M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.
M. Daniel Chasseing. Les lits d’aval sont très importants. Aux urgences, nous voyons des personnes sur des brancards. Bien souvent, une infirmière est désignée pour chercher des lits dans tout l’hôpital – et c’est un travail à plein temps. Je n’ignore rien des coûts induits par ces lits supplémentaires, mais c’est une question essentielle.
En outre, les services spécialisés ne souhaitent pas accueillir de patients souffrant d’une affection ne relevant pas de leur domaine et qui ont besoin d’un bilan. L’ouverture de lits de médecine polyvalente en aval est plus que jamais nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dès 2014, la Cour des comptes nous alertait sur l’augmentation continue des recours aux urgences, souvent pour des cas ne nécessitant pas d’hospitalisation. Cette situation est en grande partie le résultat d’une prise en charge insuffisante par la médecine de ville. La Cour soulignait également l’existence de tensions au sein des hôpitaux et une inadéquation des soins prodigués.
Le constat reste inchangé : les effectifs – infirmiers, aides-soignants, médecins – demeurent insuffisants pour répondre à la demande croissante des patients. Cette pénurie se traduit par un engorgement des services d’urgences, par des conditions de travail de plus en plus difficiles et par une fatigue accrue des équipes. En somme, nous sommes toujours face à une situation critique.
En 2020, par exemple, 77 % des structures d’urgences étaient publiques. Elles ont pris en charge 18 millions de passages, même si l’on a observé une baisse de 17 % par rapport à l’année précédente, en raison notamment de la pandémie.
Au fil des années, les problèmes persistent. Le manque de ressources, tant humaines que matérielles, maintient les services d’urgences dans une crise permanente. Pour tenter de limiter l’afflux, des mesures de régulation ont été instaurées. Celles-ci, bien que nécessaires, sont souvent mal perçues par les patients et engendrent de l’incompréhension.
Le triage, ou la qualification, est devenu une pratique courante. Ce procédé consiste à évaluer rapidement l’état d’une personne arrivant aux urgences afin de l’orienter vers le parcours de soins le plus approprié. Il s’agit d’un outil essentiel pour assurer une prise en charge rapide et efficace, mais encore faut-il que les personnels chargés de l’évaluation soient correctement formés et soutenus. Madame la ministre, qu’en est-il ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, ce sont les assistants de régulation médicale (ARM) qui sont au bout du fil lorsque l’on appelle les centres 15. Ils orientent leurs interlocuteurs vers les SAS et sont les premiers maillons de la chaîne des secours médicaux français par téléphone. Ils travaillent en collaboration avec des médecins hospitaliers et libéraux.
Depuis 2019, afin de sécuriser la régulation médicale, le ministère de la santé a instauré une certification de la formation. D’une durée d’un an, celle-ci est assurée dans vingt et un centres agréés – l’ouverture récente de nouveaux centres a permis de mailler encore davantage notre territoire. Elle s’adresse aux bacheliers et aux personnes ayant au moins trois ans d’expérience professionnelle à temps plein. Elle est aujourd’hui obligatoire pour exercer ce métier.
En pratique, cette assistance de régulation médicale réceptionne tous les appels, les priorise et les oriente soit vers une prise en charge sans délai par les Samu, dans les situations d’urgence vitale, soit vers la régulation de médecine ambulatoire, lorsque la demande relève de besoins de soins non programmés.
En revanche, les missions importantes que sont l’accueil et l’orientation des patients aux urgences reposent sur un infirmier organisateur de l’accueil – dans certains établissements, en binôme avec un médecin organisateur de l’accueil. Ce rôle constitue plus que jamais un pivot de l’organisation et de la gestion des flux internes des structures d’urgences : il s’agit d’accueillir, d’évaluer rapidement le degré d’urgence et d’organiser le début du parcours dans une structure adaptée aux besoins du patient.
Les outils existent ; il est essentiel que chaque établissement s’en empare et les adapte aux besoins de son territoire.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est plus un secret pour personne : notre système d’urgences est sous tension et à bout de souffle. Cet été, comme chaque été malheureusement, il a connu de graves difficultés dont les plus vulnérables de nos concitoyens ont été les premières victimes.
Je prendrai pour exemple l’hôpital d’Aix-en-Provence, dans le département des Bouches-du-Rhône. Cet été, le service d’urgences de cet établissement clé pour notre territoire a dû régulièrement fonctionner de nuit avec quatre urgentistes, alors que six sont nécessaires. Par ailleurs, la fermeture régulière des services d’urgences d’autres hôpitaux situés à proximité, comme ceux de Digne-les-Bains et de Manosque, a provoqué des reports vers l’hôpital d’Aix, qui avait donc trop de patients à traiter et pas assez de médecins.
Cette situation est bien évidemment néfaste pour les patients, qui subissent des délais d’attente de plus en plus longs et donc, parfois, des pertes de chance. Elle l’est aussi, madame la ministre, pour les soignants, dont le dévouement a pour limite leur capacité physique à supporter une charge de travail toujours plus lourde. Il devient d’ailleurs de plus en plus difficile de recruter dans certaines professions paramédicales, et même dans certaines spécialités de médecine.
Certes, c’est un problème de long terme, car former un médecin prend des années. Nous ne pourrons le régler d’un claquement de doigts. Toutefois, nos concitoyens doivent pouvoir accéder dès maintenant à des services d’urgences de qualité. Apporter des réponses intermédiaires semble donc indispensable.
Madame la ministre, quelles solutions envisagez-vous à court terme pour soulager nos services d’urgences et permettre à l’ensemble des Français d’y être pris en charge dans de bonnes conditions ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Nous avons déjà évoqué de nombreuses solutions – SAS, articulation avec les services d’urgences, coopération avec les établissements privés des territoires manquant de services d’urgences… Cependant, la clé réside dans les ressources humaines, qu’il s’agisse de former de nouveaux professionnels ou de convaincre ceux qui ont quitté le système d’y revenir.
Nous savons que nous devons travailler à l’attractivité des métiers et à la prise en compte de la pénibilité, afin de favoriser le maintien dans leur domaine d’activité des professionnels de l’urgence. Les accords du Ségur de la santé représentent un effort historique dans la reconnaissance de l’engagement de ces professionnels.
À l’été 2022, les mesures dérogatoires pour les urgences et soins non programmés ont permis la reconnaissance rapide des sujétions que sont le travail de nuit, le travail du dimanche et le travail des jours fériés. À l’été 2023, ces mesures d’attractivité ont été pérennisées pour permettre une meilleure rémunération des professionnels médicaux et non médicaux. C’est en effet sur ces plages horaires que se concentrent les plus grandes difficultés de recrutement.
La reconquête progressive de l’attractivité des métiers de la santé et la fidélisation des professionnels est notre priorité. Ces métiers restent attractifs, nous l’avons souligné : les études de santé sont sur le podium des formations les plus demandées sur Parcoursup en 2024.
Nous devons continuer d’investir pour accroître les capacités de formation et avancer sur les conditions de travail, en sus des efforts déjà accomplis en matière de rémunération, pour rendre ces métiers encore plus attractifs. N’oublions pas l’évolution des carrières, élément essentiel dans les services d’urgences comme ailleurs.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour la réplique.
Mme Brigitte Devésa. J’entends vos propos, madame la ministre, notamment sur tout ce qui a été mis en place au travers du Ségur.
Toutefois, sans une réforme en profondeur, la situation que connaissent les services d’urgences risque non seulement de mettre en danger la santé de nos concitoyens, mais aussi de provoquer une véritable rupture dans l’accès aux soins. Madame la ministre, il y a urgence !
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord, en notre nom à toutes et tous, envoyer un message de solidarité aux Calédoniens, pour qui la crise politique a de graves conséquences sanitaires.
Il a été difficile, voire impossible, d’accéder au centre hospitalier territorial, en raison des barrages. Depuis le 2 septembre dernier, les lits d’hospitalisation sont fermés à Poindimié et à Koumac, faute d’infirmiers et de médecins. Il n’y a plus eu de services d’urgences de nuit durant de nombreuses semaines, et peut-être est-ce encore le cas aujourd’hui. Le nombre de décès a presque doublé.
Permettez-moi d’évoquer les problèmes que nous avons connus à La Réunion, non pas cet été, mais durant notre hiver austral. Certes, ils ne sont pas aussi dramatiques, mais ils n’en restent pas moins graves pour notre population.
Ainsi, le 3 octobre dernier, un patient de 90 ans, qui s’était rendu aux urgences pour une détresse respiratoire, a dû attendre pas moins de dix-sept heures avant d’être pris en charge. Il s’agit, mes chers collègues, vous qui représentez les collectivités territoriales, de l’ancien maire de Salazie, Jean-Claude Welmant. Vous en conviendrez, une si longue attente est inacceptable pour tout citoyen, ancien maire ou non. Cette grave défaillance reflète la situation fragile de notre CHU, et ce malgré l’engagement remarquable des équipes.
Au-delà des spécificités liées à l’insularité, le service des urgences du CHU de La Réunion, hôpital de référence de l’océan Indien, accueille de nombreux Mahorais par évacuation sanitaire (Évasan), car les infrastructures de Mayotte ne sont pas adaptées à tous les actes. En 2012, ils étaient 400 ; en 2023, 1 600. Je rappelle que nous comptons 40 % de patients non affiliés, au sujet desquels le CHU doit se battre avec la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) pour obtenir l’ouverture de l’aide médicale de l’État (AME), puisque celle-ci n’existe pas à Mayotte.
Je rappelle aussi qu’un tiers des Évasan concernent des étrangers. C’est l’honneur de notre CHU, c’est l’honneur de La Réunion, mais il y va aussi de l’image de la France dans son bassin régional. Cela suppose toutefois un soutien de l’État. Le précédent gouvernement avait annoncé une revalorisation de trois points du coefficient géographique, ce que l’ensemble des acteurs avaient accueilli avec satisfaction.
Madame la ministre, confirmez-vous cette hausse ? Irez-vous plus loin, au regard des nombreuses Évasan prises en charge par le CHU de La Réunion, au nom de la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, je vous remercie de vos mots relatifs à la situation en Nouvelle-Calédonie. À mon tour, je veux avoir une pensée pour tous ceux qui œuvrent en faveur de l’apaisement, notamment nos forces de l’ordre, les fonctionnaires de l’État, mais aussi les responsables politiques et syndicaux ainsi que les acteurs de la société civile, qu’ils soient issus du monde économique, religieux ou coutumier.
La situation financière des hôpitaux ultramarins, et particulièrement celle du CHU de La Réunion, est une préoccupation que je partage pleinement. Je suis consciente des contraintes spécifiques, que vous avez décrites, auxquelles cet établissement est confronté, sans oublier l’éloignement géographique, les surcoûts logistiques et la forte demande de soins, dans un contexte sanitaire plus complexe que celui de l’Hexagone.
Face à une dégradation de la situation financière de ce CHU, l’État a poursuivi, ces dernières années, un accompagnement spécifique de plusieurs dizaines de millions d’euros – dont quelque 42 millions d’euros de crédits en 2023. Ce soutien financier important va de pair avec un travail mené par la gouvernance du CHU sur le fonctionnement de l’établissement et la fluidité des parcours.
Vous évoquez le coefficient géographique, rehaussé de 31 % à 34 %. Cette réévaluation s’applique sur les tarifs et dotations perçus par les établissements réunionnais et entrera en vigueur progressivement sur les exercices 2024 et 2025.
Mayotte a été confrontée à une succession de crises ces dernières années, notamment sociale, hydrique et même épidémique, avec le choléra. S’y ajoute la crise structurelle de l’attractivité, qui se traduit par d’importantes difficultés à pourvoir des postes durablement vacants au centre hospitalier de Mamoudzou. Mes prédécesseurs s’y sont engagés et je m’inscris dans cette approche : nous devons aider le territoire mahorais à se doter de leviers d’attractivité et de fidélisation de ses professionnels de santé.
Pour l’heure, je sais que le territoire de La Réunion s’est particulièrement engagé pour appuyer son voisin mahorais. Je salue la mobilisation de tous les Réunionnais qui agissent en ce sens et leur dis ma reconnaissance, ainsi qu’à la centaine de réservistes sanitaires engagés en permanence sur le territoire de Mayotte.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa applaudit également.)
M. Alain Milon. Madame la ministre, le fonctionnement des urgences reste un sujet de préoccupation pour nos concitoyens, pour les élus du territoire et pour le Gouvernement. La raréfaction des ressources médicales amène à recentrer les services d’urgences sur leur mission première : la prise en charge de patients relevant d’une pathologie qui requiert l’expertise et le plateau technique hospitaliers. Dans certains cas, cela conduit même à suspendre leur fonctionnement.
Nous observons ainsi les services d’urgences de plusieurs territoires modifier leur organisation, sans pour autant se coordonner entre eux. Cette situation engendre un manque de lisibilité sur les modalités de fonctionnement, des mises en procédure adaptée non coordonnées et, possiblement, des difficultés d’accès.
Or les GHT apportent souvent, via le projet médico-soignant partagé (PMSP) et l’élaboration du parcours de soins, complémentarité et lisibilité dans les territoires qu’ils desservent. Afin de renforcer l’organisation territoriale des urgences, ne faudrait-il pas demander aux groupements hospitaliers de territoire de proposer à l’ARS une organisation concertée au travers de la création d’une structure juridique de type pôle inter-établissement ou fédération médicale inter-hospitalière (FMIH) ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Je suis d’accord, monsieur le sénateur : les GHT, qui agissent souvent à l’échelle départementale, se situent au bon niveau d’action. À mon sens, ils devraient disposer d’une certaine autonomie pour l’organisation et l’architecture de l’accès aux soins et aux urgences.
Je souhaite avancer sur ce sujet, mais n’oublions pas qu’il existe des disparités selon les territoires, souvent liées à des personnes. Les élus locaux doivent montrer leur volonté politique de soutenir ces groupements, qui agissent à la bonne échelle en termes d’organisation de l’accès aux soins. Je vous propose que nous y travaillions.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Nous sommes d’accord, madame la ministre, mais ce groupement n’est pas doté de la personnalité morale et juridique. Dans ces conditions, l’établissement support ne dispose pas de levier réel pour agir en la matière.
Nous devons donc travailler sur cette question pour aboutir enfin à une organisation d’ensemble sur le territoire.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un vendredi, à la fin de l’été, dans la belle ruralité gersoise, une personne âgée est orientée par son médecin généraliste vers le service des urgences de l’hôpital de Condom, à vingt-cinq kilomètres de sa commune de résidence.
Arrivé vers dix-sept heures trente aux urgences, le patient ne peut être pris en charge, faute de personnel médical – premier manquement grave au service public de la santé. À vingt-deux heures, il décide de rentrer chez lui.
Le lendemain, samedi, l’un de ses amis s’enquiert de la situation et n’arrive pas à le joindre. À dix-sept heures trente, après intervention du maire et des pompiers, il est retrouvé inanimé dans les toilettes de son appartement, où il vient de passer huit heures. Nouvelle hospitalisation à Condom à dix-huit heures et, à vingt-trois heures, nouveau retour au domicile après une prise en charge qui, pour le moins, pose question. Le dimanche, un proche atteste que la personne était totalement incapable de se déplacer, de s’alimenter et de satisfaire à ses besoins naturels – deuxième manquement grave au service public de la santé.
Le lundi, nouvelle hospitalisation en urgence, cette fois à Auch, où est diagnostiquée une grave infection, avec insuffisance pulmonaire et prescription de dialyse tous les deux jours. À l’heure où je vous parle, cette personne est toujours hospitalisée, très affaiblie, sous oxygène, et a délivré à l’un de ses proches ces quelques mots : « Que c’est long, l’agonie. »
Madame la ministre, cette situation est inacceptable. Quelles dispositions prendrez-vous pour que, de manière systémique et systématique, un service d’urgences, indispensable dans la ruralité, soit doté, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, d’un médecin ? Comment peut-on transporter de la sorte un patient vers un service d’urgences qui n’en est pas doté ?
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur, je ne connais pas la suite du parcours médical de ce patient. Ce qui est certain, cependant, c’est que des manquements ont eu lieu, le premier consistant à renvoyer une personne chez elle sans accompagnement, alors qu’elle est malade. Que cela relève du sanitaire ou du sanitaire et social, les structures doivent se coordonner et s’organiser pour éviter aux patients de se retrouver dans de telles difficultés.
Dans votre département du Gers, la coopération entre acteurs est bonne. Depuis environ un an, les urgences du centre hospitalier d’Auch ont une équipe mutualisée avec le CHU de Toulouse, sous la forme d’un pôle inter-établissement, afin de sécuriser le fonctionnement du service. Je tiens à saluer ce type de coopération, qui est formidable.
Le Smur de Condom, qui est aujourd’hui une antenne d’Auch, a vocation à devenir une ligne autonome, directement rattachée au centre hospitalier de Condom. En outre, l’ARS accompagnera les travaux de modernisation du service des urgences d’Auch, sachant qu’un projet de modernisation est également prévu à Condom.
L’ARS Occitanie révisera prochainement le volet urgences de son plan régional de santé. Le 15 octobre prochain, elle lancera la consultation sur les urgences, qui a été précédée d’une phase de concertation de six mois. La réflexion sur le département du Gers doit en faire partie.
La Landaise que je suis sait que nous accueillons des Gersois à Aire-sur-l’Adour, lorsque le service des urgences fonctionne, et à l’hôpital de Mont-de-Marsan.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Je salue les soignants, qui se dévouent corps et âme pour la santé de nos concitoyens. Je vous redis, madame la ministre, notre besoin urgent de mesures ponctuelles et structurelles opérationnelles pour le premier des services publics, celui de la santé.
M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé.
M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai côtoyé les urgentistes durant mes quarante années d’urgences cardiologiques. C’est aussi un président de commission médicale d’établissement (CME) qui vous parle ce soir.
J’ai vu s’opérer bien des changements à l’hôpital, dont la création des urgences. Tout en acceptant la volonté des urgentistes de s’universaliser, nous étions alors nombreux à leur dire qu’ils ne pourraient pas tout faire – autrement, à quoi servirait-il d’avoir des spécialistes ? Et pourtant, tous ceux qui arrivaient à l’hôpital passaient par les urgences : même un malade sortant de chimiothérapie devait passer aux urgences pour être transfusé. Nous en étions là, d’où les dysfonctionnements relevés par toutes et tous et les conséquences qui en ont découlé sur l’image de marque de certains hôpitaux.
Beaucoup de médecins urgentistes, rapidement épuisés, sont partis ailleurs, parfois pour financiariser des centres de proximité.
Plus grave encore, cette centralisation des urgences a complètement éloigné les médecins qui étaient auparavant appelés pour avis en consultation et qui triaient les patients en quelques instants.
Aujourd’hui, d’autres l’ont souligné avant moi, les malades restent dix ou douze heures aux urgences pour attendre leur bilan : on les oublie, on les récupère, on les revoit plus tard, on les soumet à d’autres examens alors qu’ils ont déjà attendu pour passer un scanner… Les personnes souffrant d’une rage de dents patientent huit heures aux urgences pour un simple diagnostic, ce n’est pas une anecdote !
Pour ces raisons, je souhaiterais, comme beaucoup de mes collègues, que les services d’urgences soient cogérés par des médecins généralistes dans les mêmes locaux. L’expérience, je peux en témoigner, montre qu’il n’est pas dans l’habitude des urgentistes d’envoyer un malade dans un service situé en face de l’hôpital – ils préfèrent le faire patienter dans les couloirs sur un brancard…
Ces services cogérés, dont je souhaite la mise en place, devraient être de préférence universitaires. À cet égard, madame la ministre, que sont devenus les 250 postes de praticiens universitaires territoriaux créés récemment ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Je ne retracerai pas l’histoire des urgences, monsieur le sénateur, vous la connaissez bien mieux que moi.
Aujourd’hui, la situation est complètement différente, marquée par une hyperspécialisation et par l’apparition d’un diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine d’urgence. Il en résulte que les médecins ayant d’autres spécialités interviennent moins au sein des services d’urgences.
Certains hôpitaux possèdent tout de même des filières d’urgences spécialisées, en pédiatrie ou en psychiatrie, par exemple, pour assurer un accueil particulier des patients. En dehors de ces cas, les patients ont un parcours de soins quelquefois complexe…
En 2023, 495 postes ont été proposés à l’internat pour le DES de médecine d’urgence. Cette filière profite d’une très forte attractivité puisque 100 % des postes offerts sont pourvus, ce qui est loin d’être le cas dans d’autres spécialités, notamment la psychiatrie. Ce DES bénéficie en outre du « droit au remords » pour les étudiants ayant choisi initialement une autre spécialité, avec quelque 150 internes recrutés en plus sur les cohortes des années 2017-2021. Il faut donc continuer de privilégier cette voie.
Pour le reste, il s’agit surtout d’une question organisationnelle à l’échelle de chaque établissement.
Votre proposition de cogestion des services d’urgences a déjà été mise en place dans certains hôpitaux, mais elle est impossible à appliquer dans d’autres établissements, faute de médecins généralistes désireux d’exercer dans ces structures. Dans ce dernier cas, il n’y a aucun intérêt à développer ces services, qui doivent être communs par essence. Il faut donc construire avec les praticiens du territoire, en fonction de ce qu’ils sont capables d’apporter.
Les services d’accès aux soins se révèlent très utiles pour éviter qu’un grand nombre de patients n’encombrent les urgences pour des problèmes relevant de la médecine générale, sans aucun caractère d’urgence.
En somme, on ne peut appliquer les mêmes solutions partout. Il existe des hôpitaux où des services de soins sont accolés aux urgences et fonctionnent très bien. En revanche, ce dispositif est inapplicable dans d’autres établissements, faute de praticiens volontaires pour y exercer.
Il faut réfléchir à construire autre chose. J’y insiste, l’idée est d’éviter que des malades n’ayant rien à faire aux urgences ne s’y rendent.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sabine Drexler. Je souhaiterais faire entendre la voix singulière du sud de l’Alsace, région où trois frontières s’entremêlent, ce qui complique encore la situation dans laquelle se trouve notre système de soins.
Dans ce territoire, comme partout ailleurs, une frange importante de la population est vieillissante et les maladies chroniques sont en constante augmentation. Comme ailleurs encore, la médecine de ville est carencée. Les listes d’attente chez les rares spécialistes s’allongent, décourageant bon nombre d’habitants qui finissent par renoncer à se faire soigner.
Dans les hôpitaux du sud de l’Alsace, les urgences peinent à accueillir des patients qui se présentent régulièrement, faute de trouver à se soigner ailleurs dans la durée. Je pense tout particulièrement aux personnes âgées, notamment aux plus isolées d’entre elles.
Dans le secteur des trois frontières, le phénomène d’aspiration des personnels de santé vers les pays voisins aggrave encore les choses : chaque jour, 250 soignants traversent le Rhin pour travailler en Allemagne et 1 850 rejoignent la Suisse.
L’attractivité des pays transfrontaliers a augmenté d’un tiers depuis 1999 pour des raisons non seulement salariales, puisqu’une infirmière diplômée gagne entre 5 500 et 8 000 francs suisses bruts par mois, mais aussi qualitatives, en raison de meilleures conditions de travail et de formation.
L’hôpital de Saint-Louis, à quelques mètres de la frontière, est à cet égard particulièrement affecté. La Collectivité européenne d’Alsace a mis en place une politique spécifique pour valoriser ce secteur géographique, le rendre plus attractif et favoriser l’installation des personnels de santé. Toutefois, dans un contexte de forte concurrence entre les territoires, les capacités de cette collectivité atteignent leurs limites.
Alors que des leviers ont été identifiés pour limiter les conséquences de ce phénomène de fuite, comment le Gouvernement compte-t-il rendre effectives les conventions de coopération sanitaire, notamment celles de 2016, pour répondre aux besoins particuliers de ce territoire ?