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Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date du 13 janvier 2025, Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois, a demandé l’inscription de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants à la suite de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, inscrite à l’ordre du jour des mardi 28, mercredi 29, jeudi 30 et vendredi 31 janvier.

Le scrutin public solennel se tiendra le mardi 4 février 2025, en même temps que celui sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.

Ces deux textes pourraient faire l’objet d’une discussion générale commune et des mêmes modalités de discussion.

Y a-t-il des oppositions ?…

Il en est ainsi décidé.

(M. Alain Marc remplace Mme Sylvie Vermeillet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc

vice-président

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Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

remédier à l’inadaptation de nombreuses mesures nationales aux exploitations agricoles en polyculture élevage

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, auteur de la question n° 234, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Raphaël Daubet. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’inadaptation de nombreuses mesures nationales aux exploitations agricoles en polyculture-élevage.

La France se caractérise par une mosaïque agricole exceptionnelle, façonnée par la diversité de ses sols, de ses reliefs, de ses terroirs. Cette richesse, loin de se résumer aux grandes régions céréalières, viticoles ou d’élevage, s’exprime au travers de modèles agricoles variés et complexes, notamment par la polyculture-élevage, qui s’impose comme un modèle particulièrement pertinent et souhaitable dans le contexte actuel.

Cette approche, qui combine différentes productions au sein d’une même exploitation, constitue une réponse concrète aux enjeux de l’agroécologie et permet une réduction significative des intrants.

Dans le Lot et, plus largement, dans le Sud-Ouest, les exploitations illustrent parfaitement cette diversification, associant, par exemple, la production de noix, l’élevage ovin et la culture d’asperges.

Pourtant, un paradoxe persiste s’agissant de polyculture : ces exploitations, dont le modèle est encouragé, se heurtent systématiquement à des obstacles administratifs lors du déploiement de mesures nationales, précisément en raison de leur non-spécialisation. Cette situation devient particulièrement critique lors de l’activation des fonds d’urgence et des dispositifs de crise, leur polyvalence devenant alors un handicap plutôt qu’un atout.

Dans ce contexte, il devient urgent d’interroger les modalités d’un traitement plus équitable pour ces exploitations agricoles, dont le modèle mérite d’être protégé, plutôt que pénalisé par les dispositifs d’aide nationaux.

Madame la ministre, comment comptez-vous adapter nos dispositifs de soutien à la réalité plurielle des exploitations pratiquant la polyculture, afin que leur diversification, pourtant vertueuse, cesse d’être un obstacle administratif ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Raphaël Daubet, vous le savez, le secteur agricole est confronté, depuis plusieurs années, à diverses crises climatiques, sanitaires ou économiques. Or nous avons besoin d’une agriculture forte, productive et résiliente, car la pérennité des exploitations est à ce prix.

Vous avez totalement raison : la diversification est très importante. C’est, en soi, un facteur de résilience.

Pour accompagner les agriculteurs face à ces défis, l’État finance des plans d’investissement visant à adapter l’agriculture au changement climatique. Je pense à France 2030 ou à la planification écologique, décidée par mon prédécesseur et que je mets en œuvre pour toutes ces exploitations, y compris celles qui sont en polyculture-élevage, dont la complémentarité, je suis d’accord avec vous, est très importante.

Au-delà de ces mesures structurelles et de la réforme de l’assurance récolte, l’État met en place des dispositifs de soutien économique. Je pense, par exemple, à la compensation de certaines pertes sanitaires liées à l’influenza aviaire ou à la fièvre catarrhale ovine.

Par ailleurs, face aux difficultés conjoncturelles ou actuelles liées à des crises multiples et parfois répétitives, nous avons mis en place un dispositif exceptionnel de soutien à la trésorerie de court ou long terme, et j’ai souhaité que ce dispositif ne comporte aucun critère de spécialisation.

En revanche, lorsqu’il s’agit de soutenir des filières spécifiques qui rencontrent des difficultés sévères, il est impératif, d’un point de vue à la fois juridique et budgétaire, de cibler l’intervention sur les exploitations dont le résultat global atteste de ces déséquilibres. Cela justifie de prévoir des critères de ciblage avec des niveaux de pertes minimums et un seuil de spécialisation.

Au demeurant, l’intérêt de la diversification des productions est réel. Il est un élément stratégique de l’entreprise, lui permettant de gagner en résilience.

Vous pouvez donc compter sur nous pour apporter des réponses rapides face aux situations urgentes que connaissent nos agriculteurs en polyculture-élevage. L’équilibre de leur système de production est précieux pour toute notre agriculture.

Nous souhaitons aussi les accompagner dans leurs adaptations structurelles, ce dont nous aurons l’occasion de discuter prochainement, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et d’avenir agricole (PJLOA).

suivi du dispositif « rebond industriel » et avenir des papeteries de condat

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la question n° 140, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, les Papeteries de Condat au Lardin-Saint-Lazare, c’est, en Dordogne, plus d’un siècle d’histoire industrielle de savoir-faire du papier couché double face.

Cette entreprise, détenue aujourd’hui par le groupe Lecta et qui a compté jusqu’à 1 200 salariés, a rencontré des difficultés liées à la baisse de la demande en papier couché. Pour y faire face, elle a été aidée financièrement, ces dernières années, par la région Nouvelle-Aquitaine et par l’État, à une hauteur totale de plus de 33 millions d’euros, dont une aide importante de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour sa chaudière biomasse.

En 2023, le groupe annonce la fermeture d’une de ses deux lignes de production. Les 420 salariés alors dans l’usine apprennent la suppression de 174 emplois, auxquels il convient d’ajouter celle d’environ 1 500 emplois induits sur le territoire.

L’intention de Lecta de transférer cette ligne sur son site de Garda en Italie est apparue très clairement : en 2023, le groupe a produit 45 000 tonnes de papier fabriqué essentiellement sur les sites espagnol et italien, et seulement 9 700 tonnes à Condat.

La production de la seconde ligne, spécialisée dans la glassine, un papier utilisé notamment pour les étiquettes, est annoncée, pour 2025, à environ 80 000 tonnes, alors que l’équilibre financier nécessiterait d’atteindre 140 000 tonnes.

Pis, le prix de vente de la glassine produite à Condat, vendue à 1 400 euros la tonne, alors que celle-ci est en moyenne, sur le marché, de l’ordre de 1 800 euros, interroge bien évidemment la viabilité économique du site.

En 2023, le ministre de l’industrie Roland Lescure est venu en Dordogne à la rencontre des élus et des personnels, afin de mettre en place le dispositif « Rebond industriel ».

À ce jour, malgré ce dispositif, 58 salariés sur 105 sont au chômage, et les 197 encore en poste s’inquiètent légitimement de leur avenir face à une activité en dents de scie, marquée par des arrêts fréquents et une stratégie industrielle peu lisible.

À l’heure où la volonté affichée de l’État est de reconquérir notre souveraineté industrielle, le nouveau ministre de l’industrie, M. Ferracci, entend-il prendre le relais de ce dossier en s’engageant à venir sur place pour rencontrer les élus, les salariés et les acteurs économiques locaux, comme l’a fait d’ailleurs son prédécesseur ?

Il est de notre responsabilité collective d’agir pour redonner un avenir à ce site et, surtout, à ce bassin d’emplois en Dordogne.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Varaillas, vous attirez l’attention du ministre chargé de l’industrie et de l’énergie sur la situation de l’entreprise Condat, papeterie située sur la commune du Lardin-Saint Lazare, en Dordogne.

L’entreprise, appartenant au groupe Lecta, a engagé un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) à la fin de l’année 2023, entraînant la suppression de 171 emplois.

Comme vous le rappelez, les différents services de l’État aux niveaux national et local se sont particulièrement investis dès l’annonce de ce projet de restructuration, d’une part, pour veiller au respect des obligations relatives aux mesures d’accompagnement et de reclassement prévues dans le PSE et, d’autre part, en lançant une mission, « Rebond industriel », visant à pérenniser et à développer l’empreinte industrielle du territoire.

Un accord de plan de sauvegarde de l’emploi a été validé par les services de l’État le 30 octobre 2023. Le bilan est encourageant : près d’une soixantaine de salariés ont une solution de reclassement concrétisée, et 51 d’entre eux ont pu bénéficier des mesures d’âge prévues dans le PSE ou d’une retraite. Les autres salariés bénéficient toujours d’un accompagnement soutenu par le cabinet LHH.

Pour ce qui concerne l’action engagée dans le cadre la mission Rebond industriel, de nombreux projets territoriaux ont pu être soutenus, avec la création prévue de 150 emplois, renforçant le tissu économique local dans le Périgord noir et prioritairement autour du Lardin-Saint-Lazare et de Terrasson. À ce jour, une quarantaine d’entreprises a été accompagnée sur le territoire.

Le prochain comité de pilotage de ce dispositif est prévu prochainement – il se tiendra le 24 janvier prochain. Il permettra de confirmer ces perspectives en matière d’emploi.

La situation de Lecta-Condat reste fragile, ce qui conduit l’entreprise à adapter sa stratégie et à procéder à une recapitalisation via l’actionnaire.

Dans ce contexte, les services de l’État ont décidé, afin de développer l’outil industriel, de ne pas remettre en cause la subvention de 14 millions d’euros versée par l’Ademe en 2020 pour la construction d’une chaudière biomasse, opérationnelle depuis le mois de septembre.

Mon collègue ministre Marc Ferracci et ses services restent particulièrement attentifs à l’avenir de cette entreprise, ainsi qu’à l’avenir industriel du territoire.

gestion de la taxe d’aménagement

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 208, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi de finances pour 2021 a introduit, à l’article 155, une réforme dont l’objet était de simplifier la gestion de la taxe d’aménagement en transférant sa gestion des directions départementales des territoires (DDT) à la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Pourtant, loin d’atteindre cet objectif, cette réforme a entraîné de graves dysfonctionnements, qui nous sont remontés de toutes parts.

Ainsi, depuis le 1er septembre 2022, aucune commune n’a perçu la taxe d’aménagement issue des nouvelles autorisations d’urbanisme. À ce jour, les collectivités locales ne perçoivent que les reliquats du système antérieur, toujours en cours de clôture.

Ce décalage crée une pression budgétaire croissante, car, lorsque les taxes de l’ancien dispositif auront été entièrement recouvrées, les nouvelles recettes risquent de ne pas compenser les besoins. Ce déséquilibre menace directement les finances de nombreuses collectivités, notamment celles pour qui cette taxe constitue une part essentielle des revenus.

Ce blocage est en partie lié à la modification des règles de perception : la taxe d’aménagement n’est désormais exigible qu’à l’achèvement des travaux, sur déclaration volontaire des contribuables. Cette nouvelle règle impose aux collectivités un travail de vérification supplémentaire, pour s’assurer que les contribuables se conforment bien aux obligations de déclaration.

Par ailleurs, de sérieuses inquiétudes pèsent sur la fiabilité de l’outil de gestion « Gérer mes biens immobiliers », plus connu sous le sigle GMBI, mis en œuvre par la DGFiP et qui peine à gérer les déclarations partielles d’achèvement, les évaluations d’office et les permis modificatifs. De telles imprécisions risquent d’affecter l’assiette fiscale, donc les ressources des collectivités.

Au 31 décembre 2023, seulement 1 576 dossiers d’autorisation d’urbanisme postérieurs au 1er septembre 2022 avaient été traités à l’échelle nationale, alors que le nombre de constructions annuelles de logements en France se situe entre 300 000 et 400 000, sans compter les extensions. Ce chiffre témoigne de la lenteur préoccupante du dispositif actuel.

Madame la ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il pour remédier aux faiblesses de ce système et garantir la fiabilité de l’outil de gestion GMBI ?

Quelles assurances peut-il apporter aux collectivités pour que le recouvrement de cette taxe se fasse de manière fiable et rapide dès 2025, afin de préserver leur équilibre financier et leur capacité à mener à bien leurs projets ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, le transfert de la gestion de la taxe d’aménagement des directions départementales des territoires à la direction générale des finances publiques à compter des autorisations d’urbanisme déposées depuis le 1er septembre 2022 a eu pour objet d’unifier les obligations déclaratives fiscales en matière foncière et d’urbanisme.

Comme vous le rappelez, à la différence du système antérieur, la liquidation du flux intervient, depuis septembre 2022, à l’achèvement des travaux de construction, et non plus au moment de la validation de l’autorisation d’urbanisme.

Un système d’acompte a également été créé pour neutraliser les effets du décalage de l’exigibilité de la taxe qui peut apparaître dans le cas des très grands projets.

Par ailleurs, afin d’optimiser les délais de traitement, la liquidation de la taxe d’aménagement s’appuie sur la dématérialisation du processus déclaratif via l’outil GMBI, la création d’un référentiel des délibérations des collectivités locales et l’automatisation du calcul des taxes d’urbanisme.

Vous soulignez, à juste titre, que l’instauration du processus déclaratif de manière dématérialisée a suscité des interrogations de la part des usagers et abouti à des erreurs déclaratives, qui ont freiné la liquidation des taxes. En effet, afin d’éviter l’envoi de titres de paiement erronés aux usagers, la DGFiP a mis en œuvre un système de vérification préalable qui a pu avoir pour effet de ralentir leur envoi et les paiements qui y sont associés.

Le Gouvernement est conscient de cette difficulté, et les services de la DGFiP sont pleinement mobilisés pour stabiliser, en 2025, la gestion de la liquidation de la taxe d’aménagement.

Cependant, je précise que les quelques dysfonctionnements évoqués n’ont pas tari le flux des taxes perçues par les collectivités territoriales, qui continuent à percevoir les montants liquidés par les DDT, lesquels constituent la majorité des titres émis en 2024.

Enfin, je vous informe que l’émission par les services de la DGFiP des acomptes de taxes d’aménagement pour les projets d’une superficie supérieure à 5 000 mètres carrés a commencé en octobre 2024.

Le Gouvernement reste naturellement très attentif à ce dossier.

situation de la gare routière de bercy-seine

M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin, auteur de la question n° 170, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

M. Franck Dhersin. Monsieur le ministre, en septembre 2023, sans concertation ni étude d’impact préalable et sans proposer de solution alternative, la mairie de Paris a annoncé la fermeture de la gare routière de Bercy-Seine à Paris.

Cette gare routière est pourtant la plus importante du pays : elle accueille, chaque année, plusieurs millions de passagers – 4,7 millions en 2023 –, désireux d’emprunter les fameux « cars Macron », ou « services librement organisés » (SLO).

Ces cars SLO représentent, pour les usagers, un gain socio-économique de l’ordre de 100 millions d’euros par an.

En juillet 2024, l’Autorité de régulation des transports a publié un rapport concernant ce projet de fermeture. Celui-ci établit clairement que cette gare est une infrastructure essentielle au secteur SLO et recommande donc de ne pas la fermer tant qu’une alternative pérenne, de qualité et suffisamment dimensionnée ne sera pas opérationnelle.

Consciente que les cars SLO sont un atout pour la mobilité et le tourisme, la ville de Saint-Denis s’est récemment portée volontaire pour construire la plus grande gare routière européenne, mais ce projet prendra du temps – plusieurs années – et devra être soutenu par l’État.

En attendant, une solution s’impose pour préserver ce service de transport indispensable aux Français : maintenir la gare routière de Bercy-Seine ouverte aux cars SLO et utiliser enfin les millions d’euros payés chaque année par les opérateurs pour rénover cette infrastructure, améliorer le service aux passagers et limiter les nuisances pour les riverains attenants.

Malheureusement, la mairie de Paris semble toujours décidée à fermer la gare routière dès la fin de l’année 2025.

En décembre 2024, une mission a été lancée, sous l’égide du préfet de la région Île-de-France, M. Marc Guillaume, pour identifier les conditions et les calendriers d’un futur déménagement de la guerre routière de Bercy-Seine.

Mes interrogations sont les suivantes : comment ce comité de pilotage compte-t-il se saisir du dossier de la gare routière de Bercy-Seine ? Comment s’assurer que la mairie de Paris ne précipitera pas la fermeture d’une infrastructure routière essentielle tant qu’une solution qualitative et pérenne n’aura pas été trouvée ?

Au-delà du cas parisien, dans le contexte du développement des services de cars express sur tout le territoire, comment faire en sorte que la France se dote, enfin, de gares routières de qualité, pour développer la mobilité décarbonée de demain ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur, cher Franck Dhersin, voilà une question que j’aurais pu poser il y a quelques jours… (Sourires.) J’en comprends bien évidemment le sens.

Les services librement organisés (SLO) par autocar contribuent significativement à la politique de mobilité de notre pays. Environ 15 millions de passagers en ont profité en 2023. La gare routière de Bercy-Seine est un équipement majeur à l’échelle de Paris et de l’Île-de-France, mais également du territoire national, compte tenu des flux qu’elle accueille chaque année, à savoir 4,7 millions de passagers.

C’est la raison pour laquelle mes prédécesseurs ont porté une attention particulière au projet d’évolution du site envisagé par la ville de Paris, qui en est propriétaire.

L’Autorité de régulation des transports (ART) a consulté les parties prenantes et a publié en juillet 2024 une étude de qualité proposant des scénarios alternatifs, avec leurs avantages et inconvénients respectifs. Elle a également recommandé la mise en place d’une gouvernance locale pour approfondir les hypothèses et définir les modalités et le calendrier de mise en œuvre.

Dans ce contexte, mon prédécesseur a mandaté le préfet de Paris, préfet de la région Île-de-France, pour constituer un comité de pilotage associant les parties prenantes, afin de déterminer le schéma d’accueil des autocars longue distance dans la région capitale et un calendrier associé répondant aux besoins des usagers, tout en tenant compte des contraintes des collectivités et des autres acteurs concernés.

Ce comité s’est réuni pour la première fois le 12 décembre dernier. Des visites de terrain ont également eu lieu. Les travaux sont donc en cours et visent à trouver un consensus. Il a été demandé au préfet d’Île-de-France de présenter l’avancement de ces travaux en mars prochain.

Je me propose également de vous associer à cette démarche, monsieur le sénateur, vous qui êtes un fin connaisseur de ces questions de mobilité.

disparition des trains de nuit dans les territoires, en particulier de la ligne paris-bourg-saint-maurice

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, auteure de la question n° 242, transmise à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

Mme Martine Berthet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la reprise des trains de nuit dans nos territoires, en particulier de la ligne Paris-Bourg-Saint-Maurice suspendue en octobre 2016.

Cette suppression pèse sur l’accessibilité de nos régions de montagne. Les liaisons TGV sont souvent saturées, plus encore durant les périodes de vacances. Elles affichent par ailleurs des tarifs de plus en plus dissuasifs, rendant ces destinations difficilement accessibles pour de nombreux usagers.

Alors que la Savoie se prépare à accueillir les jeux Olympiques d’hiver des Alpes françaises en 2030, il est essentiel de mettre en place une offre ferroviaire adaptée, durable et performante. Selon une étude récente de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), 89 % des Français privilégient encore la voiture pour se rendre dans ces lieux de vacances.

Alors que nos administrés attendent de la France une organisation de jeux Olympiques exemplaire, respectueuse de l’environnement et à faible empreinte carbone, les territoires de montagne ne peuvent rester dépendants du transport routier et aérien, responsables de plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre. La relance des trains de nuit constitue une réponse alternative crédible et indispensable.

Par ailleurs, cette relance serait source d’une dynamique économique importante pour le tourisme d’hiver comme d’été. Elle répondrait aux attentes des familles et des jeunes citadins qui souhaitent pouvoir s’évader aisément des grandes métropoles pour profiter d’un week-end à la montagne.

Enfin, cet objectif s’inscrit pleinement dans les ambitions présidentielles de 2020 qui visaient à ouvrir une dizaine de lignes de trains de nuit d’ici à 2030 et qui ont commencé à se concrétiser à travers un certain nombre d’engagements pris par les gouvernements successifs.

Face à ces enjeux écologiques et économiques, la réouverture de la ligne Paris-Bourg-Saint-Maurice semble incontournable.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si la desserte par les trains de nuit de nos territoires de montagne sera relancée dans des délais raisonnables, et avant les jeux Olympiques de 2030 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice, chère Martine Berthet, l’État accompagne la relance des trains de nuit depuis quelques années maintenant.

Pour ce faire, nous avons besoin d’investissements sur les infrastructures et sur le matériel roulant, ce qui suppose du temps et de l’argent. Cette relance relève de la responsabilité de l’État compte tenu de la nature de ces lignes, qui relient plusieurs régions entre elles.

Nous avons aujourd’hui cinq lignes de nuit, ce qui place la France parmi les pays ayant le plus développé cette offre de transport en Europe, en dehors des pays de l’Est du continent – Roumanie, Pologne, Hongrie, Autriche –, traditionnellement plus portés sur cette façon de voyager.

Dans le cadre de la desserte des futurs sites de la compétition des jeux Olympiques d’hiver 2030, les lignes Paris-Briançon et Paris-Nice feront l’objet d’une attention toute particulière.

Une procédure de renouvellement du matériel sera lancée prochainement et concernera en premier lieu, d’ici au début des années 2030, les lignes de nuit déjà existantes et les lignes actuellement suspendues du fait de travaux, soit environ 180 voitures et près de 30 locomotives.

Le montant de l’investissement pour le renouvellement de ce matériel roulant devrait être important, malgré la contrainte budgétaire actuelle. Une extension ultérieure à d’autres lignes, dont celle que vous venez d’évoquer, pourra être étudiée, mais elle sera peut-être limitée par la saturation des installations de maintenance.

À moyen terme, je souhaite que des réflexions et débats puissent avoir lieu sur la poursuite du développement du réseau des trains de nuit.

Je profite de l’occasion pour vous annoncer officiellement que le chantier de la Maurienne, en cours depuis maintenant un certain nombre de mois, sera très probablement livré aux alentours du mois de mars. C’est une très bonne nouvelle pour votre département, madame la sénatrice, et je sais combien ce dossier vous tient à cœur.

modernisation des lignes ferroviaires des pyrénées-atlantiques

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, auteur de la question n° 238, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le ministre, entre le vendredi 22 novembre et le samedi 23 novembre 2024, deux trains se sont retrouvés arrêtés dans les Landes pendant plus de neuf heures, bloquant ainsi près d’un millier de passagers dans la nuit et le froid. La SNCF attribue ce retard délirant à une rupture de caténaire.

L’un de ces trains était un TER reliant Hendaye à Bordeaux, l’autre un TGV reliant Tarbes à Paris, deux trajets qui me sont familiers en tant que sénatrice des Pyrénées-Atlantiques.

Un accident de ce type ne me surprend pas, tant la dégradation des infrastructures ferroviaires sur cette ligne du Sud-Ouest, plus particulièrement au sud de Dax, est documentée. Cela fait des années que j’appelle à sa modernisation, chaque année davantage nécessaire au vu de la croissance ininterrompue du nombre de passagers qui l’empruntent.

J’ajoute que cette modernisation ne peut attendre ni l’arrivée de la ligne à grande vitesse (LGV) ni la mise en place du RER basco-landais, qui doit aussi prendre en compte le RER Béarn-Bigorre pour constituer à terme un véritable RER pyrénéen.

En effet, si ces deux initiatives sont déterminantes pour le dynamisme économique du département et bénéfiques du point de vue de la transition écologique, elles ne se concrétiseront pas avant plusieurs années. La modernisation des lignes prendrait moins de temps et entraînerait une réduction du temps de trajet significative, tout en permettant une plus grande résistance aux avaries, trop nombreuses dans ce secteur.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous me faire part des intentions du Gouvernement en la matière ? Comptez-vous donner aux habitants du Béarn et du Pays basque des raisons d’espérer sortir de leur enclavement ?