M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne-Marie Nédélec. Monsieur le ministre, à l’issue du sommet Choisissez la France, près de 15 milliards d’euros d’investissements ont été annoncés, avec des promesses d’emplois à la clé.

L’attractivité de notre pays repose en grande partie sur des dispositifs fiscaux, comme le crédit d’impôt recherche, qui fait de la France une terre de recherche avant d’être une terre de production. D’ailleurs, quelle part de ces investissements sera consacrée à de nouvelles activités et à de nouveaux emplois, et quelle part sera consacrée, par exemple, au rachat d’actifs ?

Certes, les nombreuses subventions à la relocalisation attirent les projets, mais elles ne permettront pas forcément de les ancrer dans la durée dans notre territoire. Leur incidence réelle en matière d’emploi suscite donc des interrogations.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les projets d’investissements qu’accueille la France auront un effet réel et durable en termes d’emplois et de valeur ajoutée ? Quand et comment allez-vous améliorer l’attractivité réelle de la France, en agissant aussi sur la production et l’accès au foncier économique, une attente forte de nos très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI), sur lesquelles repose aujourd’hui une grande partie de nos emplois ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous le dire, ce septième sommet Choose France…

M. Mickaël Vallet. Et en français, ça donne quoi ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … est un magnifique succès.

C’est un succès eu égard au nombre de chefs d’entreprise réunis à Versailles. C’est un succès, car ce sommet permettra 15 milliards d’euros d’investissements dans 56 projets sur l’ensemble de notre territoire et la création de 10 000 emplois.

D’une certaine manière, c’est le point d’orgue de la politique en faveur de l’attractivité de notre territoire, dont le cap avait été fixé par le Président de la République en 2017 et qui est menée avec constance depuis 2017 par Bruno Le Maire.

D’ailleurs, la dernière enquête réalisée prouve que nous sommes le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements. Je pense que nous pouvons nous féliciter collectivement de cette excellente nouvelle. Cette attractivité ne tombe pas du ciel. Elle est le résultat de la politique fiscale que nous avons conduite, là aussi, avec constance. Je pense à la baisse de l’impôt sur les sociétés, au plan France 2030, qui permet à notre pays, dans les innovations de rupture, d’être très attractif pour les investisseurs, mais aussi à la politique de formation et à la loi relative à l’industrie verte.

Vous le voyez, madame la sénatrice, il s’agit d’un ensemble cohérent de mesures au service d’une réindustrialisation durable de notre territoire. Cela doit, me semble-t-il, nous encourager à poursuivre vers le plein emploi et la réindustrialisation.

Je profite de ces questions au Gouvernement pour le dire : lorsque nous avons de bonnes nouvelles – en l’occurrence, je pense que c’en est une –, il faut s’en réjouir ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour la réplique.

Mme Anne-Marie Nédélec. Mais je m’en réjouis, croyez-le bien, monsieur le ministre ! Simplement, il y a les annonces et il y a les chiffres. Or les chiffres sont têtus.

Selon le dernier baromètre Ernst & Young, la rentabilité des investissements étrangers en termes d’emplois est plus faible chez nous que chez nos voisins. Elle est en moyenne de trente-trois emplois par projet en France, contre cinquante-neuf emplois en Allemagne ou au Royaume-Uni.

Par ailleurs, l’Insee rappelle que les investissements directs à l’étranger ne font que revenir à leur niveau d’il y a dix ans. Enfin, d’après LUsine Nouvelle, alors que 132 projets Choisissez la France ont été annoncés depuis 2018 – cela fait maintenant six ans –, seule une trentaine d’usines ou de centres de recherche ont ouvert leurs portes. Je vous le disais, les chiffres sont têtus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

5

Souhaits de bienvenue à une délégation d’académiciens

M. le président. Mes chers collègues, je salue la présence en tribune du président de l’Académie des sciences, Alain Fischer, et de la présidente de l’Académie nationale de médecine, Catherine Barthélémy. Ils sont accompagnés d’une trentaine d’académiciens et de chercheurs, ainsi que des députés et sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, présidé par le sénateur Stéphane Piednoir.

Leur présence s’inscrit dans le cadre d’un partenariat noué par l’Office avec les Académies afin de favoriser une meilleure compréhension entre sciences et politique. En votre nom à tous, je leur souhaite la bienvenue et des échanges fructueux. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

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Questions d’actualité au Gouvernement (suite)

M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

responsabilité élargie des producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Aujourd’hui, 1 500 entreprises acteurs de la transformation du bois, dont 90 % de PME, établies sur l’ensemble de notre territoire national, sont durement frappées par la mise en place de la responsabilité élargie des producteurs (REP) sur les produits et matériaux de construction du bâtiment, issue de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec.

Celle-ci risque d’entraîner des blocages des industries françaises, des fraudes, mais aussi un recours croissant aux importations. En effet, elle induit pour la prise en charge du recyclage des produits en fin de vie des tarifs discriminants, jusqu’à six à vingt fois plus élevés que ceux qui sont appliqués, par exemple, aux structures en béton ou en acier.

Les industriels de la transformation du bois s’acquittent depuis le 1er mai dernier d’une écocontribution dont le montant peut avoisiner 3 % de leur chiffre d’affaires, taux qui pourrait atteindre entre 6 % et 9 % à horizon 2027. Imposer de tels surcoûts au bois, matériau renouvelable de construction et de décarbonation, alors que les enjeux de la planification écologique et de la construction de logements sont devant nous, est un non-sens.

En fait, monsieur le ministre, c’est le barème de cette REP qui pose problème. Il n’est pas adapté aux réalités et il doit être revu. Il ne tient aucun compte du cycle de vie vertueux et du profil écologique des produits en bois. Qui plus est, il ignore que le bois de déconstruction est déjà aujourd’hui largement trié, valorisé, réutilisé dans la production de panneaux, de palettes ou en biomasse énergie. C’est donc une économie circulaire vertueuse qui est en place, mais elle n’est pas prise en compte par la REP actuelle.

Je sais que votre ministère fait des propositions en ce sens. Malheureusement, à ce jour, aucune mesure ne fait baisser le barème applicable au bois. À titre d’exemple, aujourd’hui, pour le parquet en bois massif, le surcoût est de 400 %.

Monsieur le ministre, à l’heure de la simplification des normes et de la réindustrialisation de notre pays, qu’allez-vous faire pour préserver la compétitivité de nos entreprises françaises ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Loisier, je vous remercie de votre question sur la responsabilité élargie des producteurs, en particulier dans la filière du bâtiment, qui n’est pas la plus simple.

À l’heure actuelle, trois de nos quatre éco-organismes ont été mis en demeure. Il s’agit pour nous d’obtenir plus de transparence, y compris sur une partie de l’application des barèmes. Une mission est conduite en ce sens par le ministère des finances.

Par ailleurs, une concertation spécifique est engagée avec les acteurs du bois – je pense en particulier à la Fédération nationale du bois (FNB) et à l’Union des industriels et constructeurs bois (UICB) –, afin d’éviter d’avoir des zones blanches. Vous pointez le coût de la dépense pour les producteurs et le fait que certains se plaignent de ne plus nécessairement avoir le service en face.

J’en viens plus précisément à votre question.

Vous avez raison : nous ne pouvons pas considérer le bois comme les autres matériaux. C’est la raison pour laquelle j’ai signé un arrêté le 20 février. Un décret qui répondra en grande partie à vos attentes est sur le point d’être mis en consultation pour pouvoir être publié à la fin du mois de juin.

Sur l’arrêté, les choses sont assez simples. Les produits qui sortent de nos scieries et qui sont frais sont confrontés – vous connaissez cela par cœur – à la compétition de produits de construction préfabriqués en provenance de l’extérieur. Nous avons donc mis en place un abattement pour que les produits issus de scieries dont le taux d’humidité dépasse les 20 % puissent être d’un coût moindre lors de leur mise sur le marché.

Surtout – c’est le plus important –, nous allons moduler les niveaux de financement des matériaux en fonction de la réalité de la collecte et du recyclage. Compte tenu de ce que vous décrivez dans la filière bois, le décret, qui devrait être publié, je l’ai dit, au plus tard à la fin du mois de juin, permettra de remettre de l’équité et même un peu de bon sens dans le dispositif dont vous avez rappelé la genèse. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 22 mai 2024, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession
Discussion générale (suite)

Frais bancaires sur succession

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (proposition n° 374, texte de la commission n° 576, rapport n° 575).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession
Article 1er

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est avant tout un texte de justice et d’humanité.

C’est un texte d’humanité, parce que l’enjeu est de ne pas ajouter de la fragilité à la fragilité. Sans encadrement, les frais bancaires au moment des successions viennent ajouter à la perte d’un proche l’inquiétude face aux coûts à supporter.

C’est un texte de justice, parce que ces frais peuvent être excessifs.

Tel est le sens de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je veux saluer le travail qui a permis sa construction, tout comme l’engagement des parlementaires, au premier rang desquels la députée Christine Pires Beaune et le sénateur Hervé Maurey ; je connais leur investissement à tous les deux sur le sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dès le dépôt de ce texte, le Gouvernement et la majorité ont été à vos côtés pour lui permettre d’aboutir.

Olivia Grégoire avait eu l’occasion de le rappeler devant l’Assemblée nationale : le Gouvernement agit depuis 2017 pour limiter les frais bancaires des plus fragiles.

En 2019, le Gouvernement a élargi les critères permettant d’être reconnu comme « fragile », situation qui donne le droit à un plafonnement des frais bancaires.

Depuis lors, près de 700 000 Français supplémentaires bénéficient de ce plafonnement. Au total, 4,1 millions de nos compatriotes bénéficient d’un plafonnement de frais.

La loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a introduit de nouvelles mesures, notamment pour les Français victimes de fraude.

Au-delà de la lutte inlassable que nous menons contre les fraudeurs,…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … il est aussi de notre responsabilité de protéger ceux qui en sont victimes.

Le texte qui nous réunit aujourd’hui sur les frais de clôture du compte d’un défunt est l’aboutissement d’un engagement, celui de Bruno Le Maire, qui avait permis, dès 2021, la réduction des frais appliqués par certaines banques.

Cet engagement méritait d’être traduit dans la loi pour devenir une règle uniforme, appliquée par tous. C’est l’objet de ce texte, que le travail parlementaire mené en particulier par le rapporteur au sein de la commission des finances du Sénat a permis de modifier et d’enrichir.

Pour prévenir toute confusion et garantir le respect des exigences constitutionnelles en matière d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, la structure de l’article 1er a été modifiée afin de clarifier les différents cas de gratuité.

Trois cas ont ainsi été définis, ciblant à la fois les clients les plus modestes et les successions les plus simples. Ils permettront de couvrir entre 30 % et 40 % de la population, soit une part importante des Français.

En particulier, il n’y aura plus de frais lorsque l’héritier justifiera de sa qualité d’héritier dans les conditions de la procédure de clôture des comptes simplifiée ; lorsque le montant total des soldes des comptes sera inférieur à un seuil fixé à 5 000 euros ; et enfin lorsque le détenteur des comptes est mineur à la date du décès.

Ce dernier point est particulièrement important, car, si tous les deuils sont difficiles, il est d’autant plus insupportable de s’acquitter de frais bancaires lorsque l’on vient de perdre son enfant.

Pour autant, ce texte ne remet pas en cause la réalité des coûts auxquels les banques doivent faire face.

Avant la clôture des comptes d’un défunt, les banques engagent des opérations préalables à la succession. Par exemple, elles accompagnent la famille du défunt dans l’obtention des pièces justificatives ; elles vérifient l’authenticité de l’acte de décès ; elles peuvent s’occuper du gel des avoirs et de leur déclaration à l’administration fiscale, des échanges avec le notaire, de la désolidarisation éventuelle des comptes joints ou encore du transfert des fonds aux héritiers selon les ordres du notaire.

Il faut aussi tenir compte de la matérialité des coûts administratifs effectivement supportés par les banques pour identifier sans erreur les ayants droit du défunt avant de leur verser les fonds.

C’est pourquoi la gratuité est ciblée. Dans les cas non couverts par cette gratuité et en cohérence avec la mesure portée par le rapporteur Hervé Maurey et adoptée par le Sénat en 2023, la commission des finances a par ailleurs prévu un barème pour le plafonnement des frais, qui sera déterminé par décret d’application. Celui-ci ne pourra pas dépasser 1 % du montant total des soldes des comptes et des produits d’épargne.

De plus, les frais prélevés par les établissements de paiement, dont les offres attirent un nombre croissant de clients, ont été inclus dans le dispositif.

En complément, les agents de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont expressément habilités à contrôler le respect de ces nouvelles règles d’application.

Ce texte complet et équilibré est donc l’aboutissement d’un travail riche et transpartisan pour mieux accompagner les Français dans les moments difficiles qu’ils traversent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, réduire et encadrer les frais bancaires liés au décès d’un être cher, c’est bien le sens du texte que le Gouvernement soutiendra et qui nous rassemble, au-delà des clivages, autour d’un impératif : celui de plus d’humanité face au deuil, que chacun d’entre nous est amené, un jour ou l’autre, à affronter.

Ce texte n’effacera jamais la peine et la tristesse infligées par la perte d’un proche, mais il pourra contribuer, au moins, à ne pas l’alourdir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les différents types de frais bancaires, les frais appliqués dans le cadre des opérations de succession se distinguent par leur disparité, leur coût élevé et leur manque de transparence.

Ces frais représenteraient selon les estimations entre 125 millions d’euros et 200 millions d’euros par an, soit environ 1 % de l’ensemble des frais bancaires prélevés en France.

Si ce montant peut sembler marginal au regard de l’activité des banques, les sommes prélevées pour une succession peuvent être significatives, notamment pour les successions les plus modestes.

Selon une étude de l’UFC-Que Choisir, les frais bancaires acquittés par les héritiers pour une succession de 20 000 euros peuvent varier de 80 euros à 527,50 euros.

Avec une moyenne de 291 euros en 2023, en hausse de 25 % par rapport à 2021 et de 50 % par rapport à 2012, les frais bancaires facturés en France au titre des opérations liées aux successions seraient trois fois supérieurs à ceux qui sont pratiqués en Belgique et en Italie, et même quatre fois plus élevés qu’en Espagne.

Le cas de parents qui se sont vu réclamer 138 euros pour clôturer le livret A de leur enfant de 8 ans, décédé, a créé une vive émotion et suscité un certain nombre de réactions comme d’initiatives parlementaires.

C’est ainsi que dès le mois de novembre 2021, j’ai interrogé le ministre Bruno Le Maire sur les mesures qu’il comptait prendre pour remédier aux difficultés observées.

Dans sa réponse de janvier 2022, le ministre assurait que le Gouvernement demeurait « à ce titre déterminé à ce qu’une solution soit rapidement dégagée dans le cadre des instances de concertation de place ».

Ne voyant pas le sujet évoluer du côté du Gouvernement, j’ai déposé une proposition de loi visant à encadrer les frais bancaires sur succession et prévoyant que ces frais soient « en rapport avec les coûts réellement supportés » par les établissements teneurs de comptes.

Dans un courrier de septembre 2022, le ministre Bruno Le Maire, que j’avais de nouveau sollicité, renouvelait son engagement de faire évoluer les pratiques des banques « d’ici au début de l’automne ». Nous étions alors en 2022.

En l’absence d’avancée, le Sénat s’est saisi de ce sujet en janvier 2023 lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants de nos collègues Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier.

Notre assemblée avait alors adopté, malgré l’avis défavorable du Gouvernement, deux amendements identiques, respectivement déposés par Vanina Paoli-Gagin et par moi-même.

Ces deux amendements prévoyaient la gratuité pour les comptes inférieurs à 5 000 euros bénéficiant de la procédure de clôture simplifiée et instituaient, pour les autres cas, un plafonnement à 1 % du montant total des sommes détenues par l’établissement.

Pour justifier l’avis défavorable du Gouvernement, le ministre Jean-Noël Barrot promettait en séance la conclusion d’un accord de place « dans un délai d’un mois ». Nous étions, je le rappelle, en janvier 2023.

Je tiens à souligner le caractère illusoire de l’accord de place longtemps recherché par le Gouvernement et je m’en étonne.

En effet, les représentants des acteurs bancaires m’ont indiqué en audition qu’un tel accord n’avait jamais été envisagé, car il était manifestement contraire au droit de la concurrence. Celui-ci prohibe en effet les ententes sur les prix, sous peine de sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires des activités concernées.

Je suis donc assez surpris, rétrospectivement, de la position du Gouvernement.

Aussi, je me réjouis que la députée Christine Pires Beaune ait pris l’initiative de porter de nouveau cette question devant le Parlement au travers de la présente proposition de loi.

Je tiens à saluer son engagement et le fait qu’elle se soit toujours référée aux travaux du Sénat, tant dans ses interventions à l’Assemblée nationale que dans les médias.

Je me réjouis – et l’en félicite – qu’elle ait réussi à convaincre enfin le Gouvernement de remédier à cette situation et de soutenir cette proposition de loi.

Reconnaissant la grande qualité des travaux réalisés par la rapporteure à l’Assemblée nationale, j’ai abordé la présente proposition de loi avec l’objectif d’un vote conforme.

En effet, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le dispositif proposé est tout à fait équilibré. Il prévoit trois cas de gratuité répondant aux situations les plus problématiques : en premier lieu, les successions les plus simples, c’est-à-dire lorsque l’héritier justifie de sa qualité auprès de l’établissement de crédit teneur des comptes par la production d’un acte de notoriété ou d’une attestation signée par l’ensemble des héritiers ; en deuxième lieu, lorsque le montant total des soldes des comptes est inférieur au seuil de 5 000 euros, qui concerne les successions les plus modestes et 30 % de la population ; en troisième lieu, enfin, lorsque le détenteur des comptes était mineur à la date du décès.

Dans les autres cas, les opérations liées à la succession pourront donner lieu à un prélèvement de frais, dont il reviendra au décret d’application de définir le barème.

Cependant, à la suite de mes auditions et de mes entretiens avec vos services, monsieur le ministre – je les remercie de leur disponibilité et de leur fructueuse collaboration –, il m’est apparu nécessaire de conforter l’intelligibilité et la validité juridique de l’encadrement législatif envisagé.

La commission des finances a donc procédé à une réécriture globale de l’article 1er, qui porte le dispositif d’encadrement proposé.

Concernant la gratuité relative aux successions modestes, la commission a substitué au plafond de 5 000 euros une référence au montant fixé par l’arrêté du 7 mai 2015 pris en application de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier, et relatif à la procédure de clôture des comptes simplifiée. Celle-ci a pour avantage de prévoir une revalorisation annuelle en fonction de l’inflation. En avril 2024, ce montant était de 5 909,95 euros.

En ce qui concerne le cas de gratuité relatif aux successions les plus simples, une référence à l’absence de « complexité manifeste » a été introduite par la commission. Ces critères devront être détaillés par le décret d’application.

Néanmoins, la notion de « complexité manifeste », inédite au sein du code monétaire et financier, reste sujette à interprétation. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à la préciser.

J’ai également déposé un amendement, rédactionnel, afin d’améliorer encore l’intelligibilité du dispositif, ainsi qu’un autre, visant à sécuriser sa date d’entrée en vigueur.

La commission a par ailleurs élargi le champ d’application de l’encadrement, afin d’inclure les établissements de paiement tels que Nickel et Revolut, qui attirent un nombre croissant de consommateurs, notamment parmi les plus jeunes.

De même, en vue d’assurer le contrôle de la mise en œuvre des nouvelles règles, la commission a prévu l’habilitation expresse des agents de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Au-delà de ces modifications qui viennent compléter et préciser utilement le texte de l’Assemblée nationale, nous avons souhaité reprendre le dispositif adopté en 2023 par le Sénat, qui prévoit que le barème tarifaire qui sera fixé par décret respecte un plafond de 1 % du montant total des soldes des comptes et produits d’épargne du défunt.

Je précise – et j’insiste sur ce point – qu’il s’agit d’un maximum : il n’est nullement question de prévoir que ce pourcentage s’applique à l’ensemble ni même à la majorité des successions non couvertes par la gratuité.

De surcroît, ce premier plafond de 1 % sera complété par un second plafond en valeur, qui sera déterminé par le pouvoir réglementaire.

Ainsi, l’application de ce double plafonnement ne saurait en aucun cas conduire à ce que les frais prélevés soient supérieurs aux niveaux actuels.

Il appartiendra au Gouvernement d’y veiller scrupuleusement en prévoyant un barème dégressif en fonction du montant total des soldes, et ce, quels que soient les arguments, et même – j’ose le mot – les pressions des établissements bancaires.

Rappelons que, pour une succession de 20 000 euros, le montant moyen de frais prélevés est aujourd’hui de 291 euros. Soulignons également que le patrimoine financier liquide transmis dans le cadre d’une succession représente, en moyenne, environ 10 000 euros.

Dans le cadre du dispositif proposé, près de 50 % de nos concitoyens acquitteraient ainsi, au maximum, 100 euros de frais.

Globalement, près de 80 % de nos concitoyens, je le souligne, acquitteront au maximum 200 euros de frais. Ce double plafonnement, en pourcentage et en valeur, constitue donc une protection majeure pour les consommateurs.

Je ne m’attarderai pas sur les deux autres articles de cette proposition de loi, qui ne présentent pas de difficulté particulière.

L’article 1er bis prévoit l’application du dispositif à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.

L’article 2 porte sur la remise d’un rapport destiné à évaluer l’impact des nouvelles règles un an après la publication du décret d’application.

La commission des finances vous propose donc un dispositif équilibré et clarifié, pour enfin encadrer au niveau législatif les frais prélevés par les banques et par les établissements de paiement dans le cadre des opérations liées aux successions.

Mes chers collègues, je vous invite à voter cette proposition de loi dans les mêmes conditions, je l’espère, qu’à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire à l’unanimité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)