M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, la question de l’attractivité des métiers de santé est un sujet d’importance qui affecte aussi les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie.
Le niveau de salaire offert de l’autre côté de la frontière aspire nos professionnels de santé, ce qui complique la prise en charge des personnes résidant sur le territoire national. Jean Castex, lorsqu’il était Premier ministre, avait confié une mission au préfet de Haute-Savoie sur la mise en œuvre d’un plan d’action spécifique.
Dans ce cadre, deux axes principaux de réflexion se dégagent : premièrement, l’identification de leviers d’action nationaux permettant d’accroître l’attractivité des métiers de santé dans les territoires frontaliers et de réduire les départs ; deuxièmement, l’identification des coopérations possibles entre, d’une part, les régions et départements français et, d’autre part, la Confédération et les cantons suisses frontaliers pour contribuer au même objectif et développer une meilleure intégration transfrontalière de l’offre de soins.
Il nous faut identifier et développer une véritable politique transfrontalière. Ce n’est pas chose facile, mais il y va de l’intérêt des Suisses et des Français habitant de part et d’autre de cette frontière.
Les données de l’Observatoire statistique transfrontalier (OST) mettent en évidence un important déséquilibre entre le lieu de résidence et le lieu de travail des soignants exerçant en Suisse. Les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie sont particulièrement affectés : respectivement 10 % et 41 % de leurs soignants exercent en Suisse, soit 7 000 professionnels au total. Ils pourvoient ainsi près de 30 % des besoins en équivalents temps plein (ETP) des cantons de Genève et de Vaud.
Au-delà des tensions sur les ressources humaines dans ces zones frontalières, des mesures d’attractivité salariale sont mises en place. Ainsi, le Gouvernement a institué une indemnité de résidence spécifique, tandis que l’ARS déploie largement des contrats d’allocation d’études, accompagne financièrement les étudiants en formation et les incite à s’engager dans le territoire où ils ont été formés.
Il est indispensable de construire une politique transfrontalière de santé, même si cela exige beaucoup de temps.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Mme Laurence Muller-Bronn. À mon tour de parler de l’Alsace, mais il s’agit cette fois-ci du Bas-Rhin. (Sourires.)
L’enquête réalisée par Samu-Urgences de France a montré que deux services d’urgences sur trois ont fonctionné de nouveau en mode dégradé durant l’été 2024. En Alsace, nous avons franchi un nouveau stade dans l’inacceptable cet été, en particulier dans le département du Bas-Rhin.
Dans les hôpitaux de Strasbourg, de Sélestat, de Haguenau et de Wissembourg, l’attente durant des heures, voire des jours, sur un brancard augmente les risques de mortalité des patients.
En reportant toujours plus le risque sur les malades, nous atteignons les limites de la maltraitance institutionnelle. À Strasbourg, le 10 avril dernier, un syndicat a décidé de porter plainte pour non-assistance à personnes en danger.
De crise en crise et de plan blanc en dispositif provisoire, la vision court-termiste des services hospitaliers nous conduit à un échec certain et mortifère. Pourtant, les causes sont largement connues et des solutions existent. Le Sénat avait d’ailleurs fait un certain nombre de préconisations à la suite de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France dans son rapport Hôpital : sortir des urgences, publié en mars 2022.
Les centres de soins non programmés sont l’une des réponses opérationnelles possibles. Ces quarante-trois structures, qui prennent en charge 820 000 patients chaque année, peuvent assurer un service d’urgences de proximité.
Toutefois, des freins demeurent : il faudrait décloisonner les statuts et les missions et permettre à différents types d’interventions ou d’établissements – publics et privés – de coexister sur le terrain.
Madame la ministre, allez-vous vous engager dans cette voie ? Quelles mesures d’organisation sur le long terme proposerez-vous aux professionnels de santé ainsi qu’aux patients ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, je reconnais que certains établissements de votre département ont rencontré des difficultés.
Des mesures législatives ou réglementaires peuvent créer des entraves. Aussi, je souhaiterais qu’un travail de simplification soit engagé. Des règlements, qui relèvent de l’ordre des médecins lui-même, empêchent certains professionnels de se regrouper pour travailler ensemble.
Il n’est plus l’heure d’empêcher, mais de faciliter. Je vais donc m’y atteler, aux côtés des directions concernées et des parlementaires. Les remontées du terrain nous permettront d’identifier toutes les difficultés.
Nous poursuivons un objectif prioritaire, celui de toujours assurer la sécurité et la formation des médecins pour leur permettre d’apporter les services qui leur sont demandés.
J’y insiste, simplifions les choses ! Les médecins doivent pouvoir travailler ensemble, qu’ils viennent du public ou du privé. Arrêtons de mettre des entraves, surtout quand il est possible d’aider les hôpitaux à fluidifier les services d’urgences.
Encore une fois, il faut décharger les urgences des patients qui n’ont rien à y faire et qui devraient être pris en charge avant.
Conclusion du débat
M. le président. Mes chers collègues, madame la ministre, je suis heureux que ce débat ait pu avoir lieu. Vous remarquerez que j’ai été particulièrement tolérant vis-à-vis des temps de parole de chacun ce soir.
En conclusion du débat, la parole est à M. Serge Mérillou, pour le groupe auteur de la demande.
M. Serge Mérillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. « C’est la catastrophe, mais je pense qu’en dehors des personnels de santé, personne ne s’en rend compte ! » Ces mots sont ceux d’un soignant cité dans l’enquête de Samu-Urgences de France, publiée le 17 septembre dernier : ils doivent nous alerter.
La situation des urgences dans notre pays est préoccupante. Ce débat, proposé par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a été l’occasion pour nous tous d’exprimer notre inquiétude, notre colère aussi, face à une situation qui se répète chaque année au grand dam de nos concitoyens.
L’hôpital brûle et, malgré les promesses, rien ne change. Les chiffres évoqués ce soir sont éloquents : deux services d’urgences sur trois ont fermé au moins une fois cet été ; un tiers ont dû mettre en place une régulation médicale d’accès par le 15 ; quatre-vingt-six départements ont été touchés par la fermeture d’au moins une ligne médicale.
Si le bilan est meilleur qu’en 2023, il convient de l’analyser au regard du nombre anormalement élevé d’heures supplémentaires. Le personnel tient au prix d’un sacrifice trop peu reconnu. Malgré la crise, 1 500 lits ont été fermés et près de 1 000 postes d’internes ont été supprimés en 2024 – une aberration !
En métropole comme dans les territoires d’outre-mer, les urgences ne sont plus en mesure de mener à bien leurs missions. Dans le département dont je suis élu, la Dordogne, les urgences de l’hôpital de Sarlat ont dû fermer plusieurs jours consécutifs cet été – vingt-trois jours au total depuis le début de l’année 2024.
La maternité a été contrainte de fermer ses portes durant 180 jours. Certaines femmes ont dû faire une heure de route pour accoucher : c’est inacceptable et dangereux !
Souvent, ce sont les pompiers des services départementaux d’incendie et de secours qui assurent les transports, notamment des sapeurs-pompiers volontaires, pourtant libérés par leurs employeurs pour participer aux opérations de secours et non pour pallier les carences de notre système de santé. La fermeture d’un service d’urgences peut contraindre les pompiers à mener des interventions pouvant durer cinq à six heures.
Nos concitoyens paient un lourd tribut, conséquence directe d’un manque d’investissement et d’une gouvernance instable : huit ministres se sont succédé en sept ans.
Les mesures passées sont insuffisantes, les quelques effets positifs de la mission flash de 2022 ne sont pas à la hauteur, la désorganisation et les dysfonctionnements de notre système de santé sont beaucoup trop profonds.
Face à cet effondrement, des structures privées émergent et permettent de compléter l’offre de soins. Centres médicaux privés ou cabinets à horaires élargis proposent une prise en charge des petites urgences. Ils se veulent l’échelon manquant entre urgences et généralistes. Cependant, ils ne peuvent se substituer à l’hôpital public.
Mes chers collègues, l’égalité d’accès aux soins est l’une des bases de notre système de santé. Nous ne pouvons laisser s’imposer une médecine à deux vitesses.
« Des lits et des bras ! », voilà ce que réclament les soignants pour sauver les services d’urgences. Leur mission première est de soigner, de sauver des vies, et ils doivent pouvoir le faire dans de meilleures conditions.
Nous nous faisons le relais des propositions formulées par Samu-Urgences de France. Nous l’avons dit à plusieurs reprises ce soir : plus aucun patient ne devrait être hospitalisé dans un couloir.
Nous devons également intégrer l’indicateur lit brancard dans les programmes d’incitation financière à l’amélioration de la qualité (Ifaq) au lieu de l’actuel financement à l’amélioration de la gestion des lits.
Les services d’urgences ne peuvent plus répondre aux besoins croissants de la population. Revoir le maillage territorial des services d’accueil est donc une nécessité. Il nous faut plus de centres de soins primaires ; nous devons également généraliser progressivement la régulation médicale d’accès aux urgences et mettre en place un ratio patients-soignés au sein des services d’accueil d’urgence – cette mesure figurait d’ailleurs dans la proposition de loi de notre collègue Bernard Jomier, adoptée par le Sénat.
Plus globalement, il faut davantage de moyens. Je pense à l’état catastrophique de la santé mentale, qui souffre cruellement d’un manque de psychiatres et de psychologues. En ce domaine, nous ne sommes pas à la hauteur des besoins : il est urgent d’agir vite et bien pour répondre présent face à la demande croissante.
La problématique des urgences est directement corrélée à la désertification médicale. Ceux de nos concitoyens les plus concernés résident souvent en zone rurale. Les élus sont en première ligne : certains, en Bretagne et dans le Sud-Est, ont même pris des arrêtés appelant à un plan d’urgence d’accès à la santé.
Nous devrons être vigilants et faire en sorte que les moyens nécessaires soient votés dans le prochain PLFSS.
Je terminerai en remerciant, en notre nom à tous, je n’en doute pas, les communautés médicales de notre pays pour leur dévouement et leur engagement admirables. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et INDEP. – M. Cédric Vial applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur la situation des urgences pendant l’été 2024.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 9 octobre 2024 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures trente à vingt heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
Proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, présentée par M. François Bonneau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 664, 2023-2024) ;
Proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires, présentée par M. Philippe Folliot et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 672, 2023-2024).
Le soir :
Débat préalable à la réunion à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)
nomination de membres de commissions
Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Marie-Lise Housseau est proclamée membre de la commission des affaires économiques.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la commission lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Teva Rohfritsch est proclamé membre de la commission lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la commission des finances.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Stéphane Fouassin est proclamé membre de la commission des finances, en remplacement de M. Teva Rohfritsch, démissionnaire.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER