Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Barros. … cela vous amènerait sans doute à mieux apprécier les difficultés qu’emporte une telle situation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour présenter l’amendement n° I-1367.
Mme Ghislaine Senée. Cet amendement, déposé à l’identique par les groupes écologiste, socialiste et communiste, vise à rétablir la CVAE, de sorte qu’elle s’applique en 2025 comme qu’elle s’appliquait en 2023.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° I-383 rectifié est présenté par MM. Bilhac, Cabanel, Daubet, Fialaire et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° I-710 est présenté par Mmes Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi, Barros, Basquin et Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, MM. Corbisez et Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, MM. Ouzoulias et Savoldelli, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie.
L’amendement n° I-1967 rectifié ter est présenté par Mme Bellurot, MM. Frassa et Genet, Mmes Dumont et Nédélec, M. Piednoir, Mmes Bonfanti-Dossat, Gosselin et P. Martin et MM. Gremillet, Belin et Bouchet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – À compter de 2025 et jusqu’à sa suppression définitive, le produit net de la taxe sur la valeur ajoutée, défini comme le produit brut budgétaire de l’année, déduction faite des remboursements et restitutions effectués par les comptables assignataires, est affectée aux communes qui ne sont pas membres d’un établissement public de coopération intercommunale mentionné à l’article 1609 nonies C du code général des impôts, à la métropole de Lyon pour sa part intercommunale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et aux établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au I de l’article 1379-0 bis du même code, ainsi qu’aux départements, à la Ville de Paris, au Département de Mayotte, à la métropole de Lyon pour sa part départementale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique et à la collectivité de Corse.
« Un décret en Conseil d’État fixe, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Raphaël Daubet, pour présenter l’amendement n° I-383 rectifié.
M. Raphaël Daubet. Cet amendement vise à rétablir la perception de la CVAE par les collectivités territoriales jusqu’à sa suppression, au lieu des fractions de TVA affectées par l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° I-710.
M. Gérard Lahellec. Les auteurs de cet amendement s’inscrivent dans la volonté de voir les collectivités territoriales percevoir une fraction de la CVAE plutôt qu’une fraction de la TVA.
Et pour cause, cette dernière taxe, présentée comme la recette idoine pour compenser les collectivités, est désormais gelée, à rebours des promesses qui avaient été faites par les ministres. La dynamique est volée aux collectivités, alors que les recettes de CVAE, elles, auraient progressé.
Dans le cadre de la défiance imposée par l’article 31 de ce projet de loi de finances, les collectivités locales réclament aujourd’hui la juste part des recettes dont elles ont été privées.
Entre le fonds vert rapiécé et ce qu’il est advenu de la recette dynamique que devait être la TVA, la coupe est pleine, mes chers collègues !
Mme la présidente. L’amendement n° I-1967 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° I-440 rectifié bis, présenté par MM. Grosvalet et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
I. – À la seconde phrase du 2° du B du XXIV de l’article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, après le mot : « respectifs », sont insérés les mots : « en continuant à prendre en compte le dynamisme des bases actuellement utilisées dans le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (valeurs locatives et effectifs de l’entreprise) ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Philippe Grosvalet.
M. Philippe Grosvalet. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° I-439 rectifié bis.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° I-439 rectifié bis, présenté par MM. Grosvalet et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Daubet, et ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 est ainsi modifié :
1° Le XXIV est ainsi modifié :
a) Au a du 1° du A et au a du 1° du B, les mots : « de la moyenne du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu en 2020, 2021 et 2022 » sont remplacés par les mots : « du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises » ;
b) Au b du 1° du A et au b du 1° du B, les mots : « de la moyenne du montant des compensations d’exonérations de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu en 2020, 2021 et 2022 et » sont remplacés par les mots : « du montant des compensations d’exonérations de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises » ;
2° Au début du a du 1° du A du XXV, les mots : « De la moyenne du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu en 2020, 2021 et 2022 » sont remplacés par les mots : « Du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Philippe Grosvalet. Mes chers collègues, cette année, les championnats du monde de la godille se sont déroulés les 14 et 15 septembre, sur une île du Finistère chère au président Larcher. Je vous invite à assister aux prochains championnats, monsieur le ministre : vous pourrez constater qu’il ne suffit pas de mettre un coup d’aviron à droite puis un autre à gauche pour aller tout droit.
M. Michel Canévet. Sagesse finistérienne !
M. Philippe Grosvalet. La seule manœuvre qui n’est pas possible à la godille étant toutefois la marche arrière, et pressentant que vous ne reviendrez pas sur la suppression de la CVAE, je propose deux amendements « de repli de repli », comme le disait notre collègue Grégory Blanc voilà quelques instants.
L’amendement n° I-440 rectifié bis tend à inscrire dans la loi les dispositions du décret pris le 27 novembre 2023 afin de préciser les règles de répartition de la seconde part de TVA transférée aux collectivités.
L’amendement n° I-439 rectifié bis vise, quant à lui, à remédier à la promesse non tenue d’une compensation dynamique de la perte de la CVAE, en prenant les recettes de l’année 2023 pour référence dans le calcul de la fraction de TVA transférée, de manière à tenir compte des effets de la crise de la covid-19.
Mme la présidente. L’amendement n° I-1701 rectifié, présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le XXVI de l’article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 est abrogé.
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Cet amendement vise à supprimer le XXVI de l’article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, et partant, à mettre un terme à la dérogation selon laquelle la part de CVAE restant due jusqu’à sa suppression définitive en 2030 est reversée au budget de l’État.
Ce dispositif a été élaboré avec plusieurs associations d’élus, notamment France urbaine et l’Association des petites villes de France (APVF). La suppression de la dérogation visée est nécessaire si nous voulons que les élus puissent faire leur travail, auquel, je le crois, nous sommes unanimement attachés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous proposez de rejouer le match, mes chers collègues.
Mon avis est toutefois stable et constant : défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Antoine Armand, ministre. Mon avis n’a pas varié non plus.
Le rétablissement de la CVAE, quel qu’en soit le format, revient à taxer davantage les salaires et donc à augmenter le coût du travail. Or, au regard de l’état de l’économie mondiale, la période est déjà difficile pour l’emploi.
Quoi que l’on pense de l’efficacité des politiques de réduction des impôts de production, les effets désincitatifs à l’embauche et à l’emploi d’une augmentation du coût du travail sont consensuellement reconnus. Tel n’est pas l’objectif que nous visons.
L’avis du Gouvernement est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Votre argumentation, que j’entends, me paraît en décalage avec le contenu du présent article, qui propose un report de la suppression de la CVAE, monsieur le ministre. Sans préjudice des aménagements que nous pourrons y apporter, la CVAE, ou du moins ce qu’il en reste, a-t-elle ou non vocation à perdurer ? Pourriez-vous nous apporter une réponse claire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Antoine Armand, ministre. Comme le précise le dispositif, la CVAE sera entièrement supprimée d’ici à 2030. En raison de la contrainte de redressement des finances publiques qui nous oblige, nous estimons préférable de réduire la dépense publique d’abord, et de baisser les impôts qui nous paraissent défavorables au recrutement et à l’emploi ensuite. Nous décalons donc simplement cette suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. On touche au sublime ! Vous résumez les raisons du déficit excessif auquel nous sommes confrontés, et de la nécessaire recherche de recettes nouvelles ou d’économies qui en découle.
Vous faites les choses à l’envers, monsieur le ministre. Que n’avez-vous attendu d’avoir les moyens de supprimer la CVAE ? Non seulement nous ne pouvons pas nous permettre votre politique fiscale, mais nous en payons le prix ! Si nous cherchons aujourd’hui 50 milliards à 60 milliards d’euros d’économies, c’est parce que, depuis sept ans, votre politique fiscale nous coûte 50 milliards à 60 milliards d’euros chaque année.
Ce que vous faites là pour la dernière tranche de la CVAE, vous auriez dû le faire auparavant. Nous avions eu le même débat en 2022 quand vous avez supprimé la redevance télé. Vous n’aviez pas les économies correspondantes pour compenser cette perte de recettes, vous l’avez donc fait en recourant à la dette. Autrement dit, le Gouvernement a financé une politique fiscale par la dette.
On comprend enfin que cela met les comptes dans le rouge vif, de sorte que nous nous retrouvons à « ramer » pour combler le déficit. Ce morceau de CVAE est le symbole de la politique du Gouvernement, qui a creusé la dette par une politique fiscale trop généreuse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. Je suis une jeune sénatrice, mais j’ai un peu travaillé… On nous explique toujours que le produit des impôts sur la production représente 4,5 % du PIB en France contre 2,2 % en moyenne dans le reste de la zone euro, 2,4 % dans l’Union européenne et seulement 0,9 % en Allemagne. Certes, la France est au deuxième rang des États membres de l’Union européenne, mais très loin derrière la Suède, où le produit des taxes de production représente tout de même 10,5 % du PIB.
On pourrait expliquer cette différence par le fait que le financement de la protection sociale en Suède est assuré en très grande partie par l’impôt et non par des cotisations sociales, comme nous le faisons en France. Or j’ai découvert – et c’est surprenant – que le produit des impôts de production n’était pas uniquement composé de ce que paient les entreprises, mais comprenait également les taxes foncières acquittées par les ménages. En effet, l’on considère comptablement, en France, que ces taxes constituent un impôt sur la production de services de logement par les ménages.
Par conséquent, dès lors que le Gouvernement supprime la CVAE, les communes augmentent la taxe foncière, de sorte que le produit des taxes de production reste au même niveau. Et l’on déplore ensuite qu’il soit encore bien trop élevé… À moins que mes sources ne soient pas bonnes : il s’agit du think tank Fipeco.
En réalité, notre désaccord porte sur le fait que les impôts de production seraient systématiquement plus élevés en France, mais tout devient relatif quand on considère les chiffres…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-919 rectifié bis, I-1261 rectifié bis et I-1367.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos n° I-383 rectifié et I-710.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-440 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-439 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1701 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-1327 rectifié bis, présenté par MM. Daubet et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Masset et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certains commerçants et artisans âgés est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « détail », sont insérés les mots : « ou de distribution » ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application du présent article, sont considérés comme établissements de distribution, lorsqu’ils sont exploités par des entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel de vente au détail supérieur à 460 000 euros hors taxes :
« a) Les entrepôts de stockage et plateformes logistiques servant principalement à la vente de biens à distance aux particuliers ;
« b) Les points de retrait permettant aux particuliers de réceptionner des achats commandés par voie électronique.
3° Au deuxième alinéa, après le mot : « vente », sont insérés les mots : « ou d’exploitation ».
La parole est à M. Raphaël Daubet.
M. Raphaël Daubet. Cet amendement vise à assujettir les drives ainsi que les établissements de stockage et de logistique servant à la vente de biens à distance à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom).
Il s’agit d’un impôt dont l’assiette est constituée par les surfaces commerciales de vente au détail de plus de 400 mètres carrés réalisant un chiffre d’affaires hors taxe de plus de 460 000 euros. Les surfaces considérées comme taxables sont celles qui sont affectées à la circulation de la clientèle, à l’exposition des produits, au paiement ou à la circulation des personnels pour la mise en rayon desdits produits.
N’étant pas ouverts à la circulation des clients, les drives ainsi que les établissements de stockage et de logistique servant à la vente à distance ne sont pas assujettis à la Tascom. Or ils constituent bien des équipements commerciaux qui concurrencent les autres formes de commerce. Par la qualification de leur local, ils bénéficient d’un non-assujettissement qui n’est pas justifié, alors que la nature de leur activité constitue bien de la vente au détail.
Les drives ainsi que la vente à distance, notamment au travers des sites de commerce en ligne, se sont très fortement développés en France.
Mme la présidente. Les trois derniers amendements sont identiques.
L’amendement n° I-1007 est présenté par MM. Kanner et Cozic, Mme S. Robert, M. Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla, Redon-Sarrazy, Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° I-1088 rectifié est présenté par M. J.M. Arnaud.
L’amendement n° I-1357 est présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, M. Benarroche, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certains commerçants et artisans âgés est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article s’applique aux établissements de stockage et de logistique servant à la vente de biens à distance ainsi qu’aux surfaces commerciales conçues pour le retrait par la clientèle d’achats au détail commandés par voie télématique. »
La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° I-1007.
M. Thierry Cozic. Il s’agit d’un amendement du président Kanner.
La fiscalité en vigueur ne reflète pas les réalités économiques contemporaines. Ainsi, les drives et entrepôts de l’e-commerce, qui génèrent un chiffre d’affaires considérable, ne sont pas soumis à la Tascom, contrairement aux commerces physiques. Cette situation constitue une injustice – vous en conviendrez, monsieur le ministre – et entrave les efforts pour équilibrer le développement économique des territoires.
Depuis 2016, le chiffre d’affaires de l’e-commerce en France a doublé, atteignant près de 150 milliards d’euros en 2023. Pourtant, ces activités échappent largement à la fiscalité locale, car leur localisation logistique ou numérique réduit l’assiette taxable. Par exemple, les marketplaces collectent principalement la TVA via des mécanismes simplifiés, laissant les collectivités sans retombées fiscales significatives.
Les drives, qui se sont multipliés – on en recensait plus de 7 000 en 2023 –, occupent des surfaces commerciales comparables aux magasins traditionnels, mais ne sont pas soumis aux mêmes charges, bien qu’ils contribuent à l’artificialisation des sols et modifient les flux économiques locaux.
Pourquoi cet amendement est-il nécessaire ? Il l’est, premièrement, pour des raisons d’équité fiscale, car l’e-commerce et les drives amènent une forte concurrence avec les commerces traditionnels tout en bénéficiant d’avantages fiscaux injustifiés.
Il l’est, deuxièmement, parce qu’il vise à prévoir une adaptation de la taxe à l’inflation : depuis 2009, les taux de la Tascom n’ont pas été réévalués, tandis que le taux d’inflation cumulé dépasse 25 %. Ce gel des tarifs aggrave l’érosion des recettes des collectivités.
Troisièmement, cet amendement a pour objet de soutenir les collectivités en prévoyant une compensation financière des pertes locales via une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
Au travers de cet amendement, nous lançons un appel à l’action immédiate. Chaque année, nous entendons le Gouvernement nous faire des promesses sur la publication de nouvelles études ou la constitution de groupes de travail. Pourtant, l’urgence est là. La réforme doit être inscrite dans la loi,…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Cozic. … pour que les drives et les entrepôts de l’e-commerce participent à l’effort national au même titre que les commerces de proximité.
Mme la présidente. L’amendement n° I-1088 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° I-1357.
M. Thomas Dossus. Les drives et les centres de stockage jouent un rôle majeur dans la vente de biens et sont exemptés de Tascom, alors même qu’ils favorisent l’artificialisation des sols et fragilisent le commerce de proximité des centres-villes. Il nous paraît donc impératif d’adapter la fiscalité à ces nouvelles réalités commerciales.
Je rappelle que, l’année dernière, dans le cadre des échanges que nous avions eus sur le même amendement, le ministre en fonction à l’époque avait proposé la création d’un groupe de travail. Ce genre de proposition laisse entendre que l’on souhaite faire évoluer la situation. Or ce groupe de travail n’a jamais été créé et le ministre a changé…
À défaut d’émettre un avis favorable, monsieur le ministre – mais peut-être le ferez-vous ? –, pourriez-vous nous donner des nouvelles dudit groupe de travail ? Il est urgent d’adapter notre législation à ces nouvelles surfaces.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends la préoccupation commune des auteurs de ces amendements sur la taxation des drives et des centres de stockage de l’e-commerce. Toutefois, ce que vous proposez est plus compliqué qu’il n’y paraît.
Dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, portée par un ancien Premier ministre qui était alors ministre des comptes publics, la simulation réalisée sur les six zones avait montré que le résultat était à l’inverse de ce qui était espéré, c’est-à-dire que les commerces de centre-ville, même de petite taille, voyaient leur taxe fortement augmenter au détriment des supermarchés ou des hypermarchés situés en périphérie. Je crois pourtant me rappeler que plusieurs d’entre nous, au sein de la commission, avaient alerté de manière répétée les directeurs départementaux des finances publiques sur ce risque.
C’est bien la preuve, me semble-t-il, que notre système fiscal est devenu très complexe, notamment pour ce qui est de la fiscalité locale.
Au fil du temps, les arrangements et les modifications à la marge se sont accumulés, de sorte qu’il faudrait désormais remettre à plat le dispositif. Mais pour cela, le Gouvernement a choisi de faire disparaître certains outils de fiscalité locale en les remplaçant par une fraction de TVA. Or, si tout le monde est satisfait quand la taxe est dynamique, dès lors qu’elle l’est moins, des perturbations arrivent et l’on se retrouve en rade.
La commission demande de retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Antoine Armand, ministre. Je reprendrai en partie ce qu’a dit le rapporteur général pour opposer deux arguments à ces amendements.
Premièrement, leur rédaction ne permet pas de distinguer l’activité des logisticiens des entrepôts de l’e-commerce. Il peut d’ailleurs arriver que des entreprises dites de l’e-commerce hébergent leur stock, dont je précise qu’il reste maigre puisqu’elles fonctionnent à flux tendu, chez des logisticiens. L’adoption de ces amendements aurait pour conséquence de taxer et surtaxer les entreprises de la logistique et de l’entreposage, alors qu’elles sont moins compétitives que leurs concurrentes européennes et qu’elles ont besoin d’être soutenues.
Deuxièmement, étant donné la mobilité géographique des entreprises dites de l’e-commerce, le risque est grand qu’elles partent s’installer de l’autre côté de la frontière en continuant de livrer la plus grande partie de leur stock dans notre pays.
Il n’empêche que vous avez raison de souligner le manque d’équité fiscale entre les entreprises traditionnelles et celles de l’e-commerce, alors que nous avons mis en place des actions publiques visant à redynamiser le commerce rural et les cœurs de ville, afin de soutenir le commerce de proximité et de ne pas aggraver l’inégalité qui existe déjà, de fait, avec les acteurs du numérique.
Monsieur Cozic, j’ai bien entendu ce que vous nous avez dit sur le groupe de travail que mon prédécesseur vous a promis de mettre en place. Je n’en avais pas connaissance et je vous propose de revenir vous en donner des nouvelles d’ici à quelques semaines tout au plus.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nul, ici, ne peut contester l’objectif et l’argumentation de nos collègues. Nous constatons tous dans nos communes à quel point le commerce traditionnel est touché de plein fouet par la concurrence de l’e-commerce. Dans la société, les habitudes évoluent : il n’est qu’à voir le boulevard Saint-Michel, à quelques centaines de mètres d’ici, où une cellule commerciale sur deux est vide, en plein cœur de Paris.
Nous comprenons bien l’intention de nos collègues ; le rapporteur général ainsi que le ministre ont d’ailleurs souscrit à leur argumentation. Mais, hélas ! ces amendements ne permettront pas d’atteindre l’objectif fixé.
Monsieur le ministre, nous devons reprendre ce travail et essayer de le faire aboutir sous une forme ou une autre. Réviser la fiscalité pour éviter que le commerce physique subisse une pression excessive en étant assujetti à la Tascom pourrait apparaître comme une solution. Toutefois, la suppression de cette recette créerait un manque à gagner pour les collectivités… Peut-être faudrait-il plutôt essayer – ce sera sans doute plus complexe – de remettre à plat la fiscalité du commerce ?
Quoi qu’il en soit, ce secteur est à la croisée des chemins. Nous avons pu le constater en différentes occasions, notamment lorsque se sont tenues les Assises du commerce, en 2021-2022. Certes, le groupe de travail qui avait été annoncé l’année dernière ne semble pas avoir porté ses fruits. Mais, au Sénat, la commission des affaires économiques et la commission des finances pourraient s’emparer du sujet, de manière à formuler des propositions que nous pourrions défendre et voter de façon transpartisane.
Par conséquent, je ne voterai pas ces amendements, mais je souhaite que la réflexion continue d’évoluer sur ce sujet, comme le ministre, ou du moins le rapporteur général, l’a indiqué.