M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Vincent Louault. Madame la ministre, comme Daniel Gremillet l’a très bien exposé, nos paysans, qui ont manifesté en début d’année, vont aujourd’hui encore plus mal. Ils ont un besoin urgent de trésorerie ! Aussi, j’espère a minima que l’Agence de services et de paiement (ASP) sera au rendez-vous le 15 octobre prochain pour que soit payé l’acompte de nos primes PAC. Vous le leur devez d’autant plus aujourd’hui !
Sans compter que la crise n’est pas seulement conjoncturelle : elle est structurelle, comme l’ont très bien compris et, du reste, écrit mes excellents collègues Laurent Duplomb et Sophie Primas dans leurs rapports sur la compétitivité de la ferme France.
Fiscalité, main-d’œuvre et surréglementation doivent être adaptées ; à défaut, il faudra augmenter les aides directes européennes. La Commission européenne l’a-t-elle vraiment compris ?
L’Europe se montre aujourd’hui tellement naïve : j’ai l’impression que nous échangeons notre préférence communautaire contre des produits importés à bas prix, des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou d’autres produits interdits depuis plus de vingt ans en France… Ainsi, l’Union européenne négocie un accord de quasi-libre-échange avec l’Ukraine, qui ne comporte ni droit de douane ni clause miroir ! Pire, elle affiche sa volonté de signer un accord d’association avec le Mercosur en fin d’année.
Madame la ministre, la France aurait-elle changé de position depuis les annonces du Président de la République et les engagements du Premier ministre en début d’année ? Allez-vous enfin renverser la table et sauver la souveraineté agricole ? (M. Pierre Jean Rochette applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Vincent Louault, je vous remercie de votre question.
S’agissant des avances sur les aides de la PAC, dont le paiement est attendu au 16 octobre prochain, je tiens à vous rassurer sur trois points.
Concernant les délais de paiement d’abord, un bilan précis est dressé chaque semaine par mon directeur de cabinet : aucune alerte n’est à signaler à cette heure, mais mes services sont prévenus. Je mets un point d’honneur à ce que cette échéance soit respectée.
Sur les montants unitaires ensuite, les arrêtés ont été publiés – les derniers l’ont été ce matin. Ceux-ci sont globalement supérieurs ou égaux à ceux qui ont été versés à la même échéance en 2023 ; nous notons un léger effet de vase communiquant entre aides couplées, comme le prévoyait le plan stratégique national (PSN).
Enfin, au vu du contexte que nous connaissons, et comme je l’ai annoncé à Cournon-d’Auvergne, le taux de l’avance sera porté à 70 % pour le premier pilier et à 85 % pour l’indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN), soit le niveau maximum prévu par la réglementation européenne.
Tout est fait pour que nous soyons au rendez-vous des versements tant attendus dans le contexte actuel – et j’ai bon espoir que nous y parvenions.
Monsieur le sénateur, vous me parlez de l’Ukraine. L’ouverture du marché européen a été pensée dans une logique de soutien à ce pays, mais elle a effectivement affecté les filières du blé, de la volaille et du sucre, et a conduit à l’importation de produits ne respectant pas les standards sanitaires de l’Union européenne.
Pour rappel, cet accord a été reconduit jusqu’en juin 2025. Un accord de libre-échange est en cours de négociation : il intégrera notamment les exigences sanitaires. Il n’y aura pas de réouverture du marché européen sans l’application des standards continentaux, et ce pour éviter toute concurrence déloyale. Cette expérience doit nous inciter à faire de l’origine un facteur de différenciation visible de nos produits.
Enfin, vous avez parlé du Mercosur. L’Union européenne et le Mercosur ont en effet conclu un accord de principe en 2019 pour créer une zone de libre-échange. Cependant, l’accord n’a pas été ratifié, et la France, comme vous le savez, n’y est pas pour rien. À titre personnel, je fais partie d’un groupe politique qui a toujours dénoncé un tel accord – je ne vais donc pas changer d’avis aujourd’hui.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Nous allons poursuivre ce travail sur l’approbation des clauses miroirs avec l’Union européenne, afin de protéger les consommateurs et nos producteurs.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour la réplique.
M. Vincent Louault. Madame la ministre, j’ai insisté sur la souveraineté agricole, et non sur la souveraineté alimentaire que l’on nous propose. C’est en fait totalement différent. Toute la nuance tient aux importations : on peut ainsi très bien imaginer une souveraineté alimentaire européenne grâce aux importations de tous les États membres.
Je m’en tiendrai durant le reste de nos débats, ainsi que lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole au Sénat qui, je l’espère, n’aura pas lieu au mois de janvier, à ce concept de souveraineté alimentaire. (M. Pierre Jean Rochette applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, j’entends ce que vous dites.
Hier, l’ancienne présidente d’une formation syndicale m’a expliqué que, lorsqu’elle avait commencé à parler de souveraineté alimentaire au niveau de l’Union européenne, les gens l’avaient regardée éberlués, y voyant là un repli nationaliste. Cette notion s’est néanmoins progressivement imposée dans le débat et elle est devenue fondamentale.
Aujourd’hui, la France n’est plus autosuffisante, ce qui pose une réelle difficulté à un moment où l’on s’aperçoit que l’alimentation est devenue une arme. Le conflit russo-ukrainien en a du reste été la démonstration.
Cette souveraineté que vous appelez de vos vœux est nécessaire pour nos producteurs. D’ailleurs, dans la loi d’orientation agricole (LOA), nous n’avons jamais cessé de réintroduire cette notion de production, alors que n’y figurait que l’agroécologie.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. La production est importante : nous continuerons à faire valoir ce point absolument fondamental.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. Nous en reparlerons lors de l’examen du projet de LOA. Hélas, ce texte a vraisemblablement été élaboré non par l’ancien ministre Marc Fesneau, mais bien plutôt par les conseillers de l’Élysée. Justement, toute la subtilité résidait dans le fait que la production n’était pas mise en avant. Il s’agissait bien d’une autre vision de l’agriculture. Sur ce point, nous serons nombreux à ne pas lâcher.
Aujourd’hui, les agriculteurs n’ont même plus envie de manifester tant ils sont dégoûtés ! Ils constatent que toutes les filières, qu’il s’agisse des vendeurs de tracteurs, des vendeurs de produits phytosanitaires ou des groupes coopératifs, s’enrichissent. Dans ce monde de Bisounours, ils ont compris qu’ils étaient les seuls couillons de l’histoire ! (M. Pierre Jean Rochette applaudit.) Étant moi-même agriculteur, je comprends leur agacement et leur résignation. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre, comme l’a dit Daniel Gremillet, la rentrée agricole se fait sous haute tension.
La situation sanitaire, le projet de loi d’orientation agricole, le système assurantiel, le prix du fermage, l’attractivité du métier, le renouvellement des générations : la liste des sujets d’actualité s’allonge, tandis que les mobilisations du monde agricole datent d’il y a plus de huit mois.
Il n’y a plus de temps à perdre pour sortir de cette crise. Sans amélioration notable et rapide, notamment en ce qui concerne la rémunération des agriculteurs, au sujet de laquelle les annonces du précédent gouvernement n’ont pas eu les effets escomptés, la situation pourrait empirer.
J’étais présent, la semaine dernière, au sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne, au cours duquel j’ai pu constater, tout comme vous, qu’il n’y avait pas de temps à perdre. La filière élevage, qui est confrontée à la fièvre catarrhale ovine (FCO) et à la maladie hémorragique épizootique (MHE), est particulièrement sous tension, et c’est d’ailleurs pourquoi vous avez pris ce dossier en main.
Madame la ministre, j’attire votre attention sur trois points essentiels.
Tout d’abord, comme l’ont souligné les précédents orateurs, le dispositif de gestion des aides de la PAC par l’Agence de services et de paiement a pris du retard, ce qui se répercute sur les procédures de paiement des acomptes. En Aveyron, entre 300 et 400 exploitations sont concernées. Il est urgent de faire le nécessaire pour que les délais de paiement – lequel paiement intervient habituellement à la mi-octobre – soient respectés cette année. Vous venez de nous donner quelques précisions à ce sujet.
Ensuite, sur un plan plus général, je souhaite réaffirmer la nécessaire ambition agricole de la France : la crise a révélé combien les contraintes handicapaient l’agriculture, tandis que les agriculteurs souffrent d’un manque de vision stratégique. La souveraineté alimentaire et la compétitivité sont désormais en jeu. Il y a donc urgence à poursuivre l’examen du projet de loi d’orientation agricole et à renforcer le volet du texte relatif au cap à fixer pour notre agriculture et dédié à notre stratégie de production. Pourriez-vous nous en préciser les lignes directrices ?
Enfin, j’attire votre attention sur les bâtiments agricoles et le zéro artificialisation nette (ZAN). Cela fait trois ans que je défends, avec plusieurs de mes collègues, la nécessité d’extraire les bâtiments agricoles de la nomenclature des surfaces artificialisées. C’est une mesure nécessaire et de bon sens ! J’espère que le Gouvernement partage cet objectif.
M. Vincent Louault. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir répondre en deux minutes.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, comme je l’ai indiqué au précédent orateur, sachez que je mets un point d’honneur à ce que les avances des aides de la PAC soient versées en temps et en heure. S’il existe un problème spécifique à l’Aveyron, cela mérite que nous nous y penchions plus précisément et, dans ce cas, nous vous recontacterons, parce que 300 à 400 exploitations, c’est énorme !
Vous évoquez un certain nombre de contraintes qui pèsent sur l’activité agricole. C’est une évidence : il faut avoir fréquenté les agriculteurs pour savoir à quel point l’exercice de leur métier est devenu très compliqué. Le respect de ces contraintes les amène parfois à douter du sens même de leur métier.
Si j’ai parlé précédemment de souveraineté alimentaire, je n’ai pas évoqué la question de la compétitivité. À l’évidence, ce sujet rejoint celui des contraintes : lorsque l’on alourdit les contraintes et que l’on surtranspose certaines normes européennes, cela porte atteinte à la compétitivité des entreprises agricoles.
Enfin, vous avez mentionné le ZAN, un sujet cher à cette maison et au sénateur Longeot, qui a traité de cette question dans le cadre de la commission qu’il préside.
La possibilité de soustraire les bâtiments agricoles au ZAN vous tient à cœur, je le sais. Je suis tout à fait ouverte à la discussion sur cette question. Elle est certes complexe, mais j’y ai été très régulièrement confrontée en tant que députée : beaucoup d’agriculteurs, empêchés dans leurs projets de construction, m’ont en effet saisie de cette difficulté, qui est bien réelle. Il nous reste du temps pour la traiter, mais votre question est parfaitement légitime.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la ministre, depuis la fin de l’été, la fièvre catarrhale ovine sévit en Europe et progresse très rapidement sur le territoire français.
Dans la Drôme, plus de 300 exploitations sont touchées et les pertes sont colossales. On y observe une mortalité de 25 % à 30 % dans les troupeaux ovins, selon les données de la chambre départementale d’agriculture. Nous serons confrontés à une forte diminution du nombre de naissances d’agneaux. Par conséquent, il faudra deux, voire trois ans pour reconstituer les cheptels, si tant est que les éleveurs puissent le faire.
Madame la ministre, face à la gravité de la situation, le Premier ministre et vous-même avez annoncé, à l’occasion de votre déplacement au sommet de l’élevage, le déblocage d’une enveloppe de 75 millions d’euros pour faire face à la fièvre catarrhale ovine de sérotype 3, maladie détectée récemment qui touche, selon les chiffres fournis par votre ministère, 4 644 foyers.
Par ailleurs, vous avez annoncé, d’une part, la commande par l’État de 11,7 millions de doses de vaccins contre la FCO de sérotype 3, soit la quantité suffisante pour vacciner 40 % du cheptel bovin et 100 % du cheptel ovin et, d’autre part, la prise en charge financière de la vaccination par l’État, désormais ouverte à toute la France pour la filière ovine.
Madame la ministre, si une telle annonce doit assurément permettre de mieux lutter contre la propagation de l’épizootie, pourriez-vous apporter des précisions sur la mise en œuvre et le calendrier de ces mesures, ainsi que sur la prise en compte du remboursement des vaccins s’agissant de la FCO de sérotype 8 ? D’autres mesures collectives à l’échelle européenne sont-elles prévues ou en cours de négociation ?
Il faudrait en outre garantir le maintien des aides de la PAC, ainsi que l’ICHN et les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), qui constituent des revenus importants pour les agriculteurs et dont le montant ou l’ampleur est très souvent lié au nombre d’agneaux vendus.
Dans un contexte où l’agriculture traverse une crise majeure et où la prédation sévit dans de nombreux territoires, les prêts garantis par l’État (PGE) pourront-ils être accordés aux éleveurs, afin de les aider à reconstituer leurs cheptels ?
Il conviendrait enfin de prévoir un retour d’expérience pour tirer les enseignements de cette crise catastrophique et éviter de reproduire certains dysfonctionnements constatés – équarrissage, distribution des vaccins, retard des laboratoires d’analyse –, tout en mettant en place le soutien psychologique que les éleveurs demandent.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Bernard Buis, vous venez d’évoquer de nombreux sujets majeurs.
La FCO de sérotype 3 est une maladie vectorielle émergente ; la FCO de sérotype 8, quant à elle, est une maladie vectorielle endémique, ce qui signifie qu’elle existait préalablement. Par principe, quand il s’agit d’un virus émergent, l’État prend en charge ; quand on a affaire à un virus endémique, en revanche, le relais est pris par les éleveurs.
Pour ce qui est de la FCO, il y a une petite ambiguïté dans la mesure où le sérotype 8 du virus est un mutant : c’est à la fois le même virus et pas le même…
À Cournon-d’Auvergne, j’ai en effet annoncé un certain nombre de mesures, en particulier pour la filière ovine, qui connaît une situation cataclysmique tant le taux de mortalité des animaux est considérable ; les éleveurs sont totalement découragés, voire désespérés. On assiste à une décapitalisation brutale, qui pose les problèmes d’équarrissage que vous avez soulevés. Si l’on y ajoute la prédation du loup, voilà dressé le tableau apocalyptique d’une filière pourtant reconnue comme d’excellence.
J’ai notamment annoncé que nous disposions de la quantité suffisante de vaccins pour les élevages bovins – du moins une partie d’entre eux, parce que tous les éleveurs ne les demandent pas – et pour la totalité de la filière ovine, et ce tout simplement parce que nous disposions de vaccins préalablement acquis par mon prédécesseur.
J’ai également demandé au Premier ministre de réfléchir à la création d’un fonds d’urgence du fait de la décapitalisation massive du cheptel, qui entraîne une forte baisse des revenus. La question de la recapitalisation de la filière ovine se posera aussi par la suite.
Autre annonce, il n’y aura pas de réfaction des aides européennes, compte tenu de la situation tout à fait extraordinaire que connaît cette filière.
S’agissant de la fièvre catarrhale ovine de sérotype 8, qui sévit dans une autre partie de la France, parfois de pair avec le virus de sérotype 3 – tout cela se mélange –, nous sommes confrontés à une difficulté de taille qui implique une réflexion au niveau européen, à savoir que nous n’avons pas de vaccins à notre disposition.
Le laboratoire français susceptible de nous les fournir ne pourra pas le faire avant le mois de juin 2025, et les laboratoires espagnols n’ont pas suffisamment de vaccins pour répondre à la demande en Espagne. Hier, à l’occasion d’une réunion bilatérale avec le ministre de l’agriculture espagnol, j’ai tâté le terrain pour tenter de savoir si nous pourrions disposer d’une partie de ces vaccins. Mon homologue m’a expliqué qu’ils n’en avaient déjà pas suffisamment pour eux-mêmes…
Chacun voit bien qu’il faut traiter cette question à l’échelle européenne. Les maladies vectorielles se rient des frontières !
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelle agriculture voulons-nous pour demain ? Derrière cette question fondamentale qui englobe tous les enjeux, qu’ils soient environnementaux, économiques, fonciers ou de santé publique, il y a la problématique du renouvellement des générations et de l’attractivité du métier.
Quand les tracteurs ont quitté les champs en signe de colère pour signifier le mal-être des paysans, les Français ont découvert une profession en danger. La lourdeur administrative met en péril la santé des entreprises et vient affaiblir notre compétitivité sur un marché où la concurrence internationale est exacerbée.
Il ne faut plus seulement avoir peur des charges sociales qui sont moins élevées ailleurs, ou des mesures environnementales qui sont moins lourdes chez nos concurrents. Il faut aussi anticiper les crises qui se succèdent : les crises sanitaires, climatiques, mais aussi politiques, puisque certaines taxes sont mises en place pour sanctionner des décisions ou des conflits qui, au-delà du drame humain qu’ils constituent, ont des incidences directes sur les matières premières.
Les agriculteurs l’ont dit et redit en janvier dernier : ils sont à bout de forces, à bout de souffle ! Ils souffrent de problèmes de revenus que nous n’avons pas le droit de nier.
Je citerai quelques exemples : les prédations et les épidémies qui se développent affaiblissent les éleveurs ; les rendements des céréaliers sont très faibles cette année, tandis que les vendanges qui s’achèvent laissent présager un enlisement de la crise viticole.
Pour autant, le groupe auquel j’appartiens, le RDSE, place l’agriculture au cœur de la ruralité que nous défendons : nous ne baisserons pas les bras !
Il existe des solutions, mais encore faut-il vouloir les mettre en œuvre. Parmi celles-ci figurent les paiements pour services environnementaux (PSE), qui concernent tous les agriculteurs. Il s’agit tout simplement d’encourager les agriculteurs qui s’engagent dans des pratiques vertueuses et de les récompenser pour les bénéfices qu’ils offrent à la société : restructuration des sols qui captent le dioxyde de carbone, lutte contre les incendies, préservation des écosystèmes, façonnage des paysages.
Ma question est donc simple, madame la ministre : avez-vous prévu des mesures en ce sens dans la future LOA, qui souffre encore véritablement d’un manque de vision stratégique ? (Mme Mireille Jouve applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre rapport sur les suicides en agriculture. C’est un sujet tout à fait capital.
Je suis très favorable au principe d’une meilleure valorisation des externalités positives de l’agriculture. Il y en a beaucoup : le stockage du carbone dans les sols, la biodiversité, l’aménagement du territoire en sont quelques exemples.
Cela étant, il faut faire attention à ce que cela ne fasse pas baisser les aides aux revenus du budget de la PAC. Dans le projet de loi d’orientation agricole, l’objectif de reconnaître et de mieux valoriser les externalités positives de l’agriculture, notamment en termes de services environnementaux et d’aménagement du territoire, est préservé à l’article 1er. Je veillerai à ce que cette mesure demeure dans le texte, dans une version que vous pourrez enrichir.
Il n’est pas pour autant nécessaire de s’en remettre à la loi pour développer les paiements pour services environnementaux, car ceux-ci peuvent d’ores et déjà être déployés par les collectivités locales ou les agences de l’eau. Il faut mieux accompagner pour faciliter leur déploiement. Mes services et moi-même pourrons y travailler avec vous, en lien avec M. le sénateur Franck Montaugé, que je sais également très attaché à cette idée.
Vous avez évoqué fugitivement la question de la prédation, un sujet sur lequel j’ai travaillé pendant de très nombreuses années au sein de l’Association nationale des élus de la montagne (Anem) lorsque j’y exerçais des responsabilités.
La semaine dernière, il s’est produit un événement très important en la matière, puisque les pays membres de l’Union européenne se sont accordés sur un affaiblissement du niveau de protection du loup, ce qui n’équivaut aucunement à un premier pas vers une éradication de l’animal – il n’en a jamais été question, je tiens d’emblée à lever toute ambiguïté !
Pour ce qui concerne les vendanges, la situation de la filière viticole est connue, mais nous travaillons d’ores et déjà avec celle-ci.
Enfin, j’ai apprécié votre engagement en faveur d’une ruralité qui ne veut pas baisser les bras. C’est la ruralité que je connais, que j’aime et que je veux défendre.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Il est nécessaire de coconstruire une stratégie avec les filières, parce que les investissements et l’endettement des agriculteurs ne peuvent pas systématiquement pâtir de la nouvelle loi agricole que chaque nouveau gouvernement veut mettre en œuvre. Les agriculteurs ont besoin d’une vision à long terme.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Pour vous répondre en un mot, il y a actuellement un projet de loi d’orientation agricole qui est pendant – ce n’est donc pas un nouveau texte –, et que vous allez bientôt examiner. J’espère qu’il prospérera dans cette maison.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la propagation fulgurante de la fièvre catarrhale ovine est un nouveau coup dur pour nos agriculteurs, qui font déjà face à des difficultés économiques notamment causées par des conditions météorologiques catastrophiques, lesquelles ont lourdement affecté les moissons tant en quantité qu’en qualité.
Vingt-deux territoires sont actuellement concernés par la FCO. Le 4 octobre, dans le département de la Meuse, dont je suis élu, 507 foyers étaient détectés contre 188 quinze jours plus tôt. Les répercussions sont dramatiques. Les mesures de confinement auxquelles il faut ajouter les pertes directes d’animaux, les pertes indirectes en termes de production, les dépenses liées à la gestion de la maladie, notamment les frais vétérinaires, mettent les exploitations en péril.
Les éleveurs se sentent démunis face au manque d’anticipation au niveau tant européen que national, et face à une réponse trop tardive. À cet égard, les réponses apportées par le Gouvernement lors du sommet de l’élevage vont dans le bon sens.
Nos agriculteurs doivent être soutenus et accompagnés, non seulement pour faire face aux surcoûts en matière sanitaire, mais aussi pour reconstituer leurs cheptels décimés.
Madame la ministre, pourriez-vous préciser les mesures que vous comptez mettre en œuvre, et dans quels délais ? Quels enseignements tirez-vous de cette crise et de ce manque de coordination européenne dans la prévention comme dans les stratégies vaccinales suivies ? Comment expliquer le retard de la réponse vaccinale française face à une maladie pourtant bien connue et à la vitesse de propagation fulgurante ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Franck Menonville, je vous remercie de cette question portant sur la fièvre catarrhale ovine, un sujet qui occupe l’actualité. Permettez-moi de détailler les mesures annoncées par le Premier ministre à Cournon-d’Auvergne.
Tout d’abord, la vaccination contre la FCO de sérotype 3 sera désormais ouverte aux filières ovine et bovine partout en France, et non plus dans certains territoires seulement.
Pour ce qui concerne la maladie hémorragique épizootique, la MHE, nous avons retenu la stratégie du cordon sanitaire, dont le périmètre peut changer selon l’évolution de l’infection.
Venons-en à la question de l’indemnisation. Le Premier ministre a annoncé la création d’un fonds d’urgence de 75 millions d’euros pour indemniser les éleveurs confrontés à la perte de revenus massive que l’épidémie de FCO de sérotype 3 a occasionnée.
Pour ceux qui sont confrontés à la FCO de sérotype 8, nous ouvrons le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) jusqu’à la fin de l’année. Nous verrons alors quels sont les besoins.
J’insiste sur un point important, monsieur le sénateur : j’ai demandé la mise en place d’un comité de suivi des besoins au sein du ministère. Pour calibrer la réponse, il faut en effet pouvoir compter sur une juste évaluation des besoins. Lorsque les divers représentants des filières nous énoncent les sommes dont ils ont besoin, nous devons savoir sur quoi sont fondés leurs calculs.
Dans la situation budgétaire que nous connaissons, nous ne pouvons évaluer au doigt mouillé. Nous avons procédé à une juste évaluation pour calibrer ce fonds d’urgence. Si nécessaire, il appartiendra au Gouvernement d’étudier l’opportunité d’aller au-delà.
Il est très important de calibrer l’aide en fonction des besoins. Ce sera l’objet de ce comité de suivi, où seront présents l’ensemble des services concernés : la direction générale de l’alimentation (DGAL), la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), les membres de mon cabinet, mais aussi les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf). Nous essayons d’obtenir des remontées de terrain aussi précises que possible.
Vous saluez le fait que ces mesures vont dans le bon sens et je vous en remercie. Je le crois aussi.
J’aborderai un dernier point : une stratégie à l’échelle européenne est indispensable.