Mme Laure Darcos. Des plateformes numériques se sont développées en France pour offrir des arrêts de travail en ligne en échange d’une rétribution, pratique qui suscite des préoccupations en matière de santé publique et d’éthique médicale. Certaines de ces plateformes permettent d’obtenir un arrêt maladie en quelques minutes, sur le fondement d’un simple questionnaire en ligne, sans véritable consultation avec un médecin. Ce procédé, qui a pour objet de simplifier et d’accélérer l’accès à ce type de service, soulève néanmoins des questions sur la qualité et la pertinence des diagnostics posés de cette manière.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 1251 rectifié bis.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Si la télémédecine présente des avantages indéniables dans un contexte de multiplication des déserts médicaux, les abus de cette pratique doivent être combattus avec énergie.
Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à réguler les plateformes sur internet faisant commerce de la prescription d’arrêts de travail, parfois en ayant recours à des médecins qui exercent à l’étranger. Mes chers collègues, chacun sait qu’il est possible, en quatre minutes et en quelques clics seulement, d’obtenir un arrêt de travail sur internet ou avec son téléphone. Ainsi, si vous avez mal au ventre ou à la tête, si vous êtes un peu stressé, il vous suffit de cliquer sur la liste des symptômes pour obtenir un arrêt de travail, sans même avoir consulté un médecin.
Cette pratique pose problème à plusieurs titres. Tout d’abord, elle suscite des interrogations sur la qualité et la pertinence des diagnostics posés de cette façon. Ensuite, elle contrevient à l’éthique et à la déontologie médicales, qui imposent un examen en bonne et due forme avant de prescrire un arrêt de travail. Enfin, ces abus pèsent lourdement sur les comptes sociaux : faut-il rappeler que les arrêts de travail ont augmenté de 40 % entre 2012 et 2022 ?
Au-delà de l’aspect financier, cet amendement vise également à protéger les patients de bonne foi qui prennent un risque pénal en s’en remettant à ces services. En effet, l’utilisation de ces arrêts de travail, lorsqu’ils sont frauduleux, peut entraîner des poursuites de l’assurance maladie.
Cet amendement tend donc à interdire ces plateformes et leurs pratiques frauduleuses de fourniture d’arrêts de travail de complaisance ou sans consultation médicale préalable, parfois même depuis l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission s’est émue de l’émergence de sites internet permettant, à titre principal – je les distingue des plateformes visées par les deux amendements précédents –, la prescription d’arrêts de travail, souvent à des fins frauduleuses.
La commission a donc émis un avis favorable, par principe, sur ces amendements identiques, malgré des doutes quant à leur portée effective, dans la mesure où ces plateformes opèrent déjà frauduleusement, en-dehors de tout cadre légal.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je souscris bien sûr à votre objectif de lutte contre la fraude sociale. Néanmoins, pour lutter contre ces plateformes, des outils légaux existent déjà et l’assurance maladie comme l’ordre des médecins ont déjà engagé des actions judiciaires pour faire fermer des sites internet frauduleux, localisés notamment en Allemagne. Nous devons continuer d’agir en ce sens.
En outre, les prescriptions d’arrêts de travail en téléconsultation, dont nous parlions tout à l’heure, ont été fortement encadrées et limitées à trois jours.
Cela étant, compte tenu de l’importance de ce sujet, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Je veux revenir sur les cabines de téléconsultation et l’utilisation qui en est faite.
Ces dispositifs représentent un accès dégradé aux soins pour de nombreux patients, aussi sont-elles utilisées en dernier recours, lorsque l’accès à un médecin, dans un entretien face à face, n’est pas possible. Nous pensons donc qu’il faut encadrer tant leur développement que leur utilisation ; par exemple, elles ne doivent être installées que dans des lieux sous contrôle médical, comme les pharmacies.
Ensuite, vous affirmez, madame la ministre, que les amendements proposés permettent de lutter contre la fraude sociale. Je ne vois pas en quoi ce serait le cas, puisque cet usage est le fait de patients qui ne bénéficient même pas, dans ce pays, du service minimum d’accès aux soins…
Nous voterons pour l’encadrement de ces plateformes numériques, mais, si ces téléconsultations doivent être régulées, elles ne sont qu’un pis-aller pour faire face aux déserts médicaux actuels.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Les plateformes dont nous parlons ne font même pas appel à un médecin ! Il vous suffit de saisir vos nom, numéro de sécurité sociale et coordonnées sur un formulaire pour acheter un arrêt maladie à 18 ou 20 euros. Il ne s’agit pas du tout des cabines de téléconsultation : il s’agit de plateformes illégales, souvent situées à l’étranger, qui délivrent des arrêts maladie moyennant finances, sans que personne ait vu le moindre médecin.
Mme Annie Le Houerou. Alors, il faut les fermer !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Sans doute, ce n’est pas l’objet de ces amendements, que nous allons voter, mais il faut fermer ces plateformes ! C’est tout de même incroyable : on régule désormais l’illégalité, au Parlement ?
Lorsque vous avez un arrêt de travail, vous le transmettez à votre employeur et à la sécurité sociale : s’il est signé par un médecin étranger, qui n’a pas le droit de prescrire, il est tout de même accepté ? Mais où est le contrôle ?
En tout état de cause, la solution, c’est la fermeture ! Demandons plutôt des contrôleurs et des moyens supplémentaires, y compris si c’est pour réguler sur l’internet. Du reste, vous vous focalisez sur les arrêts de travail, mais ils ne doivent pas non plus prescrire des médicaments, des analyses, des radios, etc.
Lorsque la téléconsultation a été instaurée, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a été très prudent ; nous proposions de limiter les arrêts de travail à trois jours, de ne permettre la téléconsultation qu’en deuxième intention ou d’obliger à un minimum d’une consultation physique entre deux téléconsultations. Tout cela, vous l’avez écarté, au motif qu’il fallait lutter contre les déserts médicaux. Donc, ne venez pas maintenant nous demander de réguler l’illégalité !
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous ne parlons pas ici de télécabines, qui sont autorisées et plus ou moins encadrées, nous parlons de plateformes en ligne. Par conséquent, si elles sont illégales, comment se fait-il que nous en discutions au Parlement ? Nous devons tout faire pour les interdire.
En outre, le sujet ne se limite pas à la fraude aux arrêts de travail, car, notre collègue Poncet Monge l’a souligné, ces plateformes peuvent aussi émettre des prescriptions de médicaments, de radios, de biologie, etc., sans avoir jamais vu un patient, mais seulement après que celui-ci a cliqué sur deux ou trois boutons pour signaler une douleur au ventre ou à l’épaule…
C’est une dégradation de la qualité des soins, et même une insulte à la profession de médecin, comme s’il ne s’agissait que de cocher quelques cases pour obtenir un diagnostic et un traitement tout prêts. Dans ce cas, à quoi servirions-nous ?
Il faut absolument mettre fin au scandale que représentent ces plateformes, peu importe ce qu’elles font, qu’elles délivrent des arrêts de travail ou des prescriptions de tout type.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1133 rectifié et 1251 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 16.
L’amendement n° 978, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VI du titre Ier du livre III de la sixième partie du code de la santé publique est complété par une section ainsi rédigée :
« Section 3 :
« Téléconsultation
« Art. L. 6316-3. – La téléconsultation a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient
« Elle apporte un complément à l’offre de soins et aux consultations effectuées en présence d’un professionnel de santé, notamment dans les zones où l’offre de soins est particulièrement dégradée.
« Les équipements destinés aux téléconsultations se déroulant hors du domicile du patient sont implantés au sein de lieux exclusivement dédiés à une activité de soin.
« Les lieux où sont installés ces équipements de téléconsultation assurent, dans des conditions fixées par décret du ministre chargé de la santé pris après avis de la Haute Autorité de santé :
« – La présence d’au moins un professionnel de santé titulaire au minimum d’un niveau de qualification défini à l’article L. 4311-2 du présent code, et d’un professionnel de santé de même niveau de qualification supplémentaire par tranche de cinq dispositifs individuels de téléconsultation situés sur le même lieu ;
« – L’accessibilité de la consultation aux personnes en situation de handicap ;
« – Un accompagnement dans l’utilisation par le patient des dispositifs de téléconsultation ;
« – La confidentialité des échanges entre le patient et le professionnel de santé, et la protection des données personnelles ;
« – Les téléconsultations ne respectant pas ces conditions ne peuvent être prises en charge par les organismes d’assurance maladie ».
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Cet amendement vise à encadrer la téléconsultation médicale.
En février 2024, la Haute Autorité de santé a déterminé, pour le déploiement de toute activité de téléconsultation ou de télésoin, trois grandes lignes directrices : premièrement, l’implantation doit répondre à un besoin de soins à l’échelle du territoire ; deuxièmement, le lieu doit garantir l’accessibilité et la qualité des soins : troisièmement, les conditions matérielles et environnementales de la téléconsultation ou du télésoin doivent garantir la qualité de la prise en charge.
Nous ne sommes pas hostiles au développement de la téléconsultation, car celle-ci peut réduire la fracture sanitaire, mais il faut l’encadrer. Sans cela, elle contribue à déshumaniser les soins, à renforcer la fracture numérique et, surtout, à attirer des entreprises sans scrupules.
À ce propos, je souhaite offrir un témoignage, en tant que sénatrice de Seine-et-Marne, démontrant la nécessité d’encadrer cette pratique pour éviter les effets d’aubaine. Il y a quelques mois, dans mon département, l’entreprise H4D a installé une dizaine de cabines de téléconsultation ; cette société avait bénéficié de 1,5 million d’euros de crédit d’impôt recherche (CIR), de 200 000 euros de crédit d’impôt innovation (C2I) et d’une dotation de 100 000 euros par télécabine financée par le département. Or elle a, du jour au lendemain, fermé ses portes et ses cabines, laissant les communes et le département dans le plus grand désarroi. (Mme Émilienne Poumirol s’indigne.)
Donc, oui, il faut réguler, il faut encadrer, mais il faut aussi contrôler les fonds publics pour que ce genre de pratique cesse. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je souscris à l’idée – et je pense que nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à le faire – selon laquelle la téléconsultation doit être mieux encadrée.
Toutefois, ma réponse sera la même que précédemment : vous connaissez tous le sérieux des travaux du Sénat, qui a demandé un rapport à la Cour des comptes sur ce sujet. Je vous propose donc, non de balayer le sujet d’un revers de la main, mais d’attendre la remise de ce rapport pour travailler ensemble sur la question, car je suis sûre que nous trouverons un terrain d’entente et des positions communes pour mieux encadrer ces cabines de téléconsultation.
Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je remercie Céline Brulin et les membres du groupe CRCE-K d’avoir déposé cet amendement, et je regrette votre réponse, madame la rapporteure.
Certes, ce rapport de la Cour des comptes a été demandé, mais il nous sera remis dans un an et il nous faudra ensuite encore du temps pour y travailler. Et, pendant ce temps, les scandales comme celui dont vient de nous parler notre collègue se perpétueront, de prétendues sociétés – prétendues, car on peut se demander qui est derrière – qui bénéficient honteusement de l’aide publique, y compris de la part de départements et d’intercommunalités qui tâchent ainsi de résoudre le problème des déserts médicaux, continueront de bénéficier de ces aides avant de disparaître, du jour au lendemain, laissant les collectivités sans solution, non sans avoir pris soin de remplir leurs poches de notre argent public.
Il faut donc y mettre fin rapidement.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne m’explique pas une chose : pourquoi certains amendements, dits de régulation, ne peuvent-ils pas attendre le rapport que nous avons demandé, que je suis, comme vous, très pressée d’obtenir, et pourquoi sur certains autres, purement qualitatifs, comme celui qui vient de nous être présenté, lequel s’appuie en outre sur les recommandations de la HAS, on devrait surseoir à statuer ?
Soit il faut attendre le rapport de la Cour des comptes pour tous les amendements, soit il ne faut l’attendre pour aucun, mais, en tout état de cause, on ne peut pas demander à surseoir pour les uns et non pour les autres.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour explication de vote.
Mme Marianne Margaté. J’entends bien que ce rapport arrive et je suis sûre qu’il sera digne d’intérêt. Cependant, face à de telles pratiques – la Seine-et-Marne n’est sans doute pas un cas isolé –, le Sénat doit clairement faire connaître sa position par l’adoption de cet amendement et montrer qu’il s’engage dans un chemin que le rapport de la Cour des comptes permettra, certainement, de développer. Il convient que le Sénat montre ainsi sa volonté d’encadrement et de régulation.
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par M. Milon, Mme Petrus, MM. Somon, Sol et Khalifé, Mmes Aeschlimann et Malet, M. J.B. Blanc et Mmes Lassarade, Jacques, M. Mercier et Micouleau, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VI du titre 1er du livre III de la sixième partie du code de la santé publique est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Rendez-vous en ligne
« Art. L. 6316-… – Les sociétés commerciales de communication numériques, et toutes plateformes d’intermédiation proposant des rendez-vous médicaux en ligne auprès d’un professionnel de santé, à titre exclusif ou non exclusif, reçoivent un agrément à cette fin du ministre chargé de la sécurité sociale et de la santé.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions que doivent remplir ces sociétés et les éléments que doivent fournir les professionnels de santé pour être référencés.
« Ces dispositions s’appliquent quel que soit le mode d’exercice des professionnels de santé référencés et le type d’établissement de santé. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Au cours des dernières années, il a souvent été rapporté par les patients eux-mêmes, après une prise de rendez-vous en ligne, une discordance entre le praticien consulté et celui qui était annoncé lors de la prise de rendez-vous. Parfois, un rendez-vous en télémédecine sert d’alibi, alors que le patient pense, lors de la prise de rendez-vous, qu’il verra un médecin en présence. Le manque de cadre réglementaire limite les possibilités de contrôle des sociétés de rendez-vous en ligne et le déréférencement.
Il convient donc de permettre non seulement aux patients de s’y retrouver parmi les intervenants, mais aussi de leur garantir la fiabilité des informations fournies sur les sites de rendez-vous en ligne, ainsi que la réalité de l’existence des professionnels proposés. Ces derniers doivent être clairement identifiables par les patients au moment de la prise de rendez-vous, principe fondamental du code de la santé publique, précisé à l’article L. 1110-8 de ce code, qui affirme le « droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et de son mode de prise en charge ».
Les sociétés de rendez-vous en ligne ont pris une part de plus en plus importante dans l’attribution de ces rendez-vous, ce qui en fait une porte d’accès essentielle aux professionnels de santé, particulièrement aux médecins. Le principal acteur représente maintenant près de 90 % de l’offre et s’approche, malheureusement, du monopole. La visibilité apportée par le référencement sur ces sites peut inciter des acteurs, réels ou non, à se faire passer comme compétents pour des activités de soins pour lesquelles ils ne disposent pas des diplômes requis. Ainsi, certains professionnels non réglementés ont essayé, et parfois réussi, à se faire référencer.
Il est sans doute temps de réguler les sociétés de rendez-vous en ligne, les signes de dérive étant manifestes depuis la période du covid, qui a vu une nette diversification et une augmentation du nombre de professionnels sur ces sites. Ce serait aussi un élément important de contrôle de la fraude et de sécurisation des informations apportées aux patients.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Nous voyons bien combien le sujet des téléconsultations et des plateformes – celles qui permettent la prise de rendez-vous mais aussi celles qui, frauduleusement, prescrivent des arrêts de travail – nous préoccupe tous.
C’est pourquoi, à titre personnel, j’attends avec impatience le rapport de la Cour des comptes, afin que l’on prenne le temps de la réflexion avant de légiférer. Il y a un vrai travail à conduire sur ce point, afin notamment de savoir qui est au bout du fil. Est-ce vraiment un médecin ? Verra-t-il le patient ?
Sur la durée des arrêts de travail, limitée aujourd’hui à trois jours, j’ai aussi entendu que certains patients, en arrêt de travail pour des raisons psychiatriques et qui ne peuvent pas toujours se déplacer, ont un intérêt à ce qu’il puisse être prolongé au-delà. Les choses ne sont donc pas si simples.
C’est pourquoi la commission, désireuse de se pencher sérieusement sur cette question, demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Monsieur le sénateur, vous nous proposez une procédure d’agrément des sociétés de prise de rendez-vous médicaux.
L’encadrement de ces plateformes doit se justifier par leur effet sur les dépenses d’assurance maladie. Or la prise de rendez-vous en ligne est une offre de services privée, sans conséquence directe sur ces dépenses, puisqu’il ne s’agit que d’une mise en relation.
En outre, comme le dit Mme la rapporteure, la réception de ce rapport fournira l’occasion d’effectuer un travail complet, afin de voir comment on peut mieux sécuriser et encadrer cette activité.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement, même s’il demeure vigilant sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. J’entends les arguments de Mme la rapporteure et de Mme la ministre. Cependant, les amendements dont nous sommes les auteurs ne sont, au fond, que l’expression des inquiétudes des professionnels de santé et des patients qui ont fait l’expérience de ces situations auxquelles nous voudrions mettre fin. Nous devons agir très rapidement sur ce sujet.
Nous avons demandé une étude à la Cour des comptes, certes, mais nous savons le temps qu’il lui faudra pour produire un rapport, puis le temps qu’il nous faudra pour l’analyser et pour rédiger une proposition ou un projet de loi. Par conséquent, pendant encore une année ou deux, des tas de patients continueront de se faire « bananer », si j’ose dire, et des tas de personnes continueront à se faire passer pour des professionnels de santé…
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 40 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 38 rectifié bis, présenté par M. Milon, Mme Petrus, MM. Somon, Sol et Khalifé, Mmes Aeschlimann et Malet, M. J.B. Blanc et Mmes Lassarade, M. Mercier, Jacques et Micouleau, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les produits, les prestations et les actes prescrits à l’issue d’une prise en charge comprenant une téléexpertise réalisée en application des articles L. 6316-1 et R. 6316-1 du code de la santé publique ne sont pris en charge qu’à la condition d’être prescrits par le professionnel de santé requérant la téléexpertise ; ce dernier est responsable de la décision finale et agit dans les limites de ses compétences après avoir intégré l’avis de téléexpertise dans l’ensemble des données dont il dispose à propos du patient. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Je crois savoir déjà la réponse qui me sera faite, mais je vais tout de même défendre mon amendement, car il me semble important.
Plusieurs sociétés de téléexpertise, sollicitées par des professionnels de santé, proposent de fournir, à l’issue d’une prétendue téléexpertise, des ordonnances, en vue de délivrer des produits ou des dispositifs médicaux sans examen médical, alors que l’ordonnance est signée par un médecin salarié ou partenaire.
Ces prescriptions sont souvent délivrées par une plateforme d’échange sur abonnement et sans examen médical, à la suite d’un simple questionnaire rempli sans possibilité de contrôle par le médecin. Ces méthodes, assimilables à de l’achat d’ordonnances, ne sont réalisées qu’en suivant des protocoles personnels, sans la moindre validation de quelque instance que ce soit : Haute Autorité de santé (HAS), assurance maladie, conseil national professionnel. Plusieurs dizaines de milliers d’ordonnances ont déjà été délivrées par cette voie frauduleuse, alourdissant ainsi les finances de l’assurance maladie et des complémentaires santé. La perspective prochaine d’une industrialisation à grande échelle de ce système menace la cohérence du parcours de soins et les finances publiques.
Je laisse Mme Poumirol développer cette question à l’occasion de la défense de l’amendement très similaire qu’a déposé M. Jomier, mais je veux ajouter un point. La semaine dernière, on m’a rapporté le cas d’un accident de travail au sein d’une collectivité territoriale. L’intéressé a utilisé une plateforme de ce type. Sans consultation, en répondant seulement à un questionnaire, il a obtenu un arrêt de travail de deux semaines, une prescription d’anti-inflammatoires, heureusement non stéroïdiens, et une ordonnance de kinésithérapie – tout cela sans voir un médecin ! Ce système représente un véritable danger.
M. le président. L’amendement n° 746, présenté par M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas, Vayssouze-Faure et M. Weber, Mmes Monier et G. Jourda, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les produits, les prestations et les actes prescrits à l’issue d’une prise en charge comprenant une téléexpertise réalisée en application des articles L. 6316-1 et R. 6316-1 du code de la santé publique ne sont pris en charge qu’à la condition d’être prescrits par le professionnel de santé requérant la téléexpertise ; ce dernier est responsable de la décision finale et agit dans les limites de ses compétences après avoir intégré l’avis de téléexpertise dans l’ensemble des données dont il dispose à propos du patient.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Par cet amendement, quasiment identique à celui de M. Milon, nous mettons l’accent sur le risque que représentent les plateformes et les sociétés dites de téléexpertise. Celles-ci peuvent prescrire des arrêts de travail, mais aussi des médicaments, des examens radiologiques ou encore des séances de kinésithérapie, sans avoir vu le patient. J’y reviens, c’est une négation du rôle du médecin ! Je le vis comme une véritable insulte à la nature même de la médecine, qui repose sur l’examen d’un patient et la prescription, en toute connaissance de cause, des soins dont celui-ci a besoin.
Or ces sociétés de téléexpertise fleurissent et pratiquent une activité frauduleuse. Disons-le clairement : elles n’ont pas le droit de prescrire des ordonnances, et pourtant, elles le font ! C’est de la fraude et il faut les sanctionner.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La fraude va même jusqu’à l’emploi du mot « téléexpertise » ! En effet, qu’est-ce que la téléexpertise ?
Mme Émilienne Poumirol. Il s’agit de prétendue téléexpertise !