M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne les ajustements significatifs qui ont été annoncés dans le budget, et notamment les efforts demandés aux collectivités territoriales.
Les derniers gouvernements ont voulu faire peser sur les collectivités territoriales la responsabilité de la dette, mais celle-ci ne peut pas leur être imputée ! L’absorption du déficit actuel ne peut pas davantage leur être demandée.
Le projet de loi de finances pour 2025, que nous examinerons prochainement, demandait initialement aux collectivités locales un effort de 5 milliards d’euros.
Ce montant est contesté par tous. Charles de Courson évalue l’effort à 7,8 milliards d’euros ; France urbaine parle de 8,5 milliards ou de 9 milliards d’euros ; les maires, qui tiennent actuellement leur congrès autour de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, arrivent au chiffre de 8,7 milliards d’euros, ou 10,9 milliards d’euros si l’on tient compte du désengagement de l’État des programmes destinés aux territoires.
Tous expriment leur crainte, justifiée, de voir disparaître des actions essentielles comme la prise en charge sociale, par les départements, des mineurs non accompagnés (MNA) ou du revenu de solidarité active (RSA) et, dans les communes, des services de la petite enfance ou de la transition écologique.
Même après les dernières annonces, faites pour éviter le pire, le compte n’y est pas. Amateurisme ou insincérité ? Le résultat sera le même : néfaste. Ce gouvernement sera-t-il celui de l’abandon par l’État des collectivités territoriales et des services au public ? Assumez-vous de mettre en péril ces piliers de la République que sont les communes pour laver les péchés d’une politique budgétaire nationale coupable ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Benarroche, vous avez entendu ce qu’a dit M. le Premier ministre il y a quelques instants. Comme lui, je commencerai par saluer Mmes et MM. les maires qui, à l’occasion du congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, sont aujourd’hui dans nos tribunes pour assister à cette séance de questions au Gouvernement.
Je vous répondrai très directement, monsieur le sénateur, que le gouvernement dirigé par Michel Barnier se mobilise précisément pour travailler avec l’ensemble des collectivités territoriales : les régions, les départements et le bloc communal.
Le Premier ministre vient de répondre sur les départements ; je centrerai donc ma réponse sur les communes.
Vous savez dans quelles conditions le budget a été préparé. Le Sénat a commencé à l’étudier, et je remercie pour cela le rapporteur général de votre commission des finances Jean-François Husson, tout comme le sénateur Sautarel, avec qui nous travaillons.
Pour rappel, les communes auxquelles un effort était demandé étaient celles dont le budget dépasse les 40 millions d’euros, celles qui ne bénéficient pas de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et celles qui ne sont pas concernées par la péréquation, puisqu’elles reçoivent une aide et ne participent pas.
En d’autres termes, toutes les communes de France n’étaient pas directement concernées, sauf par la mesure relative au FCTVA. Sur ce point, vous avez entendu la réponse de M. le Premier ministre : il n’y aura pas de rétroactivité.
Le travail de ce gouvernement, monsieur le sénateur, consiste donc à répondre point par point, de façon à préserver la capacité d’investissement des communes et à les accompagner. Nous savons que les maires sont les premiers visages de la République sur le territoire. C’est l’honneur de ce gouvernement d’être aux côtés des collectivités territoriales pour répondre aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Madame la ministre, le dialogue entre État et collectivités territoriales est au bord de la rupture. J’ai souvent regretté la « recentralisation déconcentrée » du pouvoir sous le règne d’Emmanuel Macron, qui a ainsi fait payer aux collectivités territoriales la politique fiscale à crédit qu’il a menée depuis des années.
L’autre réalité de ce budget est que la majorité sénatoriale est prête à lâcher les collectivités territoriales et les politiques locales qui touchent directement les habitants, et ce sous couvert de responsabilité et sous prétexte de certaines petites avancées que vous appellerez des victoires. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Le coup de rabot demandé coûtera cher à l’État, car il aura un effet récessif, condamnant nos collectivités territoriales à une certaine décroissance.
M. Jacques Grosperrin. Ça, c’est plutôt chez vous !
M. Guy Benarroche. Je sais que vous n’aimez pas ce mot, mais c’est bien cela qui va se produire, messieurs les sénateurs de droite. Pour un gouvernement mal né et amené à mourir rapidement,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Guy Benarroche. … c’est vraiment déplacé : nous pouvons tous mettre une écharpe noire ! (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC, l’orateur ayant dépassé son temps de parole. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
zéro artificialisation nette
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, depuis votre nomination, vous n’avez jamais cessé de faire preuve de courage et d’audace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques d’ironie sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Vous avez rendu de nouveau facultatif le transfert des compétences eau et assainissement, vous vous êtes attelé au statut de l’élu, vous avez annoncé la baisse de la participation des collectivités territoriales au budget pour 2025. Je souhaite vous interroger sur le « zéro artificialisation nette », qui se heurte aujourd’hui à un contexte sans précédent de crise du logement et à la volonté sans faille des élus de nos territoires d’accueillir dans leurs communes de l’activité économique.
Ceux-ci nous alertent sur la désespérance qu’ils éprouvent de ne plus être des élus bâtisseurs qui maîtrisent le destin de leur commune.
Prompt à trouver des solutions, le Sénat a lancé un travail collégial sur la question, et nos collègues Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier ont déposé une proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace). (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Ce texte comporte des dispositions opérationnelles pour régler les difficultés de nos communes (M. Akli Mellouli s’exclame.) tout en respectant l’effort de sobriété foncière et, bien sûr, la nécessité de prendre des mesures de prévention des risques climatiques.
Ce texte, monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à le soutenir ? Pouvons-nous espérer, avant son examen, une pause dans l’application du ZAN ? Bref, préférez-vous le chemin tortueux du ZAN ? Nous, nous préférons la Trace sénatoriale ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Darnaud, j’aime les mots de chemin, de trace… Dans mon pays de Savoie, on sait ce que c’est qu’une trace durable. Et on aime les chemins, même escarpés ! Je ne parle pas du travail du Premier ministre… (Sourires.)
Au cours de mon long parcours – vous voyez mes cheveux blancs –, j’ai été pendant très longtemps président d’un département. J’ai été aussi ministre de l’environnement et de la prévention des risques naturels.
Par conséquent, monsieur le président, je vous dirai d’emblée, sans ambiguïté, que nous ne renoncerons pas à l’objectif de sobriété foncière. Nous devons maîtriser les risques d’une excessive artificialisation des sols. (Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER et GEST.) Je n’ai pas oublié les catastrophes auxquelles nous avons dû faire face. Il y en a eu un certain nombre au cours des dernières années. Je ne parle pas seulement de ce qui s’est passé à Valence, dans un pays voisin et ami. N’ayons pas la mémoire courte, soyons prudents !
C’est l’objectif du travail que nous allons mener, comme je le disais tout à l’heure, avec les maires. Ils sont sur le terrain, en première ligne quand il y a une catastrophe, face à un risque ou pour résoudre des problèmes de cette nature.
J’ai appris aussi, lorsque j’étais ministre ou président de département, que les espaces naturels et les ressources naturelles ne sont ni gratuits ni inépuisables. Nous devons faire attention. Je sais que vous partagez cet état d’esprit aussi, monsieur le président Darnaud, et vous l’avez montré dans votre région. (Marques d’incrédulité sur les travées du groupe GEST.)
En même temps, on constate que la législation, la réglementation, enserre les maires dans un carcan. Or ceux-ci doivent pouvoir exercer leur mission, qui est aussi d’être des maires bâtisseurs, pour reprendre vos mots. On observe qu’on ne sait plus où construire certaines infrastructures ou installer certaines usines, certaines entreprises.
Je pense qu’il est possible de trouver un chemin – une trace – pour atteindre en même temps ces deux objectifs, qui ne sont pas incompatibles. Nous allons y travailler avec vous, avec l’Assemblée nationale et avec les élus locaux.
Je remercie sincèrement à mon tour les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier de leur proposition de loi, que nous allons soutenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.) Son examen sera l’occasion d’introduire des ajustements, des assouplissements, toujours avec pragmatisme, dans l’application du ZAN. Dans ce travail, il faudra aussi nous assurer, monsieur le président Darnaud, que l’objectif puisse toujours être atteint, comme je vous l’ai dit, mais nous devons aussi construire le ZAN en partant davantage de la réalité des besoins et du dialogue avec chaque territoire. (Marques d’ironie sur les travées du groupe GEST.)
En attendant, nous allons prendre, sous l’impulsion de Catherine Vautrin, plusieurs dispositions pour apporter de la souplesse, avant même le vote de ce texte, là où c’est possible et nécessaire. Nous inviterons les préfets à se saisir de la circulaire dite des 20 %, afin de donner des marges supplémentaires aux collectivités territoriales qui en ont besoin immédiatement. (M. Guillaume Gontard s’exclame.)
De plus, nous allons modifier les décrets pour que les jardins pavillonnaires ne soient plus considérés comme des surfaces artificialisées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous prendrons aussi en compte les nouveaux projets au titre des projets d’envergure nationale et européenne. Je veillerai à ce que les préfets soient informés de notre volonté de changer bientôt la loi pour que les décisions futures soient prises en bonne intelligence avec les maires et en préfigurant, en quelque sorte, ce qui sera dans la loi.
M. Guy Benarroche. Sera-t-elle rétroactive ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. Je me réserve aussi, monsieur le président Darnaud, la possibilité de prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires pour atteindre de manière intelligente, ambitieuse et souple cet objectif de protection de l’environnement.
Enfin, comme vous l’avez suggéré, nous pourrions peut-être changer le nom du dispositif : ce serait la trace du Sénat ! Ce changement serait le symbole d’un nouvel état d’esprit, d’une nouvelle confiance partagée en faveur de ce double objectif : construire, aménager, mais aussi faire attention à l’environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Suivre cette trace, c’est redonner aux maires des capacités d’agir. C’est tout simplement redonner à la France communale du souffle : elle en a grand besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
situation de la scolarisation des enfants à mayotte
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre de l’éducation nationale, sur l’enseignement dans les écoles primaires à Mayotte, les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’état des lieux est très éclairant. Le nombre d’élèves inscrits à l’école primaire a augmenté de 20 % entre 2019 et 2023. Il manque 1 200 salles de classe à ce jour. Quelque 57 % des élèves suivent un enseignement en rotation et ne bénéficient donc que de deux jours d’enseignement par semaine. Et 92 % des élèves ne reçoivent pas de repas chaud le midi. Enfin, sur l’ensemble de l’île de Mayotte, vos services, madame la ministre, estiment entre 6 000 à 10 000 le nombre d’enfants non scolarisés, soit 9 % du total.
Les chiffres que je viens de vous citer émanent de la chambre régionale des comptes de Mayotte et des services de votre ministère. Ces données illustrent très bien l’origine de la progression, fulgurante ces dernières années, de la délinquance juvénile. De fait, on peut s’interroger sur le lien entre cet état des lieux et le caillassage des bus scolaires, les intrusions et les tentatives d’incendie des établissements scolaires, qui sont le quotidien des habitants de Mayotte. Hier matin encore, un bus transportant trente-sept élèves a fait l’objet d’un caillassage très violent à Mamoudzou.
Quelles mesures d’urgence le ministère de l’éducation nationale compte-t-il prendre face à cette situation aux conséquences d’ores et déjà catastrophiques pour l’avenir de Mayotte et de ses générations futures ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Catherine Conconne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Saïd Omar Oili, je rappelle d’abord, alors que nous sommes en période de discussion budgétaire, que notre école républicaine ne représente jamais une dépense : c’est un investissement. C’est un investissement collectif pour l’avenir, y compris pour celui de nos jeunes Mahorais et de Mayotte.
J’ai rencontré ce matin, au congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, le maire de Mamoudzou, M. Soumaïla, qui m’a expliqué que quelque 10 000 enfants naissent chaque année sur son île. Très concrètement, cela signifie qu’il faudrait une salle de classe de plus par jour !
Il manque, très précisément, 302 salles de classe, ce qui impose un système de rotation, avec classe le matin pour les uns, l’après-midi pour les autres, qui permet de garantir malgré tout que l’école vient à chacun de nos jeunes Mahorais.
La réponse de l’État est claire. En ce qui concerne le bâti scolaire, nous savons qu’il faut construire. Pour cela, l’État met sur la table 1 milliard d’euros. À Mayotte, ce sont plus de 500 millions d’euros qui seront prévus pour construire de nouveaux bâtiments d’ici à 2027. Dans le budget pour 2025, 138 millions d’euros sont inscrits pour le bâti scolaire à Mayotte. Cela permettra d’accueillir plus de 14 000 élèves supplémentaires.
Il faut aussi mettre des professeurs dans ces classes. Aujourd’hui, 15 000 de nos professeurs sont présents sur le territoire de Mayotte. Au total, il y a 19 000 agents de l’éducation nationale sur place, en comptant les surveillants, les accompagnants d’enfants en situation de handicap, les inspecteurs, les personnels de direction, etc. Nous déployons des moyens de formation pour les accompagner : nos enseignants sont formés.
Bien sûr, il faudra aller plus loin, et dépasser le système des rotations. Soyez assurés que mon ministère et tout le gouvernement de M. Barnier, notre Premier ministre, seront à vos côtés pour soutenir Mayotte, parce que l’école est notre priorité nationale. Nous devons à tout prix élever le niveau de tous et ne laisser personne sur le bord de la route, sans excepter nos jeunes Mahorais. Soyez assurés de notre complet soutien. Nous serons à vos côtés tout au long de l’année 2025 et des années qui viennent pour que le territoire de Mayotte et nos jeunes Mahorais fassent partie de la promesse républicaine, de la promesse d’avenir de la Nation. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
contribution des collectivités à la réduction du déficit de la france
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, mes chers collègues, les élus locaux sont très inquiets, monsieur le ministre chargé du budget. Quelque 2 000 maires ont démissionné depuis 2020, dont beaucoup n’avaient pas encore achevé leur premier mandat. Et les autres s’interrogent sérieusement sur l’opportunité de se représenter en mars 2026.
Il faut dire que leur confiance envers l’État a maintes fois été érodée par la question des compensations à l’euro près, l’inflation normative ou encore la diminution considérable de leur autonomie financière.
Alors que nos collectivités territoriales ont l’obligation de présenter des budgets équilibrés en recettes et en dépenses, elles ont été désignées l’été dernier parmi les responsables des déficits publics catastrophiques de notre pays.
Plusieurs mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2025 inquiètent particulièrement les élus locaux, notamment l’évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), les conditions d’attribution du FCTVA ou l’abondement du fonds de réserve par des prélèvements sur le montant des impositions qui leur reviennent.
Or n’oublions pas que nos élus sont les premiers investisseurs publics, qu’ils portent à bout de bras la modernisation de nos infrastructures locales, dédiées à nos populations et à notre économie, et qu’ils font face aux enjeux majeurs de la parentalité ou de la transition écologique.
Pouvez-vous nous assurer que les sommes qui seront prélevées à une collectivité territoriale lui seront bien restituées intégralement au 1er janvier 2026, et qu’il ne s’agit pas d’un fonds de péréquation déguisée ? Par ailleurs, pouvez-vous nous confirmer que ce mécanisme ne sera pas étendu à d’autres collectivités dans le cas où les finances publiques se dégraderaient encore ?
Certes, il est nécessaire que chacun contribue aux efforts pour assainir les finances publiques, mais ces efforts doivent être justement répartis et ils ne doivent pas pénaliser les plus vertueux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Laure Darcos, le Premier ministre et la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, Catherine Vautrin, ont rappelé pourquoi une contribution est demandée aux collectivités territoriales. Comme vous le savez, l’état de nos finances publiques exige que l’ensemble des administrations publiques participent à l’effort de redressement des comptes. Celui-ci passe d’abord par la baisse de la dépense publique.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet effort doit être également juste et proportionné.
Cela signifie que c’est d’abord à l’État de faire cet effort. Il le fait, à hauteur de plus de 20 milliards d’euros. L’effort de freinage des dépenses de la sécurité sociale est également une priorité, et nous visons 15 milliards d’euros d’économies – après cette séance de questions au Gouvernement, vous reprendrez l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Vous avez raison, dans le texte initial du projet de loi de finances, le Gouvernement demandait aux collectivités territoriales un effort de 5 milliards d’euros. Nous allons retravailler ensemble ce texte, comme le Premier ministre l’a indiqué.
Les collectivités territoriales représentent 20 % de la dépense publique en France – pour des actions nécessaires et utiles. Nous avons donc d’abord considéré que le montant de 5 milliards d’euros était juste et raisonnable. La vraie question, c’est celle que vous posez. Qui contribuera exactement ? Comment répartir l’effort, tel qu’il sera modifié, de la manière la plus juste possible ?
Le Premier ministre a annoncé que la contribution des départements sera revue. Il y aura une réduction significative de leur participation au fonds de précaution et le caractère rétroactif de la mesure relative au FCTVA sera annulé. Il nous faudra aussi, pendant l’examen du projet de loi de finances, revoir les mécanismes du fonds de précaution.
Vous avez posé deux questions précises. Je tiens à y répondre. Nos discussions n’auront pas pour objet d’étendre le mécanisme du fonds de précaution à de nouvelles collectivités territoriales. Par ailleurs, vous avez soulevé la question du retour des fonds : oui, il s’agit bien d’un fonds à destination des collectivités territoriales, et il est très important qu’il soit compris comme tel. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. J’espère que c’est bien à la même collectivité territoriale que l’argent reviendra. En cette semaine de congrès des maires, il faut entendre le cri de détresse de nos élus locaux et leur rendre enfin le pouvoir d’agir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
protection des élus locaux face aux violences
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Saint-Brevin-les-Pins, Pibrac, La Chapelle-Neuve, Saint-Pierre-des-Corps, Châtenois-les-Forges, Dizimieu, Chéry-Chartreuve : ce sont sept des quelque 1 300 communes dont le ou la maire a démissionné depuis juin 2020. Chaque année, ils sont environ 450 à jeter ainsi l’éponge, usés par les menaces, les insultes, les attaques physiques, le climat étouffant créé par des individus agressifs.
Dans la Creuse, un homme a été condamné en juin dernier après avoir déclaré au maire de sa commune : « Une mairie, ça brûle bien ! » Le mois dernier, un député a reçu des injures puis des coups de poing dans le ventre à la sortie d’un supermarché où il faisait des courses avec sa fille.
Une telle bestialisation ne peut que nous plonger dans la consternation. Une étude parue vendredi dernier dresse un portrait très alarmant de la santé mentale des maires : 83 % d’entre eux estiment que leur mandat est usant pour leur santé, et près de la moitié songe fréquemment à démissionner.
L’ampleur et la gravité de ces faits appellent une réponse volontaire du législateur pour sauvegarder le fonctionnement ordinaire de la démocratie locale.
Au cours d’un échange que vous avez eu récemment avec le président Mathieu Darnaud, vous avez évoqué votre intention d’adresser une nouvelle circulaire aux procureurs généraux et aux procureurs de la République afin de mettre à leur disposition de nouveaux outils pour lutter contre ces violences.
Le plan national de prévention et la loi du 21 mars dernier ont renforcé l’information des maires sur les infractions et ont consolidé le dialogue entre parquets et collectivités territoriales. Pourtant, le résultat n’est pas encore à la hauteur de nos attentes.
Ma question est la suivante : quelles sont vos pistes pour assurer, une bonne fois pour toutes, la sécurité de nos élus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le questeur, la question des atteintes aux élus est pour moi une priorité, et elle le restera. Attaquer des élus, c’est attaquer la République. Cela n’est pas supportable, et cela appelle de la part de l’État et de la justice une réponse extrêmement ferme.
Vous l’avez dit, un certain nombre de circulaires ont été émises par mon prédécesseur. J’entends, bien sûr, poursuivre son action pour que ce problème soit pris à bras-le-corps. Vous le savez, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a permis d’élargir le spectre des atteintes aux élus en incluant dans cet ensemble, de façon pertinente, les candidats, en allongeant certaines durées de peine ou en parachevant les mécanismes juridiques d’information des élus.
Les procureurs de la République s’emparent du sujet, tout comme les juridictions de jugement. La réponse pénale doit être ferme, je le répète, et j’aurai l’occasion de le rappeler aux procureurs généraux et aux procureurs de la République. Nous avons adressé aux procureurs généraux un modèle de protocole relatif au renforcement des relations entre les parquets et les maires.
Je souhaite évaluer l’efficacité de l’ensemble des mesures que nous avons prises. Les remontées du terrain nous aideront à évaluer d’éventuelles pistes nouvelles pour renforcer notre action en ce domaine. J’en informerai, bien sûr, les parlementaires.
En tout cas, soyez assuré de ma pleine mobilisation et de la pleine mobilisation de la justice pour que les menaces contre les élus puissent être poursuivies et sanctionnées avec la plus grande fermeté. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie de votre engagement, monsieur le garde des sceaux, et je salue votre clairvoyance. Il est indispensable en effet que chaque tribunal soit doté d’un référent parquetier clairement identifié auprès des maires, dédié au traitement des plaintes et à l’engagement des poursuites. Les élus du pays doivent pouvoir compter sur vous pour ne plus avoir le sentiment d’être des gladiateurs prêts à descendre dans la fosse aux lions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales