M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous êtes devant nous pour un exercice singulier : c’est la première fois que vous rencontrez la représentation nationale et vous devez défendre un budget qui a été préparé par votre prédécesseur, sur la base d’arbitrages que la ministre précédente avait contestés. (M. Jacques Grosperrin sourit.)

Dans un courrier adressé à M. Attal, Mme Retailleau avait en effet considéré que les correctifs apportés par Bercy et Matignon à son projet de budget compromettraient la santé budgétaire des universités, l’obligeraient à reporter la réforme des bourses et ne permettraient pas de réaliser les objectifs de la loi de programmation de la recherche.

Elle estimait, en son temps, qu’il manquerait 320 millions d’euros de crédits et 250 emplois pour honorer les engagements de la LPR. Elle soulignait que la réalisation de la LPR avait déjà été compromise en 2024, à la suite de nombreuses annulations de crédits.

Le projet de budget de son successeur aggravait davantage ces restrictions budgétaires. Pourtant, ce ministre estimait que seulement un tiers des mesures prévues pour l’année 2025 de la LPR serait financé. En revanche, il considérait qu’« il y aurait plutôt moins d’universités en difficulté fin 2024 que fin 2023 ».

Ce n’est pas en cassant le baromètre que l’on arrête la tempête ! À défaut de leur apporter les moyens suffisants pour exercer pleinement leurs missions de service public, nous devons au moins aux universités de reconnaître la situation budgétaire difficile dans laquelle elles se trouvent et les efforts qu’elles accomplissent pour tenter de maintenir des conditions d’études acceptables. J’aimerais éclairer mon propos par une situation concrète, celle de l’université de Nanterre.

Pour l’année 2025, en l’état actuel de la discussion budgétaire, les mesures dites Guerini représenteront une charge supplémentaire de 2,6 millions d’euros. Le coût du mécanisme du glissement vieillesse technicité (GVT) serait de 600 000 euros, la charge du CAS « Pensions » passerait à environ 3 millions d’euros et l’augmentation du coût des fluides à près de 1 million d’euros.

L’université de Nanterre doit donc faire face à plus de 7 millions d’euros de charges supplémentaires. Elle ne peut diminuer sa masse salariale, dont le coût représente près de 88 % de ses dépenses budgétaires, car son taux d’encadrement et la proportion d’agents administratifs dont elle dispose sont parmi les plus faibles de France.

Elle a donc été obligée de réduire à zéro son fonds de roulement, de restreindre ses investissements et d’augmenter ses frais de gestion, ce qui réduira d’autant les capacités de recherche des unités de recherche qu’elle accueille. Si l’État n’augmente pas la subvention pour charges de service public qu’il lui verse pour compenser les charges supplémentaires qu’il lui impose, il lui faudrait diminuer le nombre d’étudiants qu’elle scolarise ou augmenter leurs frais d’inscription.

Le cas de l’université de Nanterre n’est pas isolé. Sa situation budgétaire extrêmement précaire est celle de nombreuses universités. Il serait coupable de considérer que cette dégradation n’est pas sans conséquence sur les capacités de formation et de recherche de notre pays. Plusieurs indicateurs devraient nous alerter. Ainsi, le taux de réussite des étudiants de licence est en baisse et, surtout, le nombre de docteurs formés par l’université continue de diminuer.

Le rapport rendu par M. Mario Draghi a montré sans conteste que l’Europe était entravée par une pénurie de compétences qui restreignait ses capacités d’innovation et de recherche. L’effort de recherche de la France participe de cette crise. Il est passé de 2,22 % du PIB en 2022 à 2,19 % en 2023, et le volume de recherche des entreprises a baissé de 1,3 % sur la même période.

Reconnaissons avec honnêteté que la science française connaît une situation de déclassement, aggravée par les politiques de ce gouvernement et de ses prédécesseurs.

D’autres pays, qui sont pourtant dans des situations budgétaires tout aussi difficiles, ont fait des choix rigoureusement inverses. Ainsi, le gouvernement britannique consacrera plus de 24 milliards d’euros à la recherche et à l’innovation, dont plus de 6 milliards seront directement affectés à la recherche fondamentale.

L’université et la recherche ne constituent pas des charges financières que l’on pourrait réduire sans conséquence pour l’avenir de notre pays et de notre jeunesse. La République doit se réconcilier avec ses savants, parce que c’est dans la science et la connaissance qu’elle trouvera les ressources pour dépasser les crises qui la menacent. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Premier ministre était très fier de présenter votre ministère de rattachement, celui de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, comme le premier dans l’ordre protocolaire. De plus, quel symbole qu’il s’agisse d’un ministère d’État !

Il est très fier de vous avoir, monsieur le ministre, ancien président du Centre national d’études spatiales (Cnes) et « spécialiste des universités ».

Toutefois, derrière ces compliments et cet encensement, la réalité est bien différente. Ne faisant pas exception, cette mission est durement et durablement touchée par la cure d’austérité. Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche fait l’objet d’une inacceptable coupe budgétaire de 553 millions d’euros, n’annulant que partiellement le coup de rabot de février 2024.

Ce budget, c’est votre prédécesseuse, Sylvie Retailleau, qui en parle le mieux : sa trajectoire est « irréaliste, voire dangereuse ».

Irréaliste et dangereux, ce budget l’est tout d’abord pour les étudiantes et étudiants.

Alors que plus de 50 % des étudiants faisant la queue aux distributions alimentaires ne sont pas éligibles aux bourses sur critères sociaux, ce projet enterre l’ambition d’une réforme structurelle des aides sociales.

Pis, le financement des bourses étudiantes baisse de 120 millions d’euros, ce qui risque d’aggraver la crise sociale subie par les étudiantes et étudiants. La précarité étudiante n’a pas disparu avec la fin de la pandémie.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a ainsi déposé un amendement visant à revenir sur cette baisse des crédits consacrés aux aides directes sur critères sociaux. Plus globalement, face à l’inadaptation du barème des bourses, nous défendons le principe d’une allocation universelle d’autonomie d’études.

Nous souhaitons également que la santé mentale des jeunes soit une priorité du Gouvernement, tant dans les paroles que dans les actes. On ne compte qu’un psychologue pour 30 000 étudiants, alors que 68 % de ces derniers déclarent avoir des symptômes dépressifs et 36 % des pensées suicidaires. Nous défendrons un amendement visant à renforcer les services de santé étudiante.

Enfin, nous devons prendre à bras-le-corps la crise du logement qui touche les étudiants de plein fouet. Dénoncée depuis plusieurs années, l’insalubrité des logements des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) a marqué la chronique estivale des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.

Bâtiments présentant des risques de sécurité, mise en péril sanitaire, conditions d’études dégradées : certains jeunes se retrouvent parfois dans des situations insurmontables, avec peu de marge de manœuvre pour garantir leurs droits. Nous devons poursuivre de manière massive la rénovation et l’accessibilité des logements étudiants gérés par les œuvres universitaires.

Irréaliste et dangereux, ce budget l’est également pour les universités.

Nous avons toutes et tous reçu les alertes relatives à la situation financière particulièrement difficile des universités, qui se trouvent dans une situation alarmante et sans précédent. Les surcoûts non financés ou non compensés par l’État s’élèvent à au moins 500 millions d’euros, sans compter les contraintes budgétaires déjà existantes.

Fermeture d’antennes universitaires, notamment dans les villes moyennes, limitation des places offertes sur Parcoursup et Mon Master, cours en distanciel : ce budget va contraindre les établissements à faire des choix aux conséquences directes sur les perspectives des étudiants et le rayonnement de l’enseignement supérieur.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite revenir sur l’ensemble de ces coupes, pour que les établissements n’aient pas à puiser dans leurs fonds de roulement et ne mettent pas en danger la pérennité de leur budget.

Nous regrettons également l’absence de financement de la rénovation du parc immobilier de l’enseignement supérieur et de la recherche. En héritage des Jeux, nous avons déposé un amendement visant à promouvoir la rénovation des infrastructures sportives.

Enfin, je souhaite évoquer le sujet des établissements privés à but lucratif. Monsieur le ministre, votre prédécesseur M. Hetzel avait lui-même admis qu’il fallait réguler ce secteur.

Face aux nombreuses dérives et dysfonctionnements du privé lucratif, je suis convaincue que nous pouvons mener un travail collectif à ce sujet. Au-delà des instabilités politiques et ministérielles, nous devons collectivement porter ce combat dans les prochains mois.

Irréaliste est dangereux, ce budget l’est enfin pour la recherche française. Monsieur le ministre, ce n’est pas à vous que je l’apprendrai, l’inquiétude est grande dans le monde de la recherche !

Ce budget rend impossible le respect de la trajectoire du refinancement de la recherche prévue par la LPR, en raison des 320 millions d’euros et 250 emplois qui y manquent. Comme toujours, la réalité entre en contradiction avec les déclarations d’Emmanuel Macron, qui promettait en décembre 2023 de relancer la dynamique de financement des universités.

Nous défendons l’idée de basculer vers une recherche qui se conjugue avec les défis de notre temps. À ce moment charnière de notre histoire, la recherche doit rester un pilier et même le fondement de la planification écologique de notre pays.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Ros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter M. le ministre pour sa nomination. Monsieur le ministre, je souhaite que votre parcours, vos compétences reconnues notamment dans le domaine spatial soient utiles pour maîtriser les trajectoires, en particulier financières… (Sourires.)

Mon collègue Yan Chantrel évoquera les questions spécifiques au monde de l’enseignement supérieur. Pour ma part, je centrerai mon propos sur celles qui sont relatives à la recherche.

Dans ce domaine, vous le savez, le maintien d’un financement stable et pérenne est essentiel pour garantir l’avenir de la recherche scientifique en France. Pour atteindre cette stabilité, il faut éviter que la loi de programmation de la recherche ne dérive et ne sorte de son orbite. (Nouveaux sourires.)

Or après 2024, nous allons assister en 2025 à un nouveau désalignement de poussée budgétaire de la LPR. Pour la première fois depuis dix ans, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » subissent une inclinaison d’orbite, la LPR augmentant de moins de 160 millions d’euros, au lieu des 500 millions d’euros initialement prévus.

Le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) n’augmente que de 20 millions d’euros, bien moins que les 220 millions d’euros initialement prévus, ce qui produira le cisaillement du financement de certains projets de recherche.

Avant que le Gouvernement ne dépose des amendements les visant, les crédits du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui financent les organismes de recherche, devaient connaître une hausse minime, inférieure à l’inflation.

S’y ajoutent les coûts du compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions », l’incidence financière de la non-compensation des mesures de revalorisation des rémunérations dans la fonction publique dites Guerini, ou encore les conséquences de la hausse des coûts de l’énergie sur le budget de fonctionnement des laboratoires.

L’année dernière, d’après la ministre Sylvie Retailleau, des efforts exceptionnels avaient été imposés aux opérateurs et aux universités. Monsieur le ministre, les amendements que vous défendrez viennent encore un peu plus priver d’oxygène l’atmosphère de la planète Recherche, déjà affectée par l’amputation d’un demi-milliard de crédits du plan France 2030.

Bien que l’on ait pleinement conscience qu’il soit légitime de mettre à contribution l’enseignement supérieur et la recherche dans l’effort national de rétablissement des comptes publics, il serait bon que la centrifugeuse de réduction des crédits de Bercy tourne à régime réduit, et cela pour deux raisons.

Pour une raison financière, tout d’abord. Lors des entretiens menés par les rapporteurs spéciaux, nous avons réalisé à quel point la plupart des opérateurs de recherche et un grand nombre d’universités, que l’on pourrait nommer les capteurs de servitude du vaisseau spatial recherche, sont au bout des efforts qu’ils peuvent produire sans modifier de manière importante leurs programmes et projets de recherche. Ainsi, leurs fonds de trésorerie ne sont pas des cagnottes ; ils correspondent bel et bien à la planification de projets en cours.

Pour une seconde raison, tout aussi essentielle, ensuite : l’avenir de notre pays. La recherche est non pas une dépense, mais un investissement pour notre avenir. Cet avenir ne pourra se construire et être maîtrisé qu’en mobilisant les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens scientifiques sur des thématiques essentielles – l’intelligence artificielle, le numérique, la santé, l’écologie, l’énergie, l’éducation.

Il est donc essentiel de soutenir un emploi scientifique à l’attractivité en berne, alors que la moitié des chercheurs et enseignants-chercheurs partira à la retraite d’ici à 2030. Les jeunes femmes sont les premières concernées, car le nombre d’entre elles qui embrassent les carrières scientifiques baisse de façon préoccupante, en particulier dans les filières d’ingénieurs.

Soutenir l’emploi passe dès à présent par une mobilisation au sujet du doctorat, tant en ce qui concerne le nombre et le montant des allocations qu’en ce qui concerne la reconnaissance professionnelle que ce diplôme confère.

Monsieur le ministre, des trajectoires d’exploration financières existent à court et à moyen terme pour que les dépenses de recherche atteignent 3 % du PIB. Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont prêts à vous accompagner dans ce vol habité vers la planète « 3 % du PIB pour la recherche ».

En revanche, ce budget 2025 est tout sauf un véritable décollage budgétaire. Ce lanceur, trop soumis à des « effets pogo » de la gravisphère Bercy, risque d’aboutir à un halètement de la recherche. Sans surprise, nous émettons donc un signal négatif quant à l’adoption de ces crédits. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Stéphane Piednoir applaudit également.)

M. Jean Hingray. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, nous sommes alertés sur les difficultés rencontrées par nos étudiants et le monde universitaire.

Dans un contexte de restriction budgétaire, on ne peut que s’inquiéter. France Universités propose de minorer de 180 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement le programme 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », pour abonder de 180 millions le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».

Les dépenses pour la recherche ne sont pas de simples dépenses de fonctionnement ; ce sont des investissements stratégiques pour l’innovation et la compétitivité de notre pays, qui permettent de préserver le bon fonctionnement de nos universités.

Sanctuariser ces crédits est une priorité. Sans cela, l’objectif de consacrer 3 % du PIB à la recherche paraît inatteignable, alors que le budget de la recherche stagne à 2,2 % de la richesse produite.

Pour réaliser cet effort, le crédit impôt recherche pourrait mieux être mis à contribution. Monsieur le ministre, une réforme de ce crédit d’impôt est-elle selon vous nécessaire ? Ces investissements me paraissent nécessaires pour rattraper notre retard vis-à-vis des pays européens.

La situation financière des établissements est tout aussi préoccupante : deux tiers d’entre eux sont aujourd’hui en déficit, et les disparités sont importantes.

Pourtant, l’État a consenti un énorme effort ces dernières années. Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a augmenté de 4,3 milliards d’euros entre 2017 et 2025. Depuis 2021 et l’entrée en vigueur de la loi de programmation de la recherche, cette hausse est de 2,7 milliards d’euros. Ces chiffres suffisent à traduire la réalité de l’engagement de la Nation.

Malgré ces efforts, les risques sont bien présents. Pour développer nos universités et répondre à leurs besoins sans pour autant augmenter le budget de l’État, une solution consisterait à développer les coopérations avec le monde des entreprises et à encourager le financement des universités par ce biais. Cela se pratique déjà, mais malheureusement de manière insuffisante : cela correspond à environ 10 % du budget total des universités, soit un peu plus de 200 millions d’euros.

Il serait bon de se donner les moyens de généraliser ces partenariats. Outre leur aspect financier, ils présentent de nombreux avantages, chacun pouvant développer des projets d’avenir créateurs de richesses et d’emplois. Cette coopération essentielle pour notre prospérité et le bien de tous.

Monsieur le ministre, ancien président du Centre national d’études spatiales, il ne vous aura pas échappé que la Nasa (National Aeronautics and Space Administration) avait récemment multiplié ses collaborations avec le secteur privé, certains programmes atteignant plusieurs milliards de dollars. Or, en France, l’ensemble du système universitaire ne reçoit que 200 millions d’euros de la part du secteur privé. Comment motiver ou encourager les entreprises et, surtout, le monde universitaire à créer des passerelles entre ces deux domaines ?

« Nous sommes en train de rentrer dans un monde nouveau, un monde où il y a beaucoup plus de compétitions, où les industriels ont beaucoup plus d’autonomie et de libertés ». Ce sont vos mots, monsieur le ministre.

Que comptez-vous faire pour que l’université entre définitivement dans un monde nouveau, pour établir davantage de partenariats et pour créer des liens plus forts entre le monde de l’entreprise et celui de l’université ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement n’a pas bien saisi la véritable urgence à laquelle nos universités sont confrontées.

Cette urgence, d’ordre budgétaire, c’est la paupérisation de nos universités, organisée par le Gouvernement lui-même.

Nos universités observent, médusées, leur abandon progressif par un État qui, sous couvert d’une conception fallacieuse de l’autonomie, délègue toujours plus de responsabilités aux établissements, sans pour autant leur donner les moyens de les exercer.

Entre les mesures dites Guerini, les surcoûts liés à la hausse des prix de l’énergie et la non-compensation du glissement vieillesse technicité, les charges non compensées par l’État ont augmenté de 500 millions d’euros pour nos universités depuis deux ans.

Le résultat est sans appel : en 2024, selon France Universités, 60 des 75 universités françaises présentaient un budget en déficit. Nous défendrons donc des amendements ayant pour objet que l’État compense toutes ces dépenses des universités.

Au lieu de mettre fin aux pratiques budgétaires qui asphyxient nos universités, le Gouvernement les poursuit, aggravant la situation : après l’amputation des crédits de la mission de 1 milliard d’euros en février dernier, voilà ce matin un nouveau coup de rabot de 630 millions d’euros. C’est scandaleux, tant sur la forme que sur le fond !

Certes, le Gouvernement revient à moitié sur la non-compensation du CAS « Pensions », mais 8 millions d’euros de dépenses supplémentaires resteront à la charge des universités pour financer les retraites en 2025.

L’enseignement supérieur et la recherche sont sacrifiés sur l’autel d’arbitrages financiers à court terme. Ce sont les étudiants, les personnels et l’ensemble de la société qui en payeront la facture.

En effet, les conséquences de l’abandon de l’université sont bien connues.

Tout d’abord, il y aura moins de places dans certaines filières, des formations supprimées et un accès toujours plus inégalitaire à l’éducation. Tout cela alors même que le budget des bourses dans le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » est amputé de 77 millions d’euros, et sans compter le nouveau coup de rabot de 8 millions d’euros sur le programme 231 « Vie étudiante » que vous voulez faire passer par amendement aujourd’hui !

Monsieur le ministre, faut-il en conclure que la deuxième phase de la réforme des bourses sur critères sociaux est abandonnée ? Pour nous, il est hors de question de condamner les étudiantes et les étudiants à davantage de précarité. Nous défendrons donc un amendement visant à rétablir ces crédits.

Ensuite, les recrutements dans les laboratoires et les unités de formation et de recherche (UFR) seront affectés : non-remplacement des départs à la retraite, encore plus grand recours aux heures supplémentaires et aux vacations, dégradation des conditions de travail, donc des conditions d’accueil des étudiants.

Depuis 2017, la dépense par étudiant a baissé de 15 %. En dix ans, le taux d’encadrement par étudiant n’a cessé de diminuer, tandis que le nombre d’enseignants contractuels ou vacataires explosait.

Nos universités reposent de plus en plus sur le travail et le dévouement des 168 000 vacataires, qui assurent à eux seuls un quart des heures de cours dans le supérieur. Il n’est plus possible de les payer au lance-pierre ! C’est pourquoi nous avons déposé un amendement, repris de manière transpartisane sur toutes les travées, qui vise à doubler leur rémunération. J’espère que cet amendement sera adopté avec votre soutien, monsieur le ministre.

Enfin, devant le risque de fermeture de formations et de filières, nombre de villes moyennes s’inquiètent de devoir fermer des antennes, ce qui remettrait en cause le principe de l’accessibilité de l’enseignement supérieur à tous.

Le rapport d’information sur l’accompagnement des étudiants remis par nos collègues Ouzoulias et Lafon en 2021 avait souligné le rôle crucial de ces 150 antennes, qui accueillent plus de 90 000 étudiants dans l’Hexagone. Elles ont besoin du soutien de l’État et des collectivités territoriales pour se maintenir.

Si vos choix budgétaires font de nombreux perdants, il y a en revanche un grand gagnant : l’enseignement supérieur privé lucratif. Celui-ci va continuer à capitaliser sur la forte dégradation de l’image de l’université publique et sur l’anxiété des familles que suscitent vos coupes budgétaires.

Attachés au progrès, à la solidarité et au service public, les socialistes se tiennent aux côtés des universitaires. Nous voterons contre ce budget inique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, chargé de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis honoré de prendre pour la première fois la parole devant le Parlement. Permettez-moi d’avoir une pensée pour la ministre d’État Élisabeth Borne et pour le Premier ministre François Bayrou, que je remercie de leur confiance.

Je suis résolument convaincu de l’importance de ce grand et beau ministère pour l’avenir de notre jeunesse, pour l’avenir de notre recherche, qu’elle soit libre, académique et désintéressée ou tournée vers les entreprises, pour l’avenir de notre industrie et de notre nation.

Le budget 2025 de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) est étudié, comme vous le savez, dans un contexte de finances publiques contraint.

Il est naturel que la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » et l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) prennent leur part dans l’effort demandé à la Nation, mais il est nécessaire que cette part soit juste, compte tenu de l’importance de ces politiques publiques pour l’avenir du pays. Cette ligne directrice a conduit nos discussions. Le budget que nous vous proposons d’adopter répond précisément à cet objectif.

En premier lieu, le Gouvernement a entendu les inquiétudes du secteur universitaire et les appels à sanctuariser le budget de nos universités. Le travail fourni ces derniers jours avec l’aide de la ministre d’État pour préserver nos établissements d’enseignement supérieur nous permet de proposer une copie significativement plus favorable pour ceux-ci.

En second lieu, en ce qui concerne la loi de programmation de la recherche, nous préservons les moyens prévus par nos prédécesseurs dans le PLF 2025 – à ce titre, je salue chaleureusement le travail effectué par mon prédécesseur Patrick Hetzel.

La progression des crédits des trois programmes concernés par cette loi de programmation s’élève donc à 173 millions d’euros.

Cette enveloppe permet notamment d’appliquer l’accord du 12 octobre 2020 relatif aux ressources humaines et d’acter plusieurs mesures pour l’attractivité des carrières dans l’ESR, en particulier pour les populations les plus fragiles. La sanctuarisation de ce budget en 2025 permettra de conserver la dynamique de la loi de programmation de la recherche les années futures.

Les amendements du Gouvernement ayant pour objet la Mires visent à répondre à cette double exigence de maîtrise des finances publiques et de soutien aux établissements d’enseignement supérieur.

Ainsi, sur le périmètre de l’ESR, le rabot gouvernemental est porté à 193,2 millions d’euros. Il intègre les mesures d’économies nécessaires annoncées à la fin de 2024, ainsi que les dernières mesures qui s’imposent compte tenu de la situation nouvelle et exceptionnelle à laquelle nous sommes confrontés.

J’ai veillé à ce que ces économies pèsent le moins possible sur les universités. Je sais les contraintes qui pèsent sur elles et la situation financière parfois difficile de certains établissements. Je présenterai ainsi un amendement visant à ce que la plus grande partie de cet effort porte sur les organismes de recherche dont la trésorerie permet d’absorber ces mesures d’économie exceptionnelles, sans remettre en cause la dynamique de la loi de programmation de la recherche.

Nous serons évidemment particulièrement attentifs à la manière dont ces établissements présenteront leurs budgets et pourront gérer leur déroulement au cours des mois à venir.

Toujours pour épargner les universités et d’accompagner la réussite de nos étudiants partout dans vos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons décidé d’accompagner les établissements en compensant la moitié de la hausse du taux du CAS « Pensions ». Je suis heureux d’annoncer aujourd’hui cet effort supplémentaire de 100 millions d’euros. Je proposerai d’adopter un amendement en ce sens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget prévu pour la Mires s’élève à 31 milliards d’euros en 2025. Le budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche s’élève dans le projet de loi de finances pour 2025 à 26,8 milliards d’euros, répartis sur trois programmes : 15,3 milliards d’euros pour le programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », 8,3 milliards d’euros pour le programme 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », et 3,2 milliards d’euros pour le programme 231, « Vie étudiante ».

Par rapport à celui pour 2024, ce budget est en progression de plus 89 millions d’euros. Il s’inscrit dans la continuité de l’effort consenti pour l’enseignement supérieur et la recherche depuis 2017.

Le montant cumulé de l’augmentation de ce budget est important : 4,3 milliards d’euros sur la période 2017-2025 et 2,7 milliards depuis le lancement en 2021 de la loi de programmation de la recherche, commencée sous le gouvernement Philippe et dont l’examen s’est achevé sous le gouvernement Castex.

La progression de ces crédits traduit l’engagement important de la Nation pour sa jeunesse, pour l’innovation, pour l’industrie et pour notre avenir collectif : l’État investit dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Malgré la contrainte qui pèse sur les finances publiques, nous pouvons donc maintenir notre ambition pour l’ESR, autour de trois axes forts.

Premièrement, renforcer l’attractivité des carrières scientifiques et l’investissement dans la recherche est nécessaire pour maintenir notre excellence scientifique.

Deuxièmement, il nous faut accroître la performance des établissements d’enseignement supérieur et améliorer la réussite des étudiants.

Troisièmement, nous devons poursuivre la transformation des établissements et, ainsi que cela a été mentionné plus tôt, encourager les universités à obtenir des financements additionnels, notamment en Europe.

En ce qui concerne le premier axe, le budget 2025 sanctuarise le cœur de la LPR – il n’y a nulle désorbitation, contrairement à ce qui a été avancé. Le projet de loi de finances pour 2025 ouvre ainsi 91 millions d’euros de crédits supplémentaires sur le programme 150 et 67 millions d’euros sur le programme 172. Ces moyens permettront de préserver l’application du protocole d’accord du 12 octobre 2020 relatif aux ressources humaines.

Le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est maintenu en 2025, afin de permettre à cette agence de continuer à financer les projets de recherche dans des domaines stratégiques en lien avec les grands défis contemporains.

En outre, l’abondement financier versé aux établissements est revalorisé, ce qui assure le soutien des laboratoires et des unités de recherche. Ce point est particulièrement important : rien ne sert de financer des programmes ou des projets de recherche si dans les universités et les organismes de recherche on ne dispose pas des infrastructures et des ressources nécessaires pour les réaliser.

Je tiens également à rappeler les moyens importants investis dans la recherche via France 2030. Sur la période 2020-2027, les acteurs de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation bénéficient de l’investissement de 13 milliards d’euros issus de ce plan, soit 25 % de son enveloppe totale de 54 milliards d’euros.

De nouvelles actions sont par ailleurs en cours, pour un montant de 650 millions d’euros, via l’action n° 11, « Recherche dans le domaine des risques » du programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », et via les nouveaux programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR).

Notre deuxième objectif est d’améliorer la réussite des étudiants.

Le projet de loi de finances pour 2025 tend ainsi à renforcer le soutien financier au réseau des œuvres universitaires et scolaires, dont la subvention progresse de 30 millions d’euros. Cet effort permettra notamment de faire face à la hausse de la fréquentation des restaurants universitaires, qui comptent 2 613 places supplémentaires en 2025, tout en améliorant la qualité des repas malgré l’accroissement du coût des denrées alimentaires.

Par le PLF 2025, nous réaffirmons enfin notre engagement en faveur des étudiants les plus précaires. Nous maintenons le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et ceux qui sont en situation de précarité, mesure déployée depuis 2020.

Entre 2022 et 2024, le nombre de repas à tarif social augmenté de 17 %, quelque 42,5 millions de ces repas ayant été servis en 2023-2024.

Une enveloppe supplémentaire de 13 millions d’euros est prévue en 2025 pour le dispositif issu de la loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Lévi.