M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour un débat constructif sur un sujet si important que celui de l’état des finances publiques de la Nation, encore faudrait-il s’accorder sur les chiffres de départ.
Lorsque nous devions voter le budget pour 2024, l’hiver dernier, le Gouvernement nous promettait un niveau de déficit public à 4,5 % du PIB et un effort de maîtrise « à l’euro près » des dépenses publiques.
Et puis, au cours du premier semestre de 2024, Bercy a purement et simplement annulé 10 milliards d’euros de crédits et des rumeurs de dérapage du déficit à plus de 5 % se sont fait entendre. À l’époque, déjà, Bercy refusait de transmettre au Parlement les documents budgétaires nécessaires au légitime contrôle de l’action du Gouvernement.
Et puis, le 26 juillet dernier, l’Union européenne a lancé une procédure pour déficit public excessif contre notre pays.
Et puis, dans son discours de politique générale, le Premier ministre nous annonce qu’en réalité, le déficit public est supérieur à 6 %, pour un montant de dette record à 3 228 milliards d’euros – pour l’instant.
En définitive, le bilan du Mozart de la finance, c’est une France qui emprunte sur les marchés à des taux supérieurs à ceux de la Grèce, en faillite il y a encore dix ans, c’est 400 milliards de prestations sociales additionnelles, c’est 1 000 milliards de dette supplémentaires alors que nos services publics sont malmenés.
Ces chiffres sont implacables. L’État représentant 80 % de la dette publique, c’est à lui de fournir l’effort, non pas aux collectivités territoriales, injustement désignées comme coupables par Bruno Le Maire, alors que, tout en portant une grande part de l’investissement public, elles ont stabilisé leur endettement depuis sept ans.
Enfin, ce n’est ni aux retraités ni aux ménages français de payer votre incompétence. Faites des économies sur ceux qui profitent des largesses de notre système : je parle, par exemple, du coût de l’immigration, ou encore de la fraude fiscale et sociale – nous demandons depuis longtemps, au Rassemblement national, notamment la mise en place de la carte Vitale biométrique.
Par ailleurs, l’État dépense 750 millions d’euros par an en subventions à plus de 1 300 associations immigrationnistes,…
M. Claude Raynal. On est à la maille !
M. Aymeric Durox. … quand il investit moins de 70 millions d’euros pour les centres de rétention administrative (CRA).
Le Gouvernement cherche des pistes d’économies ? En voici une, de taille : il est temps de mettre fin à cette folie qui consiste à engraisser avec l’impôt des Français des associations dont l’objectif avoué est d’empêcher la reconduite à la frontière des clandestins !
Quand j’entends le ministre du budget nous dire fièrement, à cette tribune, que l’augmentation de la dette de 1 000 milliards d’euros résulte de choix politiques pertinents et bons, les bras m’en tombent. Quand je l’entends parler de souveraineté alors que cette dette est largement détenue par des fonds souverains étrangers, je m’étouffe. Quand j’entends le ministre du budget s’exprimer, digne représentant de la Macronie, je me dis que, décidément, le nouveau monde n’a toujours pas entendu le cri de colère d’un peuple français qui l’a pourtant largement désavoué, à trois reprises, il y a à peine plus de quatre mois. L’alternance, vite !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. (Sourires.)
En ce temps-là, en France, la dette publique avoisine les 60 % du PIB et le déficit est maîtrisé autour des 3 %. Outre-Rhin, la situation est à peu près la même. En ce début du XXIe siècle, la France et l’Allemagne respectent chacune les critères de Maastricht. C’est le moins que l’on puisse attendre du couple franco-allemand : qu’il donne l’exemple au niveau européen.
Aujourd’hui, notre dette publique dépasse les 100 % du PIB et le déficit public s’est durablement installé au-dessus de 5 %.
Le Gouvernement présentera jeudi le projet de loi de finances pour 2025. L’effort pour réduire le déficit est annoncé entre 45 et 60 milliards d’euros, selon que l’on compare avec le budget exécuté cette année ou avec un budget qui n’a jamais existé et qui, je l’espère, n’existera jamais…
Quelle que soit l’année de référence, l’effort, monsieur le ministre, doit reposer bien davantage sur les dépenses que sur les recettes. Au reste, cet effort nous permet seulement de contenir le déficit à 5 % du PIB. Autrement dit, si difficile soit-il, il n’empêchera pas le creusement de la dette.
Si nous en sommes arrivés là, c’est que, pendant plus d’un demi-siècle, la France a voté des budgets en déficit. Cette incurie est une faute collective, qu’il faut maintenant corriger. La solution la plus évidente serait de voter un budget à l’équilibre, voire en excédent. Mais ce remède, un brin radical, j’en conviens, risquerait en fait d’être pire que le mal.
Car le mal profond, mes chers collègues, c’est l’addiction chronique à la dépense publique. Et après cinquante ans d’accoutumance, on se soigne non du jour au lendemain, mais de façon progressive. Suivons la devise des médecins : « D’abord, ne pas nuire. » (M. Thierry Cozic ironise.)
Le chemin sera long et douloureux – il est de notre responsabilité de le dire. Nous sommes nombreux, au Sénat, à tenir ce langage, et ce depuis plusieurs années. Je pense, bien sûr, à notre rapporteur général, Jean-François Husson, qui a toujours fait preuve de constance en la matière, ainsi qu’à son prédécesseur, qui vient de s’exprimer.
Pour ne pas dévier de ce cap, pour tenir bon, nous devons dire et répéter une vérité : la croissance de la dette menace notre souveraineté. Notre dette est détenue à plus de 50 % par des acteurs étrangers. Malheureusement, rien ne garantit que les intérêts de ces créanciers soient alignés avec ceux de la Nation. Cela nous impose de raisonner sans céder à la paranoïa. Ainsi, le plus sûr, en la matière, c’est qu’un créancier, qu’il soit français ou étranger, tient d’abord et surtout à être payé. Or c’est notre devoir que de payer nos dettes.
Mais là réside l’ineptie de la situation : chaque titre émis par le Trésor est une obligation faite aux contribuables français de payer des créanciers étrangers, ce qui n’est pas la meilleure façon d’employer les deniers publics…
La charge de la dette sera bientôt le premier budget de l’État, comme M. le ministre l’a esquissé. Nous consacrerons alors plus d’argent à rembourser nos créanciers qu’à payer nos enseignants, nos médecins et nos militaires. Cette situation, intenable, prépare le terrain à des solutions plus radicales et, sans doute, moins souhaitables.
Pour les éviter, il faut, de toute urgence, bifurquer vers la décroissance. Vous avez bien entendu, mes chers collègues : bifurquer vers la décroissance, la décroissance… de la dette ! (Sourires sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Excellent !
M. Claude Raynal. On avait compris !
M. Emmanuel Capus. Cela implique la maîtrise du déficit, la croissance de l’économie, et donc l’amélioration de notre compétitivité. C’est le seul chemin qui nous éloigne de la crise. Il est à notre portée. La preuve, c’est que nous l’avons pris, sous le gouvernement d’Édouard Philippe, de 2017 à 2019. La France sortait de la procédure pour déficit excessif en ramenant son déficit sous la barre des 3 % du PIB. La dette était stabilisée et la croissance au rendez-vous.
Aujourd’hui, l’Allemagne, qui a connu les mêmes crises que la France, respecte les critères de Maastricht…
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Emmanuel Capus. … avec un déficit à 3 % et une dette à 60 % du PIB. Nous devons, j’en suis convaincu, nous remettre au niveau. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en guise d’introduction, je veux rappeler quelques constats simples. Entre juin 2017 et juin 2024, le stock de la dette publique française a augmenté de près de 1 000 milliards d’euros, se situant désormais à 3228,4 milliards d’euros. Si l’on peut bien parler de croissance de la dette publique, de tels chiffres n’ont pas de sens en eux-mêmes. Mieux vaut considérer le ratio de la dette par rapport au PIB, passé sur la même période de 99,2 % à 112 %, soit une hausse de 13 points, dont seule une partie résulte des crises que le pays a traversées.
De ce point de vue, la France fait clairement partie des mauvais élèves européens. Regardons la réalité en face : en 2017, la France était le sixième pays le plus endetté de la zone euro alors qu’aujourd’hui, seules la Grèce et l’Italie sont devant nous.
La dette n’est pas mauvaise en elle-même, mais il est nécessaire de la maîtriser, voire, dans certains cas, de la réduire. Ainsi, lors d’une récession, une politique budgétaire contracyclique, qui augmente le déficit et le stock de dette publique, est recommandée pour maintenir une croissance suffisante. En effet, cela permet, dans un second temps, d’encaisser les recettes susceptibles de remettre la trajectoire budgétaire sur de bons rails.
Dans ces circonstances, s’endetter pour investir est particulièrement efficace à court terme, en maintenant la croissance, et à long terme, pour renforcer le potentiel de l’économie.
Au-delà même des seules considérations économiques, Christine Lavarde évoquera la dette écologique. Il est important de penser les deux ensemble dans la définition de nos politiques publiques.
Ainsi, lorsque l’endettement est maîtrisé, il peut être bénéfique. On peut alors faire « rouler » la dette : puisque l’État est réputé éternel, il lui suffit, pour rembourser sa dette, d’emprunter de nouveau. Mais attention : le remboursement de la dette s’accompagne du paiement d’une charge d’intérêts. Sa dynamique peut être maîtrisée si la croissance dépasse les taux d’intérêt, mais, dans le cas contraire, si le déficit public est trop élevé, l’on risque l’effet « boule de neige ».
À la fin de la décennie 2010, la charge d’intérêts avait fortement diminué, car l’État empruntait à des taux faibles, voire négatifs. Cependant, depuis 2020, elle suit une tendance haussière du fait de l’augmentation du stock de la dette, de l’inflation, qui se répercute dans la charge de la dette à cause des obligations indexées sur elle, et de l’augmentation des taux d’intérêt.
La charge de la dette se situe sur une trajectoire dangereuse, d’une cinquantaine de milliards d’euros actuellement à plus de 80 milliards d’euros à l’horizon 2027-2028. L’effet « boule de neige » n’est donc pas loin – vous le savez, monsieur le ministre. Seuls des taux ou des niveaux d’emprunt – et donc de déficit – plus faibles nous permettront de la maîtriser.
Cette question est indissociable de celle de la crédibilité de notre trajectoire budgétaire. Les économistes qui s’étaient penchés sur la question des seuils critiques de dette publique à partir desquels la croissance du PIB et la soutenabilité de la dette sont menacées s’accordaient autour du totem de 90 %. Désormais, ils considèrent plutôt que prévaut la trajectoire de cette dette publique et, plus largement, des objectifs de déficit. Ne pas respecter la trajectoire que l’on s’est fixée constitue inévitablement un grave et important signal d’alarme pour les marchés.
Or c’est exactement ce qui s’est passé dans notre pays. Du fait de la mauvaise gestion budgétaire de la France, la dette est devenue un sérieux problème. En effet, d’une part, notre déficit est trop élevé ; d’autre part, nous ne respectons pas la trajectoire budgétaire que nous nous sommes pourtant fixée. En 2023, le déficit public s’est élevé à 5,5 % du PIB au lieu des 4,9 % initialement prévus. En 2024, au lieu de 4,4 % du PIB, comme l’a dit M. le ministre, nous dépasserons les 6 %.
C’est un mélange explosif : le dérapage des finances publiques suppose d’emprunter davantage et, depuis juin dernier, l’instabilité politique et la succession de mauvaises nouvelles, qui révèlent notre incapacité à tenir notre trajectoire budgétaire et à atteindre un niveau de déficit de 3 % du PIB en 2027, dégradent nos conditions d’emprunt. Il nous faut donc emprunter plus et dans de moins bonnes conditions, ce qui ne fera qu’accroître la charge de la dette.
Ainsi, alors que notre spread à dix ans avec l’Allemagne oscillait entre 40 et 60 points de base, il est à ce jour compris entre 60 et 80 points. Ainsi, en septembre, le taux à dix ans de la France rejoignait celui de l’Espagne, tandis que les taux à cinq ans du Portugal et de la Grèce, deux pays qui se trouvaient dans un marasme économique il y a peu, étaient inférieurs à ceux de la France. C’est dire combien la situation est préoccupante.
Le 17 juillet, une note de la direction générale du Trésor avertissait déjà le ministre et préconisait d’« éviter des hausses de programme de financement trop importantes pour pouvoir être absorbées par la base d’investisseurs sans dégradation des conditions de financement », précisant que « cette dernière contrainte risqu[ait] d’être plus forte que la contrainte européenne ».
Depuis lors, force est de le reconnaître, la situation ne s’est pas améliorée…
Cette gestion calamiteuse des finances publiques lie déjà les mains du nouveau gouvernement et liera celles des suivants : on est bien loin de la « souveraineté » prônée depuis 2017 par le Président de la République.
Évitons aussi de nous lier les mains vis-à-vis des investisseurs non-résidents, qui détiennent plus de 50 % de notre dette.
Il est donc impératif d’éviter le cercle vicieux de la dégradation des conditions d’emprunt et de la situation budgétaire, situation qu’a connue la Grèce en 2010.
Au-delà, on peut s’interroger sur notre dépendance aux marchés financiers. Si l’on ne souhaite pas se plier à leurs contraintes, se pose la question des canaux alternatifs de financement. En cas de crise, ne serait-il pas opportun de recourir à une part de financement hors marché, compte tenu notamment du niveau d’épargne des Français ? La France a déjà eu recours à de tels instruments – grand emprunt, circuit du Trésor, etc. – et pourrait les adapter aux conditions actuelles. Il s’agit d’une réflexion de longue haleine, mais gérer le présent ne doit pas interdire de penser à l’avenir en le préservant. Tel est notre devoir commun. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Franck Dhersin et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dire la vérité exige de reconnaître les faits tels qu’ils sont. Reconnaître que, pour la fin du deuxième trimestre de l’année 2024, la dette publique de la France s’établit à plus de 3 228 milliards d’euros selon l’Insee. Dire également que, ces sept dernières années, le taux d’endettement français a progressivement augmenté, pour atteindre 112 % du produit intérieur brut en 2024, contre 98,1 % en 2017.
Alors oui, l’état dans lequel se trouvent nos comptes publics doit nous préoccuper et faire comme si de rien n’était serait tout simplement irresponsable.
Mais dire la vérité, toute la vérité, exige aussi de contextualiser et d’expliquer pourquoi nous en sommes arrivés à une telle situation. Il est exact d’affirmer que le taux d’endettement français progresse, mais il faut revenir en arrière, bien avant 2017, pour en trouver le point de départ. En réalité, selon les données d’Eurostat et de Fipeco, la dette publique française, en pourcentage du PIB, n’a cessé d’augmenter depuis 2007.
Certes, il y a eu des périodes de stabilisation, entre 1997 et 2007 et de 2016 à 2019. Mais si l’on met de côté ces moments où la dette a pu être maîtrisée, force est de constater que celle-ci n’a pas connu de diminution importante depuis les années 1980. S’agissant de la dette publique brute, nous sommes ainsi passés de 21,1 % du PIB en 1980 à 110,7 % du PIB à la fin du premier trimestre de l’année 2024.
Cela ne vous a pas échappé, mes chers collègues : la dette de la France a dépassé les 100 % du PIB pour la troisième année consécutive. Mais dans quel contexte ? Celui d’une période où notre pays a dû affronter les conséquences économiques de la pandémie de covid-19, de la guerre en Ukraine et de l’inflation, trois crises majeures, différentes à bien des égards, mais qui ont eu pour point commun de créer des difficultés considérables pour notre économie, tant pour nos entreprises que pour nos concitoyens.
Alors oui, face aux risques catastrophiques qui existaient, les gouvernements successifs, sous l’impulsion du Président de la République, ont privilégié la sauvegarde et la protection de milliers d’entreprises, le maintien du salaire de millions de Français, avec une contrepartie inévitable : celle de l’endettement.
M. François Patriat. Très bien !
M. Didier Rambaud. Mes chers collègues, dire la vérité, c’est aussi se demander dans quel état serait notre économie si nous n’avions pas fait ces choix. Fallait-il moins s’endetter, au risque de voir le chômage augmenter, les faillites se multiplier et les factures d’énergie flamber davantage, comme ce fut le cas chez bon nombre de nos voisins européens ?
Certes, nous devons reconnaître que tout n’a pas été parfait. Il fallait faire vite et certaines mesures ont été prises dans l’urgence. Cependant, je suis fier d’avoir soutenu des gouvernements qui ont eu le courage de prendre des décisions difficiles, mais responsables.
Reconnaissez aussi, mes chers collègues, que cet hémicycle a bien souvent soutenu les décisions budgétaires liées à la politique du « quoi qu’il en coûte », qui était nécessaire. À l’époque, parmi vous, qui a dit que nous dépensions trop ? J’entendais même parfois que nous n’en faisions pas assez.
Cette crise étant désormais passée, nous devons maintenant relever le défi immense de la réduction de notre dette actuelle, un défi nécessaire, inévitable et, surtout, collectif.
Je constate que la notion de « responsabilité budgétaire » semble faire consensus dans nos prises de parole. J’espère donc qu’elle se traduira concrètement dans nos actes et dans nos votes, à plus forte raison lors de l’examen du projet de loi de finances à venir.
Depuis septembre 2017 et mon élection en tant que sénateur, j’ai souvent entendu, en commission, et cet après-midi encore dans l’hémicycle, des remarques et des critiques sur la gestion gouvernementale de notre dette, du déficit et, plus largement, de nos finances.
Mais n’est-il pas curieux d’avoir toujours appelé à toujours plus de rigueur budgétaire alors que d’aucuns déposent, défendent et votent des amendements au projet de loi de finances représentant plusieurs milliards d’euros de dépenses supplémentaires sans nouvelles recettes ?
Mme Patricia Schillinger et M. François Patriat. Bravo !
M. Didier Rambaud. Nous n’avons pas à rougir de notre bilan. Le plan de relance et le fonds vert étaient nécessaires, et je suis fier de les avoir soutenus. S’il est un sujet que je défends, c’est la politique de l’offre menée depuis sept ans. Nous avons fait baisser le chômage, qui n’est plus un sujet, ou presque. Nous avons amorcé la réindustrialisation de notre pays et fait revenir les investisseurs. (M. le ministre délégué acquiesce.)
La semaine dernière vous avez, monsieur le rapporteur général, présenté à la commission des finances un état des lieux des comptes publics de la France, une présentation à mes yeux objective et dénuée de tonalité polémique. Cet exposé mentionnait la part dans les dépenses de l’augmentation de la masse salariale au sein de nos finances. Mais, de nouveau, je m’interroge : regrettons-nous la création de 50 000 équivalents temps plein publics entre 2017 et 2024 ?
M. Albéric de Montgolfier. Oui, nous le regrettons !
M. Didier Rambaud. Si c’est le cas, lesquels ?
M. Albéric de Montgolfier. Ceux des agences : les agences régionales de santé (ARS) ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ! (M. Jean-François Husson renchérit.)
M. Didier Rambaud. En ce cas, j’ose espérer que je n’entendrai plus dire, lors des questions d’actualité au Gouvernement ou de l’examen des missions budgétaires, que le compte n’y est pas et que l’on ne crée pas assez d’emplois dans la santé, la sécurité ou la justice.
Le groupe La Poste a, par exemple, annoncé une coupe budgétaire de 50 millions d’euros dans le contrat de présence territoriale qui le lie à l’État, lequel finance ses 17 000 antennes en France. Autrement dit, certains bureaux de poste communaux pourraient donc fermer. Il y a quelques minutes, j’ai appris que le Gouvernement revenait sur cette décision, mais cela illustre bien les difficiles arbitrages que devra désormais réaliser l’État face à l’impératif de réduction de la dépense publique.
Ainsi, comment réduire les dépenses publiques tout en améliorant la qualité de nos services publics ? Autrement dit, comment dépenser moins, mais aussi, et surtout, comment dépenser mieux ?
Nos concitoyens sont inquiets, exigeants, et ils veulent savoir, à juste titre, où vont et à quoi servent leurs impôts.
Dans le prolongement de vos propos en commission, monsieur le rapporteur général, puisque la situation l’exige et que les Français attendent de nous de la responsabilité, j’espère, mes chers collègues, que nous pourrons aborder collectivement l’examen du budget avec une volonté constructive et un esprit d’ouverture. Ainsi pourrons-nous voter ensemble des propositions d’économies et des mesures de justice fiscale indispensables à la réduction de notre dette publique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dette publique et le déficit sont de véritables marronniers parlementaires, de vieux marronniers, même, puisque voilà cinquante ans que nous n’équilibrons pas nos comptes publics. Nous collectionnons, en la matière, les médailles d’or aux jeux Olympiques de la finance. Cocorico !
Aujourd’hui, nous abordons le sujet avec un nouveau ministre des comptes publics. L’avantage, avec un nouveau ministre, c’est que l’on peut se répéter.
Mme Nathalie Goulet. C’est mieux que de se contredire ! (Sourires.)
M. Christian Bilhac. Je m’en excuse, d’ailleurs, auprès de mes collègues… Je rappelle donc les mots pleins de sagesse de Pierre Mendès France : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent. »
Dans sa déclaration de politique générale, le nouveau Premier ministre s’est engagé à ramener le déficit de la France à 3 % en… 2029. Or, en 2007, le Premier ministre d’alors, M. Fillon, parlait d’un État en faillite pour « seulement » 1 150 milliards d’euros de dette, soit 63 % du PIB, alors qu’aujourd’hui nous atteignons 3 228 milliards d’euros, soit 112 % du PIB. Je me tourne donc vers vous, car je n’ai pas trouvé, dans le dictionnaire, un mot pour caractériser cette dette abyssale…
À ce rythme, le remboursement des intérêts va bientôt devenir le premier poste de dépenses dans le budget de la France, devant l’éducation, la santé, la solidarité ou encore la sécurité. Me reviennent alors les paroles de mon professeur de droit financier, selon qui « les dettes d’aujourd’hui sont les impôts de demain ». En la matière, les réveils sont douloureux, alors mieux vaut ne pas s’endormir…
Monsieur le ministre, vous semblez, avec le Premier ministre, vouloir prendre le problème à bras-le-corps en agissant sur les dépenses, mais aussi sur les recettes. Je m’en réjouis.
Cependant, le retour à un déficit de 3 % est programmé pour 2029… Comme je l’ai dit à plusieurs reprises à cette tribune, les lois de programmation et autres prévisions budgétaires pluriannuelles, exercices imposés pour les parlementaires que nous sommes, ne sont que rarement, voire jamais respectées, parce que les prévisions macroéconomiques sont de plus en plus aléatoires au gré des crises sanitaires ou de la géopolitique mondiale, mais surtout – surtout ! – par manque de courage et d’imagination. Ainsi, la dernière loi prévoyait cet objectif de 3 % à l’horizon 2027. Mais chacun sait, surtout les marins, que, à mesure qu’on se rapproche de l’horizon, il s’éloigne… (M. Philippe Grosvalet s’en amuse.)
Pour la France et pour nos enfants, nous devons y croire. Alors je me réfère au conseil amical de Blaise Pascal, comme le chantait si bien notre poète sétois, Georges Brassens, dans Le Mécréant :
« Mettez-vous à genoux, priez et implorez
« Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez. »
Cependant, j’avoue qu’avec l’esprit laïque qui me caractérise, même en m’employant à la génuflexion et aux prières, j’ai du mal à y croire… Car pour atteindre 3 %, ce n’est pas gagné, et même à ce taux, nous continuerons à nous endetter.
Monsieur le ministre, je vous souhaite de réussir, aux côtés du Premier ministre, avec du courage et de l’imagination pour faire, enfin, baisser la dette. Alors je formule quelques suggestions, pour prendre le taureau par les cornes : supprimez des opérateurs ! Au hasard : les ARS, l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), les agences de l’eau et bien d’autres ! (Très bien ! et marques d’approbation sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.) Il y en a 493, qui coûtent 80 milliards d’euros : vous pouvez y aller ! Supprimez carrément des ministères et donnez des responsabilités aux collectivités locales en décentralisant encore plus.
Pour revenir à la dette, je rappelle que le seul responsable en est l’État, car les collectivités locales, encore récemment montrées du doigt par l’ancien ministre de l’économie et des finances, votent des budgets à l’équilibre. Je m’interroge : comment font les 30 000 maires ruraux, qui ne sont pas sortis de grandes écoles et sont assistés par une secrétaire de mairie qui, parfois, n’a pas le bac et exerce à temps partiel, comment font-ils, diantre, pour voter des budgets en équilibre alors que les ministres les plus compétents de la République, que nous voyons passer depuis cinquante ans, entourés des hauts fonctionnaires les plus diplômés, n’y parviennent pas ? Faut-il alors nommer un maire rural auvergnat ? (Rires. – Mmes Sonia de La Provôté et Évelyne Perrot applaudissent.)
Je conclus sur les paroles de Pierre Mendès France, rejoignant le Premier ministre : « Il est urgent d’agir, il ne faut jamais sacrifier l’avenir au présent. » (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)