Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Véronique Guillotin.
Conclusions de la conférence des présidents
4. Politique générale. – Lecture d’une déclaration du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
5. Candidature à une commission
Demande d’examen séparé et de regroupement thématique d’amendements portant sur différentes missions budgétaires. – M. Claude Raynal, président de la commission des finances. – Adoption.
7. Dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire. – Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 rectifié de M. Guislain Cambier. – Non soutenu.
Amendement n° 5 rectifié bis de M. Alain Joyandet. – Retrait.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Adoption définitive de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
8. Modification de l’ordre du jour
Question n° 234 de M. Raphaël Daubet. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
suivi du dispositif « rebond industriel » et avenir des papeteries de condat
Question n° 140 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
gestion de la taxe d’aménagement
Question n° 208 de M. Jean-Baptiste Blanc. – Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
situation de la gare routière de bercy-seine
Question n° 170 de M. Franck Dhersin. – M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports.
Question n° 242 de Mme Martine Berthet. – M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports.
modernisation des lignes ferroviaires des pyrénées-atlantiques
Question n° 238 de Mme Denise Saint-Pé. – M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports.
difficultés des maires en matière d’assurance
Question n° 011 de Mme Nadège Havet. – M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports.
Question n° 016 de Mme Antoinette Guhl. – Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
transport scolaire des élèves en situation de handicap
Question n° 240 de Mme Annie Le Houerou. – Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
situation financière des établissements d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes publics
Question n° 244 de Mme Anne Ventalon. – Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap ; Mme Anne Ventalon.
assurer la protection des enfants dans le département de la seine-maritime
Question n° 081 de M. Didier Marie. – Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap ; M. Didier Marie.
lutte contre les occupations illégales de terrains par les gens du voyage
Question n° 246 de Mme Laure Darcos. – M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Laure Darcos.
Suspension et reprise de la séance
10. Programme Territoires d’industrie. – Débat organisé à la demande de la commission des affaires économiques
M. Franck Montaugé, au nom de la commission des affaires économiques
Mme Martine Berthet, au nom de la commission des affaires économiques
Mme Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission des affaires économiques
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
M. Pierre Médevielle ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
Mme Marie-Do Aeschlimann ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Bernard Buis ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Philippe Grosvalet ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie ; M. Philippe Grosvalet.
M. Daniel Fargeot ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Fabien Gay ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Yannick Jadot ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Franck Montaugé ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie ; M. Franck Montaugé ; M. Marc Ferracci, ministre.
Mme Marie-Jeanne Bellamy ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Guislain Cambier ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Simon Uzenat ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie ; M. Simon Uzenat ; M. Marc Ferracci, ministre ; M. Simon Uzenat.
Mme Frédérique Puissat ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Jean-Jacques Michau ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
Mme Marta de Cidrac ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
Mme Martine Berthet ; M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques
11. Ordre du jour
Nomination d’un membre d’une commission
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Alexandra Borchio Fontimp,
Mme Véronique Guillotin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 18 décembre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie le mercredi 8 janvier 2025, sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 14 janvier 2025
À 15 heures
- Lecture d’une déclaration du Gouvernement
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire (texte de la commission n° 183, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 janvier début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 janvier à 15 heures
De 18 heures à 19 heures
Questions orales
À 21 h 30
- Débat relatif au programme Territoires d’industrie (demande de la commission des affaires économiques)
• Temps attribué à la commission des affaires économiques : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par la commission des affaires économiques : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 13 janvier à 15 heures
PROJET DE LOI DE FINANCES
Mercredi 15 janvier 2025
À 15 heures
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution
• Intervention des orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non inscrits
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 14 janvier à 15 heures
À 17 h 45, le soir et la nuit
Désignation :
- des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants (droit de tirage du groupe CRCE-K) ;
- des vingt-trois membres de la commission d’enquête aux fins d’évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis (droit de tirage du groupe UC).
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à ces commissions d’enquête : mardi 14 janvier à 14 h 30
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Outre-mer (durée maximale prévisionnelle : 6 heures)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 14 janvier à 11 heures
Jeudi 16 janvier 2025
À 10 h 30, l’après-midi, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Plan de Relance (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 30) et Investir pour la France de 2030
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 15 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 15 janvier à 11 heures
=> Engagements financiers de l’État (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)
. Compte spécial : participations financières de l’État
. Compte spécial : accords monétaires internationaux
. Compte spécial : prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
et Remboursements et dégrèvements
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 15 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 15 janvier à 11 heures
=> Suite de la mission Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 61, 62, 63 et 64) (durée maximale prévisionnelle restante : 2 heures)
. Compte spécial : avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 3 décembre à 11 heures
=> Aide publique au développement (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 45)
. Compte spécial : prêts à des États étrangers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 15 janvier à 11 heures
=> Sport, jeunesse et vie associative (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 15 janvier à 11 heures
Vendredi 17 janvier 2025
À 9 h 30, l’après-midi, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Culture (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 30)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 16 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 16 janvier à 11 heures
=> Médias, livre et industries culturelles (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 15)
et Audiovisuel public
. Compte spécial : avances à l’audiovisuel public
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (6) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 16 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 16 janvier à 11 heures
=> Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (durée maximale prévisionnelle : 5 heures)
. Compte spécial : développement agricole et rural
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 16 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 16 janvier à 11 heures
Samedi 18 janvier 2025
À 10 heures, l’après-midi, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Défense (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 30)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (8) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 2 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 17 janvier à 11 heures
=> Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 30)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 17 janvier à 11 heures
=> Transformation et fonction publiques (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 15)
. Compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État
et Gestion des finances publiques
et Crédits non répartis
et Régimes sociaux et de retraite
Compte spécial : pensions
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes pour l’un et 5 minutes pour l’autre
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 17 janvier à 11 heures
=> Examen des missions et des articles rattachés reportés :
Enseignement scolaire
Économie et Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Travail, emploi et administration des ministères sociaux
=> Éventuellement, examen des missions et des articles rattachés reportés (suite)
Éventuellement, dimanche 19 janvier 2025
Le matin, l’après-midi et le soir
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (n° 143, 2024-2025)
=> Éventuellement, examen des missions et des articles rattachés reportés (suite)
PROJET DE LOI DE FINANCES
Lundi 20 janvier 2025
À 10 heures, l’après-midi, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Recherche et enseignement supérieur (durée maximale prévisionnelle : 4 heures)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 16 janvier à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 17 janvier à 11 heures
=> Écologie, développement et mobilité durables (+ article 60) (durée maximale prévisionnelle : 9 heures)
Budget annexe : contrôle et exploitation aériens
Compte spécial : financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 16 janvier à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 17 janvier à 11 heures
Mardi 21 janvier 2025
À 14 heures, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Action extérieure de l’État (durée maximale prévisionnelle : 3 heures 30)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 20 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 janvier à 11 heures
=> Cohésion des territoires (durée maximale prévisionnelle : 4 heures 45)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 20 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 janvier à 11 heures
Mercredi 22 janvier 2025
À 10 h 30
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Pouvoirs publics (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)
et Conseil et contrôle de l’État
et Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : publications officielles et information administrative
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (5) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 21 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 21 janvier à 11 heures
=> Solidarité, insertion et égalité des chances (durée maximale prévisionnelle : 3 heures 30)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 21 janvier à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 21 janvier à 11 heures
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 22 janvier à 11 heures
À 16 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Solidarité, insertion et égalité des chances (suite)
=> Examen des missions et des articles rattachés reportés
=> Examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
• Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : vendredi 17 janvier à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : mardi 21 janvier à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : mercredi 22 janvier matin
Jeudi 23 janvier 2025
Éventuellement, à 10 h 30
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Examen des missions et des articles rattachés reportés (suite)
=> Examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits (suite)
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale, pour 2025 (texte n° 143, 2024-2025)
=> Éventuellement, examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits (suite)
=> Explications de vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2025
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 22 janvier à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : jeudi 23 janvier à 12 h 30
=> Scrutin public à la tribune de droit
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (texte de la commission, n° 169, 2024-2025)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 22 janvier à 15 heures
SEMAINE SÉNATORIALE
Lundi 27 janvier 2025
À 15 heures et le soir
- Proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, présentée par MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 186, 2024-2025 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 29 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 27 janvier après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 24 janvier à 15 heures
Mardi 28 janvier 2025
À 14 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, présentée par MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 186, 2024-2025 ; demande du groupe Les Républicains)
- Proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte n° 735 rectifié, 2023-202 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 20 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 28 janvier matin et début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 27 janvier à 15 heures
Mercredi 29 janvier 2025
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 29 janvier à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte n° 735 rectifié, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
Jeudi 30 janvier 2025
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au GEST)
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, appelant à l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives, présentée par Mme Mélanie Vogel et plusieurs de ses collègues (texte n° 163, 2024-2025)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 janvier à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
- Proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, présentée par M. Daniel Salmon et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 189, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 janvier matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 janvier à 15 heures
À l’issue de l’espace réservé au GEST et au plus tard à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Débat sur le thème : « Quel avenir pour le Passe culture ? »
• Temps attribué au groupe Union Centriste : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Union Centriste : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 29 janvier à 15 heures
- Proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l’utilité ne semble pas avérée, présentée par Mme Nathalie Goulet (texte n° 29, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 20 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 27 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 janvier matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 janvier à 15 heures
À l’issue de l’espace réservé au groupe UC et le soir
- Suite de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte n° 735 rectifié, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
Éventuellement, vendredi 31 janvier 2025
Le matin et l’après-midi
- Éventuellement, suite de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte n° 735 rectifié, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 3 février 2025
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi d’urgence pour Mayotte (procédure accélérée ; texte A.N. n° 772)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des lois et de la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 24 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 31 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 3 février après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 31 janvier à 15 heures
Mardi 4 février 2025
À 14 h 30 et le soir
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte n° 735 rectifié, 2023-2024)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 3 février à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 4 février à 12 h 30
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 21 janvier matin et après-midi, mercredi 22 janvier matin et, éventuellement, jeudi 23 janvier
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 3 février après-midi, mardi 4 février après-midi et mercredi 5 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 h 30
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 3 février à 15 heures
Mercredi 5 février 2025
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 5 février à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
Jeudi 6 février 2025
À 10 h 30, l’après-midi et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
Vendredi 7 février 2025
Le matin et l’après-midi
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 10 février 2025
À 16 heures et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
Mardi 11 février 2025
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
Mercredi 12 février 2025
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 12 février à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
Jeudi 13 février 2025
À 10 h 30
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (procédure accélérée ; texte A.N. n° 529)
Ce texte sera envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires sociales, de la commission des finances et de la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 février à 15 heures
L’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (procédure accélérée ; texte A.N. n° 529)
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
Éventuellement, vendredi 14 février 2025
À 9 h 30, l’après-midi et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 18 février 2025
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte n° 639, 2023-2024)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 17 février à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 18 février à 12 h 30
- Proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, présentée par M. Michel Savin et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 668, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 7 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 17 février à 15 heures
- Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, présentée par MM. Guislain Cambier, Jean-Baptiste Blanc et plusieurs de leurs collègues (texte n° 124, 2024-2025 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 6 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 14 février à 16 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 18 février début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 17 février à 15 heures
Mercredi 19 février 2025
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 19 février à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, présentée par MM. Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc et plusieurs de leurs collègues (texte n° 124, 2024-2025 ; demande du groupe Les Républicains)
Jeudi 20 février 2025
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, présentée par M. Stéphane Demilly (texte n° 190 rectifié, 2023-2024)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 19 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 19 février à 15 heures
- Proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, présentée par MM. Pierre-Antoine Lévi et Bernard Fialaire (texte n° 26, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 19 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 19 février à 15 heures
À l’issue de l’espace réservé au groupe UC et au plus tard à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE-K)
- Proposition de loi visant à indexer les salaires sur l’inflation, présentée par Mmes Cathy Apourceau-Poly, Silvana Silvani, Céline Brulin et plusieurs de leurs collègues (texte n° 208, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 19 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 19 février à 15 heures
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, tendant à l’application en droit français de la directive européenne relative à l’amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques, présentée par M. Pascal Savoldelli et plusieurs de ses collègues (texte n° 548 rectifié, 2023-2024)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 19 février à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
3
Remplacement d’un sénateur
M. le président. En application de l’article L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de Mme Marie-Claire Carrère-Gée a repris le mardi 14 janvier 2025, à zéro heure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.) En conséquence, le mandat sénatorial de M. Jean-Baptiste Olivier a cessé le lundi 13 janvier, à minuit.
Au nom du Sénat, je remercie Jean-Baptiste Olivier de son action durant les semaines où il a siégé dans cet hémicycle et je salue le retour de notre collègue Marie-Claire Carrère-Gée.
4
Politique générale
Lecture d’une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.
Je donne la parole à Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui va lire cette déclaration devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme le veut la tradition, j’ai l’honneur de m’adresser à vous pour vous faire part de la déclaration de politique générale que le Premier ministre prononce en ce moment même devant l’Assemblée nationale.
« En vérité, contrairement à ce que beaucoup pensent, la situation de ce gouvernement présente un avantage considérable : sur ces bancs, même parmi ceux qui sont violemment hostiles à ce que nous pensons, pas un ne trouve notre position enviable. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
« Quelque 84 % des Français, paraît-il, jugent que le Gouvernement ne passera pas l’année. Il m’arrive même de me demander où les 16 % restants trouvent la source de leur optimisme ! » (Sourires.)
M. Mickaël Vallet. Nous aussi !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Eh bien, au risque de vous surprendre, je crois que cette situation est un atout. Quand tout va bien, on s’endort sur ses lauriers. »
M. Mickaël Vallet. Les lauriers de Jupiter ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Quand tout va mal, on est contraint au courage.
« Il y a un deuxième atout décisif. C’est le besoin, l’exigence, l’injonction que notre pays nous assigne : retrouver de la stabilité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Tout le pays, tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais ils nous enjoignent, je le crois, d’unir nos forces pour forcer les issues. Un grand pays, un pays digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances – elles sont grandes –, ainsi que ses difficultés, qui ne le sont pas moins.
« Les sujets d’inquiétude sont innombrables. Il en est un, toutefois, qui émerge avec une force criante : le surendettement de notre pays. Nos compatriotes, surtout les plus fragiles, savent ce qu’est le surendettement et quelles incertitudes et difficultés cette situation suscite. »
M. Michel Savin. Eh oui !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Depuis la guerre, la France n’a jamais été aussi endettée qu’elle l’est aujourd’hui. J’affirme qu’aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite si elle ne tient pas compte de notre surendettement et si elle ne se fixe pas l’objectif de le contenir et de le réduire.
« Pourquoi cette situation de surendettement nous oblige-t-elle collectivement ? Parce que tous les courants dits de gouvernement y ont pris leur part.
« Quand François Mitterrand est élu, »… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Et Giscard ?
M. Thierry Cozic. Et René Coty ?…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « la France est l’un des pays les moins endettés du monde, à hauteur d’à peine plus de 20 % de la production nationale.
« À la fin de son second mandat, en 1995, ce taux s’établit à 52 %, soit plus de trente points d’endettement supplémentaires en quatorze ans. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Et voilà !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « À la fin des années 1990, la France, pour tous les critères de santé économique, est nettement au-dessus de l’Allemagne réunifiée. Notre commerce extérieur est largement excédentaire et notre endettement inférieur à celui de nos voisins.
« Puis, en 2000 – c’est le gouvernement de Lionel Jospin –, brutalement, les courbes se cassent et commence une descente que rien ne semble pouvoir arrêter. »
M. Mickaël Vallet. Pas même Sarkozy !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Entre 2007 et 2012 – sous Nicolas Sarkozy (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.) –, on observe une accélération de l’endettement, qui progresse de vingt-cinq points de produit intérieur.
« Entre 2012 et 2017 – sous François Hollande –, dix points supplémentaires.
« Depuis 2017 – sous Emmanuel Macron – douze points. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas l’Eurovision !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Je n’en fais pas un motif d’accusation. J’en sais les raisons : pour François Mitterrand, c’était l’alternance ; il fallait que les Français y trouvent leur compte. Sous Nicolas Sarkozy, il y a eu la crise des subprimes. Quant à Emmanuel Macron, il a fait face, coup sur coup, à une cascade de crises jamais vue et jamais imaginée : les “gilets jaunes” à partir de 2018, »…
M. Jean-François Husson. Les « gilets jaunes », c’est sa faute !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « puis le covid et un pays à l’arrêt, enfin la guerre en Ukraine, l’inflation et l’explosion du prix de l’énergie. » (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et Les Républicains.)
M. Mickaël Vallet. C’est Bruno Le Maire !
Mme Cathy Apourceau-Poly. N’oubliez pas les cadeaux fiscaux !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « J’affirme que tous les partis dits de gouvernement ont une responsabilité dans la situation créée ces dernières décennies. Et j’affirme que tous les partis d’opposition, demandant sans cesse des dépenses supplémentaires, ont également dansé le tango fatal qui nous a conduits au bord de ce précipice.
« Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social. C’est d’autant plus grave que nous sommes entrés dans un monde nouveau. Nous sommes passés de la force de la loi à la loi de la force. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
« Le 24 février 2022, au vu et au su de la planète, l’une des principales puissances du monde, puissance géographique et militaire, la Russie de Vladimir Poutine, a jeté son dévolu sur un État souverain, l’Ukraine – un pays de la taille de la France ! –, pour l’annexer, fait sans précédent sur le sol européen depuis soixante-quinze ans.
« Cette agression a été un signal : celui du règne de la force brutale. C’était rampant ; c’est aujourd’hui affiché.
« Évidemment et significativement, l’Iran et la Corée du Nord, autres maillons de cette chaîne de puissances décidées à ne plus se laisser arrêter par des règles dont ils contestent désormais la légitimité même, sont entrés dans le soutien à l’agression de Vladimir Poutine.
« Les dirigeants chinois ne sont pas en reste. En faisant l’éloge d’un monde multipolaire, la Chine tisse le réseau de sa domination économique, technologique, diplomatique et militaire. L’excédent commercial chinois vient de franchir le cap – écoutez bien ! – des 1 000 milliards de dollars. C’est une stratégie programmée depuis dix ans et qui vise purement et simplement à remplacer notre industrie.
« Nous avions, dans la défense de ces règles bafouées, un grand allié, parfois incommode : les États-Unis. Or ceux-ci ont choisi, par d’autres voies, la même politique de puissance et de domination : l’offensive monétaire, la captation de la recherche mondiale, la poursuite de l’application extraterritoriale de leur droit, la domination technologique par des entreprises de taille planétaire et le pouvoir que tout cela donne d’intervenir dans la vie démocratique d’autres États.
« De ce nouvel ordre mondial, ou plutôt de ce nouveau désordre mondial, qui menace tous les équilibres et toutes les règles de la décence, Elon Musk n’est que le visage débridé. Mais, fait inédit, le président réélu des États-Unis articule lui-même des menaces d’annexion de territoires souverains : le Groenland, le canal de Panama et même le Canada.
« Il est temps de regarder les choses en face. C’est à nous de signifier à ces grandes puissances, que nous respectons, qui nous sommes, car sans notre détermination, elles l’oublieront.
« Dans le nouveau monde de la force brutale, la France a ses propres atouts. Sa diplomatie, la force de son armée et l’engagement de ses militaires, auxquels je rends ici hommage. Ils nous protègent collectivement. C’est d’ailleurs pour moi l’occasion d’évoquer le sort de nos otages retenus par le Hamas, ainsi que celui de tous nos otages dont nous demandons la libération.
« Mais pour que la France fasse vivre son trésor de civilisation et continue de le partager avec le monde, l’Europe – notre Europe – doit devenir une communauté stratégique, une puissance politique et de défense à la dimension de la puissance économique qu’elle devrait être. Il y a à cela une seule condition : que nous acceptions de nous définir et de nous affirmer ensemble.
« La construction d’une communauté politique pour faire vivre cette communauté de civilisation, c’est la question qui domine depuis 1945. À cette construction ont contribué, chacun à sa manière, le général de Gaulle, Jean Monnet et Robert Schuman, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, Jacques Delors et Emmanuel Macron. (Marques d’ironie sur des travées du groupe Les Républicains.)
« Tous ont partagé une conviction : l’indépendance de la France dépend de celle de l’Europe, et réciproquement. La prospérité de la France dépend de celle de l’Europe, capable, si elle le veut, de devenir le premier marché de la planète, de parler technologie, industrie et agriculture à égalité avec les États-Unis et la Chine, comme l’a récemment montré le rapport de Mario Draghi.
« Néanmoins, l’Europe est travaillée, elle aussi, par des ferments inutiles de division. Si nous ne reconstruisons pas patiemment, comme le Président de la République le fait jour après jour, à la fois la place de la France en Europe et la vision française de ce que doit être l’Europe, alors nous deviendrons insignifiants et, immanquablement, nous entrerons dans la soumission. Toutes les sensibilités rassemblées au sein de l’équipe gouvernementale sont unies par cette conviction commune, ce que je salue.
« C’est dans cet esprit que j’ai constitué mon équipe gouvernementale. Elle reflète au mieux l’union des grandes sensibilités du pays, avec de l’expérience, de l’enracinement et de fortes personnalités.
« Cette équipe porte un message : comme aux heures où le sort même de notre nation était en question, l’intérêt général oblige à dépasser les préférences partisanes, pour que le pays se ressaisisse.
« Je doterai chaque ministre d’une feuille de route, et chaque feuille de route sera communiquée et partagée avec les commissions compétentes du Parlement et du Conseil économique, social et environnemental. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Je tiens en effet à ce que la société civile organisée ait pleinement voix au chapitre. J’ai confiance dans les partenaires sociaux. Je crois qu’ils ont entre les mains une part décisive de l’avenir national.
« C’est aussi cela la nouvelle méthode démocratique : en finir avec les injonctions du haut vers le bas, et redonner place à la vie démocratique, avec les citoyens, les élus et tous les corps intermédiaires qui constituent la nation française.
« Cette équipe de ministres reflète des choix révélateurs.
« L’éducation nationale est à sa place : la première ! Et elle est confiée à une personnalité, ancienne Première ministre, exemple de méritocratie républicaine et de service de l’État (Exclamations amusées sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et Les Républicains. – L’oratrice sourit.), assistée de l’ancien président du Centre national d’études spatiales (Cnes) et spécialiste des universités.
« Les outre-mer viennent ensuite. Cet engagement n’a jamais été porté aussi haut dans notre histoire. »
M. Rachid Temal. C’est faux ! Pierre Messmer a fait bien plus !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « J’ai considéré que ce sujet et nos compatriotes, à ce moment précis de notre histoire commune, avec tous les risques et tous les dangers qui les entourent, devaient être promus au rang de toute première préoccupation de la Nation.
« Manuel Valls, ancien Premier ministre, »… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Un excellent Premier ministre…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « a accepté d’en prendre la lourde et passionnante responsabilité.
« Les questions de sécurité sont brûlantes pour nos concitoyens. J’ai souhaité une coopération étroite entre les ministères de la justice et de l’intérieur, pour leur confier la restauration de l’autorité de l’État, qui est indissociablement celle de l’État de droit.
« Deux ministres d’État, chacun avec son tempérament, mais dont on sait la résolution commune, mèneront à bien cette action. La réponse au narcotrafic ou à la délinquance des mineurs, sur laquelle Gabriel Attal et son groupe ont proposé un texte, la présence des forces de sécurité sur le terrain, au travers, par exemple, de nouvelles brigades de gendarmerie, devront confirmer à nos concitoyens que l’État de droit n’est pas l’État de faiblesse. Et nous devrons être sans faiblesse pour lutter contre le terrorisme et tous les séparatismes.
« De même, il faudra repenser notre projet pénitentiaire au travers d’un plan d’urgence se fondant sur une nouvelle approche mieux adaptée aux différents types de détention.
« En outre, pour tous les pans de l’action du Gouvernement, chacun de ses membres aura à agir, pour chacun des pôles économique, social, territorial, écologique, culturel, agricole, pour les armées, l’Europe et les affaires étrangères, la transformation publique et les sports, avec le sens de la responsabilité, afin de relever trois défis.
« Le premier défi est de faire face à l’urgence. Il faut se ressaisir et adopter sans tarder les budgets de l’État et de la sécurité sociale. Cette précarité budgétaire, nous la payons tous au prix fort – entreprises, investisseurs, familles, contribuables, emprunteurs. »
M. Mickaël Vallet. Et rentiers ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Le deuxième défi est de mettre en place les conditions de la stabilité. Cela impose de se réconcilier ; le pays en a tant besoin, et ses citoyens ne cessent de le réclamer.
« Troisième grand défi, de plus long terme, notre pays doit refonder son action publique, ce qui exige que nous nous attaquions sans tarder à tous les problèmes qui sont devant nous, et non à certains à l’exclusion des autres. (MM. Yannick Jadot et Guillaume Gontard applaudissent.)
« Notre situation de blocage n’est pas seulement financière. Elle est aujourd’hui politique.
« Jugez-en : budget de la sécurité sociale censuré, budget de la Nation entièrement rejeté en première lecture à l’Assemblée et interrompu au Sénat, ensemble des secteurs d’intervention publique – éducation, sécurité, santé, solidarité, agriculture, commerce extérieur… – entravés, milliers de recrutements, par exemple dans la justice, suspendus, mesures de soutien à la Nouvelle-Calédonie empêchées, loi de programmation militaire (LPM) enrayée, fonds vert des collectivités bloqué ! » (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Ah ça, non !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Nos concitoyens se sentent glisser sur la pente du déclassement. Les investisseurs s’inquiètent. L’épée de Damoclès de la motion de censure paraît avoir installé la précarité au sommet de l’État. »
M. Rachid Temal. Vous oubliez que nous avons eu quatre Premiers ministres en un an !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Au cœur de ce blocage, il y a quelque chose de culturel : notre incapacité à vivre avec le pluralisme, à être en désaccord sans nous menacer du pire. Les réquisitoires et les invectives minent la confiance des citoyens. Il est temps de changer de logiciel démocratique et donc de méthode, »…
M. Hussein Bourgi. Proportionnelle !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « de se confronter, mais aussi de se respecter et de trouver des voies de passage, sans abdiquer ce que l’on est. (M. Guillaume Gontard s’exclame.) Et le lieu où la diversité se résout en capacité d’action, c’est le Parlement !
« La première urgence, c’est de répondre à la question des retraites qui occupe le débat public. On voit combien cette question continue de tarauder notre pays.
« Le déséquilibre de notre système de retraites et la dette massive qu’il a creusée ne peuvent être ignorés ou éludés. Je résume les chiffres, établis par le Haut-Commissariat au plan en 2021 et probablement aggravés depuis lors. (Ah ! sur des travées du groupe SER.)
« Notre système de retraite verse chaque année quelque 380 milliards d’euros de pensions. Le système par répartition que nous affichons voudrait que, chaque année, les actifs assument le versement de ces pensions.
« Or les employeurs et les salariés privés et publics versent à peu près 325 milliards par an. Cette somme s’obtient en additionnant les cotisations salariales et patronales du privé et du public, estimées au même taux, et les impôts versés par les contribuables et affectés aux retraites.
« Si l’on soustrait 325 milliards d’euros à 380 milliards d’euros, il reste 55 milliards d’euros, versés par le budget des collectivités publiques, au premier chef l’État à hauteur de quelque 40 milliards ou 45 milliards d’euros.
« Or ces 40 milliards ou 45 milliards d’euros annuels, nous n’en avons pas le premier sou ! Chaque année, cette somme, le pays l’emprunte. Autrement dit, il la met à la charge des générations qui viennent ou qui viendront. Sur les plus de 1 000 milliards d’euros de dette supplémentaires accumulés par notre pays ces dix dernières années, les retraites représentent 50 % du total.
« Jamais nous n’avons fait l’effort de partager avec les Français cette évidence que la dette contractée par notre pays concerne leurs propres enfants – nos propres enfants – et que la charge que nous leur laissons sera trop lourde pour être supportée.
« Entendez-moi bien : je ne dis pas que la dette est toujours immorale. Si nous construisons des infrastructures ou finançons la recherche, il est légitime que nous partagions la charge avec ceux qui utiliseront ces équipements ou profiteront de ces connaissances. S’endetter pour construire une université ou un hôpital dont l’usage, par les générations qui viennent, durera cinquante ou quatre-vingts ans, c’est légitime. »
M. Pascal Savoldelli. C’est le discours de 2023 ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Mais la dette est injuste si elle met à la charge de nos enfants nos dépenses courantes d’aujourd’hui. Loin d’être seulement un problème financier ou social, cette dette est d’abord un problème moral. » (M. Pascal Savoldelli proteste.)
M. Mickaël Vallet. Surtout vis-à-vis des rentiers !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Quand on est héritier dans une famille, on peut toujours refuser l’héritage qui comporte trop de dettes. Mais quand on est citoyen d’un État, on ne le peut pas !
« Ce problème social et moral, le Gouvernement n’entend pas le laisser sans réponse. La réforme des retraites est vitale pour notre pays et notre modèle social : bien des gouvernements successifs s’y sont engagés, depuis celui de Michel Rocard jusqu’aux efforts courageux du gouvernement d’Élisabeth Borne. (Rires. – Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
« Je note dans ce débat passionnel un progrès considérable : plus personne ne nie qu’il existe un lourd problème de financement de notre système de retraites. Et en même temps, nombre des participants aux discussions ont affirmé qu’il existait des voies de progrès et que l’on pouvait obtenir le même résultat par une réforme plus juste.
« Je choisis donc de remettre ce sujet en chantier, avec les partenaires sociaux, pour un temps bref et dans des conditions transparentes, selon une méthode inédite et quelque peu radicale.
« La démarche s’appuiera sur un constat et des chiffres indiscutables. Je vais demander une mission flash, de quelques semaines, à la Cour des comptes, et j’en communiquerai le résultat à tous les Français.
« La loi de 2023 a prévu que l’âge légal de départ passerait à 63 ans à la fin de 2026. Une fenêtre de tir s’ouvre donc. Je souhaite fixer une échéance à plus court terme, celle de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite – les fameux 64 ans –, à condition qu’elle réponde à l’exigence fixée. Nous ne pouvons pas dégrader l’équilibre financier que nous visons et sur lequel presque tout le monde s’accorde. Ce serait une faute impardonnable contre notre pays.
« Plusieurs des partenaires sociaux ont indiqué qu’ils avaient identifié des pistes pour que la réforme soit socialement plus juste et cependant équilibrée. Elles méritent toutes d’être explorées. Et toutes les questions doivent pouvoir être posées. Chacun des partenaires sociaux aura le droit de faire inscrire à l’ordre du jour de ces discussions et négociations les questions qui le préoccupent. Rien n’est fermé. »
M. Roger Karoutchi. Formidable !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Une délégation permanente sera donc créée. Je la réunirai dès vendredi prochain. Je proposerai aux représentants de chaque organisation de travailler autour de la même table, de s’installer dans les mêmes bureaux, ensemble, pendant trois mois à dater du rapport de la Cour des comptes.
« Si, au cours de ce conclave, cette délégation trouve un accord d’équilibre et de meilleure justice, nous l’adopterons. Le Parlement en sera saisi lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ou, si nécessaire, par un projet de loi. » (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.)
M. Mickaël Vallet. Si aucune motion de censure n’est adoptée avant cela !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Je souhaite que cet accord soit trouvé, mais si les partenaires ne s’accordaient pas, c’est la réforme actuelle qui continuerait à s’appliquer. »
Mme Cathy Apourceau-Poly. On peut être tranquille, alors !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « L’adoption d’un budget est indispensable pour les Français, pour l’action de la France, pour son image et pour son crédit.
« Cette orientation vers un retour à l’équilibre, qui sera nécessairement pluriannuelle et respectueuse de nos engagements européens, passera par des efforts de l’État lui-même. L’objectif est bien d’atteindre 3 % de déficit public en 2029.
« Cette contrainte se manifeste dès à présent : les prévisions de croissance, à la suite, en particulier, de la crise née du vote de la motion de censure, ont toutes été revues à la baisse.
« Nous ne voulons pas ignorer ces avertissements. Le Gouvernement a donc décidé de revoir sa prévision de croissance pour 2025. Alors qu’elle était de 1,1 % avant la censure, nous la réévaluons à 0,9 %, conformément aux prévisions de la Banque de France. Il sera proposé de fixer l’objectif de déficit public pour 2025 à 5,4 % du PIB.
« Des économies importantes seront proposées. Et pour la suite, c’est bien un puissant mouvement de réforme de l’action publique qu’il faut conduire.
« Il faudra trouver des méthodes d’organisation de l’État qui ne requerront pas d’augmentation de nos dépenses publiques. Nous devrons repenser tous nos budgets, à partir non pas du prolongement de ce qui se faisait l’année précédente, augmenté d’un pourcentage d’inflation, mais de ce qu’exige le service ou l’action à conduire.
« Je demanderai à tous les ministres de préparer dès le printemps ces budgets redéfinis et repensés. C’est un effort dont personne ne pourra s’exclure, chacun à sa manière, dans l’exercice quotidien de ses missions.
« Cet exercice devra interroger notre organisation. Est-il nécessaire que plus de 1 000 agences, organes ou opérateurs exercent l’action publique ? Nous connaissons le rôle précieux de plusieurs d’entre eux, comme France Travail, mais ces 1 000 agences ou organes, sans contrôle démocratique réel, constituent un labyrinthe dont un pays rigoureux peut difficilement se satisfaire.
« Les parlementaires seront pleinement associés à cet effort d’organisation et de rationalisation. C’est la fonction du Parlement : contrôler et évaluer.
« Cet effort devra être prolongé et inventif. Il devra aussi être soutenu parce que, souvent, la réforme au début coûte. J’annonce la création d’un fonds spécial entièrement dédié à la réforme de l’État, financé en réalisant une partie des actifs, en particulier immobiliers, qui appartiennent à la puissance publique, de façon à investir, par exemple, en faveur du déploiement de l’intelligence artificielle (IA) dans nos services publics.
« Ces sommes ne pourront être utilisées pour des dépenses courantes, pour abonder tel ou tel budget. Elles resteront donc uniquement consacrées à ces efforts de réorganisation. Cette manière de rendre actif un patrimoine aujourd’hui inactif nous permettra peut-être, un jour, d’engager un scénario de réduction de notre endettement.
« Je l’ai dit le jour de ma prise de fonction, nous avons devant nous une grande œuvre de réconciliation : réconcilier les Français entre eux ; réconcilier les Français avec l’État et leurs élus ; réconcilier les Français avec les entreprises.
« L’unité du pays, nous ne la ferons pas à coups d’incantations. Elle passe par l’association effective de tous, de manière continue, aux affaires qui les concernent.
« Cette association porte un nom que l’on utilise souvent, sans lui donner sa vraie portée : c’est la démocratie. Et pas seulement la démocratie électorale avec ses surenchères, sa communication tarifée et ses éléments de langage. »
M. Mickaël Vallet. Oh non, au vu des résultats des législatives…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Un philosophe qui siégea sur ces bancs, Marc Sangnier, a défini la démocratie comme “l’organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen”. Or il n’y a pas de citoyens conscients et responsables si l’on ne partage pas avec eux les vérités les plus fondées, même les plus brutales.
« Comme l’écrivait Charles Péguy (Ah ! et sourires sur les travées du groupe SER.), il faut “dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste”. J’ai seulement une nuance sur le “tristement”…
« La politique du Gouvernement, c’est la vérité partagée. Le Gouvernement considérera les Français comme des partenaires des décisions à prendre, non comme les sujets d’une monarchie qui n’auraient d’autre choix que d’obéir ou de se révolter. »
M. Jean-François Husson. À quoi fait-il allusion ?…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Nous ne laisserons aucun problème hors de notre champ ; pour chacun d’eux, je partagerai les diagnostics avec les Français, afin d’établir la délibération sur des bases indiscutables.
« La démocratie, c’est aussi la question de cette promesse de la Ve République : concilier la capacité d’action de l’État et le pluralisme.
« Cette capacité d’action de l’État passe par une coopération entre les pouvoirs. Le Parlement a, de ce point de vue, des prérogatives qui doivent être pleinement respectées. Je pense en particulier à son pouvoir d’initiative, qu’il ne manquera pas d’exercer sur des sujets importants dans notre société, comme la fin de vie.
« Notre société n’est plus enfermée dans l’impasse de la bipolarisation. C’est heureux. On sait à présent que, sur un sujet donné, il n’y a pas que deux options prédéfinies. Il y a plusieurs sensibilités, contrastées, mais qui ne s’excluent pas. Et le but de la démocratie, à mes yeux, n’est pas qu’une idée triomphe sur les autres ; c’est que les différentes sensibilités vivent ensemble.
« Pratiquement, la question est celle de la reconnaissance du pluralisme. »
M. Roger Karoutchi. Eh bien…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Il y a, dans la vie politique française aujourd’hui, une pluralité de courants, peut-être cinq ou six principaux. Je respecte la réflexion de ceux qui estiment qu’il faut “tout conflictualiser”. Je connais bien Jean-Luc Mélenchon (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K.), mais je me dis que, en voyant nos divisions, ceux qui veulent nous assujettir se frottent les mains.
« Il y a longtemps – c’est une valeur française depuis Henri IV, au XVIe siècle, »… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Émilienne Poumirol. Cela a été long à venir !
M. Mickaël Vallet. Le problème, c’est qu’après il y a Ravaillac… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « et les grands républicains au XIXe siècle – que nous avons abandonné l’idée, en matière religieuse et philosophique, que l’on doit faire triompher sa conception sur celle des autres. C’est ce qu’on appelle “laïcité”.
« Je crois à la laïcité en matière religieuse comme en politique, cette laïcité dont la racine grecque veut dire “faire un seul peuple”.
« Faire un seul peuple, c’est reconnaître que le pluralisme est légitime. Je souhaite proposer que les partis politiques, comme les syndicats, puissent être reconnus comme des mouvements d’utilité publique.
« Je souhaite aussi la création de la banque de la démocratie, pour que le financement des partis politiques et des campagnes dépende des choix non plus de banques privées, mais d’organismes publics placés sous le contrôle du Parlement, et pour qu’il échappe à des financements privés ou étrangers. En 1993, je me suis battu pour exclure les entreprises du financement des partis politiques. Quand je porte mes yeux vers les États-Unis et l’emprise qu’y exerce l’argent sur la formation des consciences, j’en suis fier.
« Mais le pluralisme suppose aussi que chacun trouve une place au sein de la représentation nationale, à proportion des votes qu’il a reçus. C’est la seule règle qui permette à chacun d’être lui-même authentiquement, sans s’engoncer dans des alliances insincères.
« Je propose donc que nous avancions sur la réforme du mode de scrutin législatif. Chacun exprimera alors sa position. Il y a une option à prendre sur ce principe et une discussion à avoir sur ses modalités.
« On voit bien quels sont les principaux choix. Mon opinion est que ce mode de scrutin doit être enraciné dans les territoires ; il faut qu’il ne crée pas plusieurs catégories de citoyens ; et peut-être oblige-t-il, comme le dit le président du Sénat, à reposer en même temps la question de l’exercice simultané d’une responsabilité locale et nationale. » (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Mickaël Vallet. Les collectivités sont surendettées et ils applaudissent !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Enfin, la démocratie suppose un accès à une information fiable. Les conclusions des États généraux de l’information lancés par le Président de la République devront être traduites en actes. De même, la réforme de l’audiovisuel public, ce bien commun des Français, devra être conduite à son terme.
« Je suis le premier à mesurer la qualité de notre fonction publique. Nos agents sont engagés. Ils ont un grand sens du service public et méritent notre considération. Ce que j’ai vu, par exemple, à Mayotte force le respect. Mais notre bureaucratie est trop lourde, incroyablement lourde.
« Une étude récente montre que, chez nos voisins, le poids des normes est en moyenne de 0,5 % du PIB annuel : 0,8 % en Italie, 0,3 % en Espagne, 0,17 % en Allemagne. Chez nous, il est tout près de 4 %, et c’est insupportable. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
« La lourdeur administrative, ce sont ces normes dont chacun sait combien elles peuvent le brider, parfois le rendre fou. Le Gouvernement s’engagera donc dans un puissant mouvement de débureaucratisation. Le projet de loi de simplification de la vie économique qui a commencé à être examiné doit être adopté rapidement.
« Mais il faut agir plus en profondeur et dans le temps. Selon quelle méthode ? Je n’en connais qu’une : rendre du pouvoir au terrain. Grâce à France Expérimentation, les acteurs de terrain devront redéfinir eux-mêmes, en partenariat avec l’État, les simplifications, suppressions ou allégements d’obligations utiles.
« Mais il faut aller plus loin et changer de paradigme. Partout où cela sera possible, nous inverserons la charge de la preuve : à l’administration de remplir les papiers, à l’usager de les vérifier.
« Les collectivités locales doivent être soutenues dans leur action. Ce sont elles qui portent une grande part de l’investissement de notre pays, beaucoup plus que l’État ! Quand l’activité fléchit, c’est cet effort d’investissement qui soutient le bâtiment, les travaux publics, l’équipement de nos villes.
« Ce sont elles, aussi, qui soutiennent l’implantation d’entreprises, sont aux côtés des associations et maintiennent le tissu social dans ses dernières mailles. Cet effort d’investissement est précieux pour le pays.
« Pour cela, je souhaite des rapports d’ouverture et de confiance dans la continuité.
« Mon gouvernement confortera les avancées sur des sujets très attendus comme l’eau, l’assainissement, le statut et la protection des élus. Les initiatives parlementaires devront aboutir. Sur le plan financier, l’effort financier demandé aux collectivités sera ramené, les débats parlementaires l’ont confirmé, de 5 milliards d’euros, comme il était prévu initialement, à 2,2 milliards d’euros en 2025. J’ai toute confiance dans la capacité des élus à mener cet effort.
« Je souhaite aussi que nous fassions avancer notre pays avec de grands projets.
« Certains projets, souvent engagés par des collectivités, sont bloqués aujourd’hui. Je souhaite que, sur le modèle du chantier de Notre-Dame de Paris, qui doit nous inspirer, des opérations “commandos” soient organisées, »…
M. Mickaël Vallet. On est à deux doigts du choc…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « en lien avec les collectivités, pour débloquer 100 projets sur tout le territoire. Ils seront une vitrine de la France qui avance et qui construit.
« Avoir confiance dans la responsabilité des collectivités, c’est aussi tenir compte de la spécificité de certaines d’entre elles. Tel est le cas, qui me tient à cœur, de la Corse. Conformément aux orientations annoncées par le Président de la République, un calendrier a été fixé pour aboutir à une évolution constitutionnelle à la fin 2025. Il sera respecté.
« Il existe chez nous un vieux réflexe : cibler les entreprises, plus spécialement les entreprises françaises, en particulier celles qui réussissent le mieux à l’exportation.
« Les entreprises que l’on dit multinationales sont celles qui ont réussi, par leur savoir-faire, leur recherche, leur esprit de conquête, à être sélectionnées pour la compétition mondiale. Elles font honneur à la France et contribuent à sa richesse, à l’instar du formidable tissu des PME françaises. »
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « J’ai la conviction que nous devons faciliter la tâche de nos entreprises, dans des conditions fixées par la démocratie sociale. Elles doivent ainsi être prémunies contre des augmentations exponentielles d’impôts et de charges, sans quoi nous nous retrouverions dans la situation de celui qui, selon la fable, en faisant un sort à la poule aux œufs d’or, s’était “lui-même ôté le plus beau de son bien”. »
M. Mickaël Vallet. La poule au pot ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « L’entreprise produit les richesses et l’emploi pour tout le pays grâce à ses dirigeants, ses chercheurs, ses cadres, ses salariés. Mais si elle se voit surchargée de prélèvements et de normes, alors elle cesse de produire. Le trésor est dans l’activité, la créativité et la souplesse.
« Cette œuvre de réconciliation à laquelle mon gouvernement doit s’atteler, comme nous tous, ne sera possible que si nous offrons une perspective à notre pays. Nos efforts doivent être tendus vers un but qui suppose lucidité, courage et espérance, celui d’une nouvelle promesse française. C’est une œuvre de refondation républicaine que nous vous proposons.
« Cette promesse française offre à chacun les conditions de sa dignité en tant que citoyen et en tant que personne. La France ne s’en remet pas à la seule loi du marché pour cela.
« La France a toujours porté en elle l’idée de fraternité et de solidarité : la solidarité envers chacun, quel que soit son milieu de naissance, son accent, sa couleur de peau, sa condition.
« C’est, pour tous, la possibilité de s’affirmer et d’avoir parfois une deuxième ou une troisième chance de le faire quand les difficultés de la vie donnent l’impression que l’échec est définitif. Telle est l’intuition fondatrice que le Président de la République a défendue en 2017, et je veux la réaffirmer ici.
« La promesse française, c’est aussi l’attention portée à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce combat de civilisation, nous devons le porter ici et ailleurs, partout où les femmes subissent l’intolérable – je pense en particulier au sort des femmes afghanes. Cette égalité suppose de lutter sans merci contre les violences sexuelles ou sexistes, mais aussi pour l’égalité salariale et professionnelle.
« La promesse française, c’est également répondre au cri qu’ont fait entendre les “gilets jaunes” sur nos ronds-points il y a six ans. Je m’adresse à eux aujourd’hui. Ils ne doivent pas penser que nous les avons oubliés ! Ils doivent savoir que ce rejet qui est le leur de la division du pays entre ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas, ceux qui passent à la télévision et ceux qui la regardent, ceux des arrondissements centraux de Paris et les autres, nous en faisons le cœur de notre politique.
« La promesse française suppose que notre société puisse trouver une forme d’harmonie.
« Puisqu’il faut dire les choses telles qu’elles sont, nous devons évoquer les craintes que suscite l’immigration. Cela ne date pas d’hier.
« La misère, les conflits, les bouleversements climatiques se conjuguant, l’immigration est devenue une question brûlante sur toute la planète. Elle l’est pour ceux qui supportent les vagues migratoires actuelles comme pour ceux qui se sentent menacés par les prochaines. Et les réseaux sociaux attisent cette crainte tous les jours.
« J’ai la conviction profonde que l’immigration est une question de proportion. L’installation d’une famille étrangère dans un village pyrénéen ou cévenol, c’est un mouvement de générosité qui se déploie, des enfants fêtés et entourés à l’école, des parents qui reçoivent tous les signes de l’entraide. Mais que trente familles s’installent et le village se sent menacé. Le désir, après tout respectable, de se sentir chez soi est mis à mal. Tout cela est humblement humain et affaire de bon sens, que je revendique.
« Les bidonvilles et la misère qui y est recluse provoquent le même rejet partout, à Calais comme à Mayotte. Si les Parisiens devaient connaître cette situation dans les mêmes proportions que les Mahorais, il y aurait 500 000 illégaux vivant en bidonville à Paris, et c’est toute la population parisienne qui se révolterait.
« Voilà pourquoi l’ordre, “le premier de tous les besoins de l’âme”, comme disait la philosophe Simone Weil, est aussi un devoir.
« Cela n’empêche pas de comprendre, dans notre commune humanité, que c’est la misère qui pousse à fuir son pays. Nous le savons bien, nous les Basques, les Béarnais, les Bretons, qui avons au XIXe siècle fourni tant de contingents d’émigrés. (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
« La volonté de protéger et d’appliquer nos lois doit être sans faille, mais respectueuse de ceux que les vagues de la vie ont conduits jusqu’à nous. Or respecter ces personnes, c’est les intégrer dans un ordre où tous peuvent se reconnaître. Il est donc de notre devoir de conduire une politique de contrôle, de régulation et de renvoi dans leur pays de ceux dont la présence met en péril la cohésion nationale.
« Mais comment faire, alors que 93 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne sont pas exécutées ? Et que dire du comportement de certains pays qui devraient pourtant accueillir leurs propres ressortissants… Si nous ne résolvons pas cette question, toutes nos déclarations d’intention seront vaines.
« Cette politique, que mène fermement le ministre de l’intérieur, suppose aussi l’action de tous les ministères. C’est pourquoi je réactiverai le comité interministériel de contrôle de l’immigration. Et je sais que les parlementaires ne manqueront pas, également, de prendre des initiatives. Il nous appartiendra, ensemble, de les articuler avec la nécessaire transcription du pacte européen sur la migration et l’asile.
« Il nous appartiendra aussi de mieux user de notre aide au développement, »…
M. Rachid Temal. Moins 2 milliards d’euros !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « en retrouvant en 2026 une trajectoire dynamique.
« Notre cap, c’est l’intégration : nous ne demanderons à personne de renoncer à ce qu’il est. Notre cap, c’est l’incorporation à la Nation de ceux qui sont amenés à la rejoindre : par le travail, qui crée des liens et donne de la reconnaissance ; par la langue, qui est une patrie ; par l’apprentissage des façons de vivre et des valeurs qui les guident ; par le respect, aussi, de la liberté des femmes et de ceux qui croient différemment ou qui ne croient pas. En revanche, contre tous ceux qui prônent l’inverse, nous serons sans faiblesse. La République n’existe que si elle se fait respecter.
« Je ne me lancerai pas dans un catalogue de mesures. Chaque ministre aura la responsabilité de conduire son action sous mon autorité, dans un dialogue constant avec le Parlement et les forces sociales. Mais je souhaite fixer quelques lignes de force pour l’action de mon gouvernement.
« Ces grandes politiques doivent être inspirées par le long terme, par l’esprit du plan, que j’ai souhaité restaurer en 2020.
« Il ne peut y avoir de partage des grands choix avec les citoyens et de débat sérieux au Parlement sans une vision de long terme. Une maxime française dit tout en quatre mots : “gouverner, c’est prévoir”. Elle se poursuit ainsi : “et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte”. Cela est particulièrement évident concernant les questions de démographie ou d’écologie, qui engagent des orientations sur plusieurs décennies.
« L’écologie n’est pas le problème. C’est la solution. » (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. Yannick Jadot. Quarante-cinq minutes avant d’entendre enfin parler d’écologie !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « L’effort à consentir sur ce sujet crucial – cette adaptation –, la France a commencé à le faire, mieux que tous les autres pays du monde.
« Il s’agit pour moi d’une priorité, d’une ardente obligation, qui doit être poursuivie et amplifiée : planifier la transition en finalisant notre stratégie bas-carbone et préserver notre biodiversité pour produire de façon décarbonée, grâce à des technologies nouvelles – je pense en particulier à notre politique énergétique.
« Cette politique a un but : l’énergie décarbonée accessible à tous. Le nucléaire est un axe essentiel pour y parvenir, tout comme la géothermie, réservoir inépuisable de calories gratuites qui se trouve sous nos pieds.
« La question de l’eau, sur laquelle je reviendrai, est essentielle. Nous devons la saisir à bras-le-corps, au travers d’une grande conférence nationale qui sera déclinée dans les régions.
« La transition écologique consiste en outre à favoriser les mobilités les plus adaptées, de l’hydrogène au plan vélo, lequel doit être poursuivi et doté des moyens qui lui sont nécessaires.
« Proposer aux Français une voie d’espérance qui donne sens à ces efforts, c’est aussi refonder notre éducation nationale. L’une des fiertés de ma vie est d’avoir été un enseignant de l’éducation nationale et d’avoir des enfants enseignants. L’une des fiertés de ce gouvernement est d’avoir placé au premier rang le ministère de l’éducation nationale et de l’avoir confié à une femme au parcours exemplaire. (Exclamations amusées. – Mme Annick Jacquemet et M. Roger Karoutchi applaudissent. – L’oratrice sourit.)
« Comment accepter que l’école française, qui était la première du monde, soit classée au rang qui est le sien aujourd’hui, en mathématiques comme en lecture ?
« Les enseignants de notre université dépeignent des étudiants de première année qui ne parviennent pas, après treize, quatorze ou quinze années d’école, à écrire un texte simple et compréhensible avec une orthographe acceptable. C’est le plus grand de nos échecs.
« Nous ne pouvons accepter que soient oubliés tous ceux qui viennent de milieux où l’on n’a pas les codes, ceux qui ne connaissent personne, comme on dit, qui n’ont accès ni à l’influence ni au pouvoir et que l’obligation d’orientation précoce perturbe et met en danger.
« J’ai la conviction que les gisements de progrès se trouvent du côté des enseignants.
« Nous nous souvenons tous ici des visages et des voix d’enseignants qui nous ont révélés à nous-mêmes. Nous connaissons ces destins qui ont basculé parce que le regard d’un enseignant s’était posé sur un enfant qui ne savait pas qui il était et qui était promis à l’échec.
« Ces enseignants magnifiques existent, et ils sont nombreux. Mais l’éducation nationale telle qu’elle est organisée ne parvient pas à les repérer, ou les repère si peu ; les trésors de pédagogie qu’ils ont déployés sont, de ce fait, perdus.
« Je veux rappeler ici l’intuition fondatrice du Président de la République : combattre l’assignation de la naissance, du quartier, du nom, de la religion, de la campagne, de l’accent, des familles éclatées, de l’adolescence solitaire. Il s’agit d’offrir, tout au long de la vie, de nouvelles chances et de mener ce combat pour l’individu comme pour la Nation.
« Tous les enseignants de l’université savent combien pèsent les lacunes accumulées au fil des années, combien elles handicapent les étudiants dans leur apprentissage. Je l’affirme ici, l’urgence pour l’université est d’agir en amont sur les enseignements fondamentaux.
« Parmi les combats à mener, je veux citer la promotion de la lecture, en lieu et place des écrans : la pause numérique doit être généralisée.
« Je sais qu’un chemin est possible, en formant mieux nos professeurs, afin de mieux les préparer et de les faire progresser dans l’exercice de leur métier. Cette réforme de la formation, initiale et surtout continue, est l’une des plus importantes à mener. Il convient aussi de lancer une grande consultation sur le temps scolaire et, enfin, de poursuivre la grande réforme de l’enseignement professionnel engagée par le Président de la République.
« Pour moi, la culture joue un rôle de premier plan dans la promesse française. J’ai la conviction que la défense et l’affirmation d’une politique culturelle constituent une politique sociale. L’émerveillement partagé devant la beauté d’un monument, d’une ville que l’on restaure, d’une pièce de théâtre, d’un concert que l’on partage, élève, rend fier, rassemble.
« C’est pourquoi le beau est un devoir d’État. Cela passe par une politique ambitieuse du patrimoine – ce patrimoine qui est l’une de nos principales fiertés – et par un soutien à la création.
« Je pense, mesdames, messieurs les députés, à nos concitoyens mahorais, qui viennent de subir une épreuve dramatique s’ajoutant à d’autres, déjà bien lourdes.
« J’ai présenté le plan “Mayotte debout” lors de ma venue sur l’île. Ce plan ambitieux vise non seulement à traiter l’urgence, mais aussi à refonder Mayotte. La crise migratoire que connaît ce département ne peut d’ailleurs plus être ignorée, sauf à faire des Mahorais des Français de seconde zone. Aucun débat n’est tabou sur ce sujet, notamment celui sur les conditions d’exercice du droit du sol.
« Je pense à la Nouvelle-Calédonie, qui doit construire son avenir. Les événements de mai 2024 ont plongé ce territoire dans un profond marasme. Je souhaite que le processus politique reprenne et que les négociations aboutissent à la fin du trimestre. J’inviterai à la fin du mois de janvier les forces politiques concernées à venir à Paris pour ouvrir ces négociations, en demandant au ministre des outre-mer de suivre particulièrement ce dossier. Je crois, là encore, que les femmes et les hommes de bonne volonté sauront trouver des voies novatrices, pour le bien de tous les Calédoniens.
« Je pense aujourd’hui à tous nos outre-mer, qui sont une fenêtre ouverte sur le monde et qui nous enrichissent par leur identité propre. Chacun ayant sa propre situation, ses chances et ses difficultés, nous définirons pour chacun un plan de développement et de financement, dans le cadre d’un nouveau comité interministériel des outre-mer que le ministre d’État préparera avec les élus de ces territoires.
« Dans les outre-mer comme dans l’Hexagone, l’espoir renaîtra par le volontarisme économique. Nous devons retrouver les conditions de la production, avec au premier chef la technologie, nouvelle mère des batailles.
« On voudrait nous condamner au déclassement, alors que la Silicon Valley déroule le tapis rouge à nos ingénieurs du numérique et de l’intelligence artificielle. Nous sommes des géants de la recherche informatique ; ne nous laissons pas aller à devenir des nains de la nouvelle économie, laquelle est précisément fondée sur le numérique. Il en est de même pour l’espace ou les énergies décarbonées.
« Le Gouvernement reste attaché à la trajectoire ambitieuse d’investissement dans la science définie dans la loi de programmation de la recherche. La recherche se fait dans les universités et les laboratoires, mais aussi ailleurs. Il faut mieux mobiliser nos entreprises dans cet effort collectif.
« Pour ce qui concerne l’IA dont je sais, non pas si elle est intelligente ou artificielle, mais qu’elle représente un changement d’être pour notre humanité, la stratégie nationale doit entrer dans sa troisième phase. Notre action doit être ambitieuse, afin de diffuser l’IA dans l’industrie, l’action publique, la formation et la recherche, appuyée sur un programme d’investissement dans les infrastructures. Le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, qui se tiendra à Paris en février prochain, traduira cette ambition.
« Dans ce domaine, comme dans ceux de l’industrie et de l’agriculture, il nous faut définir des politiques de filière, produit par produit, en partant des faiblesses de notre balance commerciale.
« Chaque filière unira grandes entreprises, sous-traitants, État et régions autour d’un enjeu de production. Des géants mondiaux, comme Dassault Systèmes ou Safran, TotalEnergies ou Airbus, Saint-Gobain ou Danone, ont un potentiel de partage des capacités de mise au point et de soutien à des entreprises nouvelles, notamment sur des produits et secteurs où nous sommes absents.
« Je veux avoir un mot particulier pour la filière agricole ; je dirai même pour les filières agricoles.
« Quand nous évoquons les difficultés qu’elles traversent, deux choses nous sautent aux yeux : la crise des revenus et le sentiment qu’ont nos agriculteurs de n’être pas respectés.
« À l’origine de cette situation, il y a une crise morale : les paysans – le monde dont je viens – avaient jusqu’à il y a peu la certitude d’être les meilleurs défenseurs de la nature. Or, aujourd’hui, on les accuse de nuire à la nature. C’est une atteinte profonde. Et quand les inspecteurs de la biodiversité viennent dans une ferme, où l’on est déjà à cran du fait de la crise, inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture, »… (Vives protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Ce n’est pas bien de dire cela ! Ce sont des agents de l’État !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « c’est une humiliation, donc une faute.
« Le principal enjeu aujourd’hui est celui de l’égalité des armes. L’accord avec le Mercosur impose aux agriculteurs de chez nous des normes de production qui ne sont pas imposées à leurs concurrents. C’est inacceptable.
« De très grandes injustices risquent également d’être commises dans la gestion des ressources en eau. Assimiler la gestion de l’eau de surface au pompage des nappes profondes, comme si c’était la même chose, c’est absurde. »
M. Yannick Jadot. Et les mégabassines ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Nos agriculteurs le vivent comme une injustice. Sur le sujet de l’eau, je l’ai dit, je souhaite que des conférences soient organisées aux plans national et régional, pour définir une stratégie à long terme.
« Ce métier, qui était un métier de communauté, de village, de collègues, d’amis, de connaissance des gestes et des techniques, est devenu solitaire, ce qui pose le problème des nouvelles vocations.
« Toutes ces questions seront traitées dans la loi d’orientation agricole. Je m’engage à ce que, comme pour les entreprises et les familles, nous remettions en question les pyramides de normes en donnant l’initiative aux usagers. Ceux que l’on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles, et s’il faut des remises en cause, nous les conduirons avec eux dans un temps bref.
« Cette politique ne trouvera sa pleine dimension que si le travail trouve également toute sa place dans notre société.
« Je souhaite que l’on ouvre une concertation sur la question du travail et des salaires, qui traitera de la qualité de la vie au travail, de la rémunération et du sens du travail. Devront être abordées les questions de la santé au travail, de la prévention et de la prise en charge des arrêts de travail, de la situation des travailleurs pauvres et de l’égalité salariale femmes-hommes.
« Il faudra aussi poursuivre les efforts en matière de revalorisation salariale et de mise en place de dispositifs d’épargne salariale, d’intéressement et de participation dans tous les secteurs.
« En 1947, paraissait le livre Paris et le désert français. Aujourd’hui, il y a Paris, les grandes métropoles et le désert français, avec un gouffre entre chaque niveau. Le reste du “tissu national”, éloigné géographiquement de la capitale et des métropoles, disparaît médiatiquement et politiquement.
« L’aménagement du territoire est l’une des grandes questions qui se trouvent devant nous. Il touche aux conditions de vie de nos concitoyens, à l’accès aux services publics, aux transports, au logement… Nous avons mis en place un grand ministère dirigé par François Rebsamen. Ce ministère incarne l’objectif qui est le nôtre : que chaque personne ait sa chance, que chaque territoire ait sa reconnaissance et sa chance.
« Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Tant d’esprits, de volontés et de capacités venant de province et des quartiers périphériques ont le sentiment d’être écartés et oubliés.
« Je veux m’arrêter sur le sujet du logement. C’est une mission centrale. Si l’on ne peut pas se loger, on ne peut pas être reconnu. Nous avons besoin d’une politique de logement repensée et de grande ampleur. Chacun doit avoir accès à un logement abordable.
« Je salue les efforts menés par les précédents gouvernements pour lever les contraintes en matière de construction de logements. Nous pouvons aller plus loin, en réduisant encore les délais, en allégeant les demandes d’autorisation, en favorisant la densification, en facilitant les changements d’usage… Cela suppose aussi de relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété, ainsi que de soutenir les maires bâtisseurs par un système d’encouragement à l’investissement, y compris privé.
« Dans le domaine du transport, qui est la condition même de l’égalité des droits sur le territoire, nous avons devant nous des défis en matière de financement des infrastructures et des nouveaux équipements. Une conférence sur le financement durable des transports sera organisée avec les collectivités locales et les professionnels, afin de se préparer à ces défis.
« La santé est l’une des toutes premières préoccupations des Français. L’organisation de notre système de santé est au cœur du modèle social français.
« Nous avons tous été confrontés, pour nous ou un proche, à l’impossibilité de trouver un médecin généraliste, un spécialiste, un dentiste pour nous faire soigner. Quant à l’hôpital, il connaît aussi une crise, en particulier financière, qui est plus que préoccupante.
« L’absence de vision pluriannuelle des ressources consacrées à notre système de santé le prive de facto des moyens de porter des projets à moyen et long terme. Elle complique ainsi sa capacité à anticiper les futurs besoins de santé des Français. Il faut passer d’une logique budgétaire annuelle à une logique de financement pluriannuelle.
« Il faut aussi travailler sur l’enjeu clé que représente la démographie médicale, en impliquant notamment les élus territoriaux et en menant de front la question de la formation des soignants.
« Je souhaite confirmer que la santé mentale sera la grande cause nationale en 2025, comme l’avait décidé mon prédécesseur Michel Barnier.
« Dans ce cadre, pour faire face à l’enjeu de la soutenabilité de l’hôpital, le Gouvernement proposera une hausse notable de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), ce qui permettra d’améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles. À cette fin, la mesure de déremboursement de certains médicaments et des consultations ne sera pas reprise.
« Le sport est, comme la culture, un puissant facteur de cohésion, d’épanouissement et de fierté. Après une année olympique historique et avec devant nous le projet Alpes 2030, nous devons encourager la pratique du sport dès l’école. Dans le cadre des parcours de soins des malades chroniques, nous devons également présenter une nouvelle offre dans les maisons sport-santé. Ainsi, 100 000 bilans d’activité physique seront proposés aux personnes atteintes de telles maladies.
« La promesse française est aussi fondée sur l’attention aux plus fragiles et aux plus vulnérables.
« Il faut poursuivre la mobilisation de l’ensemble du Gouvernement autour de la politique du handicap, alors que nous allons fêter le vingtième anniversaire de la loi de 2005. C’est l’objet de l’école pour tous, qu’il faut améliorer, alors que la politique de l’école inclusive a atteint une masse critique. Un comité interministériel du handicap sera aussi organisé dans les meilleurs délais. Et je tiens au remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025.
« Dans le cadre de la grande politique démographique que j’appelle de mes vœux, après les travaux du Haut-Commissariat au plan, il nous faut avancer sur la question du grand âge. L’objectif est de permettre aux personnes de bien vieillir et d’avoir le choix de leur domicile. Cela suppose l’ouverture d’un dialogue avec le Parlement et les départements.
« Je réaffirme aussi la priorité, qui est pour moi attachée à la politique de protection de l’enfance, que représente la création d’un Haut-Commissariat à l’enfance, »…
M. Guy Benarroche. Paroles, paroles !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « qui permettra d’inscrire cette politique dans la continuité.
« Parmi les personnes qui souffrent dans notre pays aujourd’hui, on compte trop souvent des étudiants en situation de précarité, en particulier lorsqu’il faut se loger dans les grandes villes où les loyers dépassent les moyens de leurs familles. C’est pourquoi la carte universitaire et le réseau des universités constituent une grande question académique et sociale. Nous lancerons la construction de 15 000 logements par an pendant trois ans, en mobilisant le foncier disponible de l’État.
« En m’adressant à vous, mesdames, messieurs les députés, j’ai conscience de parler à la Nation tout entière, aux Françaises et aux Français qui nous regardent, à tous ceux qui ont les yeux tournés vers la France, que la vision de nos désunions décourage et que nos paroles ont fini par lasser. »
Mme Pascale Gruny. Ça, c’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Pour eux, ce n’est pas un mandat qui est en jeu, c’est la journée qui vient, c’est le jour même, avec l’angoisse du chômage, celle du prix de la vie, l’inquiétude pour un conjoint, des parents âgés, des enfants dont l’avenir semble obstrué.
« Nous n’avons pas le droit, surtout au nom de nos passions politiques, d’hypothéquer la vie de nos concitoyens. Ils attendent des actes, et c’est sur nos actes qu’ils jugeront de nos paroles, de nos promesses et de nos indignations. C’est sur nos actes qu’ils nous jugeront, tout simplement.
« Le but de cette déclaration de politique générale est de permettre à ces concitoyens de passer de la plus extrême inquiétude à la conviction que, même si nous ne sommes pas certains de tous les résoudre, nous traiterons les problèmes qui se posent avec toutes nos forces et tous nos moyens.
« Nous n’allons pas d’un seul coup passer de l’ombre à la lumière. Nous n’allons pas vivre le Grand Soir. Mais si je parviens à me faire entendre de vous, élus de la Nation, et de nos concitoyens, alors nous pourrons passer du découragement à un espoir ténu, mais raisonnable. C’est ce projet que j’ai voulu présenter devant vous.
« Je connais tous les risques. Si nous nous trompons, nous corrigerons. Mais le risque, c’est la vie. Pierre Mendès France, et je ne cite pas cette référence ici par hasard, aurait dit : “Il n’y a pas de politique sans risque, il n’y a que des politiques sans chance.”
« J’ai foi dans le peuple français. J’ai foi dans ses représentants. Je sais les ressources d’intelligence, de bravoure, de droiture de notre nation lorsqu’elle choisit de surmonter l’épreuve. Notre peuple, notre pays, avec son histoire, a la capacité de se ressaisir. Je n’en veux que deux preuves : nous sommes aujourd’hui le plus jeune des pays européens, »…
M. Guy Benarroche. Grâce à l’immigration !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « et, en termes de croissance, nous sommes devant l’Allemagne sur les quarante dernières années, en particulier les sept dernières années. Nous sommes un peuple doté de ressources, à la condition qu’il trouve l’unité qui si souvent lui manque. Il l’a fait bien des fois au cours de son histoire, et c’est à nous aujourd’hui que cette mission, cette charge et cette chance reviennent. » (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et RDSE. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d’être donné lecture au Sénat.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous suspendrons notre séance à dix-neuf heures, en raison de la cérémonie des vœux de M. le président du Sénat.
5
Candidature à une commission
Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des finances a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Loi de finances pour 2025
Motion d’ordre
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la présidente, mes chers collègues, comme vous le savez, l’ordre du jour du Sénat prévoit la reprise de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 à compter de demain, à la suite de la déclaration du Premier ministre et du débat prévu à l’article 50-1 de la Constitution.
Aussi, comme je le fais très régulièrement de façon à permettre des regroupements par thématique, je sollicite, en application de l’article 46 bis, alinéa 2 du règlement du Sénat, l’examen séparé de certains amendements aux missions « Outre-mer », « Aide publique au développement », « Sport, jeunesse et vie associative » et « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Cette pratique a vocation à éviter des discussions communes qui porteraient sur un nombre excessif d’amendements, rendant les échanges difficiles.
Mme la présidente. Je suis saisie, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, d’une demande de la commission des finances d’examen séparé de certains amendements aux missions « Outre-mer », « Aide publique au développement », « Sport, jeunesse et vie associative » et « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
7
Dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire
Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du Gouvernement, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire (proposition n° 160, texte de la commission n° 183, rapport n° 182).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravie que nous soyons réunis aujourd’hui pour discuter de cette proposition de loi visant à prolonger l’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire.
Je formule le vœu que cette étape conduise à l’aboutissement d’une saga qui occupe le Parlement et le Gouvernement depuis maintenant plusieurs mois et qui concerne directement le quotidien de près de six millions de Français.
Je souhaiterais tout d’abord rappeler le contexte dans lequel s’inscrit l’examen de ce texte, dont la députée Anne-Laure Blin est à l’initiative. Il me semble d’autant plus important de le faire que les discussions ont été vives sur ce sujet et que certains arguments entendus dans le débat public méritent précision et clarification.
Le titre-restaurant a un objectif principal simple : donner au salarié qui n’a ni cantine ni espace repas sur son lieu de travail la possibilité de se nourrir lors de la pause déjeuner.
Lorsque le dispositif a été créé en 1967, il est vrai que le choix était un peu plus restreint qu’aujourd’hui : à midi, le salarié pouvait soit aller au restaurant, soit se rendre chez un commerçant, mais les offres de plats pour le déjeuner étaient alors plus rares qu’aujourd’hui.
Il faut également rappeler que le salarié pouvait aller dans un supermarché, même s’ils n’étaient pas bien nombreux à cette époque, et que le titre n’ouvrait droit qu’à un nombre limité de produits.
Le titre-restaurant, avantage social préféré des Français, fait intervenir un certain nombre d’acteurs.
Il est tout d’abord cofinancé par l’employeur et par le salarié, ce dernier prenant en charge entre 40 % et 50 % de la valeur faciale du titre.
L’État est également de la partie, puisque la part employeur est exonérée de cotisations sociales dans la limite, aujourd’hui, de 7,18 euros.
Et, bien entendu, les restaurateurs, les commerçants et les émetteurs de titres sont des parties prenantes clés de ce marché, qui est évalué à 9 milliards d’euros environ et qui se trouve en croissance compte tenu de la forte adhésion des Français au dispositif.
Je souhaiterais m’attarder quelques instants sur les évolutions récentes apportées au titre-restaurant, dont la dernière en date nous réunit aujourd’hui.
En raison du confinement en 2020, les salariés n’ont pu faire usage de leurs titres pendant deux mois ; ils les ont donc accumulés. Or le plafond était alors de 19 euros par jour, ce qui était particulièrement contraignant pour les écouler une fois le déconfinement arrivé.
Il a donc été décidé de porter ce plafond à 38 euros, à la fois pour permettre cet écoulement, mais aussi – il est nécessaire de le rappeler – pour apporter un soutien supplémentaire au monde de la restauration, qui avait particulièrement souffert pendant cette période.
Deuxième évolution, le plafond d’exonération a été augmenté de 4 % pour accroître encore le caractère incitatif du titre-restaurant.
Surtout, la troisième évolution concerne le panier éligible : la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat de 2022 a autorisé les salariés à utiliser les titres pour acheter non plus uniquement des produits alimentaires directement consommables, comme les sandwichs ou les salades toutes prêtes, mais aussi des produits alimentaires non directement consommables, comme la farine, les pâtes, le riz ou l’huile.
Cette possibilité, introduite au Sénat par le biais d’un amendement déposé par Frédérique Puissat, ne devait durer que jusqu’à la fin 2023. À cette date, le Gouvernement et le Parlement ont fait le choix de prolonger cette dérogation jusqu’à la fin de 2024, compte tenu notamment de l’inflation persistante durant cette période.
Cela nous amène au texte que nous examinons aujourd’hui. En effet, il était initialement prévu que le gouvernement précédent mène une réforme d’ampleur du titre-restaurant dans le courant 2024, sous le pilotage d’Olivia Grégoire. Cette réforme aurait notamment tranché définitivement le sort de cette dérogation : la supprimer ou la pérenniser ? La dissolution de juin dernier a interrompu le processus.
Le même sujet s’est donc posé à la fin de l’année dernière : la dérogation doit-elle être prolongée en 2025, et peut-être au-delà, ou doit-elle disparaître ? L’Assemblée nationale a répondu, à l’unanimité, que la dérogation devait être prolongée jusqu’à la fin de 2026, et cela pour deux raisons principales.
La première, c’est qu’une période de deux ans permet de parer à toute éventualité politique et de ne pas remettre l’ouvrage sur le métier une quatrième fois en quatre ans. En outre, cela permet au Gouvernement de mener à bien la réforme que je mentionnais à l’instant et aux professionnels d’avoir le temps nécessaire de la mettre en œuvre.
La seconde raison, c’est la très forte demande des Français, qui souhaitent pouvoir acheter un large panier de produits alimentaires avec ces titres, et non être contraints et se faire des nœuds au cerveau : les sandwichs sont autorisés, mais pas le riz, les salades toutes faites sont éligibles, mais pas la farine, etc.
On peut les comprendre : il s’agit – il faut le redire – de leur argent ; il faut donc leur laisser la liberté d’en disposer comme ils le souhaitent, dès lors que cela permet de se nourrir. D’après une étude de la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR), 96 % des Français interrogés ont déclaré souhaiter le maintien de cette liberté.
En tant que ministre, j’entends agir résolument en faveur de la simplification.
Simplification de la vie de nos entreprises, notamment des PME, des commerçants et des artisans, mais également de celle des consommateurs. Or il me semble que nous tenons là une mesure bienvenue de simplification, extrêmement plébiscitée, et tout à fait logique sur le fond. Je note d’ailleurs que le Premier ministre a fait état de la nécessité d’une telle simplification dans sa déclaration de politique générale.
J’entends les craintes exprimées par certains professionnels, qui s’inquiètent d’un manque à gagner pour leur profession. Je veux leur dire que ma porte est bien entendu toujours ouverte et qu’ils seront étroitement associés aux travaux que je vais conduire en la matière dans les semaines à venir.
Il est ainsi souvent mis en avant une perte de chiffre d’affaires que les restaurateurs auraient eu à connaître à la suite de l’instauration de cette dérogation : je précise cependant que l’évolution de leur activité est avant tout le reflet de changements des modes de consommation et de la recherche de prix bas par des consommateurs subissant une inflation alimentaire importante durant la dernière période.
Nous avons tous vu, du reste, les réactions de surprise et de mécontentement émanant des Français découvrant il y a quelques jours que, le 1er janvier 2025, leur titre-restaurant n’était plus accepté pour tel ou tel produit, parce que la navette parlementaire sur cette proposition de loi avait été suspendue par le vote de la censure.
Tout converge donc pour accepter le principe de la prolongation. Le Gouvernement formule le vœu que le Sénat adopte les amendements tendant à privilégier une prolongation de deux ans, plutôt qu’un an. Ce faisant, grâce à la conformité des positions adoptées par les deux chambres, le texte pourrait immédiatement être transmis au Président de la République pour promulgation. Nous mettrions ainsi fin, le plus vite possible, à la situation d’incertitude et de gêne que les consommateurs connaissent aujourd’hui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais conclure mon propos par quelques mots sur la réforme plus ambitieuse que j’évoquais précédemment. De larges concertations ont été conduites par mes prédécesseures, Olivia Grégoire et Laurence Garnier, dont je veux saluer ici l’engagement. Je souhaite les reprendre à mon compte, entendre toutes les parties prenantes et avancer sur cette réforme.
Ses principaux axes sont la dématérialisation obligatoire du titre-restaurant, le contrôle des émetteurs, l’évolution de la CNTR et une réflexion sur le niveau des commissions.
Restaurateurs, petits commerçants, grande distribution, émetteurs, salariés, patronat : tous seront reçus et entendus, afin que nous avancions au plus vite sur cette réforme et qu’elle puisse aboutir, enfin. Je sais qu’une grande partie du travail a déjà été menée et a permis de parvenir à une forme de consensus : nous devrions donc pouvoir avancer rapidement, en lien avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi avec les députés et l’ensemble des parties prenantes.
Ce report de deux ans fixe une date butoir, mais rien ne nous interdit de mettre en place le nouveau dispositif que nous construirons ensemble bien avant la fin de cette période. Mon objectif est que nous puissions présenter les grandes lignes de la réforme des titres-restaurant dès cet été, afin de donner des perspectives claires à l’ensemble des acteurs concernés, pour une mise en œuvre effective dans les mois qui suivent.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Corinne Bourcier applaudissent également.)
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en décembre 2023, le Sénat a choisi de prolonger pour un an l’assouplissement temporaire des règles d’utilisation du titre-restaurant qu’il avait introduit à l’été 2022, dans le cadre des mesures d’urgence pour protéger le pouvoir d’achat face à l’inflation.
Certes, l’inflation n’est plus aussi inquiétante que les années précédentes, puisque, selon l’Insee, l’indice des prix à la consommation aurait augmenté de 1,8 % en 2024. Cependant, la problématique de la vie chère n’épargne pas nos compatriotes. Elle prend même une tournure dramatique dans certains territoires, à commencer par les départements et collectivités d’outre-mer.
Dans ce contexte, il nous est de nouveau proposé de prolonger l’assouplissement temporaire des règles d’utilisation du titre-restaurant, afin de permettre son utilisation pour l’achat de denrées alimentaires non directement consommables.
Reconnu par une ordonnance de 1967, le titre-restaurant est un titre de paiement spécial, cofinancé par l’employeur et par le salarié, qui permet notamment de répondre à la situation des salariés ne disposant pas d’un lieu de restauration collective.
De plus en plus souvent dématérialisé, il ne doit pas être confondu avec un chèque alimentaire, puisqu’il est uniquement destiné à l’achat d’un repas par journée travaillée par le salarié. Le respect de cet usage est essentiel, car c’est lui qui justifie les exonérations sociales et fiscales dont bénéficie le dispositif du titre-restaurant, lesquelles coûtent chaque année plus de 1,5 milliard d’euros à l’État et à la sécurité sociale.
Pour s’assurer de ne pas trahir la vocation des titres-restaurant, le repas acheté par ce moyen doit être en principe composé de préparations alimentaires directement consommables ou de fruits et de légumes. A contrario, ces titres ne sauraient être utilisés pour acheter des boissons alcoolisées ou de la nourriture infantile. (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.)
En parallèle, les types de commerces pouvant accepter des titres-restaurant ont été élargis. Tout d’abord réservé aux seuls restaurateurs, leur usage a été étendu aux détaillants en fruits et légumes, puis aux commerces assimilés agréés par la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR). Ces derniers relèvent principalement des commerces de bouche et des grandes et moyennes surfaces, même si l’émergence de commerces en ligne agréés m’a été confirmée durant les auditions, madame la ministre, ce qui doit nous interpeller.
De ce fait, la CNTR estime que, en 2024, 180 000 employeurs ont eu recours au titre-restaurant, pour 5,4 millions de salariés, représentant l’émission de plus de 10 milliards d’euros.
Comme je l’ai indiqué plus tôt, la vocation du titre-restaurant n’est pas de soutenir le pouvoir d’achat des salariés, pas plus que le bilan et les marges des restaurateurs face aux trop nombreuses difficultés financières qu’ils rencontrent aujourd’hui – celles-ci sont liées à l’augmentation de leurs charges d’exploitation en raison de l’inflation sur l’énergie et les matières premières, mais aussi au remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) et à leurs problèmes de recrutement ; nous en sommes convaincus, ces difficultés sont caractérisées et patentes.
Pour autant, faute de meilleur outil, le titre-restaurant a de fait été mobilisé face à l’inflation rencontrée en 2022, puis en 2023, tout d’abord via le rehaussement du plafond d’utilisation journalière à 25 euros en 2022, puis par l’augmentation du plafond d’exonération de la participation de l’employeur, afin d’inciter ces derniers à augmenter la valeur faciale des titres.
Toutefois, l’évolution la plus substantielle demeure, sur l’initiative de notre collègue Frédérique Puissat, puis sur celle de Sophie Primas et d’Alexandra Borchio Fontimp, d’avoir temporairement permis l’utilisation de titres-restaurant pour l’achat d’aliments non directement consommables.
Je dois le souligner, cette possibilité a provoqué l’insatisfaction profonde des restaurateurs, pour ne pas dire leur colère. Cette dernière a été alimentée par la dernière étude de la CNTR, selon laquelle la part d’utilisation des titres auprès des restaurants serait passée de 46 % à seulement 40 %, principalement au profit de la grande distribution.
Cependant, il ne faut pas confondre causalité et corrélation. Il me semble que cette évolution ne peut être uniquement imputée au dispositif que nous examinons aujourd’hui.
Tout d’abord, seuls 25 % des achats en titres-restaurant en grande surface concernent des produits non directement consommables.
Ensuite, et surtout, il nous faut admettre que cette évolution traduit avant tout une volonté des salariés. Madame la ministre, vous l’avez indiqué, plus de 96 % de ces derniers plébiscitent cette dérogation, selon de récents sondages d’opinion. Ils apprécient la flexibilité qui leur est offerte et y trouvent parfois des offres plus proches de leurs régimes alimentaires ou de leurs préférences de consommation, cohérentes avec le recours au télétravail, ou tout simplement moins chères.
Cet état de fait est admis par les restaurateurs eux-mêmes. Je tiens d’ailleurs à souligner le courage et le sérieux de leurs représentants. Ceux-ci l’ont reconnu durant les auditions que j’ai menées, revenir à l’utilisation stricte du titre-restaurant ne semblait pas souhaitable, dans l’intérêt même de la collectivité.
En revanche, et je les rejoins sur ce point à titre personnel, ils appellent à une différenciation des plafonds d’utilisation entre la restauration et la grande surface. Cette mesure paraît relever du bon sens compte tenu des coûts plus importants supportés par les restaurateurs.
La possibilité d’un double plafond semble néanmoins susciter des interrogations sur le plan juridique, qui appellent une réponse via un projet de loi doté d’une étude d’impact, et non par l’intermédiaire du véhicule législatif qui nous est présenté.
Si le principe de la dérogation est admis, il reste à en fixer la durée. La proposition de loi portée à l’Assemblée nationale par Mme Anne-Laure Blin prévoyait initialement une prolongation d’un an du dispositif. Cette durée a été portée à deux ans durant l’examen du texte en séance publique à l’Assemblée nationale.
Au Sénat, en commission, nous avons choisi de ramener cette dérogation à une année, considérant que cette durée permettait d’éviter une forme de pérennisation larvée, mais également d’inciter à une réforme plus ambitieuse du titre-restaurant, à même de satisfaire à la fois les salariés, leurs employeurs et les restaurateurs, notamment.
Madame la ministre, vous l’avez dit, les sujets ne manquent pas pour un tel projet de loi : dématérialisation du titre afin de limiter la fraude, renforcement de la concurrence sur le marché des sociétés émettrices, renforcement des contrôles et des moyens déployés par la CNTR, enfin, mise en place d’une différenciation des plafonds entre restaurateurs et grandes surfaces.
Je maintiens devant vous la position de la commission : sur le principe, une durée d’un an paraît la plus juste.
Cependant, force est de constater que la situation a évolué depuis l’examen de la proposition de loi en commission. L’instabilité politique qui a prévalu a conduit à ce que le dispositif ne puisse être prolongé à temps pour le 1er janvier 2025. Je le déplore, d’autant que Laurence Garnier, dont je tiens à saluer l’engagement, avait permis de réelles avancées sur ce dossier en tant que secrétaire d’État à la consommation.
Par conséquent, nous sommes dans une forme de flou juridique : bien que le suspense quant à la reconduction du dispositif soit ténu, les règles d’utilisation des titres sont revenues à l’interdiction d’achat d’aliments non directement consommables. Les salariés bénéficiant de titres s’en trouvent lésés et les différents commerces agréés par la CNTR hésitent à mettre à jour leurs systèmes informatiques, ce qui représente un coût non négligeable, quand ils n’assument pas tout simplement de ne pas appliquer la loi dans l’attente de notre vote.
Mes chers collègues, vous le reconnaîtrez, cette situation n’est pas soutenable. C’est ce qui justifie plusieurs amendements identiques visant à fixer à deux ans la période de dérogation, avec l’objectif évident de permettre un vote conforme au texte adopté par l’Assemblée nationale et, ainsi, une mise en œuvre la plus rapide possible du dispositif.
Sans anticiper les débats, la commission ne s’opposera pas à ces amendements, considérant que l’urgence l’emporte sur le principe. Le même réalisme empêche de renommer l’intitulé trompeur de cette proposition de loi, puisque celle-ci ne permet précisément pas l’usage de titres-restaurant « pour tout produit alimentaire », comme je l’ai précisé plus tôt.
Enfin, madame la ministre, dans l’hypothèse selon laquelle, dans sa grande sagesse et son esprit de responsabilité, le Sénat retiendrait une dérogation de deux ans, une telle durée ne doit pas ralentir la réforme que tous les acteurs appellent de leurs vœux au plus vite, j’y insiste, pas plus que le renforcement des contrôles demandé par les restaurateurs, qui peut se faire à droit constant.
Dans l’immédiat, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Xavier Iacovelli et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le titre-restaurant est un dispositif bien connu par bon nombre de Français. Selon les derniers chiffres, quelque 5,4 millions de salariés en bénéficient aujourd’hui et 180 000 employeurs auraient recours à ce dispositif.
Pour rappel, le titre-restaurant permet le cofinancement par l’employeur et par le salarié d’un paiement destiné à l’achat d’un repas par le salarié qui ne bénéficie pas de cantine ni de restaurant d’entreprise. En contrepartie, la part financée par l’employeur est exclue de l’assiette de cotisations et contributions sociales. C’est donc un dispositif très intéressant pour les deux parties.
Madame la rapporteure, lorsque nous avons examiné le présent texte en commission, vous aviez commencé ainsi votre intervention : « La proposition de loi qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale et que nous examinons [aujourd’hui] a comme un air de déjà-vu. » C’est effectivement le cas !
À l’origine, le titre-restaurant permet au salarié d’acheter une préparation alimentaire directement consommable. Concrètement, il peut s’agir d’un repas au restaurant, d’un plat acheté en grande surface ou dans un commerce de bouche.
En 2022, le cadre du titre-restaurant a été élargi compte tenu du contexte inflationniste. Le plafond d’utilisation des titres-restaurant est passé de 19 à 25 euros par jour et un régime dérogatoire temporaire a été instauré, afin de permettre son utilisation pour l’achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non.
Ce régime devait arriver à son terme le 31 décembre 2023, mais il a été prolongé d’une année, le contexte inflationniste ne permettant pas d’interrompre cette dérogation.
Aujourd’hui, nous devons donc nous prononcer de nouveau sur une prolongation de ce régime, la seconde. Le groupe Les Indépendants – République et territoires soutiendra évidemment cette proposition de loi, dont l’adoption a déjà été largement retardée compte tenu du contexte récent, car aucun salarié ne comprendrait l’interruption de ce régime dérogatoire.
Nous voterons la présente proposition de loi, car elle permettra de répondre aux besoins des salariés, notamment afin de soutenir ces derniers dans le contexte économique qui, s’il est nettement moins inflationniste que l’année dernière, demeure très difficile. Pour nombre de nos concitoyens, l’alimentation continue de représenter une part croissante dans leur budget.
Cependant, c’est bien la version que Mme la rapporteure nous présentait en décembre dernier que nous soutiendrons, celle qui suggérait de prolonger le dispositif non jusqu’en 2026, mais jusqu’en 2025. En effet, une prolongation jusqu’en 2026 nous semblait non seulement inutile, mais presque contre-productive, car elle aurait permis de repousser de nouveau une réforme qui paraît pourtant indispensable.
L’année dernière déjà, au moment de voter la prolongation de la dérogation pour 2024, nous nous demandions ce que nous ferions dans un an et nous invitions à une réforme du titre-restaurant.
De nouveau, mes chers collègues, je vous le demande : que ferons-nous dans un an ? Il ne serait pas raisonnable de nous retrouver indéfiniment chaque mois de décembre pour voter la prolongation de cette dérogation !
Il est absolument impératif que 2025 soit une année de réflexion et de refonte du titre-restaurant. Ce dispositif doit être adapté et modernisé ; il faut le réformer sans précipitation, après une large concertation.
Madame la ministre, nous comptons donc sur vous pour mener une concertation et associer les parties prenantes à cette réforme.
La refonte du titre-restaurant est promise et attendue depuis maintenant plusieurs années. Il a été créé en 1967, il y aura donc bientôt soixante ans, et la société a depuis beaucoup évolué depuis lors, ainsi que les préférences des salariés et des consommateurs. Il faut notamment tenir compte du développement du télétravail ou de la préférence de nombreux salariés à préparer eux-mêmes leur déjeuner, pour des raisons tant économiques que liées à leur santé.
J’insiste aussi sur le temps de concertation nécessaire avant toute refonte pérenne des modalités du dispositif. Une telle évolution ne doit pas se faire au détriment des petits commerçants et des restaurateurs, dont l’activité a déjà été tant mise à mal ces dernières années.
Le titre-restaurant doit surtout demeurer un outil d’aide à la restauration des salariés sur leur temps de travail. Il ne doit pas devenir un complément de pouvoir d’achat plus large ni un chèque alimentaire.
Quand on aborde le sujet des titres-restaurant, on pense naturellement au pouvoir d’achat des salariés, et plus largement ou indirectement à leur rémunération. Toutefois, un débat sur le pouvoir d’achat des Français ne peut se résumer à une discussion sur les titres-restaurant. Il doit porter sur les entreprises, leur dynamisme, leurs charges, la productivité, le temps de travail et la rémunération.
L’année dernière, ma collègue Frédérique Puissat et moi-même avons eu l’occasion de mener une mission d’information sur les négociations salariales. À l’issue de celle-ci, nous avons formulé quinze recommandations qui pourraient trouver un écho, afin d’améliorer dignement le pouvoir d’achat des salariés et de lutter contre la stagnation du salaire tout au long de la carrière.
Notre groupe votera en faveur de la prolongation d’une année prévue par cette proposition de loi, mais nous appelons fortement à une large concertation pour une refonte du dispositif, dans le respect d’un équilibre entre le pouvoir d’achat des salariés et l’activité des petits commerçants et des restaurateurs, en espérant que cette réforme puisse aboutir assez rapidement, avant 2026.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’initiative du Sénat, la loi de 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a prévu un dispositif dérogatoire permettant d’utiliser jusqu’au 31 décembre 2023 les titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable. Une loi du 26 décembre 2023 a prolongé le dispositif jusqu’à la fin de 2024.
Sans mesure législative visant à prolonger de nouveau la dérogation, depuis le 1er janvier 2025, les salariés ne peuvent plus acheter que des produits alimentaires directement consommables, ce qui est fort regrettable.
Près de 200 000 employeurs ont recours aux titres-restaurant et plus de 5 millions de salariés en bénéficient dans notre pays.
Comme les prix des produits alimentaires se maintiennent à un niveau élevé, il apparaît nécessaire de pérenniser l’extension du champ des produits pouvant être achetés au moyen de titres-restaurant et de remédier à une situation provoquée par la censure du Gouvernement et qui met en difficulté le pouvoir d’achat des salariés.
La prolongation du dispositif pour deux années que proposent les auteurs de la présente proposition de loi, tenant compte des différents intérêts en matière de restauration et d’alimentation, doit permettre, comme s’y était engagée la secrétaire d’État chargée la consommation, notre collègue Laurence Garnier, et comme vous venez de le confirmer, madame la ministre, de mener des discussions en 2025 pour procéder à une réforme globale des titres-restaurant. Il faudra y veiller.
Pour ma part, j’indique d’ores et déjà que je souhaite non seulement pérenniser l’extension du champ d’utilisation de ces titres, mais aussi aller bien au-delà.
À ce titre, je souhaite revenir sur une proposition de loi que j’avais déposée en 2022, qui visait à développer « l’argent fléché », dont les titres-restaurant sont les principaux représentants. Réunis sous ce vocable, ces dispositifs permettent de s’affranchir des charges salariales et patronales pour assurer, dans un cadre répondant à des objectifs de simplification, des relations de confiance au sein des organisations et améliorer le pouvoir d’achat des salariés.
Le titre-restaurant, à l’instar du chèque-vacances, est un dispositif social performant, qui rapporte plus qu’il ne coûte à l’État en raison de l’augmentation mécanique des recettes fiscales, en particulier de la TVA. Une étude avait en effet estimé que, en 2020, le coût des exonérations s’élevait à 1,4 milliard d’euros, tandis que les retours induits pour les finances publiques étaient évalués à 2,3 milliards d’euros.
Dans cette proposition de loi visant à améliorer le pouvoir d’achat des salariés et à redynamiser la consommation locale, j’avais proposé le déplafonnement de l’usage journalier du titre-restaurant et l’augmentation de sa valeur faciale.
Je propose d’examiner ces questions dans le cadre de la réforme à conduire, en complément de la pérennisation de l’extension du champ d’intervention. Il s’agit, au travers de cette mesure, d’atteindre l’objectif d’accorder une plus grande liberté et davantage de confiance aux acteurs, lequel sied bien à ce dispositif souple et partenarial qui s’inscrit dans un dialogue social au sein des organisations.
Il s’agit aussi de mettre un terme à la forte érosion du pouvoir d’achat des bénéficiaires du titre-restaurant depuis plus de dix ans.
Alors que les indices des prix à la consommation dans l’alimentaire et la restauration ont respectivement augmenté de plus de 12 et de 17 points de base entre 2011 et 2020, sans parler de la période inflationniste récente, le plafond de la contribution patronale titre-restaurant est resté quasiment stable sur cette période, gagnant à peine 5 points.
En résulte un décrochage de plus en plus visible au quotidien. En 2019, la valeur faciale moyenne d’un titre-restaurant était de 7,90 euros, alors que le prix moyen d’un déjeuner est proche de 14 ou de 15 euros et que la prime repas, elle-même exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, était fixée à 19,10 euros pour un déjeuner au restaurant, selon la valeur en vigueur au 1er janvier 2021.
Il est de notre ressort d’enrayer une telle érosion, pour permettre au titre-restaurant de continuer à jouer son rôle de politique sociale vertueuse, d’assurer sa prise en charge jusqu’à 60 % par l’employeur, ainsi que son rôle dans l’équilibre alimentaire et nutritif.
Dans la proposition de loi que j’avais déposée, je proposais aussi, en m’appuyant sur une étude de l’OCDE selon laquelle les bons sociaux sont des outils innovants pour l’inclusion sociale et le développement local, d’étendre la portée de ces bons.
Cette étude décrit les programmes de bons sociaux, dont relèvent les titres fléchés, comme des outils efficaces pour le déploiement de politiques sociales garantissant aux citoyens l’accès local ou national aux biens et services essentiels.
La plupart des évaluations des programmes de bons soulignent leurs impacts positifs et signalent qu’ils permettent d’atteindre des objectifs sociaux et environnementaux, tels que le bien-être des bénéficiaires, la promotion de l’inclusion sociale ou même l’encouragement de comportements de consommation locale.
Cette étude souligne également que les bons sociaux sont des instruments puissants pour augmenter les recettes fiscales, lutter contre le travail non déclaré, stimuler la création d’emplois formels et développer l’économie locale.
En comparaison d’autres moyens permettant de fournir un soutien social en nature ou en espèces, cette étude conclut que « les bons sociaux permettent le ciblage plus que l’argent, mais ils offrent également une liberté de choix non négligeable aux utilisateurs en ce qui concerne les fournisseurs de biens ou de services », et que « cet équilibre entre le ciblage et le choix des consommateurs est source d’efficacité ».
Mes chers collègues, au-delà des dispositifs que nous connaissons aujourd’hui, je vous propose donc de travailler aux déclinaisons possibles des bons sociaux liés au travail pouvant toucher par exemple le télétravail, les loisirs sportifs ou culturels et les services à domicile.
Dans l’attente de cette réforme, notre groupe soutiendra un vote conforme de la présente proposition de loi, dans un souci d’efficacité, afin d’assurer la mise en œuvre rapide de cette dérogation au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 96 % – un pourcentage écrasant ! – des Françaises et des Français bénéficiant des titres-restaurant soutiennent l’extension de leur usage aux produits alimentaires non directement consommables ; quelque 5,4 millions de nos concitoyens ont bénéficié de cette avancée sociale, qui leur permet de mieux manger et facilite leur quotidien.
Depuis leur création en 1967, les titres-restaurant sont un nouveau dispositif de justice sociale pour les travailleurs de certaines entreprises. Toutefois, nous pouvons affirmer que, depuis cette date, notre manière de travailler, de consommer et de nous nourrir a profondément évolué.
En 2022, nous avons fait face à une inflation oppressante, après la crise de la covid-19. Nous avons été confrontés à une urgence sociale et économique qui a bouleversé notre quotidien.
Le pouvoir d’achat des Français a été fragilisé. Nous avons réagi en votant, notamment sur l’initiative de Frédérique Puissat, l’élargissement de l’usage des titres-restaurant permettant d’y inclure des produits non directement consommables, tels que les pâtes, le riz ou les légumes, pour répondre aux besoins concrets de nos concitoyens.
Cette mesure a fonctionné. Elle a permis à des millions de travailleurs de souffler un peu face à des prix alimentaires qui ne cessaient de grimper.
Mes chers collègues, vous en conviendrez, c’est une question non pas d’idéologie, mais de bon sens, et qui fait consensus.
Aussi, pourquoi devrions-nous continuer de tergiverser chaque année pour prolonger une mesure qui fonctionne et d’ajouter une dose d’incertitude inutile dans la vie des Français ? Pourquoi devrions-nous maintenir ce système dans un état provisoire, alors qu’il est plébiscité par une écrasante majorité de ses bénéficiaires ?
Aujourd’hui, nous devons aller plus loin. Nous devons avoir le courage de pérenniser cet élargissement, ainsi que je le proposais au travers d’une proposition de loi déposée le 15 novembre 2023.
Ce n’est pas seulement une mesure d’urgence, c’est une mesure de progrès, une réponse adaptée aux réalités tant de notre époque que de notre société.
Une grande majorité du groupe RDPI et moi-même proposerons, au travers d’un amendement, de prolonger de deux ans le délai de cette dérogation. Ce délai nous semble nécessaire pour entreprendre une réforme adéquate et durable du système entier des titres-restaurant, qui ne se contenterait pas de prolonger ce qui existe, mais qui préparerait l’avenir en tenant compte de l’ensemble des évolutions.
Pendant ces deux années, nous devrons travailler collectivement.
Premièrement, nous devrons adapter le système aux nouvelles réalités du travail, comme le télétravail, qui modifie profondément les habitudes des travailleurs.
Deuxièmement, nous devrons répondre aux nouveaux modes de consommation, qui favorisent de plus en plus la préparation de repas faits maison et l’exigence de mieux s’alimenter.
Troisièmement, il nous faudra créer un dispositif moderne, équitable et accessible, qui ne laisse personne de côté, y compris dans les zones rurales ou éloignées des centres urbains et des restaurants.
Mes chers collègues, chaque année le Parlement adopte des lois pour encourager nos concitoyens à mieux manger, à consommer cinq fruits et légumes par jour, moins de sucre, moins de plats industriels, etc. Cependant, que faisons-nous pour leur donner les moyens de suivre ces recommandations ? Nous avons ici un outil simple, efficace et très largement adopté.
Je l’ai déjà souligné en commission, mais il me semble essentiel de le rappeler ici, les titres-restaurant sont un droit pour les travailleurs. Aussi, au nom de quoi dicterions-nous aux salariés ce qu’ils doivent en faire ?
Il est bien sûr nécessaire de restreindre leur usage aux seuls produits alimentaires, en excluant l’alcool. Mais il me semble important de laisser aux salariés la liberté de choisir s’ils veulent acheter des carottes ou de la viande, ou s’ils préfèrent les utiliser pour aller au restaurant ou manger un sandwich.
Certains soulèvent la question des conséquences de cette extension de leur usage sur le secteur de la restauration. Je veux être clair : le groupe RDPI est pleinement attentif à cette question, mais seulement 25 % des achats effectués en grande distribution avec des titres-restaurant concernent des produits non directement consommables.
C’est évident, nous devrons nous appuyer sur des études approfondies pour garantir une réforme équilibrée, qui ne laisse personne de côté et qui préserve tous les acteurs concernés, y compris les restaurateurs. Tel est l’objet de ces amendements qui visent à prolonger de deux ans cette dérogation.
Notre responsabilité est d’assurer une pérennisation intelligente du système, qui réponde aux attentes des Français tout en maintenant l’équilibre économique et social.
Le titre-restaurant est une avancée sociale majeure. Faisons en sorte qu’il reste un outil de progrès pour longtemps, un levier pour mieux vivre et mieux manger.
Enfin, je tiens à remercier notre collègue Marie-Do Aeschlimann de la qualité de son rapport et de son engagement sur ce sujet. Grâce à ce texte, nous répondrons à une attente forte de millions de Français.
C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe RDPI votera majoritairement pour cette proposition de loi visant à prolonger l’usage élargi des titres-restaurant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, conséquence immédiate de la censure du gouvernement Barnier et de l’ajournement de nos travaux parlementaires, les Français ne peuvent plus, depuis le 1er janvier dernier, utiliser leurs titres-restaurant pour acheter des denrées alimentaires non directement consommables dans les supermarchés.
La fin de la dérogation qui le permettait jusqu’ici ajoute une pression supplémentaire sur les budgets déjà contraints de nombreux ménages, qui subissent de plein fouet l’inflation depuis maintenant plusieurs années.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, dont l’application était prévue initialement dès le 1er janvier, vise à rétablir la dérogation introduite en octobre 2022 par notre collègue Frédérique Puissat dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, pour faire face à une inflation exceptionnelle de 20 % sur les produits alimentaires.
Elle a permis à 5,4 millions de salariés d’utiliser leurs titres-restaurant pour acheter des denrées alimentaires essentielles, telles que les pâtes, le riz, les fruits et les légumes ou encore la viande. En 2023, ce dispositif a bénéficié d’un plébiscite massif, avec un taux de satisfaction de 96 % selon la Commission nationale des titres-restaurant.
Bien que l’inflation ait ralenti, les prix à la consommation restent à un niveau élevé et continuent d’augmenter, pesant toujours lourdement sur le budget des ménages.
Dans ce contexte, les titres-restaurant sont un outil essentiel pour préserver le pouvoir d’achat, tout en garantissant l’accès à une alimentation variée et de qualité, avec la possibilité de cuisiner plutôt que d’acheter des plats préparés.
Ce second aspect, qui a été évoqué précédemment, mais peut-être insuffisamment, est loin d’être négligeable : les produits transformés constituent quasiment un tiers de nos apports caloriques et sont en cause dans le développement de nombreuses maladies chroniques.
Certes, nous entendons les inquiétudes des restaurateurs, pour qui cette dérogation constitue un manque à gagner. Aujourd’hui, la restauration représente environ 40 % des dépenses en titres-restaurant.
Toutefois, il est à souligner que cette mesure répond à une situation exceptionnelle, que nous espérons ponctuelle, qui a pour conséquence que de nombreux Français ne sont plus en mesure de payer un repas quotidien au restaurant.
Les restaurateurs, eux aussi frappés par l’inflation, doivent être pleinement intégrés à la réflexion à venir sur une réforme structurelle du ticket-restaurant, dont le nom même ne correspond plus aux pratiques ni aux besoins.
Créé en 1967, ce titre doit impérativement évoluer pour s’adapter aux réalités d’aujourd’hui, à l’essor du télétravail, aux changements d’habitudes alimentaires et aux contraintes géographiques actuelles. Cette refonte globale doit trouver un équilibre entre les aspirations des salariés, les besoins des restaurateurs et les spécificités des zones rurales.
Le gouvernement Attal s’était engagé à lancer cette réforme en 2024. Lors des débats à l’Assemblée nationale, le gouvernement Barnier avait affirmé que les concertations y afférentes débuteraient en janvier 2025.
Madame la ministre, vous représentez aujourd’hui le gouvernement Bayrou. Il est indispensable que ces concertations avancent rapidement – vous vous y êtes d’ailleurs engagée – et aboutissent à une réforme adaptée aux besoins et aux pratiques actuelles de travail.
Toutefois, je ne suis pas convaincue qu’une période d’un an soit suffisante pour mener à bien la refonte du dispositif.
C’est notamment pour cette raison que le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) défend la prolongation de la dérogation jusqu’à la fin de 2026, ainsi que l’ont décidé nos collègues députés. L’amendement que nous présenterons a pour objet l’adoption conforme du texte, son entrée en vigueur immédiate et une meilleure visibilité du dispositif pour les bénéficiaires et les acteurs économiques concernés.
Je le répète, cette proposition de loi aurait dû être débattue le 15 décembre dernier. Malheureusement, en raison de l’ajournement des travaux parlementaires, son examen a été décalé d’un mois. Ce retard a laissé des millions de Français sans solution depuis le début de l’année, aggravant leurs difficultés quotidiennes et créant un flou sur la possibilité même d’utiliser les titres-restaurant au supermarché.
Aujourd’hui, nous avons l’occasion de corriger cela. Mes chers collègues, cette mesure, plébiscitée par les Français, est juste et nécessaire. C’est pourquoi le groupe du RDSE lui apporte tout son soutien. (MM. Jean-Marc Ruel et Xavier Iacovelli applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme Mme Borne en début d’après-midi, je vais lire le texte de quelqu’un d’autre. (Sourires.) C’est celui de notre collègue Sollogoub, qui est empêchée aujourd’hui et qui vous prie de l’en excuser.
Il existe des dispositifs entrés dans les mœurs et qui ne posent pas de problème et ne font pas parler d’eux, au point d’être devenus presque invisibles, même s’ils revêtent une grande importance. Tel était le cas du ticket-restaurant, très simple, peut-être trop simple…
En effet, dans le contexte de la crise inflationniste de 2022, peu après la pandémie mondiale sans précédent qui avait entraîné une longue fermeture des restaurants, le Gouvernement a décidé d’en faire évoluer les paramètres, ce qui a soulevé une multitude de questions, auxquelles il est maintenant urgent de répondre. La loi a décidé d’assouplir, de façon expérimentale, son fonctionnement, ce qui a entraîné une forme de glissement, pour des raisons multiples.
Les lignes ont bougé et le ticket-restaurant a perdu en lisibilité. Alors que celui-ci était à l’origine un droit social des salariés, sans caractère obligatoire, portant sur une participation à un déjeuner par jour travaillé, il a pu, à partir de 2022, être utilisé à titre expérimental pour acheter des produits alimentaires. Cela fut perçu comme une forme de dérive vers un chèque alimentation, en soutien des ménages dans un contexte économique tendu.
Néanmoins, certains salariés ont fait valoir à juste titre que, en l’absence de restaurant, en milieu rural ou ailleurs, pour des raisons de préférence alimentaire ou encore en cas de télétravail, faire ses courses pour se préparer un déjeuner à son goût restait parfaitement conforme à l’objectif initial du dispositif.
Les habitudes et les pratiques ont changé, avec l’apparition du télétravail et de la journée continue. L’expression de « restaurant ouvrier » ou de « restaurant routier » correspondait peut-être à un concept général voilà encore quelques années, mais a-t-elle encore un sens de nos jours ?
Certains salariés préfèrent, je le disais, avoir une journée continue, quand d’autres utilisent le temps du déjeuner pour faire du sport et que d’autres encore travaillent depuis leur domicile.
Si nous sommes tous très attachés à notre réseau de restaurateurs, qui est un fleuron national, revenir à une utilisation du ticket-restaurant strictement et exclusivement réservée au restaurant constitue-t-il pour autant le bon levier pour soutenir ce réseau ? En outre, une telle utilisation du dispositif du ticket-restaurant, visant à soutenir une filière économique, représenterait une dérive considérable d’un droit social initialement accordé aux travailleurs…
Madame la ministre, mes chers collègues, ces évolutions et ces expérimentations, menées en parallèle de changements sociétaux, entraînent une très grande confusion, qu’il va falloir dissiper.
Dans ses travaux du mois de décembre dernier, la commission des affaires sociales du Sénat, sous la houlette de son président Philippe Mouiller et de la rapporteure Marie-Do Aeschlimann, faisait le même constat.
C’est ainsi que fut adopté un amendement tendant à prévoir que les phases d’expérimentation prennent fin au 31 décembre 2025 et que, à partir de cette date, après concertation entre les différents acteurs concernés, en particulier les syndicats – nous croyons au paritarisme –, on arrête définitivement un dispositif solide et au périmètre précis.
Notre rapporteure l’avait alors très bien souligné, la refonte du ticket-restaurant sera également l’occasion de rendre celui-ci plus efficient, en le dématérialisant et en optimisant ses frais de gestion.
Toutefois, la dissolution du Gouvernement a remis en cause notre calendrier législatif et nous place désormais face au dilemme suivant : soit nous conservons cet objectif, qui était le nôtre, consistant à fixer le terme de la dérogation au 31 décembre 2025, mais au prix d’une navette législative forcément chronophage, soit nous adoptons le texte dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, ce qui permettrait de mettre fin dès demain au suspens et d’ouvrir le dossier de la refonte.
Or je constate, dans les médias et autour de moi, que l’on a perdu tout le monde : ni les opérateurs ni les utilisateurs ne savent pour quoi ni comment doit être utilisé aujourd’hui le ticket-restaurant ; la confusion règne. Je crois même que chaque jour qui passe épaissit encore davantage le brouillard et que, plus nous attendrons, plus il sera difficile de redonner un cadre clair.
Pour ces raisons, le groupe Union Centriste, déterminé par un esprit pragmatique et par l’évolution de la société, est favorable à l’échéance du 31 décembre 2026, qui présente l’avantage de la simplicité et de l’opérationnalité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a autorisé l’utilisation des titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non.
Depuis trois ans, le Parlement est appelé chaque année à reconduire dans l’urgence cette dérogation, afin de permettre aux 5,4 millions de salariés bénéficiaires de tels titres d’utiliser ceux-ci pour l’achat de produits alimentaires non directement consommables.
Depuis trois ans, nous avons donc le même débat : les titres-restaurant ne doivent pas se transformer durablement en chèques alimentaires, mais les salariés doivent pouvoir continuer de les utiliser pour acheter tout produit alimentaire. Et depuis trois ans, nous répétons que le problème de fond est l’absence d’indexation des salaires sur l’inflation.
En effet, les rémunérations décrochent face à la hausse des prix, notamment ceux de l’alimentation, ce qui entraîne une perte de pouvoir d’achat pour les familles. Selon l’association Familles rurales, les prix de l’alimentation ont augmenté de 11,9 % en 2023, alors que les salaires progressaient sur la même période de seulement 4 % en moyenne.
Les entreprises qui n’augmentent pas les salaires utilisent les titres-restaurant comme un outil de rémunération complémentaire. Les titres-restaurant ne sont pourtant pas un instrument de soutien au pouvoir d’achat ; ils constituent uniquement une solution de restauration pour les salariés qui ne disposent pas d’une offre de restauration collective.
En commission, la rapporteure nous a expliqué que, l’inflation étant moins importante en 2024 qu’en 2023, la prolongation de la possibilité d’utiliser les titres-restaurant pour faire des courses se justifiait moins.
Néanmoins, si l’inflation a été effectivement moins forte en 2024, les prix de l’alimentation, eux, ont explosé. Depuis janvier 2022, le prix de la viande a augmenté de plus de 20 %, celui du poisson de plus de 10 % et celui des produits laitiers de plus de 26 %. Globalement, les prix des produits non directement consommables visés par la proposition de loi ont augmenté de plus de 24 %.
La droite sénatoriale a finalement accepté de prolonger la dérogation, mais pour un an au lieu de deux. Cette solution consistant à couper la poire en deux ne satisfait personne. Il revient au Gouvernement de prendre ses responsabilités et de réformer les titres-restaurant.
Ce dispositif est largement soutenu par les financements publics, qui prennent en charge un tiers de la part patronale du ticket, ce qui représente 1,5 milliard d’euros pour les caisses de l’État et de la sécurité sociale. Nous ne pouvons continuer d’enrichir des plateformes de livraisons « ubérisées » avec de l’argent public, alors que ces entreprises ne respectent pas les droits sociaux les plus élémentaires de leurs propres salariés.
Une réflexion sur les tickets-restaurant doit être menée, en priorité par les représentants syndicaux au sein de la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR). En attendant, la question de l’augmentation des salaires reste centrale. Le décrochage des salaires par rapport à l’inflation est un facteur majeur qui a plongé de nombreux ménages dans la précarité alimentaire.
C’est pour cette raison que le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky a déposé, le 17 décembre dernier, une proposition de loi visant à indexer les salaires sur l’inflation que nous vous invitons à soutenir le 20 février prochain, mes chers collègues.
Notre groupe votera donc en faveur de la proposition de loi visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire, comme nous l’avons toujours fait depuis trois ans, pour une durée d’un an.
Toutefois, à l’avenir, nous conditionnerons notre vote à l’organisation d’une véritable négociation sur la réforme des titres-restaurant. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela devient un rituel : nous nous retrouvons à la fin de chaque année pour examiner un texte de prolongation de la dérogation permettant d’utiliser les titres-restaurant pour acheter des produits alimentaires non directement consommables, quel que soit le type de commerce, avec un plafond journalier porté à 25 euros par un décret publié en catimini.
Combien de temps encore se poursuivront ces dérogations tendant à imposer une pérennisation de fait de ce dispositif, au détriment d’une réforme préservant l’objet social du titre-restaurant, tout en tenant compte des changements du monde du travail ?
Si la première dérogation, adoptée dans des circonstances exceptionnelles, avait été approuvée par l’ensemble des collèges du CNTR, afin de permettre aux travailleurs de ne pas perdre leurs droits, les prolongations consenties depuis lors se sont faites contre l’avis des quatre collèges du CNTR, qui nous alertent en vain sur les conséquences délétères des modalités d’utilisation du ticket-déjeuner – ou, plus précisément, du ticket de la pause déjeuner – du salarié, qui en font un dispositif de soutien au pouvoir d’achat, soit un substitut de salaire ne justifiant plus, dès lors, son exemption de prélèvements sociaux et fiscaux, comme le rappelle la Cour des comptes.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Elle n’a pas tort !
Mme Raymonde Poncet Monge. Continuer de soumettre la perspective du titre-restaurant au prisme dominant du pouvoir d’achat démontre d’ailleurs, à contre-courant du discours gouvernemental, que la crise du pouvoir d’achat des salariés est toujours d’actualité ; il y a donc un aveu d’échec à prolonger ce qui était naguère justifié au nom de la crise du pouvoir d’achat due à l’inflation.
Oui, la précarité alimentaire est une réalité en France, puisque, selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), elle est passée de 9 % à 16 % entre 2016 et 2022. Toutefois, elle ne touche pas qu’une partie des 5 millions de salariés bénéficiaires de titres-restaurant et elle nécessite donc une politique spécifique, prenant par exemple la forme d’une sécurité sociale alimentaire.
Oui, la France connaît une déflation salariale et le nombre de travailleurs pauvres augmente, mais le retour à l’échelle mobile se révélerait bien plus pertinent pour y faire face que de demander au titre-restaurant de compléter un salaire insuffisant.
Enfin, selon le Centre d’études et de prospective (CEP), l’industrie alimentaire a augmenté ses prix au-delà des coûts réels du choc énergétique, permettant ainsi une augmentation indue de sa marge, passée de 28 % à 48 % entre 2021 et 2023. Or ce sont ces acteurs économiques, fauteurs d’inflation spéculative, que cette prolongation favorise !
Ainsi, la reconduction sans réforme concertée de ce dispositif exceptionnel adopté en temps de covid-19 et suspendant le fonctionnement normal du titre-restaurant, a livré une part de marché de près de 10 milliards d’euros et en croissance aux grandes surfaces, au détriment des restaurateurs et commerces assimilés de proximité.
À l’issue de cette nouvelle dérogation, sans le retour d’une régulation préservant l’objet du titre-restaurant, il est probable que les restaurateurs perdront leur première place et que, faute de contrôle, ce dispositif servira de moins en moins à solvabiliser la demande d’un repas, dans le cadre de la pause méridienne.
Les organisations représentatives des PME, ainsi que les restaurateurs et assimilés, ne cessent de souligner cette dynamique de transfert et ses conséquences : près de 80 % des 100 000 emplois créés par le ticket-restaurant se trouvent encore dans le secteur de la restauration et sont en partie menacés par ce transfert d’affaires, rendu possible par les modalités actuelles de ce titre ; et je ne parle même pas de la perte fiscale pour l’État, due au différentiel de taux de TVA.
Dans un contexte de fragilisation du secteur de la restauration, liée notamment au coût de l’énergie, des défaillances ne sont pas à exclure, dans la mesure où 15 % du chiffre d’affaires des restaurants dépendent du titre-restaurant, alors que celui-ci ne représente que 1 % du chiffre d’affaires de la moyenne et grande distribution, avec un effet de levier sur l’économie locale nettement plus important.
Sans doute, le titre-restaurant n’a pas pour objet de soutenir un secteur économique, mais son premier objectif – protéger la pause-repas quotidienne du salarié – est plus proche de l’activité du secteur des restaurants et commerces assimilés que des courses réalisées deux fois par semaine au supermarché.
Si, in fine, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne s’oppose pas à une dérogation accordée pour la seule année 2025, comme l’avait décidé la commission avant son revirement, c’est pour que le délai obtenu soit enfin consacré à la discussion et à la mise en place de mesures de modernisation et d’adaptation du dispositif, négociées avec tous les acteurs, mais préservant son objet social : mise en place d’un double plafond ou, à défaut, d’un plafond représentatif du coût moyen d’un repas au restaurant, revalorisation du montant exonéré, enfin, abondement complémentaire, rendu possible par la numérisation du dispositif, en cas de consommation favorable à la santé publique et à la santé du salarié.
Bref, les pistes ne manquent pas…
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à examiner une proposition de loi tendant à prolonger, de nouveau, l’autorisation d’un usage élargi des titres-restaurant en grande et moyenne surface, pour tout produit alimentaire, qu’il soit destiné à une consommation immédiate ou non.
Jusqu’à présent, cette mesure a eu un impact indéniable sur la répartition des dépenses de tickets-restaurant : en 2023, près de 2,9 milliards d’euros ont été utilisés par ce biais dans les grandes surfaces, ce qui souligne l’importance de cette possibilité pour nombre de salariés.
Cette mesure dérogatoire a été introduite, il convient de le rappeler, par la loi sur le pouvoir d’achat, dans l’espoir de fournir un soutien temporaire aux travailleurs, face à la hausse importante des prix que nous avons connue au cours des dernières années.
Or tel n’était pas l’objectif assigné initialement au ticket-restaurant. Cette mesure était supposée apporter un soutien ponctuel aux salariés, en allégeant le fardeau de l’inflation sur les foyers. Mais, force est de le constater, cette situation requiert une réponse bien plus structurée et pérenne.
La question qui se pose aujourd’hui est donc simple : pourquoi continuer de prolonger une mesure d’urgence, sans jamais définir de solutions durables ? Faute d’une véritable vision, d’un projet global pour soutenir les travailleurs face à la crise du pouvoir d’achat, nous nous retrouvons à prolonger des mesures comme celle-ci. Il est nécessaire de remettre en cause cette approche et de mieux évaluer l’adéquation entre un niveau de salaire décent et le pouvoir d’achat que celui-ci octroie.
Le mal-être des travailleurs, nourri par les politiques insuffisamment ambitieuses menées depuis plusieurs années par les gouvernements successifs du président Macron, ne pourra être résolu par des solutions aussi temporaires et fragmentées.
Nous le regrettons profondément, car l’année 2024 aurait dû être l’occasion pour le Gouvernement de mettre en place des mesures structurelles de soutien à la rémunération et au pouvoir d’achat. Malheureusement, il n’en a rien été, la négociation n’ayant pas abouti.
Le ticket-restaurant ne devrait pas constituer une mesure de pouvoir d’achat. Son objectif initial était de permettre aux salariés ne disposant pas d’un restaurant d’entreprise d’accéder à un repas équilibré et de qualité. Ce n’est pas en multipliant les dispositifs d’urgence – je pense également au chèque énergie – que nous résoudrons le problème de fond du pouvoir d’achat des travailleurs.
Nous devrions, au contraire, indexer les salaires sur l’inflation, comme le proposent d’ailleurs nos collègues communistes via la proposition de loi que nous examinerons au cours de leur niche parlementaire du 20 février prochain. C’est cette voie, celle d’une revalorisation durable et systématique des rémunérations, qui permettrait aux travailleurs de faire face à l’inflation sans dépendre de mesures ponctuelles.
Il faut souligner une autre conséquence de ce dispositif : son impact sur les restaurateurs locaux n’est pas négligeable. En effet, son utilisation en supermarché, certes devenue indispensable pour les travailleurs, n’est pas sans conséquence pour les solutions de restauration assise, qui proposent pourtant une nourriture souvent moins transformée et plus diverse. Selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), le manque à gagner pour ces professionnels s’élève à 800 millions d’euros cette année.
Ainsi, en 2023, sur les 14 milliards d’euros de tickets-restaurant distribués, 8,6 milliards d’euros ont été utilisés dans la restauration traditionnelle ou rapide, 2,9 milliards d’euros dans la grande distribution et 2,5 milliards d’euros dans les commerces de proximité, dont les boulangeries.
Face aux défauts de ce dispositif de repli, que nous sommes contraints de faire perdurer faute de mieux, nous avions envisagé de proposer un amendement visant à prolonger la dérogation d’un an, au lieu de deux, en attendant de réelles mesures pour le pouvoir d’achat, ainsi qu’une réflexion sur la possibilité d’élargir le dispositif à plus de salariés.
Mais nous nous satisfaisions de l’amendement de Mme la rapporteure – je la salue d’ailleurs pour son travail et ses auditions, qui ont été source de propositions –, qui a été adopté en commission et dont les dispositions participent des mêmes inquiétudes. En effet, les salariés des entreprises de taille plus petite, notamment des PME, n’ont pas accès aux tickets-restaurant.
Aussi, il y a des secteurs dans lesquels ce type d’avantage n’est pas systématiquement mis en place. De plus, il existe une certaine ambiguïté concernant les règles et les conditions d’utilisation des tickets-restaurant, notamment dans un contexte législatif en constante évolution.
Par exemple, les critères relatifs à leur valeur maximale, les exceptions fiscales, ainsi que les modalités d’attribution, peuvent fluctuer d’une entreprise à l’autre. Cette diversité rend le dispositif complexe à comprendre et à appliquer, tant pour les salariés que pour les employeurs. Une harmonisation des règles serait donc nécessaire pour faciliter l’accès et la gestion de ce dispositif.
Il est également nécessaire de prendre en considération le rôle que pourraient jouer les tickets-restaurant dans la promotion d’une alimentation plus équilibrée et plus saine pour nos concitoyens.
Tout comme la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim) a fixé l’objectif d’atteindre au moins 20 % de produits bio en valeur d’achat en restauration collective au 1er janvier 2022, nous pourrions encourager les salariés à faire des choix alimentaires plus sains tout en soutenant des pratiques agricoles durables.
Cela permettrait d’agir concrètement sur la prévention en santé, car une alimentation saine et équilibrée est un facteur clé pour prévenir de nombreuses pathologies, telles que l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète et bien d’autres encore.
Une alimentation équilibrée permet de prévenir les troubles musculosquelettiques, les maladies chroniques et d’autres problèmes de santé, qui affectent à la fois la qualité de vie des travailleurs et leur longévité professionnelle. En ce sens, les tickets-restaurant pourraient devenir un outil précieux pour améliorer, non seulement la santé individuelle des salariés, mais encore la santé collective au travail.
Cette approche renforcerait non seulement la santé des travailleurs, mais également le soutien à l’agriculture et la réduction de l’impact environnemental.
En repensant les tickets-restaurant, nous aurions donc l’occasion de favoriser des pratiques alimentaires durables et responsables. Une telle réforme pourrait véritablement transformer l’impact des tickets-restaurant, en en faisant un levier pour améliorer la santé des travailleurs, renforcer la cohésion sociale et promouvoir une alimentation plus responsable et respectueuse de l’environnement.
Il est donc urgent de repenser l’outil des tickets-restaurant, pour sortir de la logique actuelle de mesure temporaire face à l’inflation et le faire évoluer vers un modèle d’alimentation équilibrée. Le ticket-restaurant doit retrouver sa vocation originelle – nous y sommes attachés –, mais dans un cadre rénové, qui permette à la fois de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs et de préserver la diversité et la qualité de notre offre alimentaire.
Nous acceptions le prolongement d’un an du dispositif, dans l’espoir d’une négociation avec les partenaires aboutissant le plus rapidement possible, dans une logique de compromis et d’amélioration des conditions de travail des salariés. Nous nous étonnons de la proposition de prorogation pour deux ans au lieu d’un.
Les salariés sont attachés aux tickets-restaurant. Il nous paraît indispensable de remettre sur le métier l’ouvrage, dans le cadre d’une véritable concertation avec les partenaires sociaux, afin de faire évoluer le dispositif et de trouver des modalités simples de mise en œuvre. Nous pensions qu’une année suffisait pour cela.
Il faut sortir de cette pérennisation larvée, pour reprendre une expression qui a été employée et qui me semble appropriée, et étudier au plus vite les propositions des partenaires sociaux. Je pense notamment au double plafond et à l’élargissement de leur utilisation à un plus grand nombre de salariés.
Nous estimons que le délai de deux ans est trop long, mais, s’il permet une meilleure adaptation du dispositif, nous ne nous y opposerons pas, à condition d’organiser une véritable concertation avec l’ensemble des professionnels concernés et des représentants des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les différentes interventions, notamment la vôtre, madame la rapporteure, indiquent que, au-delà de cette proposition de loi visant à reconduire un dispositif dérogatoire, se pose la question de la réforme qui est attendue et souhaitée. Différentes pistes sont ainsi suggérées.
Pour ma part, j’entends reprendre très vite les travaux engagés par mes prédécesseures ; j’ai d’ailleurs eu l’occasion, dans les jours qui ont suivi ma nomination, de m’entretenir avec Laurence Garnier sur ce sujet, qui est l’une des questions d’urgence qu’elle a tout de suite évoquées avec moi.
Si cette proposition de loi est adoptée, ce que j’espère, et dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée nationale, j’organiserai des concertations pour réunir les différents acteurs : salariés, employeurs, restaurateurs et assimilés, émetteurs.
En ce qui concerne la temporalité de la refonte du dispositif, vous avez tous évoqué aujourd’hui le flou qui existe pour les salariés, les utilisateurs des titres-restaurant, et il est important de le dissiper. Or un vote conforme permettrait d’apporter une réponse très rapide, ce que nous souhaitons tous.
Je l’ai dit, il y a une date butoir, celle du 31 décembre 2026, mais nous devrions pouvoir aboutir avant, me semble-t-il. En tout état de cause, j’espère pouvoir vous donner dès cet été les premières pistes, afin que les différents acteurs se préparent, car certains aménagements peuvent nécessiter des adaptations de part et d’autre, notamment chez nos restaurateurs. En effet, nous souhaitons tous un usage important du titre-restaurant chez ces derniers.
J’espère que cela répond à vos préoccupations relatives à la temporalité de la réforme, madame la rapporteure.
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. Merci !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire
Avant l’article unique
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par M. Joyandet, Mmes Belrhiti et Berthet, M. D. Laurent, Mme Petrus, M. Houpert, Mme Lassarade, MM. Chasseing et S. Demilly et Mmes Dumont et Micouleau, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3262-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les titres-restaurant sont utilisés pour acquitter en tout ou en partie le prix de repas consommés au restaurant leur montant est illimité. »
La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Cet amendement, signé par onze sénateurs du groupe Les Républicains, vise à remettre un peu de bon sens, de logique et d’équité dans un système qui a beaucoup dérivé.
Madame la ministre, vous vous disiez à l’instant attachée au principe d’une forte consommation chez les restaurateurs, mais les chiffres montrent que, aujourd’hui les tickets-restaurant ne sont utilisés qu’à 34 %, en valeur, dans les restaurants, le reste étant consommé notamment dans les grandes surfaces.
Aussi, sans vouloir le moins du monde remettre en cause la dérogation offerte aux bénéficiaires de titres-restaurant de se servir de ce dispositif pour acheter des produits de consommation, nous proposons que, afin de rééquilibrer les choses, on déplafonne à tout le moins l’utilisation de ces titres dans les restaurants. Cela permettrait aux restaurateurs de récupérer du chiffre d’affaires et donnerait plus de liberté aux salariés.
De grâce, s’agissant d’un avantage social qui est aujourd’hui quasiment acquis, rendons de la liberté aux consommateurs, puisque ceux-ci peuvent aussi dépenser leurs titres-restaurant dans les grandes surfaces comme ils le souhaitent.
Rendons leur liberté à nos concitoyens en déplafonnant, comme ils le souhaitent, la limite des 29 euros pour l’utilisation de ces titres au restaurant, conformément à la vocation d’origine de ces derniers ! Laissons les Français se rendre dans ces lieux sans remettre en cause l’utilisation des tickets dans les autres commerces. Cette proposition ne représente aucune contrainte ; elle ne coûte absolument rien à l’État et relève du bon sens.
J’entends qu’il faut aller vite et voter ce texte conforme. Toutefois, cet argument ne me convainc pas. Nous pouvons prendre le temps de réunir une commission mixte paritaire pour réintroduire un peu de justice dans le système.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. Je comprends votre idée, mon cher collègue. Le déplafonnement total apparaît comme une mesure de soutien aux restaurateurs, puisque ceux-ci – nous l’avons souligné à plusieurs reprises dans le cadre de la discussion générale – rencontrent des difficultés financières caractérisées. L’objectif est d’orienter le flux des titres-restaurant vers ces professionnels et de donner plus de liberté et de souplesse aux salariés.
Néanmoins, plusieurs éléments me conduisent à ne pas retenir a priori cet amendement.
Tout d’abord, l’accepter reviendrait à ne pas voter conforme la proposition de loi, donc à empêcher la mise en œuvre rapide de la prorogation d’usage, au détriment des salariés.
Ensuite, le plafond d’utilisation actuel est de 25 euros, un montant qui, même en région parisienne, là où les prix sont les plus élevés, permet à un salarié de s’alimenter correctement. Celui-ci ne fera pas bombance, certes, mais son repas sera équilibré et nourrissant.
De plus, il faudrait mener au préalable une concertation avec l’ensemble des acteurs du système. Or aucune n’est ici demandée. Il est vrai que Mme la ministre pourrait mettre sur la table cette proposition.
Enfin, le Conseil d’État, interrogé par le Gouvernement, a souligné clairement qu’il existerait un risque de rupture d’égalité entre les commerces et les restaurateurs si le plafond devait être différencié, a fortiori si la valeur des titres-restaurant devait connaître un déplafonnement total.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Monsieur Joyandet, vous proposez par votre amendement d’instituer deux plafonds : un, illimité, qui serait applicable aux restaurateurs, et un autre, limité, qui serait applicable dans les autres commerces.
En premier lieu, comme l’indiquait Mme la rapporteure, le risque juridique mérite d’être examiné. En effet, les tickets représentent un titre de paiement.
Or vous voudriez, monsieur le sénateur, que la liberté d’utilisation de leurs revenus par les Français ne soit pas la même selon que ceux-ci sont, d’une part, dans un restaurant ou, d’autre part, dans un supermarché ou une épicerie. Dans les deux cas, pourtant, l’argent est le leur. Il y va aussi de leur liberté ! Nous courons un risque non négligeable de rupture d’égalité devant la loi qui fragiliserait le dispositif. La question mérite d’être étudiée.
En deuxième lieu, même si une telle proposition devra figurer parmi les sujets de la concertation que j’appelle, comme un certain nombre d’autres personnes, de mes vœux, nous risquerions de créer un système plus complexe. En effet, le consommateur se verrait contraint de jongler entre deux plafonds. Or la simplification doit être aussi notre fil conducteur.
En troisième lieu, il existe un risque de dévoiement qui me paraît élevé. En effet, en l’absence du moindre plafond, il devient possible d’accumuler les titres pour payer avec ces derniers un restaurant familial. Nous sortirions ainsi d’une situation de restauration journalière dans le cadre du travail, ce qui n’est pas forcément l’intention des employeurs.
J’appelle de mes vœux l’examen de toutes ces questions – la proposition défendue via cet amendement peut être une piste parmi d’autres – lors des travaux de concertation qui seront conduits avec l’ensemble des acteurs. Vous avez été quelques-uns à faire état d’« études approfondies » – M. Xavier Iacovelli a parlé d’études d’impact. Celles-ci me paraissent importantes et pourraient être réalisées dans ce cadre.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous avons auditionné les restaurateurs : le déplafonnement n’est pas une demande de leur part. Ils réalisent en moyenne 15 % de leur chiffre d’affaires au travers des titres-restaurant, qui sont surtout utilisés pour la restauration du midi.
En effet, comme les restaurateurs eux-mêmes l’ont précisé, dans certains endroits les établissements sont fermés le soir, par exemple à La Défense ou, pour donner une référence familière à la Lyonnaise que je suis, à La Part-Dieu. Les restaurants qui ouvrent pour la pause méridienne ne sont pas intéressés par le cumul des titres-restaurant, lequel permettrait d’aller chez Bocuse, pour citer une autre référence lyonnaise.
Le double plafond – encore faut-il qu’il soit adopté – est juridiquement une impasse. Les restaurateurs souhaitent que leur activité quotidienne soit maintenue. Ils veulent que le plafond soit le même pour tous, ce qui ne pose pas de problème juridique pour le Conseil d’État, et qu’il soit fixé à partir du coût moyen d’un repas au restaurant, alors que la limite actuelle est plus basse, puisqu’elle se situe à moins de 10 euros. Il faudrait d’ailleurs revaloriser le montant maximum d’exonération de la participation patronale pour que les chiffres coïncident.
Je suis contre cet amendement. En effet, nous oublions que l’objet social de ce dispositif est non de permettre aux salariés de s’offrir un restaurant, mais de favoriser leur pause méridienne. De tels moyens sont accordés à 5 millions de Français seulement, la majorité des salariés n’en bénéficiant pas : il ne s’agit pas d’un droit, car ces titres relèvent des accords d’entreprise.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Madame la ministre, j’entends dans vos explications une première information importante : cette proposition qui est formulée par mes collègues et par moi-même sera mise sur la table dans le cadre de la concertation à venir. Je prends ces propos comme un engagement du Gouvernement, parce que j’estime cette solution excellente.
J’y insiste : lorsque les gens vont au restaurant, l’économie locale est très souvent favorisée. L’idée est non pas d’orienter ni d’imposer, mais, au contraire, de redonner de la liberté. Si les Français s’engagent plus dans cette direction et, de ce fait, agissent plus pour les circuits courts, ils feront forcément plus pour l’écologie. Donner la liberté aux gens d’aller davantage dans les restaurants, y compris dans les plus petits d’entre eux en ruralité, a de nombreux bénéfices, sans parler de l’intérêt des restaurateurs.
Votre argument relatif au risque juridique qui apparaîtrait si nous maintenions un plafond d’un côté et le supprimions de l’autre m’interpelle. Au bout du compte, la solution consistera peut-être à élever les montants limites dans les deux cas, pour arriver à un dispositif plus concret et qui soit de bon sens.
Compte tenu de ces remarques, je vais retirer l’amendement. J’espère que mes collègues ne m’en voudront pas !
Ce qui m’inquiète un peu, c’est la prolongation de la dérogation d’un an à deux ans m’inquiète. En effet, voter un texte d’une durée d’application de deux ans tout en s’engageant à adopter rapidement une réforme n’est pas cohérent, madame la ministre.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
M. Alain Joyandet. Soit vous souhaitez aller vite et, dans ce cas, une prolongation d’un an suffit, soit vous souhaitez prendre le temps, auquel cas la prolongation de deux ans se justifie.
J’entends donc votre engagement de deux manières : notre proposition est retenue et la réforme ira vite. La seule motivation derrière mon retrait de cet amendement est l’application rapide du texte, sans qu’il soit besoin de passer par une navette ou par une CMP. Face à ce besoin, je fais, comme tout le monde, le sénateur discipliné au nom de l’intérêt général, mais, je le répète, je prends les propos du Gouvernement comme un engagement ferme.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.
Article unique
À l’article 6 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’année : « 2024 » est remplacée par l’année : « 2025 ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l’article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je formulerai une remarque de fond et une remarque de forme.
Sur la forme, j’entends l’appel du Gouvernement à un vote conforme de notre part. Il est vrai que le Sénat aime avoir une valeur ajoutée, moins pour le principe qu’en raison du travail de fond, souvent mis en avant, de nos rapporteurs et de nos collègues. Aussi, j’incite tout le monde à lire le rapport de Mme Aeschlimann, dans lequel cette dernière proposait une prolongation d’un an seulement.
En allant vers une échéance de deux ans, puisque telle est la solution qui semble se dessiner, nous nous dirigeons, en réalité, vers une pérennisation qui ne dit pas son nom. En effet, il n’est pas possible de concilier la mise en place d’un travail sur deux ans et l’engagement de réformer vite le système. Pour ma part, je pense qu’il faut vraiment en rester à une prolongation d’un an, conformément aux préconisations de Mme la rapporteure.
Sur le fond, le titre-restaurant a toujours évolué en fonction de la situation. Pendant la covid-19, le plafond a été relevé à 38 euros pour éviter que les tickets non utilisés ne restent en stock, grâce à une mesure très temporaire. Lors du pic de l’inflation, qui est derrière nous, notre collègue Puissat a formulé une très bonne proposition.
D’autres pistes sont très intéressantes. Romain Vidal, qui, du côté des restaurateurs, travaille beaucoup sur ce sujet, suggère un double plafond journalier pour limiter les dépenses en grande surface. Accordez-moi que deux tranches de jambon, des carottes râpées et un yaourt n’excèdent pas 12 euros ! Nous pouvons donc établir un plafond à 15 euros pour les grandes surfaces et maintenir le plafond initial de 25 euros pour la restauration.
Le Sénat s’honorerait à rester fidèle à sa philosophie, c’est-à-dire à voter le report pour un an seulement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, vous voyez globalement le sentiment qui transpire sur ces travées : nous sommes favorables à cette initiative de prolongation, même si la question de la pérennisation est sur la table de façon indéniable.
Vous sentez bien que nous souhaitons trancher certains points. Des initiatives concrètes sont formulées aujourd’hui, mais les conditions pour les mettre en œuvre ne sont pas réunies. En lisant le rapport de Mme Aeschlimann, vous avez dû clairement voir que nous étions partis sur une prolongation d’un an parce que cette logique nous semblait la bonne.
Malgré cet argument général, nous sommes pris par l’urgence. J’entends les propos évoqués. Il est vrai qu’il existe une incohérence dans le fait de vouloir à la fois une réforme et une prolongation de deux ans.
Aujourd’hui, nous avons le souci de répondre à une situation qui a été créée par les événements que nous avons vécus en fin d’année dernière, mais aussi à l’inquiétude de nombreux Français. Il nous faut porter ce message. Nous sommes donc un peu coincés à cause de cette forme de contrainte. Or, au Sénat, nous n’aimons pas beaucoup les contraintes…
Avant d’examiner les trois amendements, madame la ministre, sachez que nous souhaitons adopter conforme cet article pour accélérer la procédure et pour rendre le dispositif opérationnel rapidement. Toutefois, nous voudrions un engagement de votre part, en complément de celui qui a été donné à notre collègue.
Nous attendons de vous la promesse claire et nette que nous aurons l’année prochaine, lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF), les conclusions des travaux qui seront menés, de façon à construire des simulations et à adopter une position éclairée pour trancher la question du passage à un système non plus dérogatoire, mais pérenne, en mobilisant notamment l’ensemble des professionnels concernés. Un engagement de votre part nous allégerait l’esprit avant l’examen des amendements suivants…
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Monsieur le président de la commission, vous évoquez la temporalité de la réforme. La proposition de loi initiale d’Anne-Laure Blin avait pour objet une prolongation d’une durée d’un an, expirant au 31 décembre 2025. L’Assemblée nationale en a décidé autrement en séance, prévoyant une dérogation jusqu’au 31 décembre 2026.
Je le répète, nous pouvons anticiper cette échéance. En effet, s’il nous faut attendre un délai de presque deux ans pour réformer un dispositif de cette nature, je suis inquiète pour les grandes réformes…
Toutefois, il faut laisser du temps à la concertation. Je ne veux pas m’engager aujourd’hui sur une date limite, parce qu’une telle promesse ne serait pas correcte à l’égard de l’ensemble des acteurs qui ont déjà été réunis – des travaux ont été menés par mes prédécesseures Olivia Grégoire et Laurence Garnier – et qu’il nous faut encore réunir. Dès la semaine prochaine, je rassemblerai autour d’une table les salariés, les employeurs, les restaurateurs et assimilés, ainsi que les émetteurs des titres.
Je le répète toutes les propositions pourront être formulées, notamment celle que vous avez portée, monsieur Joyandet, à savoir le double plafond, selon qu’il s’agisse, d’une part, de restaurants ou, d’autre part, d’épiceries ou de grandes surfaces.
En ce qui me concerne, je m’engage à formuler des pistes et à vous donner une feuille de route dès cet été. Il serait positif d’aboutir durant l’année 2025, mais je ne veux pas mettre la pression sur les acteurs. Il est important d’obtenir l’adhésion de ces derniers, car les sujets liés à cette question sont nombreux : dématérialisation, commissions des émetteurs, transparence de celles-ci… Je pense aussi à l’usage qui est fait et qui sera fait des titres : jusqu’où permettre les achats ? Faut-il mettre en place des doubles plafonds ou revoir, comme cela a été évoqué, les montants limites ? Vous avez les uns et les autres mentionné de nombreuses pistes lors de la discussion générale.
En tout cas, j’espère que nous pourrons aboutir avant l’échéance. Je m’engage également à laisser du temps aux acteurs, qui auront peut-être un certain nombre de modifications et d’adaptations particulières à soumettre. Je pense aux restaurateurs, en particulier dans les petits établissements. Je souhaite mettre à profit cette période pour faciliter la mise en œuvre du dispositif qui sera retenu.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mme Guillotin, M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 3 rectifié quater est présenté par Mme Sollogoub, MM. Henno et Levi, Mme Antoine, M. Menonville, Mmes Vermeillet et Devésa, M. Duffourg, Mmes Guidez, Billon, Loisier et Saint-Pé, M. Cambier, Mmes de La Provôté et Gacquerre, MM. J.M. Arnaud, Haye, Longeot et Pillefer et Mmes Housseau et Perrot.
L’amendement n° 4 est présenté par MM. Iacovelli et Patriat, Mme Nadille, MM. Théophile, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Remplacer l’année :
2025
par l’année :
2026
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, nous aurions dû débattre de cette proposition de loi le 15 décembre dernier. L’ajournement des travaux parlementaires en a largement décidé autrement. Ce retard a créé un flou dans la possibilité même pour leurs détenteurs d’utiliser les titres-restaurant au supermarché. Il a laissé des millions de Français sans solution depuis le début de l’année.
Nous avons déjà largement échangé sur cet amendement, qui vise à prolonger non pas d’un an, mais de deux ans, soit jusqu’à la fin décembre 2026, la dérogation. L’objectif est d’obtenir une rédaction conforme à celle de l’Assemblée nationale et de garantir ainsi une entrée en vigueur rapide de ce dispositif qui permettra d’assurer une réutilisation rapide des tickets.
Cette mesure me paraît d’autant plus utile que le contexte que nous connaissons se caractérise par l’instabilité politique. Nous avons déjà dû voter une nouvelle prolongation ; autant nous donner le temps nécessaire et laisser les acteurs mener un vrai travail de fond sur les titres-restaurant.
En effet, les modes de vie ont résolument changé. Nous ne pouvons pas envisager ces tickets de la même manière qu’en 1967 ! Le travail est différent, le télétravail existe, les modes de consommation se distinguent également.
Nous discutons beaucoup des questions de santé. Le titre peut s’appliquer à des plats déjà prêts. Certes, mais les repas au restaurant ne peuvent pas toujours être considérés comme équilibrés ou comme un gage de qualité. Les plats industriels ne répondent pas vraiment à ces exigences non plus. L’achat de produits directs peut tout autant respecter ou ne pas respecter ces dernières. Néanmoins, les jeunes générations apprécient acheter des légumes, des fruits et de la viande préparés.
Un vrai travail de fond reste à faire. Nous l’appelons de nos vœux. Pour autant, nous demandons par cet amendement une prolongation de deux ans, pour les raisons que j’ai explicitées.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié quater.
M. Olivier Henno. Je considère qu’il a été parfaitement défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement, très bien défendu par notre collègue, est tout à fait utile. Sur le fond, il vise à donner au Gouvernement le temps de mener les discussions nécessaires avec les différentes parties prenantes.
Se donner deux ans ne signifie pas que nous parviendrons de manière effective à l’échéance. Comme vous vous y êtes engagée, madame la ministre, nous pouvons prévoir un point d’étape cet été. Celui-ci me paraît nécessaire.
Cette dérogation, proposée par notre collègue Frédérique Puissat en 2023, est indispensable. En effet, les modes de consommation de nos concitoyens ont changé. Nous ne pouvons plus considérer que, contrairement aux grandes surfaces, le restaurant est gage de qualité et d’équilibre alimentaire : les fast-foods existent ! On peut de nos jours d’utiliser le titre-restaurant pour manger un kebab ou un burger, sans qu’il soit possible d’exclure cet usage par dérogation. Je ne suis pas sûr qu’une telle consommation soit plus équilibrée qu’une préparation maison à partir de salade, de carottes ou d’un morceau de viande acheté au supermarché.
Nous avons besoin de travaux approfondis, comme l’indiquait Mme la ministre. Les discussions avec les différentes parties prenantes seront essentielles. Nous ne nous appuyons pas sur rien : des travaux ont déjà été menés par l’ancienne ministre Olivia Grégoire.
Nous donner deux ans de réflexion possible tout en recevant l’engagement de la ministre d’œuvrer au plus vite, cela va dans le bon sens. En outre, ce processus nous permet de bénéficier d’un texte conforme, de telle sorte que, dès ce soir, nous sortions du flou qui s’est développé à la suite de l’adoption de la motion de censure.
M. Alain Joyandet. C’est totalement contradictoire !
Mme la présidente. Je précise que j’ai été saisie d’une demande de scrutin public sur ces trois amendements identiques.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. Comme vous avez pu le percevoir, madame la ministre, un relatif, mais réel consensus avait pris forme au Sénat à la fin de l’année 2024 : une prolongation d’un an nous suffisait. Une telle échéance nous paraissait juste et pertinente. Elle donnait le temps nécessaire au ministère pour mettre en place la réforme.
Je remercie les collègues et les groupes qui, dans cet hémicycle, cheminent avec nous dans le sens de l’intérêt général et de l’intérêt des salariés en cherchant à lever les doutes. En effet, le flou est grand. Certaines enseignes relevant des grandes et moyennes surfaces (GMS) ont même paramétré leurs caisses, de telle sorte que les noms des produits diffèrent : les salariés ne savent pas lesquels ils peuvent acheter, ni jusqu’à quand, ni comment s’y prendre. Il nous faut sortir de cette situation par le haut.
Dans sa sagesse et avec pragmatisme, le Sénat essaie d’apporter une solution. Nous prenons en compte les engagements que vous avez exprimés, madame la ministre. En tout cas nous notons votre bonne volonté lorsque vous indiquez vouloir lancer très vite la concertation – je vous en sais gré – et prévoir un calendrier, même si vous ne voulez pas vous placer dans un étau par une promesse, ce que nous comprenons volontiers.
L’échéance de deux ans traduit, plutôt qu’une conviction dans l’absolu, la volonté de certains groupes d’avancer. L’idée est de privilégier un vote conforme à celui de l’Assemblée nationale, pour remettre en place le dispositif.
Puisque je m’exprime sans doute pour la dernière fois au cours de cet examen, je remercie tous les acteurs qui se sont rendus disponibles pour les auditions et qui m’ont permis de me faire un avis, ainsi que le président de la commission des affaires sociales, Mme la ministre, qui m’a offert une écoute attentive, et les services du Sénat, qui m’ont accompagnée avec beaucoup d’efficacité et de disponibilité.
La commission émet donc un avis de sagesse sur ces amendements identiques, de telle sorte que vous nous indiquiez en guise de conclusion, madame la ministre, de quelle façon vous envisagez la suite.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le préciser, le Gouvernement va émettre un avis favorable sur ces amendements identiques.
L’un des éléments essentiels qui motivent cet avis est le souhait d’obtenir un texte conforme. J’entends que ce besoin puisse être ressenti comme une pression (M. Alain Joyandet s’exclame.), mais, au demeurant, le flou actuel est difficile à vivre pour les salariés, pour les restaurateurs, pour les épiceries et pour la grande distribution. Il me paraît essentiel d’apporter une réponse rapide : rester dans une telle incertitude et dans une telle insécurité n’est confortable ni pour les uns ni pour les autres.
Je remercie Mme la rapporteure – je sais quelle position elle défendait –, ainsi que l’ensemble des sénateurs qui proposent ces amendements visant à allonger la dérogation à deux ans. Le vote conforme permettra de donner dans quelques jours une solution aux presque 6 millions d’utilisateurs des titres-restaurant.
La date du 31 décembre 2026 est une date butoir, mais, dans l’intérêt général, nous pouvons tous ensemble œuvrer dans des délais plus rapides – j’agirai en ce sens –, tout en respectant le temps de la concertation. En effet, je veux vraiment donner la parole à l’ensemble des acteurs lors des travaux à réaliser. L’objectif est d’aboutir à une solution qui me permettra de revenir devant vous. Ainsi, je vous proposerai une réforme riche, aux répercussions fortes, souhaitée par les uns et par les autres.
Je vous remercie de l’avis de sagesse que vous avez exprimé, madame la rapporteure. Pour ma part, j’émets un avis favorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Au-delà du délai de la prolongation, un débat n’a pas lieu d’être : celui de la modernisation du titre afin de permettre tel ou tel achat. Cette question est absolument hors de propos ! Personne ici ne prétend qu’il ne faut pas adapter le ticket aux nouvelles réalités du monde du travail ; ce constat a été dressé dans plusieurs interventions.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme Raymonde Poncet Monge. La prolongation de deux ans est issue d’un amendement de l’Assemblée nationale, auquel, par conséquent, nous devons nous soumettre. Mais quelle raison justifie cet état de fait ? Déjà, en 2023, nous avons subi un chantage au vote conforme. Et voilà que cela recommence pour ce texte, qui ne nous a été soumis qu’en décembre dernier…
Puisque l’échéance de deux ans n’était pas fondée après plusieurs dérogations, la commission a voulu résister au vote conforme par le biais d’un amendement. Eu égard à cette initiative, le 15 décembre dernier, nous avions approuvé la réunion d’une rapide CMP, pour tenir la limite du 31 décembre.
Je suis donc quelque peu étonnée. Nous sommes en janvier. Quelle raison rend impossible ce qui était possible en décembre dernier ? Il nous est expliqué que de nombreuses personnes se trouvent devant les portes des magasins sans savoir ce qu’il adviendra.
Or, pour en avoir souvent distribué, je sais que les titres-restaurant seront disponibles seulement à la fin janvier, puisqu’ils sont remis au moment de la paie à la fin du mois. Nous avons donc encore le temps ! Je rappelle d’ailleurs qu’il faut travailler un jour entier, matin et après-midi, pour y avoir droit. Ce ne sont pas ceux qui ont un problème vital de pouvoir d’achat qui en bénéficient.
Parmi les acteurs qu’il conviendra de mettre autour d’une table,…
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. … il faudra inviter la Cour des comptes, pour réfléchir à la façon de ne pas fragiliser le titre.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié, 3 rectifié quater et 4.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 150 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 221 |
Contre | 117 |
Le Sénat a adopté.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article unique modifié constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Je remercie tout d’abord notre rapporteure, Marie-Do Aeschlimann, qui a fourni un travail important, en deux temps, et qui a su s’adapter à un contexte quelque peu particulier.
Je remercie ensuite M. Bertrand Converso, le chef d’entreprise isérois, qui est, en réalité, à l’initiative de ce texte – je n’ai fait que relayer sa préoccupation et je tiens à lui rendre hommage.
Je veux également, même si ce n’est pas forcément l’usage, remercier un certain nombre de membres des gouvernements successifs. De fait, madame la ministre, le texte de loi est prêt grâce à Laurence Garnier et à Olivia Grégoire, qui ont tout préparé – je voulais moi-même le déposer avant que ne surviennent la dissolution et la censure, deux événements majeurs qui nous ont fait perdre du temps, ce que regrettent nombre de mes collègues.
Aujourd’hui, en responsabilité, nous allons, dans notre très grande majorité, voter la présente proposition de loi.
Cependant, je souligne que le texte qui va effectivement élargir les perspectives pour cet outil qu’est le titre-restaurant est prêt. Nous pourrons l’examiner très rapidement dans cet hémicycle, un très important travail de concertation ayant déjà été conduit.
Je le répète, notre groupe, en responsabilité, votera aujourd’hui, dans sa très grande majorité, en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je rappelle que le vote sur cet article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire.
(La proposition de loi est définitivement adoptée.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre vote conforme, qui va permettre à presque 6 millions de salariés de retrouver aujourd’hui une sécurité juridique dans l’utilisation du titre-restaurant, lequel est cher à l’ensemble des Français et des acteurs.
Madame la rapporteure, c’est vous que je remercie en premier lieu. Je salue les échanges préalables que nous avons pu avoir et vous remercie d’avoir fait évoluer votre position, ce qui n’est jamais facile. Les propos que vous avez tenus sont marqués par la sagesse et le pragmatisme.
Je veux également remercier M. le président de la commission des affaires sociales.
Je salue encore mes prédécesseures Olivia Grégoire et Laurence Garnier, qui ont déjà conduit des travaux. Vous comprendrez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’un ministre nouvellement nommé reprenne les concertations en s’appuyant sur les travaux déjà engagés par ses collègues ! Comme je l’ai dit, ce sujet a été l’un des premiers sur lesquels j’ai échangé avec Laurence Garnier, dès ma nomination.
Je vous remercie également, madame Frédérique Puissat, vous qui êtes à l’initiative du débat que nous avons aujourd’hui. Je me réjouis toujours que soient mises en avant les initiatives parlementaires répondant à une préoccupation de notre société, participant à son évolution ou visant des moyens. Je tiens à le répéter, la réforme qui va naître sera la suite d’une dérogation que vous aurez portée.
Enfin, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir permis ce vote conforme, qui, je l’ai indiqué, permettra de satisfaire un grand nombre d’usagers.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Comme j’aime prendre la parole dans cet hémicycle à l’issue de l’examen des textes de loi, en particulier après le vote, je ne manquerai pas à l’usage.
Bien entendu, je salue notre rapporteure, Marie-Do Aeschlimann, pour son travail de longue haleine, qui a été entrecoupé et qui a donné lieu à de nombreuses sollicitations extérieures. Je lui suis tout à fait reconnaissant d’en avoir fait la synthèse.
Madame la ministre, venant d’être nommée, vous êtes aujourd’hui dans une démarche dynamique à l’égard de ce texte. Cependant, la date butoir interviendra dans deux ans. Il y a urgence à intervenir !
Les messages qui vous ont été adressés aujourd’hui de part et d’autre de l’hémicycle sont clairs. Nous avions besoin d’une prolongation rapide. C’est fait. Dès ce soir, la loi peut être promulguée. Nous avons désormais besoin de votre mobilisation de tous les instants pour répondre aux questions qui ont été posées.
Vous avez pris une forme d’engagement. Vous êtes en responsabilité ; nous comptons sur vous !
8
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date du 13 janvier 2025, Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois, a demandé l’inscription de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants à la suite de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, inscrite à l’ordre du jour des mardi 28, mercredi 29, jeudi 30 et vendredi 31 janvier.
Le scrutin public solennel se tiendra le mardi 4 février 2025, en même temps que celui sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
Ces deux textes pourraient faire l’objet d’une discussion générale commune et des mêmes modalités de discussion.
Y a-t-il des oppositions ?…
Il en est ainsi décidé.
(M. Alain Marc remplace Mme Sylvie Vermeillet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc
vice-président
9
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
remédier à l’inadaptation de nombreuses mesures nationales aux exploitations agricoles en polyculture élevage
M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, auteur de la question n° 234, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Raphaël Daubet. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’inadaptation de nombreuses mesures nationales aux exploitations agricoles en polyculture-élevage.
La France se caractérise par une mosaïque agricole exceptionnelle, façonnée par la diversité de ses sols, de ses reliefs, de ses terroirs. Cette richesse, loin de se résumer aux grandes régions céréalières, viticoles ou d’élevage, s’exprime au travers de modèles agricoles variés et complexes, notamment par la polyculture-élevage, qui s’impose comme un modèle particulièrement pertinent et souhaitable dans le contexte actuel.
Cette approche, qui combine différentes productions au sein d’une même exploitation, constitue une réponse concrète aux enjeux de l’agroécologie et permet une réduction significative des intrants.
Dans le Lot et, plus largement, dans le Sud-Ouest, les exploitations illustrent parfaitement cette diversification, associant, par exemple, la production de noix, l’élevage ovin et la culture d’asperges.
Pourtant, un paradoxe persiste s’agissant de polyculture : ces exploitations, dont le modèle est encouragé, se heurtent systématiquement à des obstacles administratifs lors du déploiement de mesures nationales, précisément en raison de leur non-spécialisation. Cette situation devient particulièrement critique lors de l’activation des fonds d’urgence et des dispositifs de crise, leur polyvalence devenant alors un handicap plutôt qu’un atout.
Dans ce contexte, il devient urgent d’interroger les modalités d’un traitement plus équitable pour ces exploitations agricoles, dont le modèle mérite d’être protégé, plutôt que pénalisé par les dispositifs d’aide nationaux.
Madame la ministre, comment comptez-vous adapter nos dispositifs de soutien à la réalité plurielle des exploitations pratiquant la polyculture, afin que leur diversification, pourtant vertueuse, cesse d’être un obstacle administratif ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Raphaël Daubet, vous le savez, le secteur agricole est confronté, depuis plusieurs années, à diverses crises climatiques, sanitaires ou économiques. Or nous avons besoin d’une agriculture forte, productive et résiliente, car la pérennité des exploitations est à ce prix.
Vous avez totalement raison : la diversification est très importante. C’est, en soi, un facteur de résilience.
Pour accompagner les agriculteurs face à ces défis, l’État finance des plans d’investissement visant à adapter l’agriculture au changement climatique. Je pense à France 2030 ou à la planification écologique, décidée par mon prédécesseur et que je mets en œuvre pour toutes ces exploitations, y compris celles qui sont en polyculture-élevage, dont la complémentarité, je suis d’accord avec vous, est très importante.
Au-delà de ces mesures structurelles et de la réforme de l’assurance récolte, l’État met en place des dispositifs de soutien économique. Je pense, par exemple, à la compensation de certaines pertes sanitaires liées à l’influenza aviaire ou à la fièvre catarrhale ovine.
Par ailleurs, face aux difficultés conjoncturelles ou actuelles liées à des crises multiples et parfois répétitives, nous avons mis en place un dispositif exceptionnel de soutien à la trésorerie de court ou long terme, et j’ai souhaité que ce dispositif ne comporte aucun critère de spécialisation.
En revanche, lorsqu’il s’agit de soutenir des filières spécifiques qui rencontrent des difficultés sévères, il est impératif, d’un point de vue à la fois juridique et budgétaire, de cibler l’intervention sur les exploitations dont le résultat global atteste de ces déséquilibres. Cela justifie de prévoir des critères de ciblage avec des niveaux de pertes minimums et un seuil de spécialisation.
Au demeurant, l’intérêt de la diversification des productions est réel. Il est un élément stratégique de l’entreprise, lui permettant de gagner en résilience.
Vous pouvez donc compter sur nous pour apporter des réponses rapides face aux situations urgentes que connaissent nos agriculteurs en polyculture-élevage. L’équilibre de leur système de production est précieux pour toute notre agriculture.
Nous souhaitons aussi les accompagner dans leurs adaptations structurelles, ce dont nous aurons l’occasion de discuter prochainement, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et d’avenir agricole (PJLOA).
suivi du dispositif « rebond industriel » et avenir des papeteries de condat
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la question n° 140, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, les Papeteries de Condat au Lardin-Saint-Lazare, c’est, en Dordogne, plus d’un siècle d’histoire industrielle de savoir-faire du papier couché double face.
Cette entreprise, détenue aujourd’hui par le groupe Lecta et qui a compté jusqu’à 1 200 salariés, a rencontré des difficultés liées à la baisse de la demande en papier couché. Pour y faire face, elle a été aidée financièrement, ces dernières années, par la région Nouvelle-Aquitaine et par l’État, à une hauteur totale de plus de 33 millions d’euros, dont une aide importante de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour sa chaudière biomasse.
En 2023, le groupe annonce la fermeture d’une de ses deux lignes de production. Les 420 salariés alors dans l’usine apprennent la suppression de 174 emplois, auxquels il convient d’ajouter celle d’environ 1 500 emplois induits sur le territoire.
L’intention de Lecta de transférer cette ligne sur son site de Garda en Italie est apparue très clairement : en 2023, le groupe a produit 45 000 tonnes de papier fabriqué essentiellement sur les sites espagnol et italien, et seulement 9 700 tonnes à Condat.
La production de la seconde ligne, spécialisée dans la glassine, un papier utilisé notamment pour les étiquettes, est annoncée, pour 2025, à environ 80 000 tonnes, alors que l’équilibre financier nécessiterait d’atteindre 140 000 tonnes.
Pis, le prix de vente de la glassine produite à Condat, vendue à 1 400 euros la tonne, alors que celle-ci est en moyenne, sur le marché, de l’ordre de 1 800 euros, interroge bien évidemment la viabilité économique du site.
En 2023, le ministre de l’industrie Roland Lescure est venu en Dordogne à la rencontre des élus et des personnels, afin de mettre en place le dispositif « Rebond industriel ».
À ce jour, malgré ce dispositif, 58 salariés sur 105 sont au chômage, et les 197 encore en poste s’inquiètent légitimement de leur avenir face à une activité en dents de scie, marquée par des arrêts fréquents et une stratégie industrielle peu lisible.
À l’heure où la volonté affichée de l’État est de reconquérir notre souveraineté industrielle, le nouveau ministre de l’industrie, M. Ferracci, entend-il prendre le relais de ce dossier en s’engageant à venir sur place pour rencontrer les élus, les salariés et les acteurs économiques locaux, comme l’a fait d’ailleurs son prédécesseur ?
Il est de notre responsabilité collective d’agir pour redonner un avenir à ce site et, surtout, à ce bassin d’emplois en Dordogne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Varaillas, vous attirez l’attention du ministre chargé de l’industrie et de l’énergie sur la situation de l’entreprise Condat, papeterie située sur la commune du Lardin-Saint Lazare, en Dordogne.
L’entreprise, appartenant au groupe Lecta, a engagé un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) à la fin de l’année 2023, entraînant la suppression de 171 emplois.
Comme vous le rappelez, les différents services de l’État aux niveaux national et local se sont particulièrement investis dès l’annonce de ce projet de restructuration, d’une part, pour veiller au respect des obligations relatives aux mesures d’accompagnement et de reclassement prévues dans le PSE et, d’autre part, en lançant une mission, « Rebond industriel », visant à pérenniser et à développer l’empreinte industrielle du territoire.
Un accord de plan de sauvegarde de l’emploi a été validé par les services de l’État le 30 octobre 2023. Le bilan est encourageant : près d’une soixantaine de salariés ont une solution de reclassement concrétisée, et 51 d’entre eux ont pu bénéficier des mesures d’âge prévues dans le PSE ou d’une retraite. Les autres salariés bénéficient toujours d’un accompagnement soutenu par le cabinet LHH.
Pour ce qui concerne l’action engagée dans le cadre la mission Rebond industriel, de nombreux projets territoriaux ont pu être soutenus, avec la création prévue de 150 emplois, renforçant le tissu économique local dans le Périgord noir et prioritairement autour du Lardin-Saint-Lazare et de Terrasson. À ce jour, une quarantaine d’entreprises a été accompagnée sur le territoire.
Le prochain comité de pilotage de ce dispositif est prévu prochainement – il se tiendra le 24 janvier prochain. Il permettra de confirmer ces perspectives en matière d’emploi.
La situation de Lecta-Condat reste fragile, ce qui conduit l’entreprise à adapter sa stratégie et à procéder à une recapitalisation via l’actionnaire.
Dans ce contexte, les services de l’État ont décidé, afin de développer l’outil industriel, de ne pas remettre en cause la subvention de 14 millions d’euros versée par l’Ademe en 2020 pour la construction d’une chaudière biomasse, opérationnelle depuis le mois de septembre.
Mon collègue ministre Marc Ferracci et ses services restent particulièrement attentifs à l’avenir de cette entreprise, ainsi qu’à l’avenir industriel du territoire.
gestion de la taxe d’aménagement
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 208, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi de finances pour 2021 a introduit, à l’article 155, une réforme dont l’objet était de simplifier la gestion de la taxe d’aménagement en transférant sa gestion des directions départementales des territoires (DDT) à la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Pourtant, loin d’atteindre cet objectif, cette réforme a entraîné de graves dysfonctionnements, qui nous sont remontés de toutes parts.
Ainsi, depuis le 1er septembre 2022, aucune commune n’a perçu la taxe d’aménagement issue des nouvelles autorisations d’urbanisme. À ce jour, les collectivités locales ne perçoivent que les reliquats du système antérieur, toujours en cours de clôture.
Ce décalage crée une pression budgétaire croissante, car, lorsque les taxes de l’ancien dispositif auront été entièrement recouvrées, les nouvelles recettes risquent de ne pas compenser les besoins. Ce déséquilibre menace directement les finances de nombreuses collectivités, notamment celles pour qui cette taxe constitue une part essentielle des revenus.
Ce blocage est en partie lié à la modification des règles de perception : la taxe d’aménagement n’est désormais exigible qu’à l’achèvement des travaux, sur déclaration volontaire des contribuables. Cette nouvelle règle impose aux collectivités un travail de vérification supplémentaire, pour s’assurer que les contribuables se conforment bien aux obligations de déclaration.
Par ailleurs, de sérieuses inquiétudes pèsent sur la fiabilité de l’outil de gestion « Gérer mes biens immobiliers », plus connu sous le sigle GMBI, mis en œuvre par la DGFiP et qui peine à gérer les déclarations partielles d’achèvement, les évaluations d’office et les permis modificatifs. De telles imprécisions risquent d’affecter l’assiette fiscale, donc les ressources des collectivités.
Au 31 décembre 2023, seulement 1 576 dossiers d’autorisation d’urbanisme postérieurs au 1er septembre 2022 avaient été traités à l’échelle nationale, alors que le nombre de constructions annuelles de logements en France se situe entre 300 000 et 400 000, sans compter les extensions. Ce chiffre témoigne de la lenteur préoccupante du dispositif actuel.
Madame la ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il pour remédier aux faiblesses de ce système et garantir la fiabilité de l’outil de gestion GMBI ?
Quelles assurances peut-il apporter aux collectivités pour que le recouvrement de cette taxe se fasse de manière fiable et rapide dès 2025, afin de préserver leur équilibre financier et leur capacité à mener à bien leurs projets ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, le transfert de la gestion de la taxe d’aménagement des directions départementales des territoires à la direction générale des finances publiques à compter des autorisations d’urbanisme déposées depuis le 1er septembre 2022 a eu pour objet d’unifier les obligations déclaratives fiscales en matière foncière et d’urbanisme.
Comme vous le rappelez, à la différence du système antérieur, la liquidation du flux intervient, depuis septembre 2022, à l’achèvement des travaux de construction, et non plus au moment de la validation de l’autorisation d’urbanisme.
Un système d’acompte a également été créé pour neutraliser les effets du décalage de l’exigibilité de la taxe qui peut apparaître dans le cas des très grands projets.
Par ailleurs, afin d’optimiser les délais de traitement, la liquidation de la taxe d’aménagement s’appuie sur la dématérialisation du processus déclaratif via l’outil GMBI, la création d’un référentiel des délibérations des collectivités locales et l’automatisation du calcul des taxes d’urbanisme.
Vous soulignez, à juste titre, que l’instauration du processus déclaratif de manière dématérialisée a suscité des interrogations de la part des usagers et abouti à des erreurs déclaratives, qui ont freiné la liquidation des taxes. En effet, afin d’éviter l’envoi de titres de paiement erronés aux usagers, la DGFiP a mis en œuvre un système de vérification préalable qui a pu avoir pour effet de ralentir leur envoi et les paiements qui y sont associés.
Le Gouvernement est conscient de cette difficulté, et les services de la DGFiP sont pleinement mobilisés pour stabiliser, en 2025, la gestion de la liquidation de la taxe d’aménagement.
Cependant, je précise que les quelques dysfonctionnements évoqués n’ont pas tari le flux des taxes perçues par les collectivités territoriales, qui continuent à percevoir les montants liquidés par les DDT, lesquels constituent la majorité des titres émis en 2024.
Enfin, je vous informe que l’émission par les services de la DGFiP des acomptes de taxes d’aménagement pour les projets d’une superficie supérieure à 5 000 mètres carrés a commencé en octobre 2024.
Le Gouvernement reste naturellement très attentif à ce dossier.
situation de la gare routière de bercy-seine
M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin, auteur de la question n° 170, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Franck Dhersin. Monsieur le ministre, en septembre 2023, sans concertation ni étude d’impact préalable et sans proposer de solution alternative, la mairie de Paris a annoncé la fermeture de la gare routière de Bercy-Seine à Paris.
Cette gare routière est pourtant la plus importante du pays : elle accueille, chaque année, plusieurs millions de passagers – 4,7 millions en 2023 –, désireux d’emprunter les fameux « cars Macron », ou « services librement organisés » (SLO).
Ces cars SLO représentent, pour les usagers, un gain socio-économique de l’ordre de 100 millions d’euros par an.
En juillet 2024, l’Autorité de régulation des transports a publié un rapport concernant ce projet de fermeture. Celui-ci établit clairement que cette gare est une infrastructure essentielle au secteur SLO et recommande donc de ne pas la fermer tant qu’une alternative pérenne, de qualité et suffisamment dimensionnée ne sera pas opérationnelle.
Consciente que les cars SLO sont un atout pour la mobilité et le tourisme, la ville de Saint-Denis s’est récemment portée volontaire pour construire la plus grande gare routière européenne, mais ce projet prendra du temps – plusieurs années – et devra être soutenu par l’État.
En attendant, une solution s’impose pour préserver ce service de transport indispensable aux Français : maintenir la gare routière de Bercy-Seine ouverte aux cars SLO et utiliser enfin les millions d’euros payés chaque année par les opérateurs pour rénover cette infrastructure, améliorer le service aux passagers et limiter les nuisances pour les riverains attenants.
Malheureusement, la mairie de Paris semble toujours décidée à fermer la gare routière dès la fin de l’année 2025.
En décembre 2024, une mission a été lancée, sous l’égide du préfet de la région Île-de-France, M. Marc Guillaume, pour identifier les conditions et les calendriers d’un futur déménagement de la guerre routière de Bercy-Seine.
Mes interrogations sont les suivantes : comment ce comité de pilotage compte-t-il se saisir du dossier de la gare routière de Bercy-Seine ? Comment s’assurer que la mairie de Paris ne précipitera pas la fermeture d’une infrastructure routière essentielle tant qu’une solution qualitative et pérenne n’aura pas été trouvée ?
Au-delà du cas parisien, dans le contexte du développement des services de cars express sur tout le territoire, comment faire en sorte que la France se dote, enfin, de gares routières de qualité, pour développer la mobilité décarbonée de demain ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur, cher Franck Dhersin, voilà une question que j’aurais pu poser il y a quelques jours… (Sourires.) J’en comprends bien évidemment le sens.
Les services librement organisés (SLO) par autocar contribuent significativement à la politique de mobilité de notre pays. Environ 15 millions de passagers en ont profité en 2023. La gare routière de Bercy-Seine est un équipement majeur à l’échelle de Paris et de l’Île-de-France, mais également du territoire national, compte tenu des flux qu’elle accueille chaque année, à savoir 4,7 millions de passagers.
C’est la raison pour laquelle mes prédécesseurs ont porté une attention particulière au projet d’évolution du site envisagé par la ville de Paris, qui en est propriétaire.
L’Autorité de régulation des transports (ART) a consulté les parties prenantes et a publié en juillet 2024 une étude de qualité proposant des scénarios alternatifs, avec leurs avantages et inconvénients respectifs. Elle a également recommandé la mise en place d’une gouvernance locale pour approfondir les hypothèses et définir les modalités et le calendrier de mise en œuvre.
Dans ce contexte, mon prédécesseur a mandaté le préfet de Paris, préfet de la région Île-de-France, pour constituer un comité de pilotage associant les parties prenantes, afin de déterminer le schéma d’accueil des autocars longue distance dans la région capitale et un calendrier associé répondant aux besoins des usagers, tout en tenant compte des contraintes des collectivités et des autres acteurs concernés.
Ce comité s’est réuni pour la première fois le 12 décembre dernier. Des visites de terrain ont également eu lieu. Les travaux sont donc en cours et visent à trouver un consensus. Il a été demandé au préfet d’Île-de-France de présenter l’avancement de ces travaux en mars prochain.
Je me propose également de vous associer à cette démarche, monsieur le sénateur, vous qui êtes un fin connaisseur de ces questions de mobilité.
disparition des trains de nuit dans les territoires, en particulier de la ligne paris-bourg-saint-maurice
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, auteure de la question n° 242, transmise à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
Mme Martine Berthet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la reprise des trains de nuit dans nos territoires, en particulier de la ligne Paris-Bourg-Saint-Maurice suspendue en octobre 2016.
Cette suppression pèse sur l’accessibilité de nos régions de montagne. Les liaisons TGV sont souvent saturées, plus encore durant les périodes de vacances. Elles affichent par ailleurs des tarifs de plus en plus dissuasifs, rendant ces destinations difficilement accessibles pour de nombreux usagers.
Alors que la Savoie se prépare à accueillir les jeux Olympiques d’hiver des Alpes françaises en 2030, il est essentiel de mettre en place une offre ferroviaire adaptée, durable et performante. Selon une étude récente de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), 89 % des Français privilégient encore la voiture pour se rendre dans ces lieux de vacances.
Alors que nos administrés attendent de la France une organisation de jeux Olympiques exemplaire, respectueuse de l’environnement et à faible empreinte carbone, les territoires de montagne ne peuvent rester dépendants du transport routier et aérien, responsables de plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre. La relance des trains de nuit constitue une réponse alternative crédible et indispensable.
Par ailleurs, cette relance serait source d’une dynamique économique importante pour le tourisme d’hiver comme d’été. Elle répondrait aux attentes des familles et des jeunes citadins qui souhaitent pouvoir s’évader aisément des grandes métropoles pour profiter d’un week-end à la montagne.
Enfin, cet objectif s’inscrit pleinement dans les ambitions présidentielles de 2020 qui visaient à ouvrir une dizaine de lignes de trains de nuit d’ici à 2030 et qui ont commencé à se concrétiser à travers un certain nombre d’engagements pris par les gouvernements successifs.
Face à ces enjeux écologiques et économiques, la réouverture de la ligne Paris-Bourg-Saint-Maurice semble incontournable.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si la desserte par les trains de nuit de nos territoires de montagne sera relancée dans des délais raisonnables, et avant les jeux Olympiques de 2030 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice, chère Martine Berthet, l’État accompagne la relance des trains de nuit depuis quelques années maintenant.
Pour ce faire, nous avons besoin d’investissements sur les infrastructures et sur le matériel roulant, ce qui suppose du temps et de l’argent. Cette relance relève de la responsabilité de l’État compte tenu de la nature de ces lignes, qui relient plusieurs régions entre elles.
Nous avons aujourd’hui cinq lignes de nuit, ce qui place la France parmi les pays ayant le plus développé cette offre de transport en Europe, en dehors des pays de l’Est du continent – Roumanie, Pologne, Hongrie, Autriche –, traditionnellement plus portés sur cette façon de voyager.
Dans le cadre de la desserte des futurs sites de la compétition des jeux Olympiques d’hiver 2030, les lignes Paris-Briançon et Paris-Nice feront l’objet d’une attention toute particulière.
Une procédure de renouvellement du matériel sera lancée prochainement et concernera en premier lieu, d’ici au début des années 2030, les lignes de nuit déjà existantes et les lignes actuellement suspendues du fait de travaux, soit environ 180 voitures et près de 30 locomotives.
Le montant de l’investissement pour le renouvellement de ce matériel roulant devrait être important, malgré la contrainte budgétaire actuelle. Une extension ultérieure à d’autres lignes, dont celle que vous venez d’évoquer, pourra être étudiée, mais elle sera peut-être limitée par la saturation des installations de maintenance.
À moyen terme, je souhaite que des réflexions et débats puissent avoir lieu sur la poursuite du développement du réseau des trains de nuit.
Je profite de l’occasion pour vous annoncer officiellement que le chantier de la Maurienne, en cours depuis maintenant un certain nombre de mois, sera très probablement livré aux alentours du mois de mars. C’est une très bonne nouvelle pour votre département, madame la sénatrice, et je sais combien ce dossier vous tient à cœur.
modernisation des lignes ferroviaires des pyrénées-atlantiques
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, auteur de la question n° 238, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le ministre, entre le vendredi 22 novembre et le samedi 23 novembre 2024, deux trains se sont retrouvés arrêtés dans les Landes pendant plus de neuf heures, bloquant ainsi près d’un millier de passagers dans la nuit et le froid. La SNCF attribue ce retard délirant à une rupture de caténaire.
L’un de ces trains était un TER reliant Hendaye à Bordeaux, l’autre un TGV reliant Tarbes à Paris, deux trajets qui me sont familiers en tant que sénatrice des Pyrénées-Atlantiques.
Un accident de ce type ne me surprend pas, tant la dégradation des infrastructures ferroviaires sur cette ligne du Sud-Ouest, plus particulièrement au sud de Dax, est documentée. Cela fait des années que j’appelle à sa modernisation, chaque année davantage nécessaire au vu de la croissance ininterrompue du nombre de passagers qui l’empruntent.
J’ajoute que cette modernisation ne peut attendre ni l’arrivée de la ligne à grande vitesse (LGV) ni la mise en place du RER basco-landais, qui doit aussi prendre en compte le RER Béarn-Bigorre pour constituer à terme un véritable RER pyrénéen.
En effet, si ces deux initiatives sont déterminantes pour le dynamisme économique du département et bénéfiques du point de vue de la transition écologique, elles ne se concrétiseront pas avant plusieurs années. La modernisation des lignes prendrait moins de temps et entraînerait une réduction du temps de trajet significative, tout en permettant une plus grande résistance aux avaries, trop nombreuses dans ce secteur.
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous me faire part des intentions du Gouvernement en la matière ? Comptez-vous donner aux habitants du Béarn et du Pays basque des raisons d’espérer sortir de leur enclavement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice, chère Denise Saint-Pé, vous savez le combat que je mène depuis un certain nombre d’années pour la modernisation de ces lignes ferroviaires.
Le Gouvernement est particulièrement attentif à l’entretien et à la modernisation des infrastructures du quotidien.
Au cours des dix dernières années, SNCF Réseau a investi plus de 300 millions d’euros dans la régénération des voies du sud de l’Aquitaine.
Au printemps dernier, le président de cette entité a annoncé un effort particulier de l’ordre de 200 millions d’euros sur la ligne Pau-Dax-Bordeaux d’ici à 2030, afin de parachever le programme de régénération engagé voilà dix ans. Il s’agira de compléter le renouvellement de la voie Ychoux-Puyoô, d’intervenir de manière ciblée sur la signalisation et de réaliser des opérations spécifiques pour rendre le réseau plus résilient face aux conséquences du changement climatique et éviter les chocs avec la faune sauvage.
D’autres chantiers majeurs seront engagés au cours des prochaines années, comme le remplacement entre 2025 et 2031 de la caténaire historique dite Midi par une caténaire modernisée entre Dax et Bayonne, pour un montant de 190 millions d’euros, ou encore le lancement d’une démarche d’établissement de schéma directeur pour les étoiles de Bayonne et de Pau, inscrit au contrat de plan État-région (CPER) 2023-2027, afin de définir les investissements nécessaires aux ambitions de développement de trafic et de réduction de temps de trajet dans le cadre des services express régionaux métropolitains (SERM) envisagés.
Plus largement, ces difficultés soulèvent la question du financement des mobilités à court et à long terme. Celle-ci sera au cœur de la conférence de financement des mobilités qui sera lancée prochainement.
Enfin, je le répète, la recherche de qualité du service offert aux usagers guidera mon action gouvernementale.
difficultés des maires en matière d’assurance
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, auteure de la question n° 011, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Nadège Havet. « “C’est de plus en plus difficile” : dans le Finistère, ces communes ont du mal à s’assurer. » Monsieur le ministre, ce titre d’un article publié sur le site internet de France Bleu, jeudi dernier, résume parfaitement la situation.
Cette question était déjà à l’agenda du Carrefour des communes, rassemblement des élus finistériens organisé à Brest en octobre dernier, et du dernier Congrès des maires de France. Elle était encore au cœur des cérémonies de vœux pour 2025.
Elle est en vérité centrale pour toutes les communes de France, qui, depuis plusieurs années, subissent une hausse importante des sinistres et des dommages aux biens en raison des risques accrus par les forts aléas climatiques.
Face à ces événements, les compagnies d’assurances qui répondent aux appels d’offres se font de plus en plus rares. Elles ont par ailleurs pris des mesures qui pénalisent les collectivités en augmentant les primes et en réduisant leur couverture. Les contrats ne sont parfois même pas reconduits.
À Ploéven, commune de 500 habitants, l’assureur a ainsi rompu le contrat après la tempête Ciarán. À Plouzané, dans la métropole de Brest, la prime d’assurance a augmenté de 462 % en seulement deux ans. Pour la communauté d’agglomération du pays de Landerneau-Daoulas, la franchise a explosé, passant de 1 500 euros à 100 000 euros. Et sur les vingt-deux communes de ce territoire, cinq n’ont pas encore trouvé d’assureur. Ces difficultés ont été exprimées, avant-hier, lors des vœux de la municipalité de Camaret-sur-Mer, concernant l’assurance du port municipal, et, quelques jours auparavant, à Saint-Évarzec.
Face à ces constats très préoccupants, une mission a été confiée en 2024 au maire de Vesoul, Alain Chrétien, et à l’ancien président de la Fédération nationale Groupama, Jean-Yves Dagès.
Des recommandations sont déjà connues, comme la mise en place d’un dispositif de « mutualisation du risque social exceptionnel ». Alors que les dépenses d’assurance des collectivités sont supportées à 90 % par les communes et leurs groupements, je souhaiterais connaître les initiatives que le nouveau gouvernement entend prendre sur la base de ce travail pour répondre aux fortes craintes exprimées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice, chère Nadège Havet, mon collègue François Rebsamen m’a chargé de répondre à votre question, qui porte sur un problème que je connais particulièrement bien sur mon territoire, notamment dans la vallée de la Roya.
Le Gouvernement est très attentif à ce que chaque collectivité puisse trouver une solution d’assurance pour ses dommages. Les difficultés que vous rappelez résultent de plusieurs facteurs. D’une part, certains acteurs du marché d’assurance aux collectivités se sont retirés. D’autre part, la sinistralité est en augmentation. C’est la conséquence des aléas climatiques, plus nombreux et plus intenses, ainsi que des risques cyber et des dégradations de grande ampleur liées aux phénomènes d’émeutes urbaines.
Tout d’abord, je rappelle que l’État est aux côtés des collectivités pour prévenir et indemniser le risque avec des dispositifs qui ont fait leurs preuves, tels que le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), qui peut être mobilisé par les collectivités pour financer les études, les travaux ou les équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels, ou encore la dotation de solidarité aux collectivités victimes d’événements climatiques ou géologiques (DSEC).
En septembre 2023 a été annoncée la conclusion d’un accord avec les assureurs, afin que ces derniers mettent en place le recours à la Médiation de l’assurance.
Pour ce qui est de l’impossibilité de trouver un contrat, plusieurs propositions ont été émises par la mission d’expertise menée par Alain Chrétien, maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama. Elles rejoignent les conclusions du rapport du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson.
Pour répondre à cette situation de déséquilibre, il convient de dynamiser le marché assurantiel, tout en veillant à sa bonne régulation. Le Gouvernement a d’ores et déjà lancé des travaux avec les collectivités, en s’appuyant notamment sur l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), pour faciliter la passation de marchés publics.
Le Gouvernement s’engage à proposer, avec les représentants de la profession d’assureur, des solutions aux difficultés assurantielles rencontrées par les collectivités territoriales. Nous annoncerons ainsi très prochainement une série d’actions concrètes, inspirées de tous ces travaux, pour que chaque collectivité, quelles que soient sa taille et son exposition au risque, puisse trouver une solution d’assurance adaptée.
publication d’un rapport d’évaluation de l’expérimentation de l’entreprise d’insertion par le travail indépendant
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, auteure de la question n° 016, transmise à Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi.
Mme Antoinette Guhl. Madame la ministre, en 2018, les entreprises d’insertion par le travail indépendant, dites EITI, ont acquis le statut de structure d’insertion dans le cadre d’une expérimentation.
Malgré l’article 83 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui prévoyait une évaluation avant toute prolongation du dispositif, rien n’a été réalisé en six ans. Prévu initialement pour durer trois ans, ce dispositif a pourtant, dans un premier temps, été prolongé jusqu’à huit ans. Les EITI viennent même d’être définitivement consacrées comme structures d’insertion par un arrêté du 2 janvier 2025, et cela sans évaluation. C’est un scandale !
Que sont les EITI ? Ce sont des structures qui proposent à des personnes en grande difficulté de travailler sous statut d’autoentrepreneur, au même titre que toutes les plateformes Uber et compagnie. Or ce statut prive de droits essentiels des salariés déjà en précarité. Il n’y a pas de protection en cas d’accident, pas d’indemnisation chômage décente ni de droits décents pour la retraite.
En revanche, le prélèvement d’un pourcentage pouvant aller jusqu’à 25 % sur les prestations effectuées par des personnes en insertion existe bel et bien, comme pour Uber, en somme.
Depuis 2020, quelque 100 millions d’euros ont été investis dans ce modèle économique qui précarise, une somme dépensée sans aucune forme d’évaluation, ce qui n’est pas digne de l’État en cette période de crise budgétaire. Je l’affirme ici, ces structures n’assurent pas une insertion professionnelle durable. Elles relèvent non pas de l’insertion, mais de l’ubérisation. Dans un contexte de budget contraint, nous devrions pourtant prioriser les dispositifs qui fonctionnent réellement.
Madame la ministre, alors que vient d’être signé un arrêté qui prévoit la pérennisation des EITI, quand allez-vous fournir aux parlementaires le rapport d’évaluation prévu par la loi ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap. Madame la sénatrice, vous interrogez le Gouvernement sur la publication d’un rapport d’évaluation des EITI à la suite d’une expérimentation.
Vous avez raison, l’article 83 de la loi du 5 septembre 2018 prévoit qu’un « rapport d’évaluation de l’expérimentation [soit] remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation ».
Cette expérimentation, entamée en 2018 pour trois ans, a fait l’objet d’une première prolongation pour deux ans à la fin de l’année 2021.
En mai 2023, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a remis au Gouvernement un rapport d’évaluation sur le sujet. Celui-ci proposait une prolongation pour deux ans, assortie d’un meilleur encadrement, au travers notamment d’un cahier des charges plus précis, ainsi qu’une rénovation des modalités de l’aide financière versée aux EITI, pour les rendre plus cohérentes avec les spécificités du travail indépendant.
Il y a un an, la loi de finances pour 2024 a prévu une nouvelle prolongation pour trois ans jusqu’à la fin 2026, soit un an de plus que la durée préconisée par l’Igas, pour permettre de déployer le nouveau cadre défini et d’en analyser les effets.
L’expérimentation n’a pas été prolongée purement et simplement : en cohérence avec les préconisations de l’Igas, une concertation approfondie a été engagée avec les acteurs de l’expérimentation en 2024, afin d’en rénover le cadre à partir du 1er janvier 2025.
Un décret en Conseil d’État et un arrêté prévoyant un cahier des charges viennent d’être publiés en ce sens. Il s’agit notamment de préciser les objectifs des EITI, leurs obligations en matière d’offre de services et de production d’indicateurs de suivi et de performance, ainsi que de mettre les modalités de l’aide financière aux structures en cohérence avec le nouveau cahier des charges.
Le dispositif ainsi rénové fera l’objet d’une nouvelle évaluation approfondie et indépendante. Celle-ci permettra la remise d’un rapport d’évaluation au Parlement au moins six mois avant le nouveau terme de l’expérimentation.
transport scolaire des élèves en situation de handicap
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 240, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, ma question porte sur le transport scolaire des élèves en situation de handicap, dont je rappelle le cadre réglementaire : depuis le 1er septembre 2017, les régions sont seules compétentes pour l’organisation des transports scolaires ; les conseils départementaux assurent quant à eux le financement et peuvent organiser le transport scolaire des élèves en situation de handicap, s’ils sont reconnus médicalement inaptes à utiliser les transports en commun.
Toutefois, certains élèves, bien qu’ils ne soient pas reconnus médicalement inaptes à utiliser les transports en commun, ne disposent pas de l’autonomie nécessaire pour les emprunter quotidiennement.
Ces élèves et leurs parents se retrouvent dans une impasse : les départements ne prennent pas en charge ce transport adapté au motif qu’il ne relève pas de leur compétence, et les régions considèrent que ces élèves sont aptes à emprunter les transports scolaires standards, puisqu’ils ne sont pas déclarés médicalement inaptes.
Dans de nombreux cas, ces élèves sont affectés dans un établissement scolaire qui n’est pas leur établissement de secteur en raison de leur besoin d’être intégrés dans des dispositifs adaptés, comme les unités localisées pour l’insertion scolaire, dites classes Ulis.
Les transports scolaires organisés par les régions relient généralement le domicile des élèves à leur établissement de secteur, et non à ces établissements spécifiques. Ainsi, certains élèves sont souvent jugés aptes à emprunter des transports en commun qui n’existent pas entre leur domicile et l’établissement scolaire qu’ils fréquentent quotidiennement…
Face à ces difficultés, certains enfants se retrouvent dans l’obligation d’être scolarisés à la maison ou parfois, malheureusement, de se déscolariser. Au mieux, les mères, car ce sont souvent elles, abandonnent leur emploi et renoncent à toute carrière professionnelle, afin d’accompagner au mieux leurs enfants à besoins particuliers en les conduisant dans des établissements scolaires adaptés.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si ce problème est identifié par le ministère ? Si tel est le cas, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour garantir à chaque élève en situation de handicap, quand bien même serait-il déclaré médicalement apte à prendre les transports en commun, la possibilité de se rendre dans un établissement scolaire adapté ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap. Madame la sénatrice Le Houerou, vous m’interrogez sur la question du transport scolaire des élèves en situation de handicap, qui est un sujet majeur. Je partage pleinement votre diagnostic de dysfonctionnement du système.
Vous l’avez rappelé, la compétence d’organisation et de financement des transports scolaires relève des collectivités territoriales. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a effectivement transféré aux régions les compétences historiquement exercées par les départements en matière de transports non urbains. Depuis le 1er septembre 2017, ce sont donc les régions qui sont chargées du transport scolaire.
Cependant, le code des transports prévoit que les frais de déplacement exposés par les élèves en situation de handicap qui fréquentent un établissement d’enseignement général, agricole ou professionnel et qui ne peuvent utiliser les moyens de transport en commun en raison de la gravité, médicalement établie, de leur handicap sont pris en charge par le conseil départemental. Par exception, en Île-de-France, c’est la région qui est directement compétente, avec Île-de-France Mobilités.
Le conseil départemental est ainsi responsable de l’organisation des transports pour les élèves lorsqu’ils ne peuvent utiliser les transports en commun en raison de la gravité de leur handicap et les modalités de reconnaissance médicale de cette incapacité relèvent de lui. Dans la pratique, certains conseils départementaux s’appuient sur l’expertise des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et sollicitent un avis de l’équipe pluridisciplinaire.
Vous avez raison, madame la sénatrice, nous ne pouvons pas accepter que des enfants ne puissent pas se rendre dans leur établissement et soient parfois déscolarisés en raison de difficultés d’accès à des transports adaptés à la nature de leur handicap.
C’est pourquoi, afin de préciser les critères d’éligibilité, j’ai demandé aux administrations concernées qu’un travail soit engagé avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et les conseils départementaux dans les prochaines semaines. Je suivrai ce dossier avec attention.
situation financière des établissements d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes publics
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, auteure de la question n° 244, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Anne Ventalon. Madame la ministre, les établissements d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes publics, véritables piliers de l’accompagnement des personnes âgées, avec plus de 600 000 résidents pris en charge, se trouvent aujourd’hui dans une situation financière alarmante.
Depuis plusieurs années, ces établissements sont confrontés à une crise économique et structurelle qui ne cesse de s’aggraver. C’est d’ailleurs ce qu’illustre le rapport d’information réalisé au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la situation des Ehpad : entre 2020 et 2023, la part des établissements déficitaires est ainsi passée de 27 % à 66 %.
Bien que 80 % du fonds d’urgence créé en 2023 pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) en difficulté ait été alloué aux Ehpad, force est de constater que celui-ci n’est pas suffisant. Pourtant, nous parlons bien de 100 millions d’euros !
Dans le département de l’Ardèche, on compte aujourd’hui 64 Ehpad, qui, comme beaucoup d’autres, subissent notamment le contexte inflationniste et les revalorisations salariales promises lors du Ségur de la santé.
Face à cette situation inquiétante, quelles sont, madame la ministre, les mesures que vous envisagez de mettre en œuvre pour garantir le financement intégral des revalorisations salariales promises et soutenir durablement les établissements face aux défis démographiques et économiques à venir ?
Par ailleurs, des mesures pérennes doivent être prises pour sécuriser l’avenir des Ehpad et garantir une prise en charge digne de nos aînés. À cet égard, pouvez-vous vous engager sur un calendrier clair de présentation de la loi Grand Âge ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap. Madame la sénatrice Ventalon, vous m’interpellez sur un constat d’urgence face aux difficultés financières que rencontrent les Ehpad.
Comme vous, je suis évidemment consciente des enjeux majeurs que représente le secteur du grand âge.
Vous le savez, une commission dédiée au suivi et à l’examen de la situation financière des structures médico-sociales en difficulté a été mise en place, dans chaque département, avec un soutien exceptionnel de 100 millions d’euros. Deux enveloppes complémentaires de 100 millions d’euros chacune ont ensuite été débloquées en 2024 pour apporter un soutien supplémentaire aux Ehpad en difficulté.
D’autres travaux sur les modalités de financement, l’organisation territoriale ou encore la transformation de l’offre ont également été ouverts. Par exemple, la LFSS pour 2024 a ouvert la possibilité aux départements volontaires d’opter pour la fusion des sections « soins » et « dépendance » des Ehpad, au profit d’un nouveau forfait global.
Tous les acteurs du secteur attendent une simplification du régime actuel. Dans les discussions sur le PLFSS pour 2025, il était prévu qu’une expérimentation soit lancée au sein de 23 premiers départements. Je souhaite que, dès l’adoption du prochain PLFSS, nous puissions enclencher effectivement cette réforme.
En outre, depuis le 1er janvier 2025, les établissements habilités à l’aide sociale à l’hébergement peuvent différencier plus facilement les tarifs « hébergement » opposables aux bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement de ceux appliqués aux non-bénéficiaires de cette aide.
J’en viens à la loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge. Vous le savez, son principe a été posé dans la loi Bien Vieillir. Vous avez raison, ce travail doit évidemment être poursuivi pour préparer l’accélération du vieillissement à partir de 2030.
Le Gouvernement fera face à cet enjeu avec détermination, comme vient de l’indiquer le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.
Mme Anne Ventalon. En effet, les aides versées ont permis de soulager ponctuellement des situations d’urgence financière dans les Ehpad. Cependant, nombre d’établissements sont aujourd’hui au bord de la rupture et ne peuvent plus se contenter de pansements. Cette loi Grand Âge ne doit plus se faire attendre !
assurer la protection des enfants dans le département de la seine-maritime
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 081, adressée à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Marie. Madame la ministre, ma question s’adressait à M. le garde des sceaux, mais j’espère que vous allez pouvoir me répondre.
Elle concerne la situation alarmante de la protection de l’enfance dans le département de la Seine-Maritime. Le manque de moyens entraîne de nombreux dysfonctionnements qui nuisent à l’accompagnement des 7 000 enfants et adolescents censés être placés.
Ces mineurs sont fragiles et ont besoin d’une attention toute particulière de la chaîne de protection, en premier lieu de l’État. Prostitution, fugues, disparitions, violences sont monnaie courante pour ces enfants qui attendent de nous une amélioration de leur situation. Très récemment, nous avons déploré un féminicide sur une adolescente accompagnée par la protection de l’enfance.
Les professionnels tentent tant bien que mal de gérer des situations plus compliquées les unes que les autres, avec des mineurs victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques et qui ont été le plus souvent abandonnés.
Les professionnels de la protection des enfants constatent également une dégradation du système judiciaire et administratif. Les audiences et les rendez-vous de fin de mesure ne sont plus systématiques ; les ordonnances sont envoyées tardivement ; le nombre de mesures judiciaires d’investigation explose et les délais de mise en œuvre s’allongent. C’est tout un système qui dysfonctionne.
La décision prise par le Gouvernement de supprimer 500 postes à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a eu un impact désastreux sur l’accompagnement des mineurs. Les professionnels ne s’en sortent plus !
Madame la ministre, pouvez-vous m’indiquer comment le Gouvernement compte assurer aux acteurs et aux professionnels de la protection de l’enfance en Seine-Maritime les moyens d’exercer leurs fonctions dans de bonnes conditions, afin que les enfants qui ont besoin de ce service public essentiel puissent être accompagnés dignement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap. Monsieur le sénateur, je vais vous faire part de la réponse de M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, qui a pris connaissance de votre question avec attention.
La protection de l’enfance est une politique décentralisée, qui relève de la compétence des départements.
Pour autant, l’autorité judiciaire y joue un rôle central. En effet, à l’encontre du principe de subsidiarité, près de 80 % des mesures de protection des enfants en danger sont judiciarisées. La mise en œuvre et le financement des mesures d’investigation en matière d’assistance éducative sont à la charge de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), qui relève pleinement du ministère de la justice.
Le département de Seine-Maritime comporte trois juridictions pour mineurs : Rouen, Le Havre et Dieppe. On constate bien dans ce département une augmentation du nombre de mesures judiciaires d’investigation éducative (MJIE) prononcées par les magistrats et, incidemment, une aggravation des délais de mise en œuvre de ces mesures.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte plus large d’accentuation des difficultés de mise en œuvre des décisions judiciaires d’assistance éducative relevant de la responsabilité du département.
À ce jour, les unités du service public de la PJJ ne sont pas sous tension. Seul le service du Havre a pu, de manière conjoncturelle, mettre en attente des MJIE pendant quelques semaines en 2024. La saturation du dispositif de prise en charge concerne essentiellement la juridiction de Rouen et le secteur associatif habilité.
Ce constat de dégradation impose que l’on renforce le dialogue entre le département, l’autorité judiciaire et la direction territoriale de la PJJ, pour analyser plus finement les difficultés et identifier les solutions à mettre en œuvre. Le ministre de la justice a demandé à ses services de s’inscrire pleinement et rapidement dans cette démarche.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Madame la ministre, on compte actuellement 600 dossiers en attente de jugement au palais de justice de Rouen, contre 350 en moyenne en France, ce qui est déjà beaucoup. Les dysfonctionnements que nous connaissons ont aussi pour conséquence une perte d’attractivité des associations de la protection de l’enfance, qui peinent à recruter et sont contraintes de réduire la qualité des services qu’elles procurent aux enfants et aux familles.
La protection de l’enfance est certes une responsabilité commune de l’État et des départements, mais nous souhaitons que l’État y prenne pleinement sa place.
lutte contre les occupations illégales de terrains par les gens du voyage
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 246, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Laure Darcos. Monsieur le ministre, je voudrais vous sensibiliser aux occupations illégales de terrains par les gens du voyage.
Dans le département dont je suis élue, l’Essonne, il s’agit d’un problème récurrent qui exaspère tant les élus locaux respectueux de leurs obligations d’accueil que les propriétaires privés.
Les installations illégales sont régulièrement l’occasion de confrontations entre les gens du voyage et les maires ou leurs adjoints, qui tentent de protéger les biens et les terrains de leur commune. Dans le pire des cas, nos élus sont menacés verbalement, voire agressés physiquement, ce qui est intolérable.
Il nous faut agir avec la plus grande fermeté, car nous ne pouvons laisser s’installer l’idée que la puissance publique ne peut rien contre ces incivilités, qui entraînent en outre des préjudices souvent élevés pour les communes et pour les entreprises.
Les vols, les dégradations, les branchements sauvages sur les installations d’eau ou d’électricité, ou encore les pollutions des terrains se produisent de manière constante, et leur coût est supporté par le contribuable local.
En l’état actuel des choses, les élus déplorent surtout les délais trop longs de la réponse judiciaire, alors que les forces de l’ordre sont très souvent à leurs côtés au moment de ces occupations illégales.
Dans ce contexte, il me semble important d’inciter les préfectures à mener une action déterminante et rapide pour mener à bien les procédures administratives forcées.
En outre, il pourrait être opportun d’inciter les parquets à instruire systématiquement les procédures entamées pour installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à autrui, infraction définie à l’article 322-4-1 du code pénal. Ces procédures sont trop souvent classées sans suite.
Le problème étant rappelé, je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître les intentions du Gouvernement et savoir s’il entend prendre les mesures nécessaires, y compris de nature législative, afin de réprimer plus efficacement et plus rapidement les atteintes aux biens et de rendre ainsi au droit de propriété sa pleine valeur constitutionnelle.
Les gens du voyage ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’ensemble des citoyens de notre pays. Le respect des lois est primordial. Il y va de la concorde publique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Laure Darcos, le sujet que vous évoquez est à l’évidence extrêmement important ; le Parlement et singulièrement la Haute Assemblée l’ont déjà abordé de manière récurrente.
Je veux rapidement rappeler le contexte juridique. Le principal texte applicable en la matière est la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui concilie la liberté d’aller et venir des gens du voyage avec le souci des élus locaux de faire respecter les installations, nouvelles ou existantes, mises à leur disposition.
Les dispositions de l’article 9 de ce texte, relatif au stationnement illégal, permettent aux maires ou aux présidents des établissements intercommunaux concernés de demander au préfet du département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. Nous connaissons les principes qui s’appliquent, mais également, malheureusement, leurs limites.
En outre, les actes de destruction, dégradation, ou détérioration des biens appartenant à autrui commis par les gens du voyage peuvent faire l’objet de procédures pénales, dans le cadre du droit commun.
Des actions en responsabilité civile sont également possibles. Mais nous savons tous ici que, au-delà de ces procédures, l’objectif est la non-installation ou, à défaut, le départ immédiat des occupants illégaux.
Il faut sans doute aller plus loin que la législation actuelle, dont l’efficacité insuffisante soulève de très grandes difficultés. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau a annoncé avoir lancé des réflexions pour renforcer, d’une part, l’effectivité des procédures d’évacuation et, d’autre part, le poids des sanctions judiciaires.
De nombreuses alertes parviennent évidemment au ministère de l’intérieur ; votre question est incontestablement l’une d’entre elles. Nous avons donc décidé de mettre en place, dès les prochains jours, un groupe de travail placé sous ma présidence, dont la direction sera confiée au préfet Philippe Alloncle, référent « gens du voyage » au sein du ministère de l’intérieur.
L’objectif est de collationner l’ensemble des difficultés, que l’on connaît assez bien, mais surtout de formuler des propositions qui permettraient d’accélérer les procédures d’expulsion lorsqu’elles doivent être menées rapidement.
Il s’agit en somme de simplifier les choses pour rendre plus tenable la vie de chacun des élus locaux et de nos concitoyens. En effet, comme vous l’avez rappelé à raison, les occupations illégales sont souvent à l’origine de dégradations importantes.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre. Je serai ravie de prendre part à ces réflexions, avec mes collègues élus de l’Essonne, régulièrement confrontés à ces occupations illégales ; nous contribuerons ainsi à combler les trous dans la raquette qui subsistent encore en la matière.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Programme Territoires d’industrie
Débat organisé à la demande de la commission des affaires économiques
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires économiques, relatif au programme Territoires d’industrie.
La parole est tout d’abord aux orateurs de la commission qui a demandé ce débat.
La parole est à M. Franck Montaugé, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Franck Montaugé, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réindustrialisation demeure un objectif essentiel pour la création d’emplois et le recouvrement de notre souveraineté nationale. Aujourd’hui, le niveau de croissance et les plans sociaux nous font craindre un recul important.
C’est dans ce contexte que je m’exprimerai en remplacement de Rémi Cardon, rapporteur de la mission d’information consacrée au programme Territoires d’industrie et membre du groupe SER – je vous prie, à sa demande, de bien vouloir excuser son absence.
Sur le fond – je l’avais d’ailleurs personnellement proposé à la commission des affaires économiques il y a quelques années –, je me réjouis que le Sénat s’engage de la sorte dans des contrôles sur le terrain de l’efficacité de nos politiques publiques.
Le programme Territoires d’industrie couvre aujourd’hui environ la moitié des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Sa logique de carte blanche aux territoires, fondée sur un pilotage local assuré par un binôme élu-industriel, est pertinente. De fait, elle a su séduire les territoires qui s’y sont engagés, puisque 85 % de ceux qui avaient été retenus en 2018 ont de nouveau fait acte de candidature en 2023.
Pour autant, les évaluations macroéconomiques montrent que les effets du programme sur l’activité industrielle sont mitigés. Nous ne vous en ferons pas grief, monsieur le ministre, et je salue les travaux menés par M. Gueusquin, que j’ai pu apprécier dans le Gers.
Ce que nous pouvons en revanche regretter, c’est que vous ayez reconduit le programme en 2023 sans qu’il ait fait l’objet d’une évaluation sérieuse.
La Cour des comptes a d’ailleurs publié, à l’automne dernier, un avis sévère sur la conduite du programme, estimant que le bilan publié par le Gouvernement, qui évoquait triomphalement plusieurs dizaines de milliers d’emplois créés, relevait « uniquement de la communication ».
Si cette évaluation avait été faite, on aurait constaté que les effets macroéconomiques ne sont pas partout au rendez-vous.
Les territoires labellisés devaient notamment bénéficier d’un accès privilégié aux outils de droit commun déployés par les opérateurs partenaires, par exemple les accélérateurs de Bpifrance. Or cette priorisation n’a pas eu lieu.
Nous, parlementaires, avons mené à bien une première évaluation qualitative et territorialisée du programme, avec les outils et les moyens dont nous disposions. Mais il est désormais absolument nécessaire d’intégrer les périmètres des territoires d’industrie dans des outils de suivi plus robustes, afin de disposer de données fiables permettant d’évaluer en profondeur cette politique publique ô combien nécessaire et justifiée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, au nom de la commission des affaires économiques.
Mme Martine Berthet, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les évaluations qui viennent d’être évoquées doivent également permettre – c’est le point clé de notre rapport – de mieux adapter l’offre de services aux besoins des territoires d’industrie.
Non seulement l’accès prioritaire desdits territoires aux programmes de droit commun doit devenir effectif, mais il faut aller plus loin : les opérateurs de l’État doivent élaborer un panier de services spécifiquement conçu pour répondre aux problématiques concrètes identifiées à l’échelle locale dans les territoires d’industrie.
En effet, nous avons constaté, lors de nos déplacements, que les priorités du programme telles qu’identifiées au niveau national, en matière d’attractivité notamment, ne recouvrent pas complètement les problématiques évoquées sur le terrain : si l’accès au foncier industriel est crucial, il ne fait pas tout. Créer des logements adaptés aux contraintes des alternants et des jeunes actifs, développer des offres de mobilité, monter des programmes de formation loin des métropoles, tout cela nécessite souvent des solutions sur mesure, qui n’existent pas aujourd’hui.
Nous avons aussi constaté que si, à l’échelle nationale, la problématique du développement des compétences nécessaires au secteur industriel est bien identifiée et la coopération entre les différents ministères compétents bien engagée, dans le cadre du programme Territoires d’industrie, en revanche, la collaboration est beaucoup plus ténue : ni le ministère de l’éducation nationale, ni celui de l’enseignement supérieur, ni celui du travail ne sont officiellement parties prenantes au programme.
Cela se ressent au niveau local, où les actions en faveur de la formation ou de l’accès à l’emploi mobilisent assez peu les rectorats, les universités, les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) ou encore les bureaux de France Travail.
Il nous semble donc indispensable qu’un dialogue structuré entre les ministères de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et du travail soit formalisé au niveau national, afin que ces derniers, à leur tour, mobilisent leurs troupes dans les territoires.
Enfin, je reviendrai un instant sur le foncier : à Chalon-sur-Saône, nous avons constaté le succès du réaménagement de l’ancienne friche Kodak, sur 12 000 mètres carrés ; mais ces très grands sites « clés en main » ne sont pas adaptés aux petites entreprises. Aussi est-il indispensable d’aider également les collectivités qui s’engagent dans l’aménagement de foncier industriel à une plus petite échelle, via une ligne budgétaire dédiée en dehors du fonds vert, lequel est devenu un fourre-tout autant qu’une peau de chagrin.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission des affaires économiques.
Mme Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’avez compris, les territoires d’industrie ont, selon nous, des atouts bien réels, mais il faut du temps pour créer de la confiance et donner leur pleine puissance aux synergies territoriales de développement industriel que le programme cherche à stimuler.
Ayant étudié les dynamiques de coopération engagées grâce à la gouvernance bicéphale et à l’implication des élus, des industriels, des préfets et des opérateurs de l’État, nous observons que, dans la majorité des cas, elles prospèrent et renforcent la compétitivité, la capacité d’adaptation et la réactivité aux marchés de ces territoires, autant de ressorts nécessaires pour relever les défis des environnements économiques changeants d’aujourd’hui.
Le programme Territoires d’industrie nous apparaît désormais mûr pour franchir une nouvelle étape vers une dimension plus articulée avec la stratégie nationale de politique industrielle, ce qui servirait mieux l’objectif stratégique de réindustrialisation.
Nous pensons donc que ce programme doit être pérennisé. Il est peu coûteux pour les finances publiques – quelques millions d’euros seulement. Il ne remet donc pas en cause l’objectif actuel d’économie.
Nous recommandons d’y intégrer, à enveloppe constante, le financement de campagnes de détection de projets industriels, celles-ci ayant démontré leur efficacité en matière d’impulsion de nouveaux projets.
Nous soulignons l’intérêt d’impliquer l’ensemble des acteurs déterminants des territoires, notamment les régions, cheffes de file du développement économique, dont certaines regardent le programme avec circonspection, ou encore les chambres de commerce et d’industrie qui, par leur connaissance du tissu économique local, surtout dans les territoires ruraux, sont en mesure de booster le dispositif en accompagnant les industriels dans la recherche d’aides publiques, tant au niveau local qu’à l’échelle européenne. Nous sommes convaincus que les chambres de commerce et d’industrie ont vocation à être acteurs de ce dispositif.
Sur le modèle des « districts » italiens, qui ont inspiré le programme, nous préconisons d’accompagner la structuration de filières locales, car c’est selon nous le gage de la solidité et de l’efficacité du territoire d’industrie. Observant le modèle italien, nous mesurons combien il permet l’organisation de filières territoriales, qui sont devenues un puissant levier de compétitivité permettant de gagner des parts de marché à l’export. Avec un PIB inférieur d’un tiers à celui de la France, l’Italie exporte aujourd’hui plus de biens que la France !
Le territoire d’industrie idéal, c’est donc celui qui réussit à mettre en valeur des stratégies de filières territoriales portées par des acteurs locaux soutenus régionalement, tant publics que privés, et venant conforter une ambition de réindustrialisation nationale.
Les plus-values attendues sont des créations d’emplois et de richesse économique, mais aussi et surtout, monsieur le ministre, une cohésion territoriale propice à l’adaptation et à la résilience face à la concurrence internationale.
Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes lignes de ce rapport que nous vous invitons à lire de façon plus complète. Il exprime – Franck Montaugé l’a rappelé – la volonté du Sénat de conduire l’évaluation des politiques publiques au plus près des réalités de nos territoires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ambition du Gouvernement, portée par le Premier ministre, le ministre de l’économie Éric Lombard et moi-même, est d’accélérer la réindustrialisation de la France.
Je considère le ministère dont j’ai l’honneur d’assumer la charge comme un ministère de combat. Ce combat, c’est celui de la reconquête industrielle de nos territoires : un combat pour plus de prospérité, plus de souveraineté, mais aussi plus de cohésion dans nos territoires ; un combat pour faire de nos territoires, en Hexagone comme en outre-mer, des « territoires d’industrie ».
Je suis extrêmement heureux d’échanger ce soir avec vous au sujet du programme Territoires d’industrie à l’occasion de la publication du rapport d’information des sénatrices Martine Berthet et Anne-Catherine Loisier et du sénateur Rémi Cardon, que je tiens à remercier chaleureusement pour leur travail, lequel nous permettra – je l’espère – d’améliorer le fonctionnement de ce programme.
Celui-ci s’inscrit dans la stratégie globale du Gouvernement en faveur de la réindustrialisation. Il est porté en commun par le ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation et par le ministère de l’industrie ; en effet, il incarne véritablement le volet territorial de la politique industrielle.
Le Sénat est historiquement la chambre des territoires, et je connais l’engagement de chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, en faveur de la reconquête industrielle par et pour les territoires. Je salue la contribution essentielle de votre commission des affaires économiques au programme Territoires d’Industrie, à son ambition et à son financement. Je sais ce que nous vous devons !
Le rapport qui nous réunit est particulièrement riche en recommandations. Si son bilan est globalement très positif, le programme Territoires d’industrie n’est pas pour autant parfait ni achevé. Et mon souhait est d’échanger avec vous aujourd’hui sur les pistes d’amélioration que vous avez tracées afin que nous construisions ensemble des solutions.
Le rapport préconise premièrement de pérenniser le programme au travers de plusieurs actions.
D’abord, il serait recentré sur les « territoires porteurs de véritables projets industriels ».
Sur ce point, je rappelle que la sélection des 183 territoires d’industrie s’est faite sur la base de critères objectifs et exigeants. Tous les territoires labellisés sont porteurs d’initiatives et de potentiel. L’expérience montre qu’il n’y a pas de fatalité industrielle pour nos territoires. Sur 183 territoires d’industrie, 150 étaient en déclin industriel entre 2007 et 2020, mais 110 de ces 150 territoires ont réussi à recréer des emplois depuis 2020. Ces résultats montrent que la réindustrialisation est possible dans tous les territoires.
Vous proposez ensuite de renforcer le volet « attractivité » du programme.
L’industrie nécessite, il est vrai, un écosystème complet, avec des infrastructures adaptées, des compétences disponibles et du foncier, sans oublier une offre suffisante d’hébergement.
Vous soulignez particulièrement l’enjeu de la formation et du développement des compétences, un thème qui m’est cher et qui est crucial pour l’industrie, 70 000 postes y étant encore vacants. L’industrie a le potentiel d’attirer tous les talents et de les valoriser ; je pense bien sûr aux jeunes, mais aussi aux femmes, qui ne représentent aujourd’hui que 28 % des salariés du secteur. Sur ce chantier des compétences, je souhaite, avec mes collègues du Gouvernement, réaliser le dernier kilomètre des réformes de la formation professionnelle et de l’apprentissage mises en œuvre ces dernières années.
Certains territoires d’industrie sont particulièrement actifs et innovants en matière de formation et de compétences ; je pense au territoire Lacq-Pau-Tarbes, qui est aujourd’hui l’un des fers de lance de la réindustrialisation dans l’aéronautique et dans les technologies vertes. Nous devons nous inspirer de ces réussites.
Je partage aussi votre ambition en matière de simplification. Tel est l’objectif du dispositif « sites clés en main » : proposer aux investisseurs, via un accompagnement sur mesure, des sites industriels prêts à l’emploi. Un exemple : le territoire du Grand Chalon, où, après la fermeture du site Kodak, la requalification des friches a permis de nouvelles implantations industrielles.
Mais, en matière de simplification, nous devons aller encore plus loin. Aucun projet industriel ne doit être inutilement freiné par des normes ! C’est là l’une des conditions de la réindustrialisation de notre pays.
Le gouvernement de Michel Barnier avait pris une initiative forte en la matière à la fin de 2024 : il avait décidé d’exempter les projets industriels du dispositif ZAN (zéro artificialisation nette) et du champ d’intervention de la CNDP, la Commission nationale du débat public.
Je sais que cette question est particulièrement chère à un grand nombre d’entre vous ; je rencontrerai prochainement les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier pour échanger sur ce sujet.
J’en viens à présent au deuxième axe des recommandations du rapport, qui concerne la gouvernance et le financement.
Vous le savez, le programme Territoires d’industrie repose sur un modèle souple et partenarial. Il associe à l’échelon local l’ensemble des parties prenantes, publiques et privées, autour de binômes composés d’un élu et d’un industriel.
Les acteurs du territoire s’organisent autour d’un projet et c’est ce projet qui compte, non les structures. Avec ce programme – c’est là l’une de ses forces –, on ne crée aucune nouvelle strate : les acteurs sont libres d’expérimenter, d’innover et de mettre en place leur propre modèle d’organisation.
Lors de la deuxième phase du programme, l’accompagnement opérationnel a été renforcé via la généralisation des postes de chef de projet dans tous les territoires. À ce jour, 153 chefs de projet, sur 183 postes à pourvoir, ont déjà été recrutés.
Vous préconisez ensuite de pérenniser le financement du programme. Comme vous, je souhaite que ce programme soit suffisamment armé – nous aurons l’occasion d’approfondir ce sujet au cours du débat interactif.
Cela étant, vous le savez, le contexte budgétaire est très contraint, mais nous allons nous battre. Je sais pouvoir compter sur votre soutien, lors du prochain débat budgétaire, pour consolider ce programme.
J’insiste sur le fait que les financements mobilisés sont ciblés et qu’ils donnent des résultats. L’aide financière accordée aux 162 projets soutenus via le fonds vert a engendré 780 millions d’euros d’investissements et permis la création de 2 600 emplois. Ainsi, 1 euro d’investissement public a généré 12 euros d’investissements privés. En moyenne, un emploi a été créé pour 22 500 euros d’argent public investi. Pour qui connaît les politiques actives de l’emploi, voilà un ratio très satisfaisant.
Les auteurs du rapport préconisent, troisièmement, « de mieux s’adapter aux spécificités et aux besoins des territoires ».
La capacité d’adaptation est la force du programme Territoires d’industrie. L’ingénierie joue un rôle clé pour accompagner chaque territoire en tenant compte de ses spécificités et de ses problématiques. La phase II du programme renforce cet axe via une offre de services dédiée.
Vous préconisez de prioriser l’accès des territoires d’industrie aux dispositifs de droit commun, afin d’accroître l’effet de levier. Je m’engage à étudier cette proposition avec mes équipes, afin de voir comment les opérateurs peuvent être davantage sensibilisés aux projets et aux problématiques des territoires d’industrie.
Par ailleurs, plusieurs de vos recommandations sur le suivi et l’évaluation sont en cours de mise en œuvre. À cet égard, je souhaite que nous allions le plus loin possible. Vous le savez, je suis particulièrement attaché à l’enjeu de l’évaluation, qu’il s’agisse des politiques publiques, du financement ou des normes.
Enfin, quatrième axe, vous recommandez de « s’appuyer sur les retours d’expérience pour mieux calibrer les politiques industrielles ».
Le programme a suscité de nombreuses actions, qui ont ensuite été répliquées. Je pense aux missions « Rebond », véritables missions commandos spécifiques aux territoires en difficulté, qui combinent soutien en ingénierie et soutien financier. Autre exemple, le programme a mis un coup de projecteur sur le modèle original des « écoles de production », sorte de troisième voie entre les centres de formation d’apprentis et les lycées professionnels.
Vous l’aurez compris, je partage votre souhait que les territoires d’industrie nourrissent notre politique industrielle, s’agissant encore et toujours de faciliter et de simplifier la mise en œuvre des projets industriels en levant tous les freins.
Le programme Territoires d’industrie est un dispositif original, efficace et à présent éprouvé. Sa première phase a permis de confirmer l’intérêt d’une démarche partenariale, associant les acteurs locaux autour d’un projet industriel de territoire. Les retours du terrain ont permis un certain nombre d’adaptations et votre rapport, mesdames, messieurs les sénateurs, doit conduire à de nouvelles améliorations ; l’industrie et nos territoires en ont besoin.
« L’œuvre accomplie est œuvre à faire », écrivait Paul Éluard ; mon collègue François Rebsamen et moi-même avons encore beaucoup à faire. Dans ce combat, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur votre soutien et sur votre engagement.
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre, le rapport relatif au programme Territoires d’industrie, réalisé dans le cadre du premier contrôle sénatorial de proximité, contient différentes recommandations visant à accroître l’efficacité de ce dispositif afin de véritablement réindustrialiser notre pays : priorisation des territoires présentant déjà un terreau favorable et de ceux ayant mis en œuvre une stratégie partagée ; évaluation globale et mise en place d’indicateurs.
La réindustrialisation de notre pays est une absolue nécessité pour réarmer notre économie, renforcer notre souveraineté et redynamiser l’emploi dans nos territoires. C’est parce qu’ils ont su conserver une industrie vivace dans leurs territoires que l’Allemagne, l’Italie ou la Suisse ont des taux d’emploi industriel plus élevés que le nôtre.
J’appelle votre attention sur deux points particulièrement intéressants pour notre politique industrielle et pour le développement de l’emploi dans nos territoires : le logement et le transport des salariés.
Notre pays se singularise en effet par un manque de mobilité professionnelle. Lorsqu’un bassin d’emploi se tarit au profit d’un autre, les travailleurs, notamment industriels, ont du mal à suivre l’emploi tant ils sont captifs, malgré eux, des logements et des transports.
Dans notre pays, déménager a un coût exorbitant, surtout pour ceux qui sont propriétaires de leur logement, soit 57 % des ménages. Les causes, nous les connaissons : manque de construction de logements et très forte fiscalité, pour ce qui est notamment des cessions.
Pourtant, les entreprises paient le plus souvent le versement mobilité, qui doit servir au transport de leurs salariés, et participent à l’effort de construction, via le fameux 1 % logement, pour pourvoir à leur logement.
Je pense comme vous, monsieur le ministre, que la désindustrialisation n’est pas une fatalité. Que préconise le Gouvernement pour accroître l’offre de logements abordables disponibles autour des territoires d’industrie, en plus des opérations déjà menées par Action Logement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Je partage évidemment votre point de vue, monsieur le sénateur. Pour se développer, l’industrie a besoin d’un écosystème complet, incluant les infrastructures, notamment de transport, le logement, mais également le foncier, les compétences et les services. L’enjeu est celui du désenclavement des territoires – je pense en particulier à tout ce qui touche à la mobilité.
Il importe évidemment de proposer aux salariés des logements accessibles, à tous niveaux de qualification et de revenu. Il est vrai que ce problème n’a pas été pris en compte durant la phase I du programme Territoires d’industrie. Il a depuis été identifié comme un axe d’amélioration du programme ; c’est la raison pour laquelle Action Logement fait désormais partie, depuis la fin de l’année 2023 pour être tout à fait précis, des partenaires du programme. En 2024, un premier bilan peut être tiré : vingt-cinq territoires d’industrie ont inclus Action Logement dans leur plan d’action local.
Nous devons aujourd’hui aller plus loin, en nous fondant sur les retours d’expérience, et penser de manière systématique l’intégration du projet industriel et du logement. Lorsque je visite des territoires, on me signale des projets industriels entravés, suspendus ou reportés, précisément parce que les conditions de logement des salariés ne sont pas réunies.
Je pense que nous avons besoin, pour résoudre ce problème, d’une approche encore plus territorialisée. Nous pouvons utilement, à cette fin, nous appuyer sur la nouvelle gouvernance de France Travail, qui mêle un certain nombre d’acteurs, dont ceux du logement, afin que l’ensemble des moyens et des initiatives puissent faire masse.
Quant aux problématiques de mobilité, elles sont traitées ponctuellement dans les territoires d’industrie en fonction des besoins locaux. Elles sont également prises en compte, vous le savez, dans d’autres programmes conduits par l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, comme Action cœur de ville ou Petites Villes de demain, le tout en concertation avec les territoires d’industrie.
Nous avons besoin de coordination, nous avons besoin de faire masse – j’y insiste. Je m’engage ici à continuer à travailler sur ces sujets, comme je l’ai dit précédemment, avec mon collègue François Rebsamen.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le ministre, la désindustrialisation de ces dernières années, portée par le mythe d’un pays qui pourrait prospérer sans usine, sans production et sans ouvriers, a fragilisé nos territoires, accru notre dépendance aux importations et obéré notre souveraineté économique.
Lancé en 2018, le programme Territoires d’industrie va dans le bon sens en coordonnant l’action de binômes élu-industriel, sous le pilotage de l’État et de la région, afin de réindustrialiser au plus près de chaque bassin d’emploi. S’il donne déjà des résultats positifs, notamment dans l’intercommunalité Boucle Nord de Seine, dans les Hauts-de-Seine et le Val-d’Oise – je connais bien ce territoire –, certains freins demeurent.
Pour les lever pleinement, le programme Territoires d’industrie doit monter en puissance en portant une attention particulière à la formation et à l’adaptation des compétences au projet ; ainsi nous donnerons-nous les moyens de répondre efficacement aux mutations en cours. En effet, les industriels se heurtent aujourd’hui à des difficultés croissantes pour recruter et cette situation devrait s’aggraver d’ici à 2030.
Pourtant, les études révèlent que la disponibilité des compétences est un critère déterminant pour décider des implantations industrielles. C’est pourquoi il faut réinvestir massivement dans une culture scientifique et technique en améliorant le niveau en mathématiques, indispensable à la formation des ingénieurs et des techniciens. Or les résultats des élèves français dans cette discipline sont préoccupants. Il faut aussi améliorer la féminisation des métiers de l’industrie.
Il est urgent également de redonner leurs lettres de noblesse aux métiers industriels, souvent mieux rémunérés, en renforçant des initiatives comme la Semaine de l’industrie. Celle-ci doit être mieux intégrée dans la scolarité, dans toutes les filières, grâce à une mobilisation accrue des enseignants et à des campagnes nationales plus efficaces.
Soulignons enfin le rôle essentiel de l’alternance, mais aussi des écoles de production, que vous avez citées, monsieur le ministre, dans l’écosystème des territoires d’industrie. Toutefois, pour des raisons financières, leur pérennité reste fragile. Or renforcer ces structures est primordial pour préserver notre compétitivité industrielle.
Aussi, monsieur le ministre, quelle est votre feuille de route pour faciliter l’émergence d’un capital et de ressources humaines qualifiées, indispensables à la réussite de chaque territoire d’industrie ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice, mais aussi de votre engagement, que je connais, dans votre territoire d’industrie, Boucle Nord de Seine.
Je partage le constat que vous faites quant au manque d’attractivité des métiers de l’industrie. Il existe des tensions de recrutement, je les ai évoquées dans mon propos liminaire. Nous devons aujourd’hui accroître l’attractivité initiale de ces métiers, mais aussi résoudre le problème de l’« évaporation », soit le fait, pour des jeunes formés aux métiers de l’industrie, d’exercer leur premier métier dans des filières autres que les filières industrielles.
Aujourd’hui, je l’ai dit, 70 000 emplois sont non pourvus dans l’industrie ; un recrutement sur deux est jugé difficile et 69 % des jeunes diplômés considèrent l’industrie comme un secteur peu ou pas attractif.
Il nous faut changer les représentations des jeunes, en particulier des jeunes femmes. On ne compte en effet que 28 % de jeunes femmes dans l’industrie, c’est trop peu. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec mon homologue du Kazakhstan, pays dans lequel la proportion des femmes dans l’industrie est de 47 %. C’est dire combien nous avons encore des progrès à faire !
La réponse consiste à s’attaquer aux stéréotypes et à faire aimer l’industrie en montrant ce qu’elle est aujourd’hui. Lorsqu’on visite des sites industriels, on voit que les conditions de travail ont changé. Les métiers de ce secteur ont du sens et offrent des opportunités d’évolution professionnelle, mais également de bons salaires.
En matière de féminisation, la situation évolue. À cet égard, je tiens à souligner le rôle des collectifs, comme le collectif Industri’Elles. J’essaie, avec la direction générale des entreprises, de les accompagner et de leur apporter le maximum de soutien afin qu’ils puissent poursuivre leurs actions.
Il convient de lutter contre le phénomène d’évaporation et, à cette fin, de faire en sorte que l’obtention d’un diplôme industriel ou scientifique se traduise par un premier métier dans la filière ; de réaliser le dernier kilomètre des réformes du lycée professionnel en faisant évoluer la carte des formations vers davantage de sections industrielles – c’est là aussi un axe extrêmement important ; de s’appuyer, enfin, sur des filières innovantes comme le nucléaire pour créer non pas une mode, mais une appétence, en tout cas un intérêt.
Pour conclure, je vous informe, si vous ne le savez pas déjà, que l’inspection générale des finances vient de lancer une mission sur la présence des filles dans les filières scientifiques et industrielles.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, lancé en 2018, le programme Territoires d’industrie a enfin permis de redonner un souffle à l’industrie dans notre pays, après des décennies de déclin industriel et de fermetures d’usines.
Disons les faits tels qu’ils sont : de 1970 à 2010, la désindustrialisation a frappé dans toutes les économies développées, mais elle a été particulièrement sévère en France. Entre 1995 et 2017, la part de l’industrie dans notre économie est passée de 17 % à 11 % du PIB.
Mais l’industrie n’est pas qu’une affaire de chiffres. Elle est au cœur de la prospérité de nos territoires, face aux multiples défis liés à l’environnement et à notre souveraineté. Depuis 2017, sous l’impulsion du Président de la République et des gouvernements successifs, une dynamique encourageante se dessine. Ainsi, 130 000 emplois ont été créés dans l’industrie, dont 28 000 pour la seule année 2023 ; au cours de la période 2016-2023, plus de 500 usines supplémentaires ont été installées sur notre territoire ; 201 nouveaux sites industriels ont été ouverts ou agrandis rien que l’année dernière. Le programme Territoires d’industrie y est pour beaucoup. Je tiens ici à saluer ces résultats.
Depuis 2018, près de 2 000 projets ont été accompagnés. Pas moins de 183 territoires d’industrie ont été labellisés pour la période 2023-2027, ce qui a permis de mettre l’accent sur la notion essentielle de territoire. Implanter une usine, c’est bien plus qu’un acte économique : c’est donner de la vitalité à un territoire, c’est renforcer son attractivité en créant une dynamique.
Pourtant, mes chers collègues, tout n’est pas simple. Je pense notamment à la contrainte que représente le zéro artificialisation nette. (M. Yannick Jadot s’agace.) Bien sûr, personne ne remet en cause la nécessité de préserver nos espaces naturels,…
Mme Antoinette Guhl. Ah bon ?
M. Bernard Buis. … mais comment concilier enjeux fonciers, construction de nouvelles usines et réindustrialisation ?
Enfin, si ce programme est une réussite, c’est aussi grâce à l’implication dans la gouvernance du binôme local composé d’un élu et d’un industriel.
Monsieur le ministre, comment cette collaboration a-t-elle transformé les relations entre acteurs publics et privés dans les territoires concernés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le ZAN, dont j’ai parlé de manière très brève dans mon propos liminaire. Si nous voulons réindustrialiser, il faut bel et bien trouver un équilibre entre l’objectif, que nous partageons, de limiter l’artificialisation des sols et les contraintes liées au développement industriel et à la nécessité de faire émerger des projets.
La loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, fixait un objectif de zéro artificialisation nette à l’horizon 2050. Cette loi impose, il faut bien le dire, des contraintes fortes en matière d’aménagement à l’échelon local et conduit les élus, je le sais, à des choix difficiles concernant l’industrie et le logement. Or, nous l’avons dit, il faut pouvoir développer les deux en parallèle.
L’industrie représente seulement 5 % du foncier total, mais les règles du ZAN, on le sait, fragilisent l’émergence d’un certain nombre de projets. On m’a informé dans différents départements de projets entravés, voire empêchés, par les contraintes du ZAN.
On ne peut pas garantir aux investisseurs industriels que la France pourra accueillir de grands ou de petits projets industriels si l’on ne réfléchit pas à un assouplissement de ces contraintes. C’est la raison pour laquelle, afin de concilier la sobriété foncière et le développement économique, le gouvernement de Michel Barnier a pris l’initiative d’exempter les projets industriels du ZAN pendant une période d’évaluation et d’expérimentation de cinq ans, au terme de laquelle l’activation d’une clause de revoyure est prévue.
Une modification législative est nécessaire pour cela. Je pose ici des jalons pour les prochaines semaines ou les prochains mois : nous pourrions nous appuyer sur le projet de loi de simplification de la vie économique ou sur la proposition de loi des sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier, dont l’examen est prévu en mars. Je souhaite que nous puissions aller vite sur ce sujet de la simplification du ZAN, au profit de nos industriels.
MM. Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet.
M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre, je ne sais si, en matière de développement industriel, on enseigne à HEC ou sur les bancs de Sciences Po ce que me disait mon grand-père : on ne fait pas pousser les carottes en tirant sur les feuilles ! (Sourires.) À méditer…
Si, dans son évaluation du programme Territoires d’industrie, la Cour des comptes note un renforcement de la coopération et une meilleure mobilisation des acteurs locaux, elle souligne également l’échec de l’État, de ses opérateurs et des régions à prioriser et à coordonner leurs moyens et leurs interventions dans les territoires labellisés.
Le manque de direction claire et les errements persistants en matière de pilotage et de coordination sont révélateurs de l’absence d’une vision globale adaptée aux spécificités de chaque territoire.
En réalité, monsieur le ministre, pour faire pousser des carottes, il faut avant tout un terreau fertile. Nos industries ont besoin, pour s’épanouir, d’un ensemble de politiques publiques coordonnées à l’échelon local : recherche, innovation, enseignement supérieur, formation, logement, transport, accompagnement financier, urbanisme, politique foncière.
Dès lors, nous ne pouvons nous satisfaire des discours incantatoires de vos prédécesseurs : nous avons besoin de preuves. Qu’envisagez-vous concrètement pour remédier aux dysfonctionnements observés par la Cour des comptes ? Comment, dans cette situation politique instable, comptez-vous donner à nos entreprises la capacité de se projeter dans le temps long ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, la recherche d’efficacité doit être au cœur de nos préoccupations et de toutes les politiques publiques. C’est la raison pour laquelle j’ai prêté une grande attention au rapport de la commission des affaires économiques, ainsi qu’à celui de la Cour des comptes.
Un certain nombre d’actions ont d’ores et déjà été mises en œuvre pour accroître l’efficacité du dispositif, il faut le souligner. Un surcroît d’ingénierie est ainsi prévu, conformément aux remontées du terrain, ce qui devrait nous permettre d’améliorer l’efficacité du programme. Nous avons en particulier recruté davantage de chefs de projet et instauré le principe d’une coordination régionale entre Régions de France et l’ensemble des acteurs concernés au niveau du territoire d’industrie. Il s’agit là d’une avancée concrète.
J’ai évoqué précédemment la nécessité de mieux articuler le programme aux différents niveaux de gouvernance de France Travail et de prendre en compte l’ensemble des enjeux associés.
Nous avons également besoin, comme cela est indiqué dans le rapport, d’assurer un meilleur suivi et de collecter davantage de données. On ne saurait améliorer l’efficacité du programme si l’on ne collecte pas plus de données sur les actions qui sont réalisées et sur leurs effets. Je souhaite donc que la collecte de telles données soit accélérée et que l’articulation entre les différents systèmes d’information soit améliorée, afin que nous puissions faire des bilans de ce programme qui soient actualisés de manière plus fréquente, par exemple tous les six mois.
Enfin, la recherche de l’efficacité du programme, que vous appelez de vos vœux et que je souhaite également, suppose de s’interroger sur la refonte des périmètres et sur le ciblage des territoires concernés. Concrètement, le passage du temps I au temps II a conduit à une meilleure prise en compte d’un certain nombre de critères. En particulier, les territoires sont sélectionnés en fonction du caractère opérationnel des projets ; j’espère que cette dimension sera encore mieux prise en compte à l’avenir.
Je partage votre point de vue, monsieur le sénateur, quant à la nécessité d’une approche interministérielle. J’aurai, je l’espère, l’occasion de faire part au Sénat et à sa commission des affaires économiques d’éléments plus globaux de la feuille de route de mon ministère.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour la réplique.
M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre, permettez-moi d’évoquer deux territoires d’industrie où le Gouvernement, non pas l’État, aurait pu ou pourrait agir directement.
Il pourrait revenir, premièrement, sur la décision du précédent gouvernement d’abandonner, à Cordemais, un magnifique projet industriel, novateur en matière de transition énergétique.
Deuxièmement, pour ce qui est de ma ville, il pourrait décider de ne pas reporter indéfiniment la signature de la commande d’un porte-avions.
L’État, quand il est directement impliqué, peut mettre à mal de grandes entreprises et leurs sous-traitants en reportant des commandes de cette nature.
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Monsieur le ministre, le programme Territoires d’industrie, qui est peu coûteux, comme l’a souligné la Cour des comptes, produit incontestablement des effets dans les petites et moyennes villes françaises.
La coopération et la mobilisation des acteurs locaux, aux côtés des opérateurs de l’État, contribuent à une dynamique de réindustrialisation de nos territoires. Dans ce type de programme, l’enjeu est de définir le juste niveau d’intervention. Nous sommes convaincus qu’associer les élus locaux et les industriels dans une gouvernance publique-privée est une stratégie vertueuse permettant de poser des fondations solides.
Des entreprises se réinstallent, des emplois se maintiennent et se créent et des collectivités retrouvent une dynamique économique. Oui, l’ambition et la volonté sont présentes : voilà une première victoire.
Il convient à présent d’aller plus loin, en évaluant le dispositif et en priorisant, les territoires d’industrie ne bénéficiant pas tous d’une mobilisation des acteurs et d’une coordination régionale égales. Il faut évaluer pour ne pas saupoudrer et pour capitaliser sur les écosystèmes économiques efficients.
Il faut aller plus loin également en simplifiant, car il faut bien reconnaître que la complexité du dispositif nuit à son efficacité. Les entreprises et les élus locaux peinent à se frayer un chemin dans une forêt de dispositifs d’aide, ceux-ci chevauchant parfois de nombreux guichets. De ce fait, les démarches administratives et les délais s’en trouvent multipliés.
Monsieur le ministre, au moment où l’Europe et le monde s’engagent dans une compétition industrielle féroce, quelles mesures concrètes proposez-vous s’agissant de ne pas nous laisser étouffer par la lourdeur de nos procédures administratives ? Quelle synergie, quels rapprochements entre opérateurs, quelle simplification générale pourraient être institués dans le cadre de la reconduction de ce programme, l’enjeu étant de faire des territoires d’industrie de véritables moteurs de notre souveraineté économique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, la simplification est un rocher de Sisyphe qui a mobilisé beaucoup de gouvernements, d’administrations et d’élus depuis déjà bien des années.
Vous attirez notre attention sur la question de la coordination entre les opérateurs, qui peut être source de complexité et de difficultés pour les acteurs du programme, j’en conviens. Six opérateurs sont partenaires du programme : la Banque des territoires, Bpifrance, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Business France, France Travail et Action Logement, autour desquels s’articulent Intercommunalités de France, Régions de France et France Industrie.
En matière de coordination, il me semble que nous avons fait des progrès. L’implication des opérateurs durant le temps I du programme a été relativement hétérogène, selon les remontées du terrain, confirmées par un certain nombre d’élus. Plusieurs actions correctives seront mises en œuvre à cet égard au cours du temps II.
D’abord, je l’ai dit, les données et les plans d’action seront partagés avec les opérateurs. Un travail un peu plus coopératif sera ensuite réalisé, sous la forme de webinaires thématiques, pour faciliter la diffusion des offres de services des divers opérateurs et ainsi lever les freins qui entravent l’accès à certaines ressources et à différentes dimensions du programme.
Sur ce sujet, je vous renvoie à un certain nombre de pistes, que je ne vais pas développer, figurant dans le rapport sur la simplification. J’espère que nous aurons l’occasion de travailler ensemble à ce propos et de concrétiser ces pistes.
En matière de simplification, plus globalement, nous avons besoin de mesures fortes, qui s’attachent, et même s’attaquent, aux normes françaises comme européennes. Nous avons transposé de manière plus que zélée, pour ne pas dire surtransposé, un certain nombre de directives européennes ; ces surtranspositions pénalisent nos industriels. En ce domaine, une évaluation est indispensable – j’aurai l’occasion d’y revenir dans mes propos ultérieurs.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Bonduelle : 159 emplois supprimés ; Renault Alpine : 350 emplois menacés ; Fonderie de Bretagne : 500 emplois menacés ; Valéo : 868 emplois menacés ; MA France : 400 emplois supprimés ; Impériales Wheels : 176 emplois supprimés ; Continental Automotive France : 240 emplois supprimés ; Stellantis : 500 emplois supprimés, 600 menacés ; IBM France : 206 emplois supprimés ; Air Liquide : 479 emplois supprimés, 500 menacés ; ExxonMobil : 677 emplois supprimés ; Thales Aliena Space : 980 emplois supprimés ; Sanofi : 300 emplois supprimés ; Vencorex : 500 emplois menacés ; General Electric : 484 emplois supprimés ; Dumarey : 500 emplois menacés ; Clestra Metal : 125 emplois menacés ; Mahle Behr : 135 emplois supprimés ; Yara : 139 emplois supprimés ; Yves Rocher : 460 emplois supprimés ; Michelin : 1 250 emplois menacés.
Si je cite tous ces chiffres, monsieur le ministre, c’est pour trois raisons.
Premièrement, depuis sa nomination, le Premier ministre n’a pas eu un mot pour les hommes et les femmes qui sont en train de perdre leur emploi ou dont l’emploi est menacé ; pas un mot non plus pour eux en une heure et demie de déclaration de politique générale ; pas un mot pour ces hommes et ces femmes grâce à qui, pourtant, notre industrie tourne.
La deuxième raison, c’est le décalage entre votre communication ou celle des gouvernements depuis sept ans – c’est toujours la même ! – et la réalité. « Tant d’emplois créés ! », claironne-t-on à chaque édition de Choose France ou de je ne sais quel événement de ce type… En réalité, pour un emploi créé, il y a deux emplois supprimés dans chaque territoire !
Troisièmement, avant de parler d’industrialisation – et c’est un combat que nous menons sans relâche –, il faudrait, me semble-t-il, commencer par stopper la casse industrielle !
Allez-vous rester les bras ballants ? Ou allez-vous enfin conditionner les aides publiques et interdire aux entreprises qui en touchent de verser des dividendes aux actionnaires tout en supprimant des emplois ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, vous avez égrené une longue liste de plans sociaux et de fermetures de sites. Je regrette que vous n’ayez pas évoqué – la liste est tout aussi longue – les entreprises qui créent des emplois sur notre territoire, nous offrant ainsi quelques motifs d’espoir.
L’important, c’est le solde entre les emplois créés et les emplois supprimés. Ce solde est positif – comme vous le savez, depuis 2017, 130 000 emplois ont été créés en France (M. Fabien Gay proteste.) –, et il continue de l’être, ainsi qu’en témoignent les dernières données de l’Insee.
Il est vrai que la situation est plus difficile qu’elle ne l’était ces dernières années. Il est vrai aussi que certaines filières – vous les avez mentionnées – sont en difficulté : l’automobile, la chimie, la sidérurgie, etc.
Mais, contrairement à ce que vous indiquez, nous ne restons pas « les bras ballants ». Cette expression ne tient pas compte de l’énergie que déploient tous les services de l’État, les commissaires au redressement et à la prévention des difficultés des entreprises sur le terrain, les services de la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises (Dire) et ceux du comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), pour essayer de résoudre les problèmes.
Vous avez cité des exemples d’entreprises en difficulté. Sur tous ces dossiers, nous nous sommes battus. Et nous avons connu des réussites. Nous avons sauvé l’entreprise Niche Fused Alumina (NFA) : cela représente quelques centaines d’emplois. La semaine dernière, j’étais à Arques, dans le Pas-de-Calais. Nous avons trouvé un plan de financement qui préserve l’outil industriel pour 4 000 salariés. Or je ne vous ai pas entendu faire mention de cette réussite collective, qui a impliqué l’ensemble des parties prenantes : les créanciers, les actionnaires, les élus locaux, en particulier ceux de la région et de l’intercommunalité, la communauté d’agglomération du pays de Saint-Omer.
Il ne faut donc pas tomber dans une forme de défaitisme. Pour ma part, je considère mon ministère comme un ministère de combat : combat pour préserver l’existant ; combat sur tous les dossiers d’entreprises et de filières en difficulté ; combat aussi pour renforcer l’attractivité et soutenir les entreprises et les filières qui vont bien et créent des emplois, afin qu’elles en créent encore plus demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Fabien Gay. Pas un mot sur les entreprises qui ferment ?
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Monsieur le ministre, puisse ce débat vous permettre de revoir certaines de vos expressions, vous qui nous parlez de « solde »…
Bien sûr que des entreprises se créent, et nous en sommes ravis ! Mais, sur certains territoires, c’est la catastrophe ! Songez à ce que vivent les familles lorsqu’une entreprise ferme et qu’il n’y a aucune perspective d’emploi dans le secteur !
Se battre pour la réindustrialisation, c’est aussi se battre pour que nos usines ne ferment pas. « Le ZAN ! Le ZAN ! Le ZAN ! », nous répètent en chœur certains collègues ; et il vous arrive de reprendre cette antienne, monsieur le ministre. Soyons un peu sérieux ! Michelin, Systovi, General Electric, la Fonderie de Bretagne, quarante ans de désindustrialisation, même s’il y a eu un peu de mieux ces dernières années : tout cela, ce n’est pas la faute du ZAN !
Reconnaissons que l’instrument dont nous disposons – ce n’est pas un instrument à l’américaine – est utile. Nous sommes déçus néanmoins qu’il soit assorti d’aussi peu de moyens et, surtout, que ces moyens soient peu ou mal orientés, mal ciblés.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre n’a pas cité la bataille du climat. Dans le monde actuel, ne pas citer la bataille du climat, c’est dramatique. Derrière la bataille du climat, il y a – vous le savez – une guerre économique, qui a trait à la transition énergétique. Nous donnons-nous les moyens de la mener, cette guerre ? À voir fermer l’une après l’autre nos usines de panneaux photovoltaïques, d’éoliennes ou de silicium, on comprend que la réponse est non !
L’outil Territoires d’industrie doit rassembler les acteurs, mais il doit être mieux ciblé, et fonctionner sur tous les territoires. Tous les territoires méritent des usines ! Dans des territoires parfois appauvris ou désertifiés, nous avons besoin de services publics pour protéger et nous avons besoin d’usines comme sources de fierté.
Économie circulaire, transition énergétique et écologique : voilà de réelles perspectives pour notre industrie et pour nos territoires ! Ayons un outil à la hauteur de ce défi ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Fabien Gay et Simon Uzenat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, je vous rejoins sur de nombreux points. Oui, réindustrialiser et décarboner, voire, d’une manière plus générale, s’engager dans la transition écologique sont des objectifs parfaitement compatibles et même complémentaires ! Oui, le potentiel de création d’emplois lié à la transition écologique est important, et nous devons nous en saisir !
Permettez-moi de vous faire part de quelques éléments chiffrés. Au premier semestre 2024, le baromètre industriel de l’État, qui donne le « solde » – je vous prie de m’excuser d’utiliser ce terme une nouvelle fois –, a montré que trente-six ouvertures nettes de sites avaient eu lieu sur notre territoire. En l’occurrence, et cela va dans votre sens, les sites qui ferment se trouvent principalement dans les filières en difficulté et ceux qui ouvrent sont principalement liés aux industries vertes et à la décarbonation. La transition est à l’œuvre : des emplois se créent dans des secteurs d’activité liés à la décarbonation, aux énergies renouvelables, à l’hydrogène, etc.
J’ai eu l’occasion de visiter une usine de l’entreprise Forvia qui fabriquait des pots d’échappement sur le site d’Allenjoie, à proximité de Sochaux. Son activité étant percutée par la fin prochaine du véhicule thermique, l’usine se reconvertit peu à peu, et ses salariés avec elle, dans la production de réservoirs à hydrogène. La transition est là, sous nos yeux ; elle est créatrice d’emplois. Je pense que nous devons l’accompagner et faire de la décarbonation de l’industrie et de l’énergie la source de nos emplois de demain.
Attaché à cet objectif, je m’inscris dans les pas de mes prédécesseurs Roland Lescure, Agnès Pannier-Runacher et Olga Givernet pour essayer de transformer notre outil industriel, de le décarboner et d’en renforcer la compétitivité.
Vous le savez, nous agissons. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, le Sénat a adopté un amendement tendant à majorer de 1,6 milliard d’euros les autorisations d’engagement en faveur de la décarbonation de grands sites industriels.
L’État agit, et il continuera de le faire ; je m’y engage.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, il est utile de débattre de l’avenir du programme Territoires d’industrie. Le rapport sénatorial souligne les insuffisances et les manquements du dispositif, dans un contexte économique national en forte dégradation – Fabien Gay l’a éloquemment rappelé –, mais il en constate aussi la pertinence.
Au regard de l’expérience gersoise, qui a débuté en 2008 et qui a été confortée en 2023, je pense qu’il faut donner une nouvelle ambition à Territoires d’industrie au profit – j’insiste sur ce point ! – de tous les territoires de notre pays, sans exception. À l’ère des transitions écologique, énergétique et climatique, nous avons urgemment besoin d’une économie territoriale repensée, au plus près des besoins de notre population et des défis de transition à relever.
La planification écologique des transformations de l’économie française ne saurait se limiter à quelques gigafactories de batteries électriques et à la décarbonation énergétique des process. Gardez le meilleur de Territoires d’industrie et donnez suite aux recommandations du Sénat pour les programmes en cours, monsieur le ministre !
Comment comptez-vous stimuler les autres territoires ruraux, qui ne demandent qu’à prendre leur part du développement nécessaire à notre avenir collectif, pour peu qu’on les accompagne dans une démarche structurée ? Le potentiel est immense. Ne passez pas à côté !
Quelle est l’ambition du Gouvernement en matière de développement économique territorial résultant – tous les mots ont leur importance – de la planification écologique dont notre pays a tant besoin ? Du reste, nous espérons que ladite planification écologique est toujours d’actualité pour votre gouvernement ; peut-être allez-vous nous rassurer à cet égard… (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, ma réponse s’inscrira dans le prolongement de celle que je viens de faire à votre collègue Yannick Jadot : d’un point de vue institutionnel, l’idée d’une planification écologique est une innovation pour notre pays. Vous le savez, depuis maintenant plusieurs années, nous disposons d’un secrétariat général à la planification écologique (SGPE) placé directement sous l’autorité du Premier ministre. Cette planification se poursuit.
Les deux documents que sont la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ont été soumis à la concertation ; cette concertation étant aujourd’hui terminée, ma collègue Agnès Pannier-Runacher et moi-même sommes en train d’envisager les modalités de prise en compte des propositions de chacun.
Afin d’atteindre les objectifs qui correspondent à nos engagements internationaux, en particulier les accords de Paris, et à nos engagements européens, nous avons besoin – c’est le sens de Territoires d’industrie – d’articuler notre stratégie de planification écologique à notre stratégie industrielle. Cela implique par exemple de faire du ciblage en orientant le dispositif Territoires d’industrie vers un certain nombre de projets ayant une dimension de décarbonation. Cela suppose aussi de soutenir nos filières qui participent de la planification écologique ; je pense en particulier aux filières des énergies renouvelables.
J’aurai l’occasion dans quelques semaines d’annoncer la révision de la stratégie hydrogène. Je le ferai avec le souci de donner de la visibilité aux acteurs de cette filière, qui est un élément, non le seul, de notre mix énergétique pour les prochaines années.
Il y a une cohérence dans notre action. Ne raisonnons pas en silos : la démarche prospective et de planification ne doit pas être fondée uniquement sur des objectifs écologiques ; elle doit tenir compte des potentialités de nos filières industrielles et de la capacité de développement de l’emploi industriel dans nos territoires. Nous continuerons d’agir en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je partage l’essentiel de vos propos.
Simplement, la planification écologique ne se résume pas à la transition énergétique ou à la décarbonation. C’est l’ensemble de l’activité économique française, sur l’ensemble des territoires, qui doit être revue et adaptée en fonction de cet objectif. (M. le ministre acquiesce.)
J’espère que cette démarche va perdurer et se traduire sur le terrain. Ce qui s’est passé lorsque M. Attal était à Matignon n’augurait tout de même pas d’un avenir radieux pour la planification écologique… Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est ici donnée pour saluer l’action de M. Pellion à la tête du secrétariat général à la planification écologique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre. Je salue à mon tour le travail remarquable des équipes du SGPE, et en particulier d’Antoine Pellion.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy.
Mme Marie-Jeanne Bellamy. Monsieur le ministre, depuis trente ans, le poids de l’industrie dans l’économie française et européenne n’a cessé de chuter. L’industrie est pourtant un moteur indispensable de productivité, de croissance et d’innovation. Elle représente un enjeu majeur pour notre économie, pour la cohésion sociale et territoriale de la France, mais aussi pour notre autonomie stratégique et notre souveraineté technologique.
Lancé en 2018, le programme Territoires d’industrie avait pour objectif d’apporter des réponses concrètes aux enjeux de soutien à l’industrie. Présenté comme une stratégie de reconquête industrielle par et pour les territoires, le programme n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les industriels et les élus locaux. Ces derniers se sont cependant approprié le dispositif, qui a été renouvelé pour la période 2023-2027. Le rapport d’information sénatorial de nos collègues Berthet, Cardon et Loisier, publié au mois de décembre dernier, a relevé le caractère hétérogène de la mise en œuvre du programme Territoires d’industrie.
Ce constat, je le partage sur mon territoire. Dans le département de la Vienne, deux territoires ont été lauréats : la communauté d’agglomération Grand Châtellerault et la communauté de communes du Pays Loudunais. Pour ce qui est du premier, à savoir le bassin industriel historique, la réunion de lancement s’est tenue dès 2023, et de nombreux projets sont en cours. Pour ce qui est du second, territoire rural peu industrialisé, les projets sont là, mais les industriels sont inquiets, en raison des retards pris et des difficultés rencontrées, notamment pour recruter.
Il faut pérenniser le dispositif et le rendre plus opérationnel. Ne faudrait-il pas accompagner différemment les territoires historiquement industriels et les territoires industriels en devenir ? Pour que le système soit efficient malgré des moyens limités, il est indispensable de ne pas se disperser, d’associer et d’accompagner tous les acteurs locaux et industriels et de simplifier.
Je souhaite ainsi insister sur le besoin de formation et de promotion des métiers de l’industrie. Quelles actions sont envisagées pour que l’absence de personnel qualifié ne freine pas le déploiement des projets ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Madame la sénatrice, les élus locaux et les industriels sont associés à la conception du programme. Comme je l’ai indiqué, Intercommunalités de France, Régions de France et France Industrie sont parties prenantes et partenaires du programme. Certes, on peut sans doute toujours faire mieux, et les y associer de manière encore plus étroite…
Quoi qu’il en soit, concernant la gouvernance du programme, une charte collective d’engagement a été signée entre l’État et les six opérateurs. De manière très concrète, très opérationnelle, des réunions régulières, des outils numériques partagés ou encore l’existence de coordinateurs régionaux doivent permettre cette coordination.
Ainsi que vous l’avez rappelé à juste titre, il est fait mention dans le rapport du caractère assez hétérogène du déploiement du programme, notamment dans le temps I. Ce constat, je le partage. La phase I a été marquée par des disparités correspondant à l’hétérogénéité, d’un territoire à l’autre, du portage politique, de l’animation et de l’ingénierie. De surcroît, un tel programme ayant une dimension très qualitative, sa mise en œuvre est par nature hétérogène.
Toutefois, un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre dans le cadre de la phase II pour remédier à ces problèmes. Je pense à la redéfinition des périmètres des projets, dans un souci de cohérence et d’harmonisation – cela se fera toujours sur proposition des territoires –, à la généralisation des postes de chef de projet, qui permettra également de beaucoup mieux structurer les actions, ainsi qu’au renforcement de l’échelon régional, via le recrutement des coordinateurs régionaux, auxquels j’ai fait référence.
Ainsi que je l’ai indiqué, je souhaite que des bilans puissent être réalisés chaque semestre.
J’aurai l’occasion de revenir dans une prochaine réponse sur l’attractivité et les compétences.
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier.
M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, dans les Hauts-de-France, l’industrie, c’est un emploi sur cinq, soit 255 000 emplois. Le Nord est une terre d’industrie, et les élus y ont toujours été attentifs, bien avant le lancement du programme Territoires d’industrie.
Ce programme a un mérite : afficher le volontarisme politique, rappeler le caractère stratégique du secteur et les enjeux de souveraineté qui lui sont associés.
Je souhaite vous interroger sur les enjeux fonciers de la réindustrialisation et sur le portage politique du dispositif.
Le foncier, nous le savons, est un acteur clé de la réindustrialisation, mais il n’apparaît pas comme tel dans le programme. La mise en œuvre complexe du ZAN, le zéro artificialisation nette, tétanise les élus locaux. Comment comptez-vous concilier sobriété foncière, développement industriel et construction de logements pour les salariés ?
Avec mon collègue Jean-Baptiste Blanc, nous avons déposé la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), qui sera débattue le 18 février prochain. Nous comptons sur le soutien du Gouvernement pour un atterrissage pragmatique. Nous appelons l’État à se doter d’une vision de l’aménagement du territoire en assumant le coût foncier de ses projets d’envergure nationale ou européenne (Pene).
Nous devons poursuivre et amplifier le mouvement de recyclage foncier. Le projet de loi de finances pour 2025 devra donc être ambitieux ; je pense notamment au fonds vert. Quelle est votre stratégie foncière pour relever le défi de la réindustrialisation ?
Dans sa méthode, le dispositif Territoires d’industrie est un appel à projets. Soyez donc vigilant, monsieur le ministre : gardez-vous de mettre en concurrence les territoires, car nous devons privilégier la synergie. Pensons également aux conséquences financières et fiscales des implantations. Les régions, pourtant cheffes de file en matière de développement économique, sont snobées dans le dispositif. Là aussi, créons des synergies, au lieu de multiplier les portes d’entrée.
Dans le département dont je suis élu, le Nord, nous avons montré qu’ensemble, État, collectivités locales, industriels, partenaires sociaux, nous savons construire des réussites industrielles. Toyota Valenciennes est la plus grande usine automobile de l’Hexagone ; elle vient de fêter sa cinq millionième voiture produite depuis 2001. Faire confiance aux territoires, cela fonctionne !
Je souhaite aussi vous interroger sur le portage politique du programme Territoires d’industrie, qui devrait, selon moi, être réexaminé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, le foncier est évidemment une question essentielle pour notre développement industriel ; je pense notamment au ZAN. Le dispositif des sites clés en main, qui est un élément assez structurant du programme Territoires d’industrie, porte, entre autres, sur ce sujet.
Je salue la région des Hauts-de-France, qui est particulièrement dynamique, voire exemplaire, dans la mise en œuvre de ce programme.
L’articulation des territoires d’industrie avec les problématiques foncières passe par l’optimisation et l’amélioration de l’efficacité du dispositif des sites clés en main. Ce dernier est un outil de simplification qui est à la main de nos industriels : il s’agit de résoudre les problèmes normatifs, d’autorisation environnementale ou de raccordement électrique en amont d’une implantation industrielle et de sécuriser juridiquement les entreprises qui souhaitent s’installer sur un site. Cet élément du programme a fait la preuve de son efficacité.
Il existe aujourd’hui cinquante-cinq sites clés en main. Ils ont été sélectionnés au mois d’avril 2024 au regard d’un double objectif : favoriser la sobriété foncière, mais aussi l’attractivité. Le ciblage a une véritable dimension internationale, puisque la promotion de ces sites se fait au-delà de nos frontières. Outre le foncier, j’insiste sur l’importance de l’enjeu du raccordement électrique ; d’ailleurs, Réseau de transport d’électricité (RTE) fait partie du comité de pilotage de ces sites.
À l’heure où nous nous parlons, nous disposons de dix sites qui sont arrivés à maturité, pleinement disponibles pour une implantation industrielle. À mon sens, l’enjeu pour l’avenir est de mobiliser davantage de financements. Il faut en particulier sécuriser le financement du dispositif des sites clés en main et renforcer la valorisation des sites les plus matures.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (M. Christian Redon-Sarrazy applaudit.)
M. Simon Uzenat. Monsieur le ministre, oui, l’industrie a un avenir ! Mieux : elle est notre avenir, en Bretagne, en France et en Europe ! Nous en sommes toutes et tous convaincus.
De ce point de vue, Territoires d’industrie a eu des effets positifs. Toutefois, j’aimerais tout de même pointer quelques limites, qui ont d’ailleurs été rappelées par certains de mes collègues, en particulier Franck Montaugé.
Pour la Bretagne, qui est une région industrielle dotée d’un tissu diffus de PME, le programme n’est pas parfaitement adapté. Nous souhaitons – cela a été dit – faire davantage confiance aux collectivités, qui sont plus proches, plus réactives, plus efficaces. Il faut renforcer leurs moyens, qu’il s’agisse des intercommunalités comme des régions, afin qu’elles puissent faire du sur-mesure, en termes de périmètre notamment. Le Gouvernement est-il prêt à évoluer à cet égard ?
La réalité, c’est que, depuis maintenant plusieurs semaines, les nuages s’amoncellent. Vos choix politiques ont des conséquences, monsieur le ministre. Ainsi, faute de moyens suffisants pour l’éducation nationale, les cartes des formations conduisent à des fermetures de formations industrielles. Deux grandes filières, l’agroalimentaire et l’automobile, connaissent aujourd’hui des difficultés en Bretagne, en particulier dans le Morbihan.
Je pourrais évoquer Sodiaal à Missiriac, Michelin à Vannes ou Fonderie de Bretagne à Caudan. Tout à l’heure, vous parliez de « solde », monsieur le ministre ; quant à nous, nous parlons d’emplois, de compétences et d’humain, toutes choses très éloignées d’un tableau Excel…
Quel accompagnement envisagez-vous pour les salariés et les familles concernés ?
Enfin, sur le dossier Fonderie de Bretagne, que vous connaissez bien, la mobilisation est générale. On parle là d’un outil quasi neuf, de 350 emplois, d’une diversification engagée. La responsabilité du groupe Renault est totale, mais l’État aussi a un rôle à jouer. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur le sujet ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, la carte des formations est un enjeu essentiel. Elle requiert évidemment une adéquation la plus fine possible avec les besoins du territoire. Tel est le sens de la réforme des lycées professionnels qui a été engagée dès la fin de l’année 2022 : l’idée était de revoir la carte des formations et des sections des lycées en fonction de ces besoins en faisant entrer les représentants des entreprises, à une maille la plus fine possible, dans les lycées professionnels eux-mêmes, dans les bureaux des élèves et, parfois, dans les conseils d’administration.
Il y a aussi un sujet de filière. Les formations sont également proposées par les centres de formation d’apprentis. Vous le savez, un CFA peut relever des opérateurs de branches, mais aussi des entreprises elles-mêmes : la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel l’a permis. En tout état de cause, nous avons besoin que nos filières industrielles se mobilisent.
J’essaie d’accompagner et de structurer le mouvement dans le cadre du Conseil national de l’industrie. J’ai rencontré les représentants des comités stratégiques de filière pour aborder la question des compétences et des formations. Mon action s’inscrit dans l’ambition d’une structuration des filières évoquée aujourd’hui même par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
Quant au dossier Fonderie de Bretagne, il occupe mes équipes et m’occupe personnellement depuis un certain nombre de semaines. Nous avons un repreneur potentiel : le fonds Private Assets. Nous avons cherché – et réussi, dans une certaine mesure – à rapprocher les points de vue de Private Assets et de Renault, principal client de Fonderie de Bretagne, dont il représente 95 % du chiffre d’affaires. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un blocage qui a trait à l’engagement de Renault non pas sur des volumes – il est difficile de s’engager sur des volumes de production quand le marché automobile est incertain –, mais sur une part de marché, c’est-à-dire sur la proportion des achats que l’entreprise adresserait à Fonderie de Bretagne.
Nous continuons à échanger avec les acteurs et à nous battre pour trouver des solutions, afin que cette occasion, qui est aussi une occasion de diversification industrielle, puisse être saisie. Mais c’est un dossier difficile, je dois bien le confesser.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Pour ce qui est de la carte des formations, la réalité est que le pilotage des rectorats est aujourd’hui fonction non pas des besoins de l’économie, mais des moyens alloués – si vous pouviez faire passer le message à votre collègue…
Concernant Fonderie de Bretagne, Renault ne respecte que 60 % des commandes prévues en 2022. Nous voulons rester fiers d’un constructeur français ; l’État, qui est actionnaire à hauteur de 15 %, doit donc taper du poing sur la table. Monsieur le ministre, je vous invite à venir à la rencontre des organisations syndicales et des salariés sur le site de Caudan.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur le sénateur, si je ne suis pas venu physiquement sur le site, pour de simples raisons d’agenda, j’ai en revanche eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises, par visioconférence, avec les organisations syndicales.
J’ai pour habitude de venir sur les sites industriels lorsque j’ai la possibilité d’expliquer une action et de faire des annonces. Nous continuons de nous battre – la Dire est particulièrement mobilisée – pour trouver des solutions. Mais, encore une fois, il s’agit d’un dossier difficile.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Oui, monsieur le ministre, il s’agit d’un dossier difficile, nous le savons. Mais un tel outil industriel est une chance pour notre région, pour notre pays et pour notre continent. D’ailleurs, de l’avis de beaucoup, l’engagement qui est demandé à Renault est un engagement parfaitement raisonnable. Je le redis, nous voulons tout simplement rester fiers d’un constructeur français.
Les collectivités sont mobilisées. Elles ont mis de l’argent sur la table. Du reste, l’État a fait de même : vous avez proposé un prêt à hauteur de 14 millions d’euros. La région Bretagne et Lorient Agglomération ont également proposé un accompagnement financier renforcé.
Vous le savez, aujourd’hui, la procédure de redressement judiciaire est lancée. Les salariés et leurs familles sont évidemment extrêmement inquiets ; ils ont besoin de savoir que tous les acteurs institutionnels, de l’échelon local jusqu’au plus haut niveau, sont mobilisés à leurs côtés. Je reste convaincu qu’il faut en appeler personnellement au Président de la République et au Premier ministre eux-mêmes pour que le groupe Renault entende raison et fasse le choix du pays qui l’a vu naître et l’a toujours soutenu, y compris financièrement.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, en Isère, l’industrie est fortement développée. À ce titre, un nombre important de collectivités iséroises participent au programme Territoires d’industrie.
Cependant, vous n’êtes pas sans savoir que ces territoires sont en train de subir un choc économique violent qui percute de plein fouet l’économie et l’industrie locales. À ce jour sont menacés 238 salariés à Valeo, 170 à Photowatt et 460 à Vencorex.
Avez-vous des éléments nouveaux à nous apporter sur les dossiers Valeo et Photowatt ?
Je voudrais évoquer plus particulièrement la filière chimique de l’agglomération grenobloise. Le sort de l’entreprise Vencorex, qui se trouve en redressement sans repreneur à ce stade, nous inquiète au plus haut point, comme le devenir de l’entreprise Arkema. C’est toute une vallée qui se trouve dans un état d’inquiétude extrême. Cette inquiétude devrait s’emparer de la France entière, tant les enjeux de souveraineté liés à ces usines sont immenses : enjeu de souveraineté industrielle, enjeu de souveraineté sanitaire, enjeu de défense nationale.
Monsieur le ministre, il s’agit de changer de posture, de ne plus subir et de reprendre notre avenir en main. C’est là, nous semble-t-il, l’essence même de Territoires d’industrie.
Dans ce cadre précis et dès lors que l’enjeu de souveraineté est important, une piste pourrait être la création d’une entreprise publique à capitaux privés, laquelle pourrait porter toute une filière – la mine de sel de Hauterives, son saumoduc et le purificateur de sel présent sur le site de Vencorex – et ainsi alimenter, entre autres, l’électrolyseur d’Arkema et celui de Vencorex, tous deux financés par l’État à hauteur de 80 millions d’euros voilà moins de dix ans.
Monsieur le ministre, cette piste est-elle crédible à vos yeux pour préserver cette filière et donner un avenir à ses salariés ?
Plus généralement, ne pourrait-elle pas être empruntée dans d’autres territoires, dès lors que, s’agissant de l’industrie de notre pays, il y va d’un enjeu de souveraineté majeur ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Madame la sénatrice, je sais votre engagement sur les questions d’emploi, en particulier celles qui sont liées à votre territoire.
Comme vous le savez, un projet de reprise de Photowatt, qu’EDF a souhaité céder, a été abandonné à la suite de son rejet par le comité social et économique (CSE) de l’entreprise. Il s’agit donc d’un choix des salariés.
Sur le plan social, l’État sera très attentif, dans ces circonstances, à ce que l’accompagnement et le reclassement des salariés par EDF se fassent dans de bonnes conditions ; je pense que tel sera le cas.
De manière plus générale et dans le prolongement de mes propos précédents, la filière industrielle des énergies renouvelables a besoin de soutien, non seulement par principe, mais parce qu’elle participe de notre souveraineté, en particulier de notre souveraineté énergétique. Nous continuerons donc à rechercher des solutions pour la soutenir.
Quant à l’entreprise Valeo, elle a en effet annoncé, à la mi-juillet, une réorganisation incluant la recherche de repreneurs pour trois sites, en particulier celui de Saint-Quentin-Fallavier à L’Isle-d’Abeau. Un dialogue s’est engagé avec les services de l’État afin de limiter les impacts économiques de cette réorganisation.
Contrairement à ce qui avait été envisagé initialement, Valeo a décidé, à l’issue de ce dialogue, de ne pas fermer le site de Saint-Quentin-Fallavier. Sur l’ensemble des sites concernés, des mesures d’accompagnement et de reconversion et des engagements fermes ont été pris par Valeo afin que les choses se passent de la meilleure manière possible. En l’occurrence, le site de Saint-Quentin-Fallavier fera l’objet d’un redimensionnement dont les critères et les paramètres sont en cours de discussion.
J’en viens au dossier Vencorex, sujet compliqué.
L’État a négocié et obtenu pour les salariés du site, auprès de l’actionnaire thaïlandais PTT Global Chemical (PTTGC), une indemnité supralégale de 40 000 euros, qui a été acceptée par l’ensemble des organisations syndicales. Pour une entreprise en redressement judiciaire, ce montant important est presque inédit ; il est en tout cas assez rare.
Vous avez soulevé la question de la continuité de l’activité industrielle en amont et en aval du site. Nous sommes soucieux en particulier de pérenniser l’activité de la mine de sel, mais également l’activité de gestion de la plateforme du Pont-de-Claix, qu’assumait jusqu’à présent Vencorex.
Sur ces deux sujets, les services de l’État sont mobilisés. J’ai bien pris connaissance de l’hypothèse que vous avez formulée et je vous propose, madame la sénatrice, que nous continuions d’en discuter. Nous avons en tout cas lancé une démarche de recherche d’un repreneur pour la mine de sel. En ce qui concerne la gestion de la plateforme, la méthode est plus coopérative, dans la mesure où cette activité engage l’ensemble des entreprises concernées.
Là encore, l’État essaie de jouer un rôle d’« ensemblier » et je serais heureux de partager avec vous les informations dont je dispose.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le ministre, je souhaite apporter mon témoignage sur la portée significative du dispositif Territoires d’industrie dans ce département à la fois très rural et très industriel qu’est l’Ariège.
Si la première labellisation, sur la période 2018-2022, y a eu une portée très faible, le dispositif permet, depuis son renouvellement l’an passé, de soutenir plus puissamment les ambitions industrielles de ce territoire.
Ce changement de braquet résulte tout d’abord du soutien en ingénierie, qui a pris la forme du financement de postes de chef de projet ; cet apport significatif a permis au programme de s’imposer aux acteurs de l’écosystème industriel local. C’est la chambre de commerce et d’industrie (CCI) qui assure cette mission de chef de projet Territoires d’industrie, ce qui facilite grandement l’orchestration des interventions de l’ensemble des acteurs concernés, chacun dans son domaine d’expertise.
L’autre facteur déclenchant a été l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Rebond industriel », véritable « booster » dans cette nouvelle séquence du dispositif Territoires d’industrie.
D’une part, 150 jours d’ingénierie financés par l’ANCT ont permis d’établir très rapidement un état des lieux des enjeux et des projets industriels et de faire en sorte que l’ensemble des acteurs s’accordent sur une feuille de route industrielle partagée.
D’autre part, une enveloppe de 1,5 million d’euros a été dédiée à une sélection de projets industriels locaux structurants qui, dans le contexte actuel, n’auraient pu, à défaut d’un tel financement, être engagés.
Comme indiqué dans l’axe 2 des recommandations du rapport de notre commission, ces résultats concrets plaident pour la pérennisation du soutien en ingénierie, prérequis pour le bon fonctionnement du dispositif.
Ma question porte sur le point sensible des aides aux projets industriels dans les territoires d’industrie. Est-il envisageable de sanctuariser des enveloppes financières dans ces territoires, à l’instar de ce qui a été fait avec l’AMI « Rebond industriel », afin d’accompagner les projets structurants d’investissement productif de nos PME qui ne peuvent pas être soutenus dans le cadre du plan France 2030 ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur, vous m’invitez, sous l’angle des moyens, à faire un bilan des premières phases du programme, et peut-être également à élargir ma réponse au dispositif spécifique des missions « Rebond », que vous avez évoqué.
Des résultats ont été obtenus. En ce qui concerne les réseaux de chefs de projet, 153 chefs de projet sont d’ores et déjà en fonction ou en voie d’être recrutés, ce qui représente 6,7 millions d’euros de financements mobilisés.
Je pense également au développement des programmes de soutien en ingénierie visant à accélérer en particulier le déploiement des projets les plus complexes. Les crédits ANCT, à hauteur de 2 millions d’euros, ont ainsi permis la réalisation de dix-sept missions d’ingénierie.
Se pose enfin la question du soutien financier aux projets, et en particulier aux projets qui sont exemplaires en matière de transition écologique : 63 millions d’euros y ont été consacrés en 2024.
Notre souhait – la question est évidemment en suspens du point de vue budgétaire compte tenu de l’incertitude du moment – est de poursuivre cette dynamique.
Nous devons aussi faire le bilan des dispositifs bien particuliers que sont les missions « Rebond ».
Ces missions avaient vocation à soutenir la réindustrialisation de territoires confrontés à des restructurations. Plutôt conçues comme des instruments de sortie de crise, elles ont atteint leurs objectifs et font l’objet de retours positifs de la part des élus et des industriels qui sont responsables des programmes.
Depuis le mois de novembre 2023, vingt et un territoires ont été accompagnés par des missions « Rebond industriel », dont deux sont encore en cours ; dans ce cadre, près de 40 millions d’euros de subventions aux investissements ont ainsi permis de débloquer 413 millions d’euros d’investissements.
Nous devons évaluer collectivement ce dispositif de sortie de crise avant d’envisager de l’étendre à d’autres territoires et situations.
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac.
Mme Marta de Cidrac. Lancé en 2018, le programme Territoires d’industrie a déjà largement achevé sa phase I.
Depuis le mois de novembre 2023, sa phase II est engagée et les sélections sont à ce jour terminées. Le montant est tout de même de près de 2 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable en cette période budgétaire contrainte.
La Cour des comptes s’est penchée sur l’exécution de la phase I, et ses conclusions ne sont pas tout à fait à la hauteur des attentes : sur la période 2018-2023, le programme est à l’origine de la création de 5 500 emplois seulement, soit 11 % des créations d’emplois dans l’industrie, les 89 % restants ayant eu lieu – vous l’aurez compris – dans des territoires non labellisés.
Le programme a donc été impuissant à créer une véritable dynamique pour l’emploi industriel dans nos territoires, ce qui était pourtant son objectif initial.
Le dispositif Territoires d’industrie n’a pourtant pas manqué d’ambition, pas plus qu’il n’a été sous-doté ; il a simplement été mal piloté et mal exécuté, dilué sans distinction dans la masse des aides publiques à l’économie. Le 1,4 milliard d’euros de la phase I n’a pas aidé les territoires industriels qui sont dans le besoin, comme cela était prévu. Il est donc difficile, à l’heure du bilan et au-delà de vagues corrélations, d’établir de solides causalités.
Monsieur le ministre, pour la phase II, il y a lieu de corriger le tir en urgence ; à défaut, on risque de devoir de nouveau dépenser – j’ose le dire – à perte.
Comment envisagez-vous d’inscrire Territoires d’industrie dans une trajectoire d’efficience au bénéfice de tous nos territoires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Madame la sénatrice, je ne partage pas tout à fait ce constat d’une inefficacité du programme en matière de création d’emplois.
Comme vous le savez, le programme a comporté deux « temps » bénéficiant chacun d’enveloppes bien différentes. Le premier s’est inscrit dans le cadre du plan de relance, pour des montants considérables.
Durant cette période, entre 40 000 et 50 000 emplois ont pu être associés au programme. Je fais très attention en utilisant ce terme d’« association », afin de ne pas préjuger de l’existence d’un lien de causalité parfait entre les sommes qui sont consacrées au programme et les emplois créés. Reste que l’on peut tirer de ces chiffres le constat d’une certaine efficacité de la première phase du programme : 40 000 à 50 000 emplois générés, je le répète.
J’ai cité tout à l’heure d’autres chiffres, qui ont trait au nombre d’emplois créés rapporté au coût pour les finances publiques : ils sont relativement satisfaisants.
Vous avez évoqué par ailleurs le sujet du pilotage ou du manque de pilotage.
L’objet de notre débat de ce soir est précisément de trouver des solutions pour améliorer le programme Territoires d’industrie, car tout programme à dimension qualitative peut et doit être amélioré.
Nous avons échangé sur un certain nombre de propositions. Le rapport de votre commission des affaires économiques, dont je salue une nouvelle fois les auteurs, contient notamment des recommandations qui sont susceptibles d’aboutir à un meilleur pilotage, à condition de ne jamais cesser d’évaluer. Évaluer, cela signifie quantifier et adopter une approche coût-bénéfice, démarche d’autant plus nécessaire que, dans le contexte actuel, il est essentiel que les deniers publics ne soient pas dépensés à tort et à travers.
Je souhaite donc que nous tirions de nos échanges et de l’analyse du rapport un certain nombre de recommandations, en matière de pilotage et de gouvernance notamment.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Ma question porte sur les écoles de production.
Celles-ci ont connu un vif succès dans le cadre des territoires d’industrie : vingt-cinq écoles, sur les soixante-dix existant à ce jour, y ont été créées depuis 2021.
Par leur formation technique ciblée, effectuée pour deux tiers en atelier, ces écoles répondent en effet de manière efficace aux besoins des industries locales.
Nombre d’entre elles ont bénéficié pour leur création de l’appel à manifestation d’intérêt « Écoles de production », ainsi que de contributions de la part des collectivités locales, y compris, dans certains cas, de la région.
Cependant, leur soutenabilité financière est loin d’être évidente : les recettes issues de la taxe d’apprentissage et des ventes des productions des élèves ne suffisent pas à couvrir leurs frais de fonctionnement ; de ce fait, la subvention versée par l’État est rendue cruciale.
L’actuelle convention de financement pluriannuelle signée avec le ministère du travail court jusqu’en 2025. Est-il prévu de la renouveler, voire de pérenniser la part « État » du financement des écoles de production ?
Il pourrait être opportun également de prévoir à cette occasion un accompagnement financier renforcé des écoles de production pendant leur période d’amorçage, le temps de la montée en charge des effectifs et des commandes.
En outre, les écoles de production accueillent le plus souvent des jeunes peu adaptés au système scolaire classique, ou qui en étaient sortis, ainsi que des jeunes « fragiles ».
Or, pour ces derniers, qui sont souvent issus de milieux très modestes ou qui sont sous statut protégé, le coût du logement, et même celui des produits de première nécessité, peut être un obstacle à la poursuite de la formation.
Comment mieux les accompagner sur ce point, pour permettre aux écoles de production de jouer à plein leur rôle de cohésion sociale ? Est-il envisageable, par exemple, de donner aux jeunes accueillis dans ces structures le statut d’apprentis ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Je vous remercie beaucoup, madame la sénatrice, d’attirer notre attention sur ce sujet, qui me tient particulièrement à cœur.
J’ai moi-même participé à l’élaboration de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a donné une reconnaissance aux écoles de production ; et je crois profondément que cette troisième voie entre les CFA et les lycées professionnels correspond à des publics qui ont besoin d’apprendre leur métier autrement.
Cette voie, nous devons la soutenir, parce qu’elle produit des résultats.
Le sujet du financement concerne évidemment l’État, qui représente entre 25 % et 30 % des ressources des écoles de production. Vous avez évoqué la taxe d’apprentissage ; je veux citer également la Banque des territoires, qui verse des aides, ainsi que les collectivités.
Grâce au programme Territoires d’industrie, un coup de projecteur a été donné sur les écoles de production. Si les effectifs restent modestes – c’est le sens même de la pédagogie de ces écoles que de fonctionner en effectifs réduits pour s’adapter à des publics qui, je l’ai dit, ont besoin d’apprendre autrement –, le nombre d’écoles de production a triplé depuis 2020. On en compte soixante et onze à ce jour et nous avons pour objectif d’atteindre les cent écoles à la fin de l’année 2026.
Pour ce faire, nous avons besoin de sécuriser les financements. J’ai prévu d’en discuter avec mes homologues concernés, en particulier avec la ministre du travail et avec la ministre de l’éducation nationale, afin que nous coordonnions nos actions.
Soyez-en assurée, madame la sénatrice, mon soutien personnel à ce dispositif va perdurer.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens en préambule à remercier nos trois rapporteurs de s’être frottés avec succès à l’exercice du « contrôle sénatorial de proximité », ou « contrôle territorialisé », souhaité par M. le président du Sénat sur la recommandation du président Mathieu Darnaud, recommandation faite à l’époque où il était vice-président du Sénat.
Le programme Territoires d’industrie se prêtait par excellence à ce type de contrôle. La vigueur et la richesse de nos échanges, où entre la passion que nous avons pour nos territoires, en montrent toute la fécondité.
Je remercie également chacun d’entre vous, mes chers collègues, et bien sûr M. le ministre, pour la qualité de nos débats. Il était particulièrement pertinent de reprendre notre session parlementaire, et d’ouvrir notre année 2025, par ce sujet.
Il me semble en effet que, malgré toutes ses imperfections et ses « faiblesses de débutant », le programme Territoires d’industrie pourrait inspirer notre politique industrielle à plus d’un titre.
Ce programme signe en premier lieu la reconnaissance de l’importance du facteur territorial, si souvent sous-évalué, dans la constitution des dynamiques économiques.
Il faut d’ailleurs saluer l’audace de ceux qui ont porté sur les fonts baptismaux ce programme, qui fait un peu figure d’ovni au sein de la gamme des politiques industrielles déployées par l’État.
Alors que notre pays est frappé depuis plusieurs mois par des fermetures d’usines et des plans sociaux à la chaîne, y compris dans les grands groupes – certains viennent de s’en émouvoir à juste titre –, il semble plus que jamais évident que la réindustrialisation que nous appelons tous de nos vœux doit marcher sur deux jambes.
L’approche territoriale doit ainsi venir compléter de manière pérenne le soutien aux filières et à l’innovation de rupture, et ce afin de nourrir et de densifier ce tissu de PME et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui fait la force et la résilience du tissu industriel chez nos voisins italiens et allemands par exemple.
En deuxième lieu, monsieur le ministre, nous suggérons que vos services examinent attentivement les milliers de fiches projets élaborées par les territoires d’industrie depuis six ans. Ils en tireront, j’en suis convaincue, d’intéressantes propositions en vue d’une évolution et d’une simplification de notre réglementation dans le sens d’une réelle adaptation aux besoins de nos entreprises et de nos territoires.
Ce que je dis souvent pour le logement à propos des « territoires d’accélération » vaut aussi, me semble-t-il, pour l’industrie. À partir du retour d’expérience de quelques pionniers, c’est désormais tout le territoire français qui doit devenir un territoire d’industrie.
Je retiens aussi de l’expérience de ce programme les bénéfices d’une organisation agile, interministérielle et fonctionnant en mode projet.
Si le rapport de notre commission recommande la nomination d’un délégué interministériel à la réindustrialisation, c’est non pas pour créer un nouveau comité Théodule, mais bien pour souligner la nécessité d’activer dans un même élan l’ensemble des leviers de réindustrialisation, qui vont du foncier à la formation en passant par le logement et la recherche.
Pour conclure, au moment où nous reprenons – dès demain – l’examen du projet de loi de finances, je me dois de souligner que, dans le panel des outils mobilisables en faveur de la réindustrialisation, les politiques publiques de soutien de l’offre demeurent primordiales pour la compétitivité de nos entreprises.
Notre commission soutient naturellement sans réserve les efforts de consolidation budgétaire qui sont engagés. Sur les baisses d’allégements de charges, sur la fiscalité, sur les aides aux entreprises, gardons-nous toutefois de la tentation de faire payer à l’industrie un prix disproportionné, au risque de casser pour de bon la fragile dynamique industrielle qui s’était engagée depuis quelques années, mais aussi d’assécher les sources de la croissance future.
Comme chacun sait, il est plus facile de fermer des usines que d’en ouvrir.
Une nouvelle fois, monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir participé à ce débat ; et je salue la patience et la persévérance dont font preuve nos collègues jusqu’à la fin de la discussion.
J’espère en tout cas que, sur la base de ce rapport, nous pourrons continuer de faire avancer le programme Territoires d’industrie, mais aussi, d’une façon beaucoup plus large, le dossier de la réindustrialisation dans son ensemble, car il nous tient particulièrement à cœur. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat relatif au programme Territoires d’industrie.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 15 janvier 2025 :
À quinze heures :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
À dix-sept heures quarante-cinq, le soir et la nuit :
Désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants (droit de tirage du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky) puis des vingt-trois membres de la commission d’enquête aux fins d’évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis (droit de tirage du groupe Union Centriste) ;
Suite du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale (texte n° 143, 2024-2025) :
Mission « Outre-mer ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)
nomination d’un membre d’une commission
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des finances.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Marie-Claire Carrère-Gée est proclamée membre de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Baptiste Olivier.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER