Quelquefois, les haies sont uniquement constituées d’arbres et d’autres ligneux, sans arbustes.

Cette définition convient aux agriculteurs et reflète les réalités du terrain, qu’il s’agisse du bocage normand ou de régions présentant des caractéristiques pédoclimatiques variées.

Une telle harmonisation, associée à la création d’un guichet unique à l’échelle départementale permettant de centraliser les démarches, offrirait un cadre simplifié et cohérent, propice à une gestion durable des haies.

Je tiens à souligner une avancée notable issue des travaux de l’Assemblée nationale, à savoir la prise en compte des spécificités locales dans la gestion des haies.

Le projet de loi d’orientation agricole, dont nous commencerons l’examen en séance dès mardi prochain, comprend des mécanismes visant à adapter les règles nationales aux réalités de chaque territoire, en reconnaissant la diversité pédoclimatique et écologique de nos départements.

Un décret en Conseil d’État détaille des modalités de compensation territorialisées en cas de destruction de haies, en tenant compte de facteurs comme la densité de haies, leur valeur écologique et la dynamique historique de leur destruction ou progression.

De plus, chaque département, après consultation des organisations agricoles et des élus locaux, pourra établir par arrêté une durée d’interdiction de travaux sur les haies, adaptée aux périodes de nidification des espèces locales et révisable annuellement, ainsi qu’un coefficient de compensation spécifique permettant une juste prise en compte des enjeux locaux.

De telles adaptations sont parfois nécessaires. En 2024, les champs étaient tellement trempés que les agriculteurs ne pouvaient même pas y pénétrer ; il a donc fallu décaler les travaux destinés à l’implantation des haies.

Les 50 000 kilomètres de haies qui parcourent le département de la Manche, soit 100 mètres de haies par hectare en moyenne, illustrent parfaitement ces enjeux. À titre de comparaison, dans l’Eure, un autre département normand, on ne compte que 13 mètres de haies par hectare. À terme, certaines parcelles du Cotentin inférieures à un hectare risquent même de rester à l’abandon, faute de rentabilité pour l’exploitant.

Enfin, la mise en place d’une cartographie départementale des protections applicables aux haies, régulièrement actualisée et accessible au public, apportera une meilleure lisibilité aux exploitants agricoles et aux propriétaires de parcelles.

Si l’ambition d’une certification nationale pour la gestion durable des haies est louable, elle doit impérativement tenir compte des spécificités territoriales.

Les agriculteurs de mon département, avec qui j’ai eu l’occasion d’aborder ces questions, ont manifesté leurs réserves quant à la pertinence actuelle du label « Haie ».

Le bocage normand, caractérisé par des haies souvent anciennes, exige des approches adaptées qui privilégient l’entretien et la valorisation. Parfois, il faut même y déplacer une haie pour assurer l’exploitation d’un terrain.

La vitesse de pousse, la typologie des sols et les pratiques agricoles dans notre territoire diffèrent significativement de celles d’autres régions. Le monde agricole serait plus enclin à gérer les haies d’une façon durable et pluriannuelle, en tenant compte de leur caractère dynamique, tant dans leur rôle écologique que dans leur valorisation économique.

Je plaide donc pour une association des acteurs locaux et du préfet, afin que cette certification devienne un outil véritablement pertinent et opérationnel, en particulier dans les départements où le bocage constitue un patrimoine à la fois agricole, écologique et identitaire.

Cette proposition de loi fixe des objectifs ambitieux et nécessaires : accroître le linéaire de haies de 50 000 kilomètres d’ici à 2030, afin d’assurer l’exploitation durable de 100 000 kilomètres de haies, puis de 500 000 kilomètres d’ici à 2050. Pour y parvenir, nous devons non seulement garantir l’octroi de moyens financiers suffisants, mais aussi accompagner nos agriculteurs en allégeant les contraintes administratives qui pèsent sur eux.

Un précédent orateur l’a rappelé : pour être ancienne, la haie n’en assure pas moins l’avenir. Précisément, en adoptant ce texte, nous ferons le pari de développer des territoires ruraux vivants, résilients et porteurs d’avenir !

Cette proposition de loi serait tout à fait bénéfique pour un territoire comme la Manche, où les haies bocagères sont un symbole du patrimoine local. Plus largement, nous avons aujourd’hui une occasion unique de concilier écologie, économie et agriculture.

Mon cher collègue, je vous invite donc à voter ce texte et à poursuivre nos efforts, pour définir un cadre juridique simplifié et assurer des financements pérennes à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Buval. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Frédéric Buval. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte très important pour nos paysages et nos agriculteurs.

En effet, les haies sont bien plus que de simples éléments du paysage rural. Elles constituent un rempart contre l’érosion des sols, un refuge pour la biodiversité, un régulateur thermique, un allié pour la ressource en eau et un véritable puits de carbone. Elles jouent aussi un rôle essentiel pour la résilience agricole, en protégeant les cultures et les élevages contre les aléas climatiques.

Pourtant, malgré ces multiples vertus, la disparition des haies s’accélère – depuis les années 1950, 70 % du linéaire bocager a disparu en France. Pis encore, alors que nous pensions avoir pris conscience de leur importance, la destruction des haies a plus que doublé ces dernières années : la perte annuelle de haies, qui s’élevait à 10 500 kilomètres entre 2006 et 2014, a bondi à 23 500 kilomètres entre 2017 et 2021.

Si nous ne réagissons pas, nous risquons de voir s’effacer l’un des éléments les plus structurants de notre paysage rural. Or la disparition des haies aurait des conséquences majeures pour notre environnement et notre agriculture. Face à ce constat alarmant, notre responsabilité collective est d’agir.

C’est bien le sens de ce texte, qui permettra tout d’abord une vraie stratégie nationale structurelle pour nos haies.

L’article 1er inscrit dans la loi une stratégie nationale de gestion et de reconquête des haies assortie d’objectifs précis : un gain net du linéaire de haies de 50 000 kilomètres par an d’ici à 2030, ainsi qu’une gestion durable de 100 000 kilomètres de haies en 2030, puis de 450 000 kilomètres à l’horizon 2050.

Cet engagement prolonge les actions prises en 2023 au titre du pacte en faveur de la haie. Il donne aux acteurs du terrain une visibilité à long terme, essentielle à une gestion efficace des haies.

En outre, si nous voulons que les haies soient entretenues et replantées, nous devons changer de regard sur leur rôle économique.

Ainsi, lors de l’examen du présent texte en commission, nous avons introduit à l’article 2 la création d’une certification de gestion durable à l’échelle nationale, devant tenir compte des spécificités de chacun de nos territoires.

Cette démarche, qui reste entièrement facultative, permettra de favoriser une gestion pragmatique et ancrée dans les réalités locales. Les exploitants pourront dès lors être reconnus et rémunérés pour leurs bonnes pratiques.

L’article 3 assure quant à lui la valorisation économique des haies : il fixe des objectifs concrets pour accroître l’utilisation du bois bocager dans les filières locales de biomasse et d’énergie. Ces mesures permettent d’inscrire la haie dans une économie circulaire, où elle devient un véritable levier de développement territorial.

Enfin, le présent texte apporte une vraie solution pour compenser le coût induit par l’entretien des haies pour les agriculteurs.

À l’origine, l’article 4 créait un crédit d’impôt, finalement inscrit dans le projet de loi de finances pour 2025, permettant de couvrir 60 % des dépenses engagées pour la gestion durable des haies, assorti d’un plafond de 4 500 euros par exploitation. Grâce à cette mesure essentielle, les agriculteurs pourront franchir le pas et investir, sans craindre un surcoût difficile à absorber.

Cette proposition de loi n’aura de sens que si nous votons un budget pour la mettre en œuvre. Aussi, les élus de notre groupe espèrent que le crédit d’impôt précité sera maintenu dans la version finale du projet de loi de finances.

En conclusion, le présent texte permet de conjuguer ambitions écologiques et réalités économiques. Il représente une vraie chance pour nos territoires, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer. Pour l’ensemble de ces raisons, les membres de notre groupe le voteront. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST, ainsi quau banc des commissions. – M. Gérard Lahellec applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Philippe Grosvalet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au début des années 1960, on m’enseignait à l’école publique les bienfaits de la haie : rétention de l’eau, protection contre le vent ou encore délimitation des parcelles. Puis, le dimanche, sur le chemin qui menait à la ferme de mes grands-parents, je croisais des bulldozers… Ainsi, j’ai appris assez vite que la République indivisible pouvait avoir plusieurs visages.

Le remembrement, conçu pour tirer le meilleur parti de la mécanisation des exploitations, a affecté le paysage de nos campagnes, particulièrement dans le nord et l’ouest de la France. Si certains bocages ont été préservés, comme celui de Notre-Dame-des-Landes (Sourires sur les travées du groupe GEST. – M. Ronan Dantec rit.), le bilan reste sévère.

Depuis 1950, 70 % des haies ont disparu de notre territoire. Les bénéfices de leur implantation sont pourtant nombreux.

Sur le plan agronomique, les haies concourent à la lutte contre l’érosion, enrichissent les sols, favorisent la pollinisation et participent au bien-être animal. Sur le plan écosystémique, elles stockent du carbone, participent au grand cycle de l’eau et à la préservation de la biodiversité.

Les haies ont aussi une valeur économique : 100 mètres de haies peuvent produire jusqu’à 10 tonnes de bois vert en l’espace d’une génération.

Réimplanter des linéaires de haies dans nos campagnes est donc un enjeu à la fois agricole, environnemental et économique. Il est identifié et pris en compte tant à l’échelon européen – en témoignent les aides spécifiques attribuées sur le fondement de la PAC – qu’à l’échelon national, via le pacte en faveur de la haie, lancé en 2023.

L’approche globale et intégrée de ce pacte mérite d’être saluée. Néanmoins, les moyens alloués pour accroître le linéaire des haies de 50 000 kilomètres à l’horizon 2030 restent largement insuffisants, d’autant que leur évolution est dégressive.

Dès lors, il semble nécessaire d’insuffler un nouvel élan, afin d’ancrer dans le champ légal les ambitions du pacte en matière de restauration, de développement et de gestion des haies. Tel est précisément l’objet de ce texte.

L’inscription d’objectifs chiffrés dans la loi, ainsi que la création d’une stratégie nationale actualisée tous les six ans et déclinée par un plan national d’actions, permettront de dégager une vision stable, donc de travailler à long terme.

Défini à l’article 2, le cadre de certification pour les gestionnaires de haies et les distributeurs de bois ménage un équilibre entre qualité et généralisation du label, tout en tenant compte des différentes conditions pédoclimatiques de nos territoires.

L’article 3 établit une trajectoire d’augmentation d’approvisionnement en bois issu de haies à destination des chaufferies, dans le cadre de la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse. Une telle initiative répond pleinement aux objectifs de transition écologique.

Cette proposition de loi traduit une vision stratégique. Par une approche incitative que reflète le crédit d’impôt prévu à l’article 4, dispositif inscrit dans le projet de loi de finances, elle permet aux acteurs concernés d’adhérer à la démarche engagée. Ce point a toute son importance ; la réimplantation de linéaires de haies se fera non pas contre le monde agricole, mais avec lui.

Cher Daniel Salmon, je ne suis pas certain que votre proposition de loi entre dans l’histoire au même titre que la convention de La Haye. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes GEST, INDEP et RDSE.) Mais, à tout le moins, l’histoire retiendra que le groupe RDSE a voté ce texte à l’unanimité ! (Applaudissements et exclamations sur les travées des groupes RDSE et GEST. – M. le rapporteur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Marie-Lise Housseau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, malgré sa singularité normative, et grâce à la récente redécouverte de ses vertus, la haie fait l’objet d’un consensus politique : nous jugeons tous nécessaire d’assurer sa préservation et de faciliter son développement.

Les données scientifiques nous démontrent que la haie présente de multiples avantages, qu’ils soient agronomiques, écologiques ou économiques. C’est en ce sens qu’elle constitue un réservoir de biodiversité. Elle offre, en outre, un outil précieux pour adapter nos territoires au changement climatique, grâce à ses capacités de limitation de l’érosion des sols et de captation du gaz carbonique.

Alors que ses nombreux atouts nous inciteraient à dynamiser ce système végétal, un rapport bien connu du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), publié en 2023, dresse l’amer constat de la disparition de la haie.

En quinze ans – je le souligne à mon tour –, la France a perdu 15 % de son patrimoine de haies sous l’effet du remembrement agricole et de la mécanisation de l’agriculture.

Pour endiguer ce phénomène, le législateur s’est employé à trouver des solutions facilitant le déploiement des haies et à gommer certaines réglementations complexes. Il répond ce faisant à certaines des revendications formulées par les agriculteurs au début de l’année 2024.

M. Olivier Paccaud. C’est vrai !

Mme Marie-Lise Housseau. C’est bien la preuve que la haie fait l’objet d’un réinvestissement politique ; nous devons nous en féliciter.

Aujourd’hui, notre mission est la suivante : combiner les mesures de cette proposition de loi déposée en juillet 2023, non seulement avec les engagements du pacte en faveur de la haie pris par le Gouvernement en septembre suivant, mais aussi avec les crédits associés inscrits dans la version actuelle du projet de loi de finances pour 2025.

Soucieuse de synchroniser la copie du Gouvernement et celle des parlementaires pour assurer la reconquête de la haie, la commission des affaires économiques a réécrit l’article 1er. Elle a ainsi aligné les objectifs chiffrés de développement sur ceux que le Gouvernement a retenus au titre du pacte en faveur de la haie.

Cette mise en cohérence des actions gouvernementales et parlementaires est nécessaire si nous voulons laisser une politique efficace en faveur de la haie aux mains des agriculteurs, lesquels ne demandent que de la simplicité et des outils appropriés. Elle permet aussi d’inscrire dans le marbre des objectifs ambitieux, mais non moins crédibles, afin que l’on ne soit pas contraint de les revoir à la baisse dans les prochaines années.

Autre signe d’un long tâtonnement sur ce sujet, le législateur a reconnu qu’il existait une multiplicité de définitions, émiettées dans différents codes, notamment le code de l’environnement et le code de l’urbanisme. Ces définitions sont parfois incompréhensibles et contradictoires, selon que l’on adopte le point de vue de la PAC, des préfectures ou des chambres d’agriculture.

Ce travail de définition est renvoyé au projet de loi d’orientation agricole. Mais, une chose est sûre, il traduit notre tendance à complexifier un objet pourtant consensuel.

En fixant des critères de gestion durable, l’article 2 ouvre la porte non pas à un label unique, qui se révélerait trop restrictif, mais à des certifications mieux adaptées à l’hétérogénéité des haies. Ainsi, il tient compte de l’existence de spécificités territoriales. Ces corrections sont bienvenues pour rehausser la dimension écologique de la haie et la promouvoir dans la mosaïque des exploitations agricoles.

Par ailleurs, il est impératif que cette nouvelle législation, en cohérence avec le plan national, puisse s’articuler aux programmes régionaux préexistants.

L’article 3 fixe des trajectoires régionales d’augmentation des approvisionnements des chaufferies collectives en bois issus de haies gérées durablement. Voilà une mesure de valorisation judicieuse.

Toutefois, il faut garantir une action cohérente à long terme. Nous sommes régulièrement interpellés par les représentants du secteur du bois quant aux incohérences de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) du bâtiment, qui pénalisent plus fortement le bois.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, avait pour ambition de réduire le prix des produits vertueux. Pourtant, l’utilisation du bois comme matériau de structure implique de payer quinze à trente fois plus d’écocontributions que l’utilisation du béton ou de l’acier.

Ma collègue Anne-Catherine Loisier a formulé des propositions pour corriger ce déséquilibre.

Madame la ministre, combien de temps la filière bois continuera-t-elle de payer plus cher le recyclage du bois provenant d’une haie voisine que le ciment importé ?

Enfin, rappelons que cette proposition de loi, dans sa version initiale, créait un crédit d’impôt d’une durée de trois ans en faveur des exploitations agricoles bénéficiant de la certification de gestion durable. Par souci de cohérence, cette mesure bienvenue a été consolidée, puis inscrite dans le projet de loi de finances pour 2025, dont l’adoption n’est toutefois pas encore acquise.

Ce crédit d’impôt, en parallèle du bonus « haies » et de l’écorégime de la PAC, permet surtout de compenser en partie la baisse de 72 % des crédits budgétaires du pacte en faveur de la haie. Nous regrettons néanmoins que cette incitation se substitue à l’enveloppe stable promise par le Gouvernement.

Quoi qu’il en soit, le présent texte fixe des objectifs crédibles, crée des outils incitatifs et s’accorde avec le pacte en faveur de la haie. Pour toutes ces raisons, les élus du groupe Union Centriste le voteront. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie
Article 2

Article 1er

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « préservation », sont insérés les mots : « , de la gestion durable » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , afin de tendre, à compter du 1er janvier 2030, par rapport au 1er janvier 2024, à une augmentation nette du linéaire de haies de 50 000 kilomètres, à un linéaire de haies en gestion durable, au sens de l’article L. 611-9 du présent code, de 100 000 kilomètres, et à compter du 1er janvier 2048, à un linéaire de haies de 500 000 kilomètres, géré durablement, sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin » ;

b bis) (nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la promotion de la valorisation économique des haies gérées durablement. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les documents de programmation stratégique nationale prévus par le droit de l’Union européenne et élaborés en vue de la mise en œuvre de la politique agricole commune sont compatibles et contribuent à tendre aux objectifs prévus par la stratégie définie à l’article L. 126-6 du présent code. » ;

3° Le chapitre VI du titre II du livre Ier est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie

« Art. L. 126-6. – I. – Une stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie, fixée par décret, définit les orientations à suivre pour conduire la politique de gestion et de développement durables du linéaire de haies sur le territoire.

« Cette stratégie définit une trajectoire chiffrée et un plan national d’actions afin de tendre aux objectifs mentionnés à l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 1.

« Le plan national d’actions définit des objectifs chiffrés en termes de plantations et des mesures en faveur du développement de la reconstitution de haies par régénération naturelle.

« Il définit également les mesures permettant d’atteindre une mobilisation, en 2030, de 500 000 tonnes de matière sèche par an issues de haies gérées durablement au sens de l’article L. 611-9, en articulation avec la stratégie mentionnée à l’article L. 211-8 du code de l’énergie.

« Il établit un inventaire des pratiques de gestion des haies favorisant leur bon état écologique ainsi que la liste des financements publics et des mesures destinés à la recherche, à la formation et au soutien des acteurs publics et privés, en particulier des exploitations agricoles, en vue d’atteindre les objectifs mentionnés au présent I et notamment le développement de la gestion durable des haies au sens de l’article L. 611-9 du présent code.

« Le plan national d’actions est doté d’une instance de concertation et de suivi. Cette instance comprend notamment des représentants des filières et des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, des associations nationales de protection de l’environnement agréées, l’ensemble des organisations syndicales représentatives, des organismes nationaux à vocation agricole et rurale au sens des articles L. 820-2 et L. 820-3, des organismes de formation et de recherche compétents et des associations nationales de défense des consommateurs agréées. Sa composition est fixée par décret. Elle est présidée par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.

« Cette stratégie est actualisée au moins tous les six ans.

« II. – Le plan national d’actions mentionné au I s’appuie sur un observatoire de la haie qui permet de collecter des données quantitatives et qualitatives pour suivre et évaluer les politiques publiques déployées sur le territoire national et rend disponible gratuitement, au format numérique, une agrégation et un suivi, jusqu’à l’échelle de la commune, des données de cartographie des haies et de leur implantation, du déploiement de la gestion durable des haies, au sens de l’article L. 611-9, et de mobilisation de la biomasse issue de cette gestion durable. »