M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Laure Darcos, le sujet que vous évoquez est à l’évidence extrêmement important ; le Parlement et singulièrement la Haute Assemblée l’ont déjà abordé de manière récurrente.

Je veux rapidement rappeler le contexte juridique. Le principal texte applicable en la matière est la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui concilie la liberté d’aller et venir des gens du voyage avec le souci des élus locaux de faire respecter les installations, nouvelles ou existantes, mises à leur disposition.

Les dispositions de l’article 9 de ce texte, relatif au stationnement illégal, permettent aux maires ou aux présidents des établissements intercommunaux concernés de demander au préfet du département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. Nous connaissons les principes qui s’appliquent, mais également, malheureusement, leurs limites.

En outre, les actes de destruction, dégradation, ou détérioration des biens appartenant à autrui commis par les gens du voyage peuvent faire l’objet de procédures pénales, dans le cadre du droit commun.

Des actions en responsabilité civile sont également possibles. Mais nous savons tous ici que, au-delà de ces procédures, l’objectif est la non-installation ou, à défaut, le départ immédiat des occupants illégaux.

Il faut sans doute aller plus loin que la législation actuelle, dont l’efficacité insuffisante soulève de très grandes difficultés. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau a annoncé avoir lancé des réflexions pour renforcer, d’une part, l’effectivité des procédures d’évacuation et, d’autre part, le poids des sanctions judiciaires.

De nombreuses alertes parviennent évidemment au ministère de l’intérieur ; votre question est incontestablement l’une d’entre elles. Nous avons donc décidé de mettre en place, dès les prochains jours, un groupe de travail placé sous ma présidence, dont la direction sera confiée au préfet Philippe Alloncle, référent « gens du voyage » au sein du ministère de l’intérieur.

L’objectif est de collationner l’ensemble des difficultés, que l’on connaît assez bien, mais surtout de formuler des propositions qui permettraient d’accélérer les procédures d’expulsion lorsqu’elles doivent être menées rapidement.

Il s’agit en somme de simplifier les choses pour rendre plus tenable la vie de chacun des élus locaux et de nos concitoyens. En effet, comme vous l’avez rappelé à raison, les occupations illégales sont souvent à l’origine de dégradations importantes.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre. Je serai ravie de prendre part à ces réflexions, avec mes collègues élus de l’Essonne, régulièrement confrontés à ces occupations illégales ; nous contribuerons ainsi à combler les trous dans la raquette qui subsistent encore en la matière.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Programme Territoires d’industrie

Débat organisé à la demande de la commission des affaires économiques

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires économiques, relatif au programme Territoires d’industrie.

La parole est tout d’abord aux orateurs de la commission qui a demandé ce débat.

La parole est à M. Franck Montaugé, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Franck Montaugé, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réindustrialisation demeure un objectif essentiel pour la création d’emplois et le recouvrement de notre souveraineté nationale. Aujourd’hui, le niveau de croissance et les plans sociaux nous font craindre un recul important.

C’est dans ce contexte que je m’exprimerai en remplacement de Rémi Cardon, rapporteur de la mission d’information consacrée au programme Territoires d’industrie et membre du groupe SER – je vous prie, à sa demande, de bien vouloir excuser son absence.

Sur le fond – je l’avais d’ailleurs personnellement proposé à la commission des affaires économiques il y a quelques années –, je me réjouis que le Sénat s’engage de la sorte dans des contrôles sur le terrain de l’efficacité de nos politiques publiques.

Le programme Territoires d’industrie couvre aujourd’hui environ la moitié des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Sa logique de carte blanche aux territoires, fondée sur un pilotage local assuré par un binôme élu-industriel, est pertinente. De fait, elle a su séduire les territoires qui s’y sont engagés, puisque 85 % de ceux qui avaient été retenus en 2018 ont de nouveau fait acte de candidature en 2023.

Pour autant, les évaluations macroéconomiques montrent que les effets du programme sur l’activité industrielle sont mitigés. Nous ne vous en ferons pas grief, monsieur le ministre, et je salue les travaux menés par M. Gueusquin, que j’ai pu apprécier dans le Gers.

Ce que nous pouvons en revanche regretter, c’est que vous ayez reconduit le programme en 2023 sans qu’il ait fait l’objet d’une évaluation sérieuse.

La Cour des comptes a d’ailleurs publié, à l’automne dernier, un avis sévère sur la conduite du programme, estimant que le bilan publié par le Gouvernement, qui évoquait triomphalement plusieurs dizaines de milliers d’emplois créés, relevait « uniquement de la communication ».

Si cette évaluation avait été faite, on aurait constaté que les effets macroéconomiques ne sont pas partout au rendez-vous.

Les territoires labellisés devaient notamment bénéficier d’un accès privilégié aux outils de droit commun déployés par les opérateurs partenaires, par exemple les accélérateurs de Bpifrance. Or cette priorisation n’a pas eu lieu.

Nous, parlementaires, avons mené à bien une première évaluation qualitative et territorialisée du programme, avec les outils et les moyens dont nous disposions. Mais il est désormais absolument nécessaire d’intégrer les périmètres des territoires d’industrie dans des outils de suivi plus robustes, afin de disposer de données fiables permettant d’évaluer en profondeur cette politique publique ô combien nécessaire et justifiée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, au nom de la commission des affaires économiques.

Mme Martine Berthet, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les évaluations qui viennent d’être évoquées doivent également permettre – c’est le point clé de notre rapport – de mieux adapter l’offre de services aux besoins des territoires d’industrie.

Non seulement l’accès prioritaire desdits territoires aux programmes de droit commun doit devenir effectif, mais il faut aller plus loin : les opérateurs de l’État doivent élaborer un panier de services spécifiquement conçu pour répondre aux problématiques concrètes identifiées à l’échelle locale dans les territoires d’industrie.

En effet, nous avons constaté, lors de nos déplacements, que les priorités du programme telles qu’identifiées au niveau national, en matière d’attractivité notamment, ne recouvrent pas complètement les problématiques évoquées sur le terrain : si l’accès au foncier industriel est crucial, il ne fait pas tout. Créer des logements adaptés aux contraintes des alternants et des jeunes actifs, développer des offres de mobilité, monter des programmes de formation loin des métropoles, tout cela nécessite souvent des solutions sur mesure, qui n’existent pas aujourd’hui.

Nous avons aussi constaté que si, à l’échelle nationale, la problématique du développement des compétences nécessaires au secteur industriel est bien identifiée et la coopération entre les différents ministères compétents bien engagée, dans le cadre du programme Territoires d’industrie, en revanche, la collaboration est beaucoup plus ténue : ni le ministère de l’éducation nationale, ni celui de l’enseignement supérieur, ni celui du travail ne sont officiellement parties prenantes au programme.

Cela se ressent au niveau local, où les actions en faveur de la formation ou de l’accès à l’emploi mobilisent assez peu les rectorats, les universités, les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) ou encore les bureaux de France Travail.

Il nous semble donc indispensable qu’un dialogue structuré entre les ministères de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et du travail soit formalisé au niveau national, afin que ces derniers, à leur tour, mobilisent leurs troupes dans les territoires.

Enfin, je reviendrai un instant sur le foncier : à Chalon-sur-Saône, nous avons constaté le succès du réaménagement de l’ancienne friche Kodak, sur 12 000 mètres carrés ; mais ces très grands sites « clés en main » ne sont pas adaptés aux petites entreprises. Aussi est-il indispensable d’aider également les collectivités qui s’engagent dans l’aménagement de foncier industriel à une plus petite échelle, via une ligne budgétaire dédiée en dehors du fonds vert, lequel est devenu un fourre-tout autant qu’une peau de chagrin.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission des affaires économiques.

Mme Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’avez compris, les territoires d’industrie ont, selon nous, des atouts bien réels, mais il faut du temps pour créer de la confiance et donner leur pleine puissance aux synergies territoriales de développement industriel que le programme cherche à stimuler.

Ayant étudié les dynamiques de coopération engagées grâce à la gouvernance bicéphale et à l’implication des élus, des industriels, des préfets et des opérateurs de l’État, nous observons que, dans la majorité des cas, elles prospèrent et renforcent la compétitivité, la capacité d’adaptation et la réactivité aux marchés de ces territoires, autant de ressorts nécessaires pour relever les défis des environnements économiques changeants d’aujourd’hui.

Le programme Territoires d’industrie nous apparaît désormais mûr pour franchir une nouvelle étape vers une dimension plus articulée avec la stratégie nationale de politique industrielle, ce qui servirait mieux l’objectif stratégique de réindustrialisation.

Nous pensons donc que ce programme doit être pérennisé. Il est peu coûteux pour les finances publiques – quelques millions d’euros seulement. Il ne remet donc pas en cause l’objectif actuel d’économie.

Nous recommandons d’y intégrer, à enveloppe constante, le financement de campagnes de détection de projets industriels, celles-ci ayant démontré leur efficacité en matière d’impulsion de nouveaux projets.

Nous soulignons l’intérêt d’impliquer l’ensemble des acteurs déterminants des territoires, notamment les régions, cheffes de file du développement économique, dont certaines regardent le programme avec circonspection, ou encore les chambres de commerce et d’industrie qui, par leur connaissance du tissu économique local, surtout dans les territoires ruraux, sont en mesure de booster le dispositif en accompagnant les industriels dans la recherche d’aides publiques, tant au niveau local qu’à l’échelle européenne. Nous sommes convaincus que les chambres de commerce et d’industrie ont vocation à être acteurs de ce dispositif.

Sur le modèle des « districts » italiens, qui ont inspiré le programme, nous préconisons d’accompagner la structuration de filières locales, car c’est selon nous le gage de la solidité et de l’efficacité du territoire d’industrie. Observant le modèle italien, nous mesurons combien il permet l’organisation de filières territoriales, qui sont devenues un puissant levier de compétitivité permettant de gagner des parts de marché à l’export. Avec un PIB inférieur d’un tiers à celui de la France, l’Italie exporte aujourd’hui plus de biens que la France !

Le territoire d’industrie idéal, c’est donc celui qui réussit à mettre en valeur des stratégies de filières territoriales portées par des acteurs locaux soutenus régionalement, tant publics que privés, et venant conforter une ambition de réindustrialisation nationale.

Les plus-values attendues sont des créations d’emplois et de richesse économique, mais aussi et surtout, monsieur le ministre, une cohésion territoriale propice à l’adaptation et à la résilience face à la concurrence internationale.

Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes lignes de ce rapport que nous vous invitons à lire de façon plus complète. Il exprime – Franck Montaugé l’a rappelé – la volonté du Sénat de conduire l’évaluation des politiques publiques au plus près des réalités de nos territoires.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ambition du Gouvernement, portée par le Premier ministre, le ministre de l’économie Éric Lombard et moi-même, est d’accélérer la réindustrialisation de la France.

Je considère le ministère dont j’ai l’honneur d’assumer la charge comme un ministère de combat. Ce combat, c’est celui de la reconquête industrielle de nos territoires : un combat pour plus de prospérité, plus de souveraineté, mais aussi plus de cohésion dans nos territoires ; un combat pour faire de nos territoires, en Hexagone comme en outre-mer, des « territoires d’industrie ».

Je suis extrêmement heureux d’échanger ce soir avec vous au sujet du programme Territoires d’industrie à l’occasion de la publication du rapport d’information des sénatrices Martine Berthet et Anne-Catherine Loisier et du sénateur Rémi Cardon, que je tiens à remercier chaleureusement pour leur travail, lequel nous permettra – je l’espère – d’améliorer le fonctionnement de ce programme.

Celui-ci s’inscrit dans la stratégie globale du Gouvernement en faveur de la réindustrialisation. Il est porté en commun par le ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation et par le ministère de l’industrie ; en effet, il incarne véritablement le volet territorial de la politique industrielle.

Le Sénat est historiquement la chambre des territoires, et je connais l’engagement de chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, en faveur de la reconquête industrielle par et pour les territoires. Je salue la contribution essentielle de votre commission des affaires économiques au programme Territoires d’Industrie, à son ambition et à son financement. Je sais ce que nous vous devons !

Le rapport qui nous réunit est particulièrement riche en recommandations. Si son bilan est globalement très positif, le programme Territoires d’industrie n’est pas pour autant parfait ni achevé. Et mon souhait est d’échanger avec vous aujourd’hui sur les pistes d’amélioration que vous avez tracées afin que nous construisions ensemble des solutions.

Le rapport préconise premièrement de pérenniser le programme au travers de plusieurs actions.

D’abord, il serait recentré sur les « territoires porteurs de véritables projets industriels ».

Sur ce point, je rappelle que la sélection des 183 territoires d’industrie s’est faite sur la base de critères objectifs et exigeants. Tous les territoires labellisés sont porteurs d’initiatives et de potentiel. L’expérience montre qu’il n’y a pas de fatalité industrielle pour nos territoires. Sur 183 territoires d’industrie, 150 étaient en déclin industriel entre 2007 et 2020, mais 110 de ces 150 territoires ont réussi à recréer des emplois depuis 2020. Ces résultats montrent que la réindustrialisation est possible dans tous les territoires.

Vous proposez ensuite de renforcer le volet « attractivité » du programme.

L’industrie nécessite, il est vrai, un écosystème complet, avec des infrastructures adaptées, des compétences disponibles et du foncier, sans oublier une offre suffisante d’hébergement.

Vous soulignez particulièrement l’enjeu de la formation et du développement des compétences, un thème qui m’est cher et qui est crucial pour l’industrie, 70 000 postes y étant encore vacants. L’industrie a le potentiel d’attirer tous les talents et de les valoriser ; je pense bien sûr aux jeunes, mais aussi aux femmes, qui ne représentent aujourd’hui que 28 % des salariés du secteur. Sur ce chantier des compétences, je souhaite, avec mes collègues du Gouvernement, réaliser le dernier kilomètre des réformes de la formation professionnelle et de l’apprentissage mises en œuvre ces dernières années.

Certains territoires d’industrie sont particulièrement actifs et innovants en matière de formation et de compétences ; je pense au territoire Lacq-Pau-Tarbes, qui est aujourd’hui l’un des fers de lance de la réindustrialisation dans l’aéronautique et dans les technologies vertes. Nous devons nous inspirer de ces réussites.

Je partage aussi votre ambition en matière de simplification. Tel est l’objectif du dispositif « sites clés en main » : proposer aux investisseurs, via un accompagnement sur mesure, des sites industriels prêts à l’emploi. Un exemple : le territoire du Grand Chalon, où, après la fermeture du site Kodak, la requalification des friches a permis de nouvelles implantations industrielles.

Mais, en matière de simplification, nous devons aller encore plus loin. Aucun projet industriel ne doit être inutilement freiné par des normes ! C’est là l’une des conditions de la réindustrialisation de notre pays.

Le gouvernement de Michel Barnier avait pris une initiative forte en la matière à la fin de 2024 : il avait décidé d’exempter les projets industriels du dispositif ZAN (zéro artificialisation nette) et du champ d’intervention de la CNDP, la Commission nationale du débat public.

Je sais que cette question est particulièrement chère à un grand nombre d’entre vous ; je rencontrerai prochainement les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier pour échanger sur ce sujet.

J’en viens à présent au deuxième axe des recommandations du rapport, qui concerne la gouvernance et le financement.

Vous le savez, le programme Territoires d’industrie repose sur un modèle souple et partenarial. Il associe à l’échelon local l’ensemble des parties prenantes, publiques et privées, autour de binômes composés d’un élu et d’un industriel.

Les acteurs du territoire s’organisent autour d’un projet et c’est ce projet qui compte, non les structures. Avec ce programme – c’est là l’une de ses forces –, on ne crée aucune nouvelle strate : les acteurs sont libres d’expérimenter, d’innover et de mettre en place leur propre modèle d’organisation.

Lors de la deuxième phase du programme, l’accompagnement opérationnel a été renforcé via la généralisation des postes de chef de projet dans tous les territoires. À ce jour, 153 chefs de projet, sur 183 postes à pourvoir, ont déjà été recrutés.

Vous préconisez ensuite de pérenniser le financement du programme. Comme vous, je souhaite que ce programme soit suffisamment armé – nous aurons l’occasion d’approfondir ce sujet au cours du débat interactif.

Cela étant, vous le savez, le contexte budgétaire est très contraint, mais nous allons nous battre. Je sais pouvoir compter sur votre soutien, lors du prochain débat budgétaire, pour consolider ce programme.

J’insiste sur le fait que les financements mobilisés sont ciblés et qu’ils donnent des résultats. L’aide financière accordée aux 162 projets soutenus via le fonds vert a engendré 780 millions d’euros d’investissements et permis la création de 2 600 emplois. Ainsi, 1 euro d’investissement public a généré 12 euros d’investissements privés. En moyenne, un emploi a été créé pour 22 500 euros d’argent public investi. Pour qui connaît les politiques actives de l’emploi, voilà un ratio très satisfaisant.

Les auteurs du rapport préconisent, troisièmement, « de mieux s’adapter aux spécificités et aux besoins des territoires ».

La capacité d’adaptation est la force du programme Territoires d’industrie. L’ingénierie joue un rôle clé pour accompagner chaque territoire en tenant compte de ses spécificités et de ses problématiques. La phase II du programme renforce cet axe via une offre de services dédiée.

Vous préconisez de prioriser l’accès des territoires d’industrie aux dispositifs de droit commun, afin d’accroître l’effet de levier. Je m’engage à étudier cette proposition avec mes équipes, afin de voir comment les opérateurs peuvent être davantage sensibilisés aux projets et aux problématiques des territoires d’industrie.

Par ailleurs, plusieurs de vos recommandations sur le suivi et l’évaluation sont en cours de mise en œuvre. À cet égard, je souhaite que nous allions le plus loin possible. Vous le savez, je suis particulièrement attaché à l’enjeu de l’évaluation, qu’il s’agisse des politiques publiques, du financement ou des normes.

Enfin, quatrième axe, vous recommandez de « s’appuyer sur les retours d’expérience pour mieux calibrer les politiques industrielles ».

Le programme a suscité de nombreuses actions, qui ont ensuite été répliquées. Je pense aux missions « Rebond », véritables missions commandos spécifiques aux territoires en difficulté, qui combinent soutien en ingénierie et soutien financier. Autre exemple, le programme a mis un coup de projecteur sur le modèle original des « écoles de production », sorte de troisième voie entre les centres de formation d’apprentis et les lycées professionnels.

Vous l’aurez compris, je partage votre souhait que les territoires d’industrie nourrissent notre politique industrielle, s’agissant encore et toujours de faciliter et de simplifier la mise en œuvre des projets industriels en levant tous les freins.

Le programme Territoires d’industrie est un dispositif original, efficace et à présent éprouvé. Sa première phase a permis de confirmer l’intérêt d’une démarche partenariale, associant les acteurs locaux autour d’un projet industriel de territoire. Les retours du terrain ont permis un certain nombre d’adaptations et votre rapport, mesdames, messieurs les sénateurs, doit conduire à de nouvelles améliorations ; l’industrie et nos territoires en ont besoin.

« L’œuvre accomplie est œuvre à faire », écrivait Paul Éluard ; mon collègue François Rebsamen et moi-même avons encore beaucoup à faire. Dans ce combat, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur votre soutien et sur votre engagement.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre, le rapport relatif au programme Territoires d’industrie, réalisé dans le cadre du premier contrôle sénatorial de proximité, contient différentes recommandations visant à accroître l’efficacité de ce dispositif afin de véritablement réindustrialiser notre pays : priorisation des territoires présentant déjà un terreau favorable et de ceux ayant mis en œuvre une stratégie partagée ; évaluation globale et mise en place d’indicateurs.

La réindustrialisation de notre pays est une absolue nécessité pour réarmer notre économie, renforcer notre souveraineté et redynamiser l’emploi dans nos territoires. C’est parce qu’ils ont su conserver une industrie vivace dans leurs territoires que l’Allemagne, l’Italie ou la Suisse ont des taux d’emploi industriel plus élevés que le nôtre.

J’appelle votre attention sur deux points particulièrement intéressants pour notre politique industrielle et pour le développement de l’emploi dans nos territoires : le logement et le transport des salariés.

Notre pays se singularise en effet par un manque de mobilité professionnelle. Lorsqu’un bassin d’emploi se tarit au profit d’un autre, les travailleurs, notamment industriels, ont du mal à suivre l’emploi tant ils sont captifs, malgré eux, des logements et des transports.

Dans notre pays, déménager a un coût exorbitant, surtout pour ceux qui sont propriétaires de leur logement, soit 57 % des ménages. Les causes, nous les connaissons : manque de construction de logements et très forte fiscalité, pour ce qui est notamment des cessions.

Pourtant, les entreprises paient le plus souvent le versement mobilité, qui doit servir au transport de leurs salariés, et participent à l’effort de construction, via le fameux 1 % logement, pour pourvoir à leur logement.

Je pense comme vous, monsieur le ministre, que la désindustrialisation n’est pas une fatalité. Que préconise le Gouvernement pour accroître l’offre de logements abordables disponibles autour des territoires d’industrie, en plus des opérations déjà menées par Action Logement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Je partage évidemment votre point de vue, monsieur le sénateur. Pour se développer, l’industrie a besoin d’un écosystème complet, incluant les infrastructures, notamment de transport, le logement, mais également le foncier, les compétences et les services. L’enjeu est celui du désenclavement des territoires – je pense en particulier à tout ce qui touche à la mobilité.

Il importe évidemment de proposer aux salariés des logements accessibles, à tous niveaux de qualification et de revenu. Il est vrai que ce problème n’a pas été pris en compte durant la phase I du programme Territoires d’industrie. Il a depuis été identifié comme un axe d’amélioration du programme ; c’est la raison pour laquelle Action Logement fait désormais partie, depuis la fin de l’année 2023 pour être tout à fait précis, des partenaires du programme. En 2024, un premier bilan peut être tiré : vingt-cinq territoires d’industrie ont inclus Action Logement dans leur plan d’action local.

Nous devons aujourd’hui aller plus loin, en nous fondant sur les retours d’expérience, et penser de manière systématique l’intégration du projet industriel et du logement. Lorsque je visite des territoires, on me signale des projets industriels entravés, suspendus ou reportés, précisément parce que les conditions de logement des salariés ne sont pas réunies.

Je pense que nous avons besoin, pour résoudre ce problème, d’une approche encore plus territorialisée. Nous pouvons utilement, à cette fin, nous appuyer sur la nouvelle gouvernance de France Travail, qui mêle un certain nombre d’acteurs, dont ceux du logement, afin que l’ensemble des moyens et des initiatives puissent faire masse.

Quant aux problématiques de mobilité, elles sont traitées ponctuellement dans les territoires d’industrie en fonction des besoins locaux. Elles sont également prises en compte, vous le savez, dans d’autres programmes conduits par l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, comme Action cœur de ville ou Petites Villes de demain, le tout en concertation avec les territoires d’industrie.

Nous avons besoin de coordination, nous avons besoin de faire masse – j’y insiste. Je m’engage ici à continuer à travailler sur ces sujets, comme je l’ai dit précédemment, avec mon collègue François Rebsamen.