M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis cette après-midi pour examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

Dans un premier temps, je tiens, au nom du groupe RDSE, à remercier nos collègues rapporteurs spéciaux et pour avis des commissions des finances, des affaires économiques et de l’aménagement du territoire et du développement durable pour leur travail d’analyse des différents programmes, ainsi que pour leurs propos introductifs, qui nous permettent d’aborder cette séance en toute clarté.

Comme cela a été dit, cette mission porte les dépenses afférentes aux politiques publiques en faveur de la transition énergétique, du climat, de la biodiversité, de la prévention des risques, de la sûreté nucléaire et des transports, ainsi qu’aux emplois des ministères chargés de l’écologie, de l’énergie, de la cohésion des territoires et de la mer.

Lorsque nous parlons de ces sujets majeurs, il est toujours utile de rappeler le contexte dans lequel nous évoluons. Les hasards du calendrier font que nous examinons cette mission le jour même de l’investiture de Donald Trump en tant que 47e président des États-Unis.

En effet, la première puissance économique du monde, qui réalise 25 % du PIB mondial, va être dirigée pendant quatre ans par un homme qui déclarait en 2015 à la chaîne CNN : « Je ne crois pas au changement climatique. […] C’est juste la météo ! » Ce n’est qu’une déclaration climato-sceptique parmi tant d’autres, dont beaucoup ont été prononcées durant la dernière campagne présidentielle.

Il y a donc fort à parier que Donald Trump reviendra rapidement sur les efforts écologiques engagés par son prédécesseur. Peut-être procédera-t-il au retrait pour la seconde fois des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat.

En outre, dans cette ambiance où règnent la désinformation et le bashing anti-écolo, les alertes scientifiques sont malheureusement de plus en plus palpables aux quatre coins de la planète.

En 2024, nous avons de nouveau connu des records de chaleur dans les cours d’eau et dans les mers, ainsi que des événements climatiques intenses, voire dramatiques sur le plan humain, comme à Mayotte – le cyclone Chido – ou en Espagne – les inondations dans la région de Valence en octobre.

La France métropolitaine n’est pas épargnée par la hausse de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes dus au changement climatique.

Les communes de l’est de la Lozère, département pourtant habitué aux fameux épisodes cévenols, ont également subi, en octobre dernier, des pluies torrentielles d’une ampleur inédite.

Ainsi, en dépit d’une adversité souvent virulente, notre mobilisation et nos actions en faveur de l’adaptation au changement climatique doivent être toujours plus fortes et ambitieuses, en liaison avec les acteurs de terrain.

Or force est de reconnaître que la mission « Écologie, développement et mobilité durables » subira, en 2025, des coupes budgétaires qui suscitent des interrogations légitimes sur la pérennité des ambitions de la France dans ce domaine.

En effet, la mission sera dotée de 21,81 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 20,50 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse respective de 9,52 % et de 5,15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Si l’on peut tout à fait comprendre la volonté évoquée de parvenir à une « meilleure efficience » des deniers publics et de faire preuve d’une « sélectivité accrue » dans leur usage, il n’en demeure pas moins que le signal envoyé n’est pas bon.

À l’heure où les doutes de nos concitoyens trouvent leur source dans un accompagnement encore trop insuffisant de la part de l’État, il est plus que jamais urgent de muscler les mesures concrètes et opérationnelles visant à aider chacune et chacun.

C’est le cas, par exemple, du chèque énergie, dont les crédits sont stables en autorisations d’engagement, mais diminuent de 180 millions d’euros en crédits de paiement. Nous pouvons craindre que le nombre de bénéficiaires du dispositif baissera en 2025, en raison des nouvelles modalités d’attribution.

Je pense aussi, bien sûr, aux collectivités territoriales, peu ou prou oubliées dans la version initiale du texte. Pourtant, dans un récent rapport, l’inspection générale des finances évalue à 21 milliards d’euros d’ici à 2030 le coût des investissements que ces dernières devront réaliser en faveur de la transition écologique.

Je ne m’attarderai pas davantage sur les constats.

Je souhaiterais souligner la démarche constructive du groupe RDSE, qui s’efforcera, par le biais de ses amendements, de corriger les imperfections de la trajectoire budgétaire que vous nous proposez.

En somme, nous avons la ferme intention de défendre, au cours de la discussion, des orientations visant à construire des politiques publiques environnementales qui embarquent le plus grand nombre : je pense notamment à la pérennisation du fonds vert, à une meilleure rétribution financière des exploitations agricoles, au rétablissement des moyens de Météo-France pour faire de l’opérateur un grand service public de prévention des risques, et à tant d’autres pistes, sur lesquelles nous espérons parvenir à un accord.

M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Franck Dhersin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour l’ensemble des protagonistes du secteur des transports, la présentation de ce projet de loi de finances a sonné un peu comme une mauvaise surprise.

S’il ne fallait citer qu’une seule des mauvaises nouvelles liées à ce projet de budget pour les transports, on pourrait évoquer la véritable saignée effectuée dans le budget de l’Afit France, puisque les moyens qui lui sont alloués baissent de 900 millions d’euros. Quand on a en tête certaines dépenses de fonctionnement dans lesquelles il conviendrait de sabrer prioritairement, on ne peut que s’insurger contre une telle baisse de ces crédits intégralement consacrés à de l’investissement, écologique de surcroît !

Cette réduction abrupte des crédits de l’Afit France procède d’une méthodologie budgétaire marquée par une forme de facilité, et je dirais même d’un manque de courage de la part de Bercy ; et non de vous, monsieur le ministre Tabarot – je vous connais ! En effet, il aurait plutôt fallu réduire nos dépenses de fonctionnement, afin de préserver nos investissements.

De manière plus générale, j’ai toujours pensé que le système de financement des transports s’accommodait mal du principe d’annualité budgétaire. Ce budget en est malheureusement l’illustration la plus parfaite. Les infrastructures ne supportent pas les freinages et les redémarrages permanents.

Nous gagnerions collectivement à mettre en place une programmation budgétaire pluriannuelle des transports, afin de donner une trajectoire claire à l’ensemble des filières du secteur.

Je forme le vœu que la conférence de financement des mobilités, qui se tiendra cette année – avec plus d’une année de retard –, débouchera enfin sur des propositions concrètes en la matière.

Parmi les autres sujets qu’il nous reviendra de traiter dans l’année qui s’ouvre figure la situation, toujours préoccupante, des AOM. La mise en place des Serm ne pourra se faire sans l’octroi de ressources supplémentaires aux régions : l’État invite ces dernières à se montrer ambitieuses en ce qui concerne le développement de leur réseau, tout en leur demandant de financer sur leur budget de fonctionnement ces nouveaux investissements. J’ai connu pareille situation comme vice-président chargé des transports au sein d’un conseil régional ; mais je sais que vous avez occupé la même fonction, monsieur le ministre.

Notre assemblée avait voté en décembre dernier l’instauration d’un versement mobilité de 0,2 % en faveur des régions. Nous avons désormais la certitude que le Gouvernement souhaite revenir sur cette mesure en commission mixte paritaire. Monsieur le ministre, vous qui aviez déposé des amendements en ce sens, lorsque vous siégiez encore, à l’époque, dans cet hémicycle, pouvez-vous nous confirmer que vous soutiendrez bien la position du Sénat ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. Le ministre y veillera certainement ! (M. le ministre chargé des transports sourit.)

M. Franck Dhersin. Le dernier point qu’il me semblait important d’aborder concerne la situation du réseau ferroviaire.

Les moyens destinés à sa régénération et à sa modernisation sont stables, à environ 3,3 milliards d’euros, dont près de la moitié provient du fonds de concours versé par SNCF Voyageurs à SNCF Réseau : c’est logique, au vu des excellents résultats de l’activité TGV, notamment sur des lignes pour le moment monopolistiques.

Pour rajeunir le réseau, il nous faudrait investir environ 1,5 milliard d’euros de plus. Malheureusement, il est d’ores et déjà acquis que le doublement de la part modale du fret ferroviaire en France ne pourra pas être réalisé d’ici à 2030, faute d’infrastructures d’une qualité suffisante.

J’aimerais aussi évoquer, madame la ministre, la baisse des crédits de l’Ademe, et en particulier de ceux du fonds Chaleur, dont les autorisations d’engagement devraient être réduites de plus d’un tiers cette année, pour s’établir à 540 millions d’euros. Cet outil constitue pourtant un levier essentiel en faveur de la transition énergétique des territoires. Il est plébiscité pour son efficacité par les entreprises et par les collectivités territoriales.

En définitive, le groupe Union Centriste votera tout de même en faveur des crédits de cette mission (M. Yannick Jadot ironise.), afin de ne pas ajouter de complexité à la situation politique que nous connaissons. Nous déplorons toutefois le manque de vision du Gouvernement sur le budget alloué aux mobilités. Nous regrettons aussi que les crédits d’investissement baissent davantage que les crédits de fonctionnement dans le budget de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas. (M. Ian Brossat applaudit.)

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour poursuivre l’examen du budget 2025, dans un contexte de crise budgétaire et politique inédite dans l’histoire de notre Ve République.

Alors que les recettes n’ont pas été votées par l’Assemblée nationale, que les dépenses n’y ont donc pas été débattues et que le texte a été déposé le 10 octobre dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale, nous dépassons de trente-deux jours le délai de soixante-dix jours prévu par la Constitution pour examiner le projet de loi de finances.

Depuis la censure du Gouvernement, voilà quelques semaines, une catastrophe climatique sans précédent s’est abattue à Mayotte. Nous avons aussi appris que les catastrophes naturelles dans le monde ont fait pas moins de 140 milliards de dollars de dégâts supplémentaires en 2024 par rapport à 2023. Copernicus a également montré, dans son rapport, que l’année 2024 a été plus chaude que l’année 2023, laquelle était elle-même plus chaude que l’année 2022, et que toutes les trois étaient les plus chaudes de l’histoire.

Pourtant, alors que les effets du dérèglement climatique s’intensifient, les coupes budgétaires n’épargnent pas la mission « Écologie, développement et mobilité durables », puisque ses crédits diminuent de 9,52 % en autorisations d’engagement et de 5,15 % en crédits de paiement.

Alors que Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz évaluaient, dans leur rapport, à 66 milliards d’euros, à l’horizon 2030, le montant des investissements publics et privés nécessaires pour atteindre nos objectifs en matière de transition écologique, nous savons que limiter le réchauffement climatique coûterait quatre à cinq fois moins que la réparation des dommages causés aux hommes, aux écosystèmes et aux infrastructures.

Au lieu de cela, les collectivités territoriales, mises à contribution pour réduire le déficit de l’État, vont subir la baisse des crédits du fonds vert : ces derniers, qui devaient initialement s’établir à 2,5 milliards d’euros, ont été ramenés à 1 milliard d’euros.

Le transfert des crédits consacrés à la rénovation énergétique des logements vers la mission « Cohésion des territoires » n’est pas indolore, puisque nous perdons au passage 1,7 milliard d’euros pour MaPrimeRenov’, alors que la précarité énergétique touche toujours 12 millions de nos compatriotes et que la modification des modalités d’attribution du chèque énergie entraînera une diminution du nombre de ses bénéficiaires.

En ce qui concerne les mobilités, 100 milliards d’euros seraient nécessaires d’ici à 2040 pour le ferroviaire, afin d’assurer la transition vers la décarbonation de nos déplacements et de réduire les émissions de ce secteur. Ce serait indispensable pour porter de 10 % à 20 % la part des voyageurs et des marchandises transportés par le réseau ferré.

Au lieu de cela, Fret SNCF est liquidé. Le gouvernement français fait le choix du « flux libre », en procédant à la mise en place de péages routiers sans limite, mais porte un coup d’arrêt au développement du transport ferroviaire en ouvrant la concurrence : tout un symbole !

Il faudrait dépenser 7 milliards d’euros par an pour développer le transport ferroviaire et assurer la régénération et la modernisation du réseau, quand le projet de loi de finances n’en prévoit que deux fois moins.

Je rappelle que nous attendons toujours d’ailleurs la conférence nationale de financement des Serm, qui devait avoir lieu le 30 juin 2024 – notre nouveau ministre des transports ne peut pas l’avoir oubliée… (Sourires. – M. le ministre chargé des transports le confirme.)

Les aides à l’achat de véhicules propres connaissent aussi la censure du projet de loi de finances, qui réduit significativement le bonus écologique.

En ce qui concerne les mobilités douces, en faveur desquelles les collectivités sont très engagées, il est prévu de faire disparaître le plan Vélo, alors que celui-ci devait bénéficier de 2 milliards d’euros de crédits d’investissement sur la période 2023-2027. Les annonces du Premier ministre souhaitant réalimenter cette ligne budgétaire restent pour le moins floues.

Enfin, même si le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, est désormais entièrement intégré au budget général de l’État, les assurés continuent de payer la surprime pour catastrophes naturelles, dite surprime CatNat. L’État doit donc affecter l’intégralité des sommes perçues à ce fonds. Or les crédits de ce dernier s’élèvent à 300 millions d’euros, alors que le produit de la surprime CatNat sera de 450 millions d’euros cette année : le compte n’y est pas !

La réduction du budget en faveur de la transition écologique ne sera pas sans conséquence sur nos compatriotes les plus fragiles et, par là même, augmentera les inégalités sociales.

Pour atteindre nos objectifs climatiques, nous devons trouver de nouvelles sources de financement, à percevoir notamment auprès des plus aisés et des plus polluants. Il est nécessaire aussi de reprendre le contrôle du secteur énergétique et d’en organiser la maîtrise publique au service des usagers comme des entreprises.

Les collectivités, sur lesquelles repose une part importante de la transition écologique, ne peuvent voir fondre leurs ressources au moment où elles doivent procéder à la rénovation énergétique de leurs bâtiments et adapter leur territoire au changement climatique.

Et je ne parle pas des agriculteurs, qui sont les grands absents de cette mission : ils sont pourtant les premières victimes du changement climatique. Des crédits supplémentaires sont indispensables pour les aider.

Toutes ces réductions budgétaires, en pleine crise sociale et écologique, doivent nous ramener au principe de réalité que plus personne ne conteste aujourd’hui. En l’état, le groupe CRCE-K ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la planification écologique, dont le Premier ministre continue à être en principe toujours chargé directement, est-elle toujours l’une des principales transitions que nous devons impérativement réussir ? Tiendrons-nous la trajectoire de la stratégie France Nation verte lancée voilà maintenant un peu plus de deux ans ? Pourrons-nous réaliser les chantiers prévus dans ce cadre ?

La réponse apportée par cette mission à cette question centrale est, hélas ! terriblement décevante.

Dans ce contexte budgétaire particulièrement contraint, on observe une volonté de rétablir les finances publiques. Cela nécessite des efforts pour se concentrer sur l’essentiel, mais l’écologie, au vu du contenu de ce projet de loi de finances, n’en fait manifestement pas partie !

Certes, on poursuit à peu près ce qui était déjà engagé ; certes, quelques bougés permettent et permettront, je l’espère, de réduire les lourds dommages pour le fonds Chaleur, le fonds vert, le plan Eau et les agences. Je n’oublie pas les 30 millions d’euros pour le fret ferroviaire.

Reste que le massacre est bien là. Il s’agit non pas d’un simple trou d’air, comme je l’ai entendu tout à l’heure, mais bel et bien d’un massacre quand les aides à l’acquisition de véhicules propres sont divisées par trois ; quand les moyens pour la biodiversité s’affaissent de moitié, et que le Premier ministre relaie les mises en cause de l’Office de la biodiversité ; quand les moyens de l’Afit France sont sapés, de même que les conditions d’action de l’Ademe et du Cerema ; quand l’élan prometteur du plan Vélo est coupé – au mieux, il sera peut-être ramené au niveau d’engagement des années d’avant-covid –, et encore les 50 millions d’euros obtenus après négociation voilà quelques jours ne sont inscrits nulle part, si ce n’est dans notre amendement. (Sourires.)

Quant au fonds territorial climat accompagnant les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), que les écologistes proposent depuis 2016 avec les réseaux de collectivités et qui avait été introduit dans la loi par le Sénat, je vous rappelle qu’il est resté bloqué par Bercy. Nous espérons qu’il ne figurera pas dans cette liste des revers et régressions. Nous nous félicitons d’ailleurs de l’avis favorable donné par la commission à notre amendement et demandons à la ministre de s’engager à le mettre en place pour respecter l’accord donné par l’État lors du précédent PLF. Si on n’y arrive pas, ce serait totalement incompréhensible.

De même, pour la prévention des risques naturels, il faudra suivre ce que le Sénat va très probablement voter pour que les 450 millions d’euros émanant de la surprime CatNat soient effectivement affectés à la prévention des risques : fonds Barnier, retrait-gonflement des argiles et risques hydrauliques.

Pour le chèque énergie, il faudra bien sûr renoncer à la mise en place d’une démarche de demande préalable, qui exclurait des ménages en précarité énergétique.

Les conditions d’examen de cette mission sont bien complexes. En effet, où est la clarté budgétaire, quand la base qui nous est soumise est celle du trimestre passé, élaborée à la hâte, sans véritable dialogue, et quand s’y agglomèrent, sans cohérence lisible, des amendements gouvernementaux en dernière minute, voire de simples déclarations d’intention dans la perspective de la commission mixte paritaire et d’un texte imposé par le 49.3 ?

Si l’on fait le point sur les mobilités, la tâche s’annonce ardue, voire himalayesque, cher Philippe Tabarot. Force est de constater qu’a été perdu le fil conducteur du Conseil d’orientation des infrastructures et du plan d’avenir pour les transports.

Qu’en est-il d’un versement mobilité régional, d’un déplafonnement pour les réseaux urbains ?

Les autorités organisatrices de la mobilité de la ruralité sans service régulier resteront-elles démunies, alors qu’elles sont en première ligne face aux dégâts et au coût social de l’autosolisme ?

Cette année encore, la bonne proposition sénatoriale de fléchage d’une part du produit ETS (Emission Trading Scheme) devrait donc attendre. On nous dit que la solution arrive avec les hypothétiques certificats d’économies d’énergie et, surtout, avec la conférence de financement des mobilités, qui est une véritable Arlésienne. Cette promesse restera-t-elle vaine comme celle, hier, d’une loi de programmation des transports ?

Y a-t-il véritablement la volonté de construire le modèle de financement des Serm, pour que, d’ici à 2026, au-delà des études préparatoires, lesquelles dépendent des engagements incertains des CPER, l’intensification des mobilités décarbonées du quotidien ne repose pas que sur les contribuables des territoires concernés ?

Pour le ferroviaire, sa régénération et sa modernisation, il manque toujours 1,5 milliard d’euros par an. Pire, sans les péages versés à SNCF Réseau, on constate en fait une décroissance des moyens. Les fonds de concours de la SNCF ne dureront pas au-delà de 2027 et rien de palpable ne se profile pour le fameux plan à 100 milliards d’euros d’ici à 2040. Autrement dit, il va falloir fortement changer de braquet pour avoir de quoi tenir cette année une conférence de financement qui ne soit pas une coquille vide.

Madame la ministre, dans votre discours à la COP Grand Est à Strasbourg, voilà quelques mois, vous aviez eu parfaitement raison de déclarer qu’il importait, dans la séquence politique que nous vivions, de « faire pièce à tous ceux qui nous disent qu’il faut ralentir la transition écologique ». C’est toujours d’actualité et c’est la raison pour laquelle il nous faut rejeter aujourd’hui cette régression écologique qui est soumise à notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hervé Gillé. « L’écologie n’est pas le problème, c’est la solution. C’est pour moi une priorité, une ardente obligation qui doit être poursuivie et amplifiée. » Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ces phrases sont celles du Premier ministre, François Bayrou, prononcées lors de son discours de politique générale le 14 janvier dernier.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. Saine lecture !

M. Hervé Gillé. Que dire, pourtant, si l’on regarde entre les lignes ? Que l’écologie, cantonnée à quelques mots au sein d’un discours de plus d’une heure, peine à s’imposer dans cette nouvelle feuille de route gouvernementale.

Où se trouve la rupture, où se trouve le progrès ? Le même texte budgétaire nous est présenté de nouveau, avec, globalement, les mêmes priorités, les mêmes choix ; et la transition écologique, elle, est reléguée au second plan.

Ce budget 2025, qui s’inscrit dans la continuité des choix faits depuis plusieurs mois, ne montre aucune évolution réelle en matière de priorités environnementales. Prévoyant un effort global de 60 milliards d’euros, dont les deux tiers doivent être réalisés par des réductions de dépenses, il a un impact direct sur les politiques environnementales, mais aussi sur les collectivités territoriales qui tentent, tant bien que mal, de faire le choix de l’adaptation.

Le fonds vert, par exemple, censé être l’un des leviers essentiels de la transition écologique, devient une simple variable d’ajustement. En 2024, il était doté de 2,5 milliards d’euros. En 2025, il ne bénéficiera plus que de 1,2 milliard d’euros – à préciser, peut-être, comme l’a annoncé finalement le Premier ministre devant le Sénat la semaine dernière. Ne nous y trompons pas, la baisse est réelle par rapport à l’année dernière. Ce recul est un message clair : l’environnement ne fait pas partie des priorités de ce gouvernement.

La question de l’eau, qui me tient particulièrement à cœur, est présentée comme une priorité. Mais qu’est-il prévu en ce sens ? Une grande conférence nationale de l’eau, qui doit avoir lieu en dehors de tout cadre budgétaire, donc sans association des parlementaires, a été annoncée. Mais aucun acteur ne l’a véritablement demandée ; et les régions reçoivent maintenant le mandat de la mettre en place. Cette situation n’est pas sans rappeler les COP régionales imposées l’an dernier, les conseils régionaux ayant dû organiser en urgence des événements sans véritable préparation ni moyens.

Si le Gouvernement souhaite agir pour améliorer notre politique de l’eau, le groupe SER a des propositions à formuler. D’abord, dans le cadre de ce budget, il serait pertinent de ne pas puiser dans la trésorerie des agences de l’eau, véritables bras armés d’une politique durable et ambitieuse. Ensuite, il est impératif d’assurer dès cette année la montée en puissance du plan Eau, à hauteur de 175 millions d’euros. Enfin, il serait crucial de créer et d’abonder un fonds de soutien dédié aux zones de protection des captages d’eau.

Ce matin, le Gouvernement a déposé un amendement de dernière minute visant à annuler des crédits sur l’ensemble ou presque des programmes de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » est concerné à hauteur de 30 millions d’euros, sans que l’on sache où cette coupe budgétaire s’effectuera et quels acteurs – je pense aux agences de l’eau – seront concernés. Madame la ministre, la crise politique et financière ne doit pas approfondir la crise parlementaire.

Venons-en à présent au fonds territorial climat, mesure transpartisane adoptée à l’unanimité par le Sénat l’an dernier, visant à doter les collectivités locales des moyens nécessaires pour mener leurs politiques de transition énergétique et écologique. Cette mesure avait fait l’objet de cinq amendements identiques soutenus et votés par des collègues de tous horizons. Pourtant, dans ce budget, aucune mesure concrète ne vient renforcer ce fonds ; c’est incompréhensible. Voilà une nouvelle occasion manquée en matière d’accompagnement des collectivités !

Passons maintenant aux transports, autre axe essentiel de la transition écologique que mon collègue Olivier Jacquin a évoqué. Comment ne pas rappeler la promesse des 100 milliards d’euros pour le ferroviaire, engagement qui semble encore une fois loin de se concrétiser ? Les crédits alloués à l’Afit France sont loin d’être suffisants. Si nous voulons vraiment réussir la transition énergétique, il est impératif de soutenir le ferroviaire et de garantir une véritable restructuration du réseau.

Nous le savons, un budget n’est pas une somme d’intentions. C’est un acte politique, un engagement à long terme. Or ce que vous nous proposez aujourd’hui, c’est un budget qui n’opère aucune transition, un budget qui ne planifie pas. Où sont les investissements clairs et ciblés pour accompagner les collectivités dans leur transition ? Où sont les financements pour l’adaptation au changement climatique, pour la biodiversité, pour la transition juste ? Les amendements déposés par le Gouvernement se limitent à des annulations de crédits. L’OFB est même menacé.

Nous avons pourtant été avertis et alertés sur les conséquences économiques de l’inaction climatique, notamment par le rapport Pisani-Ferry. Les catastrophes naturelles se multiplient et les effets du réchauffement sont déjà visibles. Pourtant, ce gouvernement semble déterminé à faire un choix dangereux : celui de sous-financer l’avenir de notre planète.

Le budget de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » qui nous est présenté aujourd’hui est un budget de renoncement. Nous devons exiger un budget qui soit à la hauteur des enjeux écologiques, un budget qui engage réellement la transition, un budget qui planifie l’avenir avec clarté et ambition. À l’évidence, tel n’est pas le cas. Aussi, nous ne voterons pas ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)