Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre Richer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les assistants familiaux sont un maillon essentiel de la protection de l’enfance. Dans 88 % des cas, ils sont employés par les départements dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, dans les autres cas par des associations.
Les enfants confiés à l’ASE peuvent l’être à la suite d’une décision judiciaire ou administrative ; leurs parents peuvent être dans l’incapacité de s’en occuper, maltraitants ou bien avoir disparu.
Dans ces circonstances, on comprend qu’il soit préférable pour l’enfant d’être confié à un vrai foyer plutôt qu’à l’institution.
Toutefois, encore faut-il que cela soit possible. Comme le relève l’auteur de cette proposition de loi, Xavier Iacovelli, dont je tiens à saluer l’engagement en faveur de cette cause, seuls 40 % des jeunes bénéficiant d’une mesure de placement sont actuellement pris en charge dans une famille d’accueil.
Les retours de nos territoires révèlent une situation qui se dégrade, avec une baisse continue du nombre d’assistants familiaux disponibles, de l’ordre de 1,4 % par an depuis 2017, selon un rapport de la Cour des comptes.
Cette situation varie selon les départements, mais elle est particulièrement prégnante dans certains d’entre eux, dans la région des Hauts-de-France notamment, comme l’a rappelé Mme la rapporteure.
Malgré des campagnes de recrutement, les départements peinent à trouver des volontaires et même à retenir les assistants familiaux déjà en exercice. Cela est aussi vrai dans le département dont je suis élue, le Cher.
Deux facteurs contribuent à cette pénurie : un manque d’attractivité de la profession et le vieillissement des effectifs.
Les assistants familiaux sont de plus en plus sollicités pour répondre au manque de structures adaptées, et le plus souvent dans l’urgence.
On leur demande d’accueillir des jeunes aux profils toujours plus difficiles. Par manque d’unités d’accueil ou de soins, des familles prennent en charge des enfants présentant des pathologies, des troubles psychiatriques ou un handicap lourd.
Le droit au répit des assistants familiaux, pourtant si nécessaire, est rarement effectif. Les familles relais, permettant par exemple de libérer un week-end, manquent, et les services de la protection de l’enfance sont dans l’ensemble saturés.
Par ailleurs, il s’agit d’un métier financièrement peu attractif, compte tenu de l’amplitude horaire travaillée et de l’implication familiale suscitée.
Force est de constater, madame la ministre, que la loi Taquet de 2022 n’est pas parvenue à enrayer cette perte d’attractivité. Le rapporteur de ce texte au Sénat, notre ancien collègue Bernard Bonne, que je salue, notait lors des débats que la profession avait besoin d’une meilleure reconnaissance. Il soulignait que les assistants familiaux sont trop souvent mis à l’écart des décisions concernant l’enfant et subissent parfois les contrôles de l’aide sociale à l’enfance dans un climat de défiance à leur égard.
Nous avions alors prévu que l’assistant familial puisse participer à l’établissement et au suivi du projet pour l’enfant. Un an plus tard, une mission d’information sénatoriale sur les conditions d’application des lois ne relevait aucune amélioration sur ce point.
Je tiens à insister, madame la ministre, sur la nécessité d’intégrer les assistants familiaux aux décisions qui concernent l’enfant. Je pense que nous sommes d’accord. (Mme la ministre déléguée acquiesce.) Il me semble également primordial d’améliorer leur accompagnement.
La présente proposition de loi n’a pas pour ambition de résoudre l’ensemble des difficultés conduisant à une crise des vocations. Cela a été rappelé. Cependant, elle ouvre une nouvelle possibilité d’accès à la profession. Dorénavant, un cadre juridique existera pour les agents de la fonction publique qui souhaiteraient accueillir des enfants, parallèlement à l’exercice de leur métier.
J’évoquais tout à l’heure les besoins en familles relais : la proposition de loi favorisera ce type de prise en charge. Elle permettra de recruter de nouveaux profils particulièrement adaptés : je pense aux travailleurs sociaux, aux infirmiers, aux AESH, qui sont déjà au contact d’enfants et peuvent souhaiter aller plus loin en devenant famille d’accueil.
Je tiens à saluer le travail et la qualité d’écoute de notre rapporteure, Solanges Nadille, qui a su simplifier le dispositif, tout en veillant à ce qu’il soit adapté aux réalités du terrain, et donc efficient.
Le public potentiellement concerné n’a pas été chiffré. Il sera important d’assurer la communication sur cette mesure, madame la ministre, afin qu’elle puisse susciter le plus de vocations possible.
Notre groupe votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi, mais nous souhaitons également qu’elle s’inscrive dans une politique plus large de reconnaissance et d’accompagnement des assistants familiaux, assortie de davantage de moyens, car il est du devoir de l’État d’offrir aux enfants en souffrance, dans leur parcours mouvementé, une halte, un refuge, un accueil bienveillant et pérenne. Nous le leur devons bien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une mesure importante pour l’avenir de notre système de protection de l’enfance. Face à la pénurie de familles d’accueil, particulièrement dans le département dont je suis élu, le Nord, il est impératif d’agir de manière ambitieuse et novatrice.
Nous devons tout mettre en œuvre pour attirer de nouveaux profils vers cette vocation noble qu’est l’accueil familial des enfants en difficulté.
Les chiffres sont éloquents : en 2021, près de 40 % des mineurs confiés à l’ASE étaient accueillis par des assistants familiaux. Pourtant, seul un jeune sur deux bénéficiant d’une mesure de placement est actuellement pris en charge dans une famille d’accueil. Cette situation alarmante contrevient aux recommandations internationales, qui préconisent de privilégier l’accueil familial plutôt que le placement en institution.
Nous devons garantir à ces jeunes, dont l’enfance est déjà émaillée de drames ou de difficultés, un environnement familial structurant, nécessaire à leur épanouissement et à un développement harmonieux.
Le texte qui nous est proposé aujourd’hui représente une occasion inédite de renforcer l’attractivité de cette profession essentielle d’assistant familial. En permettant aux personnes employées à temps partiel, notamment dans la fonction publique, de cumuler leur emploi avec ce rôle, nous élargissons considérablement le vivier de candidats potentiels. Cette mesure favorisera une diversité d’expériences et de parcours, enrichissant ainsi la prise en charge des mineurs placés.
De plus, en limitant l’accueil à un seul enfant âgé de plus de 3 ans, nous garantissons un accompagnement personnalisé et de qualité, répondant aux besoins spécifiques de ces jeunes en pleine transformation. Cette approche individualisée est essentielle pour assurer leur épanouissement et leur bien-être.
En votant pour ce texte, nous réaffirmons notre engagement envers les droits fondamentaux des enfants. Nous leur offrons la chance de bénéficier d’un environnement familial structurant, comme cela est recommandé par les normes internationales.
Au-delà de cet aspect crucial, nous envoyons également un signal fort aux assistants familiaux actuels et futurs, nous reconnaissons leur dévouement et leur rôle indispensable dans la protection de nos enfants les plus vulnérables. En facilitant la conciliation de leur vocation avec une activité professionnelle, nous valorisons leur engagement et leur offrons de meilleures perspectives d’épanouissement personnel.
Ces assistants familiaux incarnent pleinement le rôle de l’aidant. Plus de 12 millions de Français vivent chaque jour, et fréquemment se sacrifient, au service de leurs proches dépendants ou, plus généralement, au service des autres. Ces engagements altruistes et bien souvent désintéressés doivent être davantage récompensés par la Nation, surtout quand ils visent à offrir un nouveau foyer aimant et sécurisant à des enfants déjà en situation de vulnérabilité.
Mes chers collègues, en soutenant ce texte, nous répondons à une urgence sociale et humaine. Nous agissons pour préserver la dignité et les droits de nos enfants, tout en renforçant l’attractivité d’un métier essentiel pour notre société. Il y a là un devoir moral et une responsabilité collective que nous devons assumer avec détermination.
Nous voterons donc en faveur de cette mesure ambitieuse, porteuse d’espoir pour notre système de protection de l’enfance et pour l’avenir de nos jeunes les plus vulnérables. Nous pouvons faire la différence dans la vie de ces enfants, et leur offrir un avenir meilleur, en respectant les principes de fraternité de notre République et en valorisant le rôle crucial des aidants familiaux. (Mme la rapporteure applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « il est plus facile de construire des enfants forts que de réparer des hommes brisés ». C’est fondamentalement l’un des rôles de la protection de l’enfance que de pourvoir à une telle construction ; malheureusement, nous n’empruntons pas le chemin de la facilité…
Les dernières années nous le démontrent : le nombre de demandes de placement et le nombre d’enfants sans solution d’hébergement augmentent, et ce par insuffisance de moyens. Pourtant, en vingt ans, le budget consacré à l’aide sociale à l’enfance est passé de 4,6 milliards à plus de 9 milliards d’euros.
L’année dernière, dans le département du Nord, 550 millions d’euros ont été investis dans cette politique, soit une augmentation de 100 millions d’euros en trois ans. Dans le Pas-de-Calais, 172 nouvelles places d’accueil devraient ouvrir prochainement. Ces moyens, hélas ! ne suivent pas les besoins, qui explosent avec une célérité déconcertante : depuis le début des années 2000, le nombre de mesures a augmenté de plus de 40 %.
Parallèlement, le nombre d’assistants familiaux a quant à lui chuté, la démographie de la profession étant extrêmement vieillissante. Les chiffres qui ont déjà été présentés sont alarmants ; ils témoignent de la détérioration continue de la situation. Dans le département dont je suis élue, comme vous l’avez très justement rappelé en commission, madame la rapporteure, le nombre d’assistants familiaux a chuté de 2 100 à 1 700 entre 2019 et 2024, alors que, sur les trois dernières années, 1 285 enfants supplémentaires ont fait l’objet d’une décision de justice.
Faire plus avec moins, c’est peut-être possible dans certains domaines, mais ça ne l’est pas quand le facteur humain est en jeu, quand il y va d’enfants et de familles en difficulté. Ainsi, même si c’est loin d’être l’alpha et l’oméga de la protection de l’enfance, l’augmentation rapide du nombre d’assistants familiaux est indispensable. En effet, la pénurie concerne non pas les seuls assistants familiaux, mais l’ensemble des travailleurs sociaux. Ce secteur est dans l’attente de signaux positifs.
Par conséquent, toute solution permettant d’augmenter le nombre d’assistants familiaux dans de bonnes conditions est bienvenue. C’est tout l’objet de cette proposition de loi, dont la mise en œuvre permettrait aux agents publics exerçant à temps partiel de devenir assistant familial, comme cela est déjà possible dans le secteur privé.
À titre personnel, j’étais favorable à ce que cette possibilité soit limitée à l’accueil d’un seul enfant, car ce métier est difficile et demande une grande disponibilité. Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement renvoyant à un décret la définition des conditions de cumul de l’activité d’assistant familial avec une autre activité professionnelle ; c’est une bonne chose.
À cet égard, madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur un point de vigilance qui concerne les travailleurs sociaux ou administratifs qui exercent dans le secteur de la protection de l’enfance et pourraient être candidats au métier d’assistant familial : ceux-ci pourraient être confrontés à un conflit d’intérêts, étant acteurs ou responsables du suivi et de l’évaluation des placements tout en étant directement impliqués dans la prise en charge d’enfants. D’un point de vue déontologique, cette double casquette pourrait compromettre l’objectivité qui est nécessaire pour que les décisions soient prises dans l’intérêt supérieur de l’enfant et de sa famille. Il me semble essentiel de maintenir une séparation claire entre ces rôles ; les décrets le permettront certainement.
Ce texte ne révolutionnera ni l’activité des assistants familiaux ni la protection de l’enfance en général, mais, s’il peut permettre l’accueil d’enfants supplémentaires dans de bonnes conditions, un pas de plus sera franchi dont nous ne pouvons pas nous priver.
Au nom des travailleurs sociaux, dont j’ai fait partie pendant trente-cinq ans, je vous remercie, monsieur Iacovelli, de cette proposition de loi ; notre groupe votera pour. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet et de m’exprimer sur cette proposition de loi, je veux remercier son auteur, Xavier Iacovelli. Je sais son engagement inconditionnel en faveur de la protection de l’enfance. Je remercie aussi Solanges Nadille, qui officie pour la première fois en tant que rapporteure : chère Solanges, je vous remercie de votre sensibilité et de votre détermination dans la défense de cette proposition de loi.
Je salue également tous nos collègues qui sont ici présents : nous ne parlons pas assez de la protection de l’enfance, en dehors de quelques séquences particulières, comme celles qui ont conduit à la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, promulguée sous l’égide de notre collègue Laurence Rossignol, alors ministre chargée de l’enfance, et à la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, issue du texte d’Adrien Taquet, alors secrétaire d’État chargé de l’enfance.
Pourtant, ce sujet devrait être considéré comme fondamental et prioritaire. Or, disais-je, nous n’en parlons pas suffisamment. Conclusion : nous n’investissons que trop peu ce terrain de la protection de l’enfance ; cette politique publique permet pourtant à des enfants de sortir de difficultés qui sont plus ou moins grandes selon les cas et selon les parcours de vie, mais qui toujours demandent notre attention pleine et entière.
Je veux citer quelques chiffres – ils recoupent d’ailleurs ceux qui ont déjà été mentionnés par les uns et les autres – de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), car ils donnent une idée du contexte. Nous apprenons notamment, dans l’édition 2023 du dossier de cette direction sur l’aide sociale à l’enfance, qu’entre 1998 et 2021 le nombre de mesures d’ASE a été multiplié par 1,4 ; que les mesures d’accueil ont contribué à 80 % de la hausse totale du nombre de mesures depuis 2015 ; que la part relative des bénéficiaires de l’ASE accueillis chez des assistants familiaux, qui était encore de 50 % en 2015, s’établit à 40 % en 2021, chiffre cité par quelques-uns d’entre vous, mes chers collègues.
Le constat est clair : le nombre de mesures d’accueil augmente, alors que l’on assiste, dans le même temps, à une dégringolade du nombre d’assistants familiaux. Même si ces derniers demeurent le premier mode d’accueil, que l’ONU, je le rappelle, préconise de privilégier, on risque de se retrouver bientôt au point de bascule au-delà duquel cette modalité deviendra le plus souvent inaccessible, obligeant à se tourner vers l’accueil en établissement. Or un certain nombre d’enfants, on le sait, ont besoin de retrouver un cocon familial, où s’appliquent des règles, ces règles qui n’avaient pas nécessairement cours dans la famille que, le cas échéant, ils ont quittée et où faisait défaut la structure éducative nécessaire à leur développement.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va-t-elle répondre au problème posé ? Certes non, mais un pas essentiel serait malgré tout franchi si nous l’adoptions, car nous nous donnerions ainsi les moyens de recruter de nouveaux assistants familiaux.
Le groupe Union Centriste soutiendra ce petit pas : la discussion de ce texte nous donne à tout le moins matière à parler de la protection de l’enfance, ce qui est une très bonne chose. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous rassemble autour d’un constat, celui de la pénurie d’assistants familiaux et de ses conséquences pour la protection de l’enfance, sujet sur lequel nous attendons qu’une nouvelle loi soit présentée, mais aussi que les précédentes soient appliquées.
Loin des images réductrices, quoique toujours véhiculées, attachées à la nourrice, près de 38 000 assistants, ou plutôt assistantes, exercent une profession relevant du travail social et du soin, qu’il s’agit de valoriser en améliorant ses conditions d’exercice et en renforçant son statut. C’est sur ce point que cette proposition de loi divise : si son examen ouvre un débat légitime, la réponse apportée ne saurait être la solution, car elle risque de précariser la profession et de nuire à la qualité de l’accueil des enfants.
L’accueil familial demeure une composante essentielle de la protection de l’enfance. Selon la Drees, à la fin de 2021, près de 40 % de l’ensemble des jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance sont accueillis chez un assistant familial. Cette profession exercée à 90 % par des femmes est un métier qualifié. Accueillir un enfant suppose une disponibilité à toute épreuve, temporelle comme psychique, de multiples déplacements et contraintes. Il s’agit notamment d’accompagner l’enfant à ses rendez-vous de prise en charge médicale et psychologique ainsi qu’aux visites médiatisées avec les parents, qui ont lieu dans des espaces de rencontre accessibles entre neuf heures et dix-sept heures, de participer à des réunions d’équipe, de récupérer l’enfant à l’école lorsqu’il le faut.
À énumérer toutes ces tâches, il est aisé de se rendre à l’évidence : le cumul avec une autre activité professionnelle à temps plein est illusoire. Ouvrir cette possibilité risque d’ailleurs d’être de peu d’effets. Aujourd’hui, les départements, qui emploient 88 % des assistants familiaux, n’acceptent que rarement le cumul d’emplois, en raison de l’indispensable disponibilité que le métier requiert. La conciliation d’un emploi de la fonction publique, éventuellement à temps complet, avec une activité d’assistant familial référent nous semble donc difficile.
En revanche, cette proposition de loi aurait pu être l’occasion d’offrir des temps de répit aux assistants familiaux référents, via la mise en place de binômes pour ces temps, et d’agir, ce faisant, sur l’attractivité du métier.
M. Xavier Iacovelli. C’est ce que nous faisons !
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements, soutenus par plusieurs associations et syndicats d’assistants familiaux, visant à autoriser le cumul d’une activité d’assistant familial avec une activité professionnelle à temps partiel seulement et uniquement lors de périodes courtes, week-ends de répit ou congés, et dans le cadre de la constitution de binômes d’assistants familiaux.
Une telle mesure permettrait à l’assistant familial référent de bénéficier de ce que le sociologue Erving Goffman appelle des « coulisses », soit des temps de vie pour se ressourcer, et à son binôme de découvrir la profession ; elle permettrait également de limiter les ruptures « sèches ».
La crise des métiers d’éducateur et la raréfaction de l’offre de soins, notamment dans le domaine de la pédopsychiatrie, entraînent un isolement croissant des assistants familiaux, dans un contexte de prise en charge complexe, les enfants présentant des pathologies de plus en plus sévères.
La volonté d’améliorer les conditions d’exercice du métier d’assistant familial va de pair avec le souci de prendre soin des enfants placés, qui exigent une attention particulière. Les solutions sont structurelles et ne sauraient reposer sur une version du « travailler plus » revenant à créer des « sous-assistants familiaux », qui affecterait la profession comme les enfants.
Pour les travailleurs et travailleuses comme pour les enfants, il est urgent de répondre à la crise de l’attractivité du métier d’assistant familial, en sécurisant le statut et les conditions de travail et de vie de ceux qui l’exercent, et ce par la mise en place d’une protection sociale égalitaire, par l’instauration d’un cadre d’emploi de l’accueil familial au sein de la fonction publique territoriale et par la création de structures d’accueil de jour à même de prendre en charge les situations d’urgence ou d’offrir des offres de relais.
Le groupe écologiste déterminera son vote en fonction de la prise en compte de ses amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – Mme Marion Canalès applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe RDPI propose aux agents de la fonction publique qui exercent à temps partiel de cumuler leur activité avec la fonction d’assistant familial, alors même que le ministre Stanislas Guerini veut supprimer le statut des fonctionnaires et faciliter leur licenciement : le problème saute aux yeux…
M. Xavier Iacovelli. On anticipe !
Mme Cathy Apourceau-Poly. La protection de l’enfance connaît une crise importante, un jeune de l’ASE sur deux seulement étant pris en charge dans une famille d’accueil. Cette situation ne va pas s’améliorer dans les années à venir, la moitié des 38 000 assistants familiaux ayant plus de 55 ans.
Le département dont je suis élu, le Pas-de-Calais, a été cité tout à l’heure. En cinq ans, on y a enregistré 10 % de signalements supplémentaires et le nombre d’enfants placés y a augmenté de 20 %, pour s’établir à plus de 7 200. Le nombre d’assistants familiaux, quant à lui, est passé dans le même temps de 2 028 à un peu moins de 1 800.
Madame la ministre, nous avons besoin que l’État nous alloue des moyens supplémentaires, car nos départements sont à bout de souffle et ne tiendront pas.
Face à la pénurie de professionnels qui s’annonce, ce texte prévoit de renforcer l’attrait du métier d’assistant familial en permettant de cumuler un emploi public à temps non complet avec le rôle d’assistant familial. Dans le rapport parlementaire sur l’aide sociale à l’enfance présenté en 2019 par les députés Perrine Goulet et Alain Ramadier, il était proposé d’étendre aux agents de la fonction publique cette possibilité de cumul, afin d’accroître le nombre d’assistants familiaux.
Mais même les meilleures intentions peuvent se retourner contre nous : si une telle solution peut paraître séduisante à première vue, le cumul d’activités comporte également de sérieuses limites.
Ce texte accompagne l’explosion du travail à temps partiel, qui concerne 17 % des salariés en 2023 et majoritairement les femmes, une femme sur quatre exerçant à temps partiel. Cette évolution du monde du travail concerne également la fonction publique : au total, 31 % des femmes y sont à temps partiel ; dans la catégorie C de la fonction publique d’État, cette proportion s’élève à 50 %.
En permettant aux assistants familiaux de cumuler cette activité avec un autre emploi, ce texte remet en cause la volonté de professionnaliser le métier d’assistant familial et consacre la possibilité qu’il ne soit qu’un « second job », tandis que les retours d’expérience font état d’un « métier à temps plein ».
Madame la ministre, le Gouvernement doit s’attaquer à la précarité administrative et financière des agents de la fonction publique en revalorisant leurs traitements indiciaires. Dans le même temps, il nous faut trouver des solutions pour que nos enfants puissent s’épanouir dans une famille d’accueil et y construire leur future vie d’adulte.
Les assistants familiaux demandent la reconnaissance et la revalorisation de leur profession, et notamment l’intégration dans la fonction publique territoriale des 88 % d’entre eux qui travaillent dans les départements, car ils se sentent à part, sans véritable statut. Ils attendent des garanties d’emploi stable, des qualifications reconnues et une rémunération juste. (Mme Annie Le Houerou applaudit.)
Mme Marion Canalès. Très bien !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Entre autres exemples, l’indemnisation des frais kilométriques occasionnés par les rendez-vous médicaux de l’enfant, la prise en charge de l’équipement de puériculture, l’augmentation du nombre de jours de congé ou l’instauration d’un droit à la déconnexion un week-end par mois sont autant de sujets prioritaires pour les syndicats d’assistants familiaux.
En conclusion, l’urgence est de rendre le métier d’assistant familial plus attractif pour faire face aux départs à la retraite massifs ; or ce texte ne permettra pas selon nous d’y pourvoir, car, j’y insiste, l’activité d’assistant familial est un métier à part entière.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur le présent texte. J’espère qu’un rapport d’évaluation de cette disposition nous sera remis dans les deux ou trois années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen de la proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial de notre collègue Xavier Iacovelli, dont nous discutons dans le cadre de la niche du groupe RDPI.
Je souhaite commencer par remercier, au nom du groupe du RDSE, l’auteur de ce texte, Xavier Iacovelli, qui nous permet d’évoquer ce soir un sujet ô combien important.
Élue départementale en Lozère, je mesure, dans le cadre de mon mandat local, le caractère essentiel du métier d’assistant familial dans l’accompagnement du parcours des mineurs et des jeunes majeurs relevant de la protection de l’enfance. Si le département dont je suis élue est relativement épargné par le manque d’assistants familiaux, grâce à un flux régulier de demandes d’agrément, tel n’est pas le cas dans tous les territoires.
Cette question a été évoquée au cours de nos échanges, la crise d’attractivité que connaît le métier d’assistant familial dans notre pays constitue un véritable enjeu de politique publique auquel le Parlement a eu l’occasion d’apporter des réponses dans la loi du 7 février 2022.
Néanmoins, force est de constater que cela ne suffit pas. En effet, notre collègue rapporteure l’a très justement souligné dans ses travaux, les effectifs d’assistants familiaux diminuent en moyenne chaque année de 1,4 % depuis 2017. Sachant que 74 700 jeunes, soit 40 % de l’ensemble des jeunes confiés à l’ASE dans l’Hexagone, sont hébergés en famille d’accueil, voilà qui soulève une sérieuse difficulté quant à la pérennité de notre système de protection de l’enfance dans les années à venir, ledit système étant déjà en proie à de nombreux dysfonctionnements et à un malaise persistant.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous serions plutôt partisans, mes collègues et moi-même, d’une grande loi sur la protection de l’enfance, qui donnerait au secteur un cap clair et ambitieux, s’inscrivant dans le long terme.
Le texte que nous examinons aujourd’hui a toutefois le mérite de lever des freins juridiques qui empêchent les agents publics de cumuler leur emploi avec la fonction d’assistant familial, l’objectif étant d’endiguer quelque peu la baisse des agréments.
Le groupe du RDSE salue cette solution, mais tient à souligner qu’il est absolument nécessaire de mettre en place des garde-fous.
Prévoir que l’agrément n’autorise l’accueil que d’un seul mineur âgé d’au moins 3 ans serait un premier garde-fou intéressant, car les professionnels du secteur sont unanimes pour dire que chaque enfant est unique et présente des spécificités qui impliquent une grande rigueur. En effet, les mineurs relevant de la protection de l’enfance subissent parfois le poids d’un passé douloureux et ont un besoin d’accompagnement médical ou scolaire : se succèdent ainsi rendez-vous chez un orthophoniste ou un psychomotricien, visites médiatisées accordées aux parents par le juge des enfants, réunions avec le référent de l’aide sociale à l’enfance ou temps de concertation, parmi tant d’autres moments incontournables qui rythment leur vie quotidienne.
C’est pourquoi ce premier garde-fou doit absolument être complété par un deuxième, fondamental, lié à la quotité de travail. Nous en avons discuté et ce point me semble faire l’objet d’un consensus large : un agent public à temps complet ne pourrait clairement pas assumer une seconde mission telle que la fonction d’assistant familial. Chaque travailleur, quel que soit son secteur d’activité, a droit à un véritable repos ; cette question fait d’ailleurs l’objet de revendications légitimes de la part des assistants familiaux.
Aussi la profession a-t-elle véritablement besoin, en complément de toutes ces pistes, d’une meilleure reconnaissance, car elle s’investit sans relâche pour garantir le respect des décisions de placement prises par les juges des enfants, et ce dans des conditions souvent très contraintes, qui les astreignent à beaucoup de souplesse et à de nombreuses adaptations de dernière minute.
Ainsi, sous les quelques réserves précédemment évoquées, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)