Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne serai donc pas plus long, même si j’avais encore de nombreuses choses à vous dire. Je me réjouis que nous soyons parvenus à porter le sujet au niveau européen, qui est la bonne échelle pour rééquilibrer le dialogue avec nos plus grands partenaires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe auteur de la demande.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier chacun de mes collègues pour leur contribution à cette « première », ainsi que les représentants de la communauté de l’intelligence économique qui assistent à nos débats en tribune. Comme toute « première », elle est sûrement perfectible, mais elle a le mérite d’exister. Nous aurions préféré, monsieur le ministre, pouvoir tenir ce débat en étant éclairés en amont des données du rapport annuel 2024, que vous annoncez pour le mois de juin.

Ce que je retiens néanmoins, c’est que la France est sortie du déni et qu’elle s’est dotée d’une politique de sécurité économique ainsi que d’outils permettant de faire respecter sa souveraineté industrielle et technologique.

Beaucoup a donc déjà été fait ; néanmoins, beaucoup reste aussi à faire.

C’est vrai pour le contrôle des IEF. Un certain nombre de collègues ont insisté pour que le suivi dans la durée des engagements soit systématiquement réalisé. C’est indispensable, sinon le dispositif ne serait qu’un tigre de papier qui ne dissuaderait plus. Raison pour laquelle le Sénat a souhaité, la semaine dernière, adopter un amendement pour que le rapport intègre cette dimension. Je comprends que tel sera le cas dans le rapport de juin prochain. Nous pouvons donc l’écrire dans la loi, cela ne posera pas problème. J’insiste sur ce point puisque la commission mixte paritaire se tiendra demain.

Ensuite, faire plus et mieux, c’est aussi mettre en place une véritable stratégie d’intelligence économique – Franck Montaugé l’a évoquée – qui intègre la sécurité économique, mais en allant au-delà. Akli Mellouli signalait que le concept d’intelligence économique était à la croisée des chemins du droit, de la politique, de l’économie.

Alors, comment faire ?

Premièrement, il faut qu’un volet offensif complète le volet défensif. Roland Lescure l’a dit et Pascal Allizard a renchéri : la meilleure défense, c’est l’attaque. Nous sommes d’accord sur ce point. Il faut travailler sur l’influence normative, c’est la première des priorités. Qui fait la norme fait le marché. Anticiper les normes, les maîtriser, c’est bien ; les produire ou les coproduire, c’est encore mieux.

À cet égard, je rends hommage à l’Agence française de normalisation (Afnor). Mais attention, un certain nombre de pays sont en voie de nous rattraper : je pense à la Chine. Nous devons être vigilants et mettre les bouchées doubles.

Deuxièmement, il faut créer un véritable cercle de confiance qui associe mieux les collectivités locales, les entreprises, les partenaires sociaux, les acteurs de l’intelligence économique – le Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE), le Syndicat français de l’intelligence économique (Synfie) –, les prestataires spécialisés et les citoyens.

La stratégie d’intelligence économique doit être déclinée sur et avec les territoires. Il y a là un enjeu de meilleure coopération entre l’État et les collectivités, et de formation pour les élus locaux concernés. Je me réjouis que des prestataires dans ce domaine travaillent à des modules sur l’intelligence économique, pour sensibiliser les élus.

Il faut également sortir du réflexe très français de rétention de l’information. « Confidentiel défense » signifie « circulez, il n’y a rien à voir », alors que c’est souvent l’inverse…

Pour mettre en musique tout cela, il faut une organisation pérenne, interministérielle et inclusive et un portage politique. Raison pour laquelle nous avions préconisé, avec Marie-Noëlle Lienemann, la création d’un secrétariat général à l’intelligence économique. Je rassure les commissaires du Gouvernement présents : il n’y a rien de personnel. (Sourires.)

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’espère bien ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. On l’a vu, le travail accompli a notamment permis une montée en puissance. Il s’agit de donner encore plus de force, de puissance, au dispositif en s’appuyant sur les structures existantes, d’assurer un meilleur portage politique et d’amplifier l’« aller vers » les acteurs territoriaux, économiques, sociaux, universitaires ou de recherche.

Tout cela constitue une impérieuse nécessité. Il est loin le temps de la soi-disant « fin de l’Histoire » des années 1990, de la chute du mur de Berlin et de la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ! Nous sommes désormais dans le temps du retour des empires, du blocage de l’OMC, avec une économie tributaire de la géopolitique : il suffit de regarder ce qui se passe dans les détroits, à Taïwan ou à Aden.

Le rapport Martre de 1994 appelait à « une œuvre de longue haleine », parce qu’il fallait changer les états d’esprit et la culture, comme l’a dit également Roland Lescure. Ce débat y contribue.

Je me réjouis que le ministre ait dit – je le prends au mot et le compte rendu en attestera – qu’il était prêt à rendre compte une fois par an, ainsi qu’il l’a fait aujourd’hui. Alors, à l’an prochain, si vous le voulez bien, comme aurait dit Lucien Jeunesse en son temps ! Ce débat inédit a permis de revenir sur plusieurs travaux conduits dans notre Haute Assemblée, dont la qualité montre, une fois de plus, le rôle du Sénat dans la défense de la souveraineté nationale.

Je forme donc le vœu ardent, comme le ministre, que ce rendez-vous annuel soit pérennisé, au bénéfice de la mission constitutionnelle du Parlement en matière de contrôle. Cela permettra de sensibiliser les Français à l’importance de développer notre culture de l’intelligence économique. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Le contrôle des investissements étrangers en France comme outil d’une stratégie d’intelligence économique au service de notre souveraineté. »

6

 
Dossier législatif : proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial
Discussion générale (suite)

Possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial, présentée par M. Xavier Iacovelli et plusieurs de ses collègues (proposition n° 522, texte n° 618, rapport n° 617).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial
Article 1er

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi.

M. Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sur ces travées, dans cet hémicycle, Victor Hugo se fit le défenseur, comme dans ses œuvres et dans son parcours politique, de l’humanisme et de la compassion, plaidant pour un monde dans lequel les enfants sont protégés, éduqués et aimés.

Dans ce même hémicycle, le baron Thénard se fit, de son côté, le symbole de l’indifférence et du manque d’humanité, en s’opposant à la proposition de loi portée par Victor Hugo pour diminuer de seize à dix heures la durée de travail des mineurs.

C’est dans Les Misérables que Victor Hugo parviendra le mieux à dépeindre les idées de cet homme en faisant de la famille Thénardier l’unique responsable des terribles conditions de vie de Cosette, une enfant placée qui subissait chaque jour leur cruauté.

Aujourd’hui, la situation a bien changé. Mais, si la situation que vivait Cosette n’existe plus, les idées de Victor Hugo sur l’importance de protéger les enfants placés sont toujours actuelles. Nous devons agir !

Agir, car ces enfants, ces adolescents, issus de milieux souvent modestes, portent en eux le sentiment d’une vie brisée et des traumatismes multiples.

Agir, car, dans notre pays, il y a encore des milliers de placements judiciaires non exécutés, laissant les enfants en danger dans leur famille.

Agir, car, selon les magistrats, 77 % des juges des enfants renoncent à prendre une mesure de protection faute de places dans les structures d’accueil de leur département.

Agir, car, selon l’inspection générale des affaires sociales (Igas), 49 % des enfants qui décèdent sous les coups de leurs parents vivaient dans des familles déjà connues des services sociaux.

Agir, car, en dépit de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, des enfants sont abandonnés dans des hôtels sociaux sans encadrement. Quand ils ont la chance d’être placés dans les structures de l’aide sociale à l’enfance (ASE), ils le sont dans de mauvaises conditions du fait des sureffectifs, comme en Dordogne, où le taux d’occupation des foyers est de 140 %.

Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur cette réalité. Nous devons valoriser et soutenir davantage les familles d’accueil, les assistants familiaux, qui sont les véritables piliers de notre système de protection de l’enfance.

Les assistants familiaux, ces femmes et ces hommes qui dédient leurs vies à des enfants protégés, sont les garants d’un avenir plus serein pour ces jeunes mineurs vulnérables. Ils jouent un rôle crucial en offrant un cadre de vie stable et affectueux, loin des abus et de la négligence que ces jeunes ont pu connaître dans leur famille biologique.

L’ONU reconnaît que l’accueil familial est le système le plus protecteur des droits et des besoins fondamentaux des enfants. De même, la Convention internationale des droits de l’enfant prévoit que le placement en famille d’accueil doit être la solution privilégiée.

Mais nous savons tous qu’être assistant familial n’est pas simple. Ces assistants ne sont pas de simples prestataires de l’ASE, ils sont bien plus que ça ! Ils consolent, réconfortent, éduquent et intègrent ces enfants meurtris par la vie à leur propre famille. Ils sont nombreux ces enfants qui nous disent aujourd’hui, devenus adultes, que leur « tata » ou leur « tonton » ont été leurs seules ressources et les seuls liens affectifs dont ils bénéficient. Car la fonction d’assistant familial ne cesse pas à la fin du contrat…

Pourtant, les assistants se retrouvent souvent mis de côté par l’administration de l’ASE. Je pense notamment à l’élaboration du projet pour l’enfant dont ils sont quasi systématiquement exclus par les départements, alors qu’ils sont au cœur de la vie de ces mineurs. Comment expliquons-nous que ces suppléants parentaux, qui vivent au quotidien auprès de ces enfants, ne soient même pas associés aux audiences des juges des enfants ?

Leur expertise est précieuse et il est temps que notre société reconnaisse pleinement la valeur de leur engagement en les considérant comme des travailleurs sociaux à part entière.

La proportion d’accueil familial est passée de 50 % à 40 % en seulement huit ans. Il y a encore quelques années, la France était pourtant reconnue en Europe pour avoir déployé une politique d’accueil familial d’importance.

Malgré la loi Taquet, qui autorise les assistants familiaux à travailler au-delà de la limite d’âge de départ à la retraite afin de prolonger l’accompagnement du mineur ou jeune majeur de moins de 21 ans, le nombre d’assistants familiaux continue de diminuer.

Plusieurs facteurs expliquent ce recul, notamment des conditions de travail extrêmement difficiles, ainsi que des contraintes financières parfois lourdes.

Alors, mes chers collègues, c’est pour faire face à cette demande urgente que je vous présente cette proposition de loi visant à permettre de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial, afin de lever un de ces freins qui existent encore.

Face à une situation où 74 700 mineurs sont actuellement accueillis par seulement 38 000 familles, où la pyramide des âges laisse envisager le pire à un horizon de cinq ans, il est urgent d’agir.

Le droit au répit, établi dans la loi Taquet, ne peut être appliqué en raison du manque d’assistants familiaux pour assurer la suppléance.

Ce texte vise à donner la possibilité à ceux qui ont un travail dans la fonction publique de devenir, à la suite de formations dédiées et obligatoires, des assistants familiaux, pour permettre la mise en œuvre de ce droit au répit.

J’entends dire que cette proposition de loi permettra de ne lever qu’un frein pour faire face à cette pénurie, qu’elle ne révolutionnera pas le système général de la protection de l’enfance et qu’elle ne réglera pas le problème de l’attractivité de la fonction d’assistant familial.

Je sais la charge immense qu’entraîne ce métier, mais ce texte tend à donner la possibilité à ceux qui le veulent et le peuvent de devenir assistant familial pour sauvegarder ce qui me semble le plus important : un lien social dans une famille qui pourra offrir de la stabilité à un enfant.

Permettre à ceux qui travaillent à temps partiel, notamment dans la fonction publique, de cumuler leur emploi avec la fonction d’assistant familial, comme c’est déjà le cas dans le secteur privé, ne peut que renforcer l’attractivité de ce métier, et donc sauver des vies. Car, dans le secteur privé, il est déjà possible de concilier un emploi et la fonction d’assistant familial. Néanmoins, au cours des auditions, la méconnaissance de cette possibilité a été mentionnée.

Il est donc important que les départements, compétents en la matière, puissent lancer de larges campagnes de recrutement, à la fois dans le secteur privé et dans le secteur public, si cette loi est adoptée.

Mes chers collègues, c’est avec une grande inquiétude que je vous parle aujourd’hui. Si nous ne réagissons pas dès maintenant, posons-nous la question : où iront ces enfants ?

Nous avons, en responsabilité, voté la fin des hôtels sociaux pour les enfants protégés : les assistants familiaux sont notre seule chance ! C’est un métier d’avenir.

Les enfants dont nous parlons aujourd’hui ne sont pas seulement « les enfants de personne », comme ils se présentent souvent ; ils sont avant tout les enfants de tous, ceux de la République. Les protéger, c’est assumer notre responsabilité collective, honorer notre devoir envers eux et assurer l’avenir de notre pays.

Je remercie l’ensemble des personnes présentes en tribune ce soir, anciens jeunes protégés par l’ASE, et les fédérations d’assistants familiaux qui nous regardent en direct.

Je remercie mon groupe, celui du RDPI, d’avoir permis que ce texte puisse être inscrit à l’ordre du jour, ainsi que l’ensemble de mes collègues, tant au sein de notre groupe que dans les autres groupes, sur toutes les travées, de l’avoir cosigné et de m’avoir exprimé leur soutien.

Je remercie enfin Solanges Nadille, rapporteure du texte, et Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, qui ont contribué à améliorer la proposition de loi, dans le sens de l’intérêt général.

En effet, ce texte incarne véritablement l’intérêt général, transcendant tous les clivages politiques. Cent soixante-deux ans après le roman de Victor Hugo, faisons en sorte que l’histoire de Cosette ne se reproduise pas !

Cette proposition de loi permettra de lever un frein, ce qui permettra de répondre à l’état d’urgence du secteur de la protection de l’enfance.

Oui, cette proposition de loi n’est pas révolutionnaire, elle n’engagera pas à elle seule la révolution nécessaire pour la protection de l’enfance ; mais elle est un petit pas, sans lequel nous n’avancerons jamais.

Oui, nous avons tant à faire encore pour faire bouger les choses, mais je garde espoir, espoir pour ces jeunes, qui sont les enfants protégés de toute la Nation, espoir pour les assistants familiaux, qui sont la meilleure solution pour ces jeunes, espoir aussi en la ministre, qui, je l’espère, va ouvrir un certain nombre de chantiers sur la protection de l’enfance.

Pour ces jeunes, pour l’attractivité du métier des assistants familiaux, pour répondre à cette urgence, pour le secteur de la protection de l’enfance, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de ce texte qui ouvre la possibilité de concilier une activité professionnelle avec le métier d’assistant familial. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE. – Mmes Élisabeth Doineau et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Solanges Nadille, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Nelson Mandela disait que nous devons aux enfants, les êtres les plus vulnérables de toute société, une vie exempte de violence et de peur.

La protection de nos enfants fait partie de ces sujets qui nous rassemblent, au-delà des clivages politiques.

Disons-le d’emblée, cette proposition de loi déposée par mon collègue Xavier Iacovelli ne vise pas à réformer en profondeur le système de protection de l’enfance. Ce n’est d’ailleurs pas tant d’une nouvelle grande loi que nous avons besoin que d’une pleine application des dispositifs déjà votés.

Comme le notait déjà notre ancien collègue Bernard Bonne en juillet 2023, les acteurs doivent encore s’approprier pleinement de nombreuses mesures de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.

En revanche, ce texte a pour objectif de lever le verrou juridique qui empêche aujourd’hui un agent public de cumuler son emploi avec un autre emploi public d’assistant familial. Il vise à répondre à une problématique précise et identifiée par les employeurs publics, sur laquelle il a paru utile à la commission d’intervenir. Il s’agit là d’une avancée concrète qui sera utile à de nombreux enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

Cela étant dit, avant de vous présenter le texte, permettez-moi de rappeler brièvement le contexte dans lequel il s’inscrit.

Les assistants familiaux, chargés d’accueillir des mineurs et des jeunes de moins de 21 ans à leur domicile, sont des acteurs essentiels de la protection de l’enfance. Ils constituent l’un des tout premiers modes d’accueil des enfants de l’aide sociale à l’enfance et permettent de répondre aux besoins de stabilité, d’encadrement et de sécurité de ces enfants.

Selon les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), à la fin de l’année 2021, 74 700 jeunes, soit 40 % de l’ensemble des jeunes confiés à l’ASE dans l’Hexagone, étaient hébergés en famille d’accueil.

Cette prépondérance du mode d’accueil familial est tout aussi vraie en outre-mer ; les assistants familiaux assurent par exemple plus de 60 % des accueils de l’ASE dans mon territoire de la Guadeloupe.

La profession connaît toutefois une démographie déclinante, en raison d’une pyramide des âges vieillissante et d’un défaut d’attractivité à l’embauche. En 2021, on comptait 38 000 assistants familiaux, à 90 % des femmes, leur âge médian s’élevant à 55 ans. Les effectifs d’assistants familiaux employés par les départements ont ainsi diminué de 7,2 % entre 2017 et 2022.

Cette situation varie selon les départements. Certains territoires, du fait de leurs particularités, sont plus épargnés. Toutefois, beaucoup d’autres territoires sont en première ligne dans cette pénurie de recrutement. Le département du Pas-de-Calais a vu ses effectifs d’assistants familiaux décroître de 2 100 professionnels en 2019 à 1 700 en 2024, quand la Savoie a connu une chute de près de 30 % entre 2017 et 2022.

Lors des auditions, plusieurs acteurs du secteur ont expliqué que le métier souffrait d’un manque de notoriété. Un effort de communication semble donc indispensable pour faire connaître ce métier et ainsi attirer de nouveaux profils.

De plus, il apparaît nécessaire d’agir pour permettre aux employeurs publics d’élargir leur vivier de recrutement. Actuellement, le code de l’action sociale et des familles ne permet qu’aux seuls assistants familiaux de droit privé, généralement salariés d’une association, de cumuler, dans le silence de leur contrat de travail, un second métier relevant du secteur privé.

En revanche, un agent public – et peu importe sa quotité de travail – ne peut pas cumuler son emploi public avec un emploi d’assistant familial. En effet, le statut de la fonction publique veut que l’agent public se consacre entièrement à son métier, sauf dérogations spécifiquement prévues ou encadrées par la loi. Cela empêche concrètement des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) exerçant un emploi à temps non complet de quelques heures par semaine d’être recrutés par un département pour héberger un enfant confié à l’ASE.

Le texte initial de l’article 1er visait à modifier le code général de la fonction publique, en instaurant deux régimes juridiques, selon que l’agent public exerce à temps non complet ou à temps complet. L’agent à temps non complet pourrait exercer une activité d’assistant familial après une simple déclaration à son administration. La commission a souhaité simplifier le dispositif en ne permettant le cumul d’activité que sous un seul régime d’autorisation préalable de l’autorité hiérarchique.

L’article 2 tendait à encadrer l’assouplissement de la possibilité de concilier un emploi public et la fonction d’assistant familial. Il prévoyait que, dans ce cas, l’agrément n’autorise l’accueil que d’un seul mineur âgé d’au moins 3 ans et relevant de la protection de l’enfance. Par ailleurs, l’article précisait que l’assistant familial bénéficiait d’une formation dont la durée ne pouvait être inférieure à soixante heures, dans une période de six mois après obtention de l’agrément.

Au regard de la diversité des situations d’accueil des enfants ainsi que de la réalité propre à chaque territoire, la commission n’a pas souhaité inscrire dans la loi ces modalités d’encadrement. Elles pourraient se révéler trop rigides sur le terrain et remettre en cause l’effectivité du texte. En effet, en fonction de la réalité de chaque situation, ce cumul d’emplois pourrait aussi bien concerner des personnes qui exerceraient en soutien d’autres assistants familiaux, afin de faciliter la prise de congés et l’effectivité du droit au répit, que des prises en charge à part entière d’enfants scolarisés ou non.

Par ailleurs, il n’est pas apparu pertinent de prévoir une formation potentiellement plus courte pour les agents publics souhaitant cumuler leur métier avec celui d’assistant familial. Il est important, pour garantir la même qualité d’accueil chez les assistants familiaux, que tous ces professionnels bénéficient de la même formation de 240 heures et suivent également le stage préparatoire prévu par la loi avant le premier accueil d’enfant.

C’est pourquoi, sur ma proposition, la commission a supprimé cet article 2, afin de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir les règles d’encadrement. Le décret, après concertation des acteurs, employeurs comme représentants des assistants familiaux, permettra de déterminer au mieux les conditions permettant ce cumul d’emploi, tout en préservant l’intérêt supérieur des enfants protégés. Il couvrira également toutes les situations de cumul, quelle que soit la seconde activité professionnelle exercée, afin de ne pas créer de rupture d’égalité entre les agents publics et les salariés de droit privé.

Madame la ministre, je compte sur votre engagement pour que ce décret soit pris très rapidement, après la promulgation de la loi, afin d’assurer la pleine effectivité de cette évolution.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte nous semble nécessaire pour apporter une première réponse aux difficultés de recrutement que connaît la profession d’assistant familial, en autorisant un assouplissement bienvenu du cadre d’exercice du métier, le rendant ainsi plus attractif, et ce avec pour seul objectif l’intérêt des enfants.

En effet, en audition, plusieurs acteurs ont souligné le fait qu’autoriser les assistants familiaux à cumuler cette activité avec un emploi public, dans des conditions adéquates, constituait un intérêt pour l’enfant dans le sens où avoir une famille qui travaille favoriserait chez l’enfant un sentiment de normalité et lui ferait prendre conscience de la valeur travail.

S’il faut réformer plus en profondeur notre système de protection de l’enfance, et avancer également sur le volet de la formation des assistants familiaux, cette proposition de loi constitue sans aucun doute une brique utile pour une meilleure prise en charge des enfants protégés. Rendre plus attractif le métier d’assistant familial via un cumul d’activités encadré, c’est augmenter le nombre d’enfants protégés pouvant être accueillis en famille d’accueil, et ainsi répondre aux besoins de stabilité, d’encadrement et de sécurité de ces enfants.

C’est pourquoi la commission vous invite à adopter ce texte dans la rédaction issue de ses travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, très cher Philippe Mouiller, madame la rapporteure, très chère Solanges Nadille, mesdames, messieurs les sénateurs, chers jeunes en tribune qui suivez ces travaux, nous parlons d’un sujet fondamental et essentiel : les enfants dont nous avons la responsabilité et la charge et dont nous devons assurer la protection. Nous allons parler plus spécifiquement des familles qui accueillent les enfants confiés.

Je tiens à remercier le sénateur Xavier Iacovelli, pour plusieurs raisons : je connais sa détermination, son engagement et sa motivation pour que la protection de l’enfance évolue. Oui, c’est un combat, et le groupe RDPI a fait le choix de mettre à l’honneur le métier d’assistant familial en l’ouvrant à d’autres professionnels qui exercent déjà une activité en tant qu’agent public. C’est un choix que je salue.

Cependant, il me semble nécessaire de partager une vision plus large. Aujourd’hui, la situation de la protection de l’enfance est tendue, et, disons-le, le système est en crise, à un niveau rarement connu. Nous avons immédiatement lancé des groupes de travail pour trouver des solutions, dans un temps très court. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de réponses. Ces groupes de travail ont été lancés avec les départements, ainsi qu’à l’Assemblée nationale, où se tient une commission d’enquête qui s’intéresse au système de la protection de l’enfance et à sa capacité à protéger les enfants dans de bonnes conditions.

Il faut construire des solutions. Nous connaissons une partie d’entre elles. Le temps est venu de continuer à améliorer le système de la protection de l’enfance. Cela passe inévitablement par la prévention, le soutien à la parentalité et l’accompagnement.

Dans ce système, l’accueil en famille est pour moi la clé : qu’il soit assuré par un tiers de confiance, dans le cadre de l’accueil durable et bénévole, et bien sûr chez les assistants familiaux. Près de 40 000 assistants familiaux accueillent plus de 70 000 enfants. Ces assistants familiaux sont souvent des femmes, qui offrent à ces enfants l’essentiel : un accompagnement et un lien d’attachement – j’assume ce terme d’attachement – leur permettant de grandir et de se construire.

La mission d’assistant familial est spécifique et doit être mieux connue, mieux comprise et aussi mieux reconnue : c’est d’abord et avant tout un métier, qui nécessite une formation préalable et continue. C’est aussi un engagement exigeant, pour l’assistant familial, d’une part, et pour sa famille et ses proches, d’autre part.

C’est un engagement au quotidien et, même s’il est nécessaire de disposer de temps de répit ou de congés, certains assurent une permanence de l’accompagnement, considérant que les enfants accueillis font partie intégrante de leur famille.

La loi du 7 février 2022 a mis en valeur ce mode d’accueil en sécurisant le statut et la rémunération des assistants familiaux : je pense à la rémunération minimale au niveau du Smic dès le premier enfant confié, à la garantie de rémunération en cas d’absence de placement par le conseil départemental, aux contrats de travail qui peuvent à présent proposer au moins un week-end complet de répit par mois, ou encore à la reconnaissance de la participation absolument essentielle des assistants familiaux à l’équipe pluridisciplinaire – c’était et c’est toujours une demande très forte de ces professionnels.

Toutefois j’entends que ce n’est pas suffisant – ces mesures n’avaient pas vocation à l’être. Bien qu’essentielles, elles restent une première étape.

Toutefois, les irritants sont nombreux ; la Haute Assemblée et moi-même sommes capables de les entendre et d’apporter des réponses.

Les disparités entre départements sont vécues comme des injustices ; tel est le cas pour les indemnités de sujétions exceptionnelles, prévues afin de compenser l’engagement particulier et les compétences particulières nécessaires à la prise en charge des enfants complexes.

Le sentiment de défiance ressenti par certains assistants familiaux est protéiforme. Les services de l’ASE ne les reconnaissent pas toujours comme des membres à part entière des équipes ; les services de la protection maternelle et infantile (PMI) exigent malheureusement toujours plus de normes à respecter, au-delà du référentiel réglementaire national ; quant aux juges, ils ne prendraient pas en compte suffisamment la parole des assistants familiaux, qui vivent au quotidien avec ces enfants et les connaissent.

Ces contraintes ont des conséquences, d’abord sur les enfants. Les familles perçoivent les limites de cet accueil.

Ces difficultés ont aussi un impact direct en matière d’attractivité. Et je reconnais bien volontiers que les mesures prises ces dernières années n’ont pas réussi à freiner le risque de chute démographique de ce métier si important.

En 2021, on estimait que la moitié de ces professionnels avait 55 ans ou plus ; un quart avait même franchi le seuil des 60 ans ; enfin, près de 50 % d’entre eux partiront à la retraite à l’horizon de l’année 2033.

Il nous faut poursuivre les efforts entrepris pour qu’ils produisent leurs effets ; mais il faut aussi aller plus vite. L’ouverture à de nouveaux profils fait partie des solutions que nous devons explorer. Ainsi, nous avancerons.

La proposition de loi qui nous est présentée par le sénateur Xavier Iacovelli est donc une brique de solutions, une brique dans une stratégie plus globale de revalorisation des métiers du lien, de la profession d’assistant familial, qu’il nous faut construire avec l’ensemble des acteurs.

Cette proposition tend à corriger des inégalités entre les agents du secteur public et les salariés du secteur privé. C’est une loi d’égalité.

Aujourd’hui, il n’est pas possible pour un agent public d’exercer en cumul d’activités la profession d’assistant familial, alors même qu’il accompagne peut-être déjà des enfants. Je pense aux infirmiers et aides-soignants de la fonction publique hospitalière, ou encore aux professionnels de l’éducation nationale, comme les instituteurs et les professeurs, qui accueillent déjà, en réalité, des enfants. Ce cumul est possible pour les travailleurs du secteur privé, qu’ils soient agriculteurs, graphistes ou professeurs de danse – et c’est très bien ! Certains départements ont saisi cette possibilité de cumul, d’autres non.

Quel est l’intérêt de cette disposition ? Élargir le vivier de profils et d’expériences, attirer de nouveaux profils d’accueillants et créer des vocations nouvelles. Tel est du moins mon souhait. Je crois que la diversité des profils est une chance. Mais j’entends les craintes : il n’est pas question ici d’amoindrir la formation et les compétences nécessaires pour être assistant familial. Il faudra en définir les contours précis. Je m’engage, madame la rapporteure, à ce que le décret prévu y pourvoie, pour les agents publics comme pour les salariés du privé, après la consultation des professionnels, des départements et des jeunes.

Ce texte est aussi une occasion de s’interroger sur les conditions de travail de l’ensemble des assistants familiaux. Ils sont unanimes : c’est l’amélioration des conditions de travail qui permettra de rendre de nouveau ce métier attractif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec cette proposition de loi, vous mettez en lumière une profession qui a besoin de soutien, qui a besoin de vous.

C’est pourquoi je souhaite aller plus loin : il est de notre responsabilité collective d’améliorer les conditions de travail de ceux qui exercent ce métier, avec passion.

Je lancerai dans les prochains jours une concertation, avec les acteurs, sur l’évolution du statut des assistants familiaux : ce sont les premiers éducateurs du quotidien des enfants. Je rencontrerai prochainement, de manière plus formelle, les fédérations d’assistants familiaux, les syndicats et les associations de placement familial, pour amorcer de véritables évolutions.

Il n’y aura aucun tabou : la notion d’attachement – j’y crois, et il faut la défendre –, le cumul d’emplois, la formation, le diplôme d’État, la simplification attendue, l’agrément et la relation avec les services de la PMI, les conditions matérielles d’exercice de la profession, l’organisation du travail, les voies et moyens d’adoption – voilà qui fait débat, mais je suis prête à engager des discussions – et même l’intitulé du métier, puisque les assistants familiaux le demandent – familles d’accueil, assistants familiaux ou, demain, éducateurs de famille, pourquoi pas ? Osons !

Il sera nécessaire de s’appuyer sur vos travaux et sur nos débats, ainsi que sur les initiatives des départements. Je pense à la Haute-Marne, qui a intégré pleinement les assistants familiaux au sein des équipes pluridisciplinaires départementales ; à la Meurthe-et-Moselle et à sa maison des assistants familiaux, qui accompagne les professionnels dans leurs pratiques professionnelles ; ou encore aux réunions d’information régulières dans le département de Maine-et-Loire, pour assurer un recrutement continu.

Notre ambition est de rénover en profondeur le statut des assistants familiaux, car j’ai la conviction que c’est la pierre angulaire de l’avenir de la protection de l’enfance : nous avons besoin de plus d’assistants familiaux, mais aussi d’une plus grande diversité de professionnels, venant d’horizons différents, disposant de compétences différentes, pour répondre d’abord et avant tout aux besoins des enfants.

Je pense notamment aux familles d’accueil thérapeutique ou aux familles d’accueil médico-social, qui peuvent accueillir des enfants de l’ASE qui ont plus de besoins. Ces enfants sont polytraumatisés ou en situation de handicap, ces enfants ont besoin de soins : il faudra être au rendez-vous.

Le soutien de ces familles d’accueil thérapeutique, conformément aux objectifs définis par les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, est une priorité. Nous souhaitons mettre en place dès 2025 un dispositif de coordination du parcours de soins des enfants confiés, au-delà du dispositif Santé protégée, après la sortie de la protection de l’enfance.

Nous souhaitons mieux reconnaître et accompagner la mission thérapeutique des assistants familiaux qui accueillent des enfants dits plus vulnérables, ayant plusieurs vulnérabilités, telles que des troubles psychiatriques, psychologiques, ou parce qu’ils ont subi des traumatismes.

Cette proposition de loi apporte une solution. C’est la raison pour laquelle je souhaite de nouveau la saluer, tout comme je m’engage à poursuivre des travaux pour continuer à améliorer les conditions de travail et d’exercice de ces professionnels, et ainsi créer de l’attractivité pour un métier à part entière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue qu’ensemble nous pouvons construire de nouvelles perspectives pour les enfants, en travaillant avec et pour les assistants familiaux.

Je souhaite aussi dire aux jeunes ici présents qu’ils ne seront plus jamais seuls. Parce que oui, nous travaillons à briser les silences, à briser les tabous sur les violences, sur l’éducation, sur la santé, sur l’accompagnement des jeunes majeurs. Nous nous battrons pour vos droits, pour la protection, pour votre protection et en réalité pour l’ensemble des enfants français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)