M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (M. Thierry Cozic applaudit.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les lois s’accumulent, mais la domination des banques demeure.
Sans aucun doute, les frais bancaires constituent un élément de cette domination, faisant des citoyens des « sujets bancaires », si vous me permettez cette expression.
À défaut d’une véritable loi-cadre, il faudra réguler, encadrer et éventuellement interdire la pratique de certains de ces frais, devenus inacceptables.
Issue d’une initiative des députés socialistes, plus particulièrement de Christine Pires Beaune, très engagée sur ce sujet, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui est la énième pierre consolidant l’architecture de la relation client-banque.
L’idée d’encadrer les frais bancaires sur succession n’est pas nouvelle. Ces « frais sur la mort », pratiqués par les banques à la fermeture des comptes et au transfert des fonds aux héritiers, sont iniques et immoraux, de surcroît quand ils s’appliquent à des comptes détenus par des mineurs.
Si aucune loi n’a été votée en ce sens, c’est parce que le Gouvernement, et singulièrement le ministre de l’économie et des finances, a joué la montre. Il a amadoué le législateur à de nombreuses reprises en lui signifiant avec force, dès 2021, à l’occasion d’une question écrite, que le Gouvernement demeurait « à ce titre déterminé à ce qu’une solution soit rapidement dégagée dans le cadre des instances de concertation de place ».
À l’occasion de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, le ministre Jean-Noël Barrot avait renchéri, en prônant l’aboutissement d’un accord de place qui plafonnerait les frais à 1 % des sommes du compte.
Pourtant, comme l’indique la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, la Fédération bancaire française a affirmé qu’il n’avait jamais été question de trouver un accord de place sur ce sujet.
Comme souvent, il reste la loi pour imposer des choix de société, remédier à des injustices, lutter contre des dérives. La demande sociale est forte, l’aspiration à la protection face à une finance agressive est grande.
Même s’ils ne représentaient que 1 % des frais totaux pratiqués, ces frais bancaires sur succession suivent tout de même une courbe exponentielle, trois fois supérieure à l’inflation.
D’après l’association UFC-Que Choisir, dont nous saluons la mobilisation, ces frais ont explosé pour atteindre en moyenne 291 euros à la fin de 2023, soit une hausse de 25 % en deux ans.
Nous aurions pu les interdire purement et simplement, en dépit de ce qu’affirment la Fédération bancaire française et, parfois, certains de nos collègues de droite, qui légitiment le coût des opérations qui incombent aux banques dans le cadre de successions dites complexes. Étonnant, alors que certaines banques pratiquent d’ores et déjà la gratuité et que le Crédit mutuel, pour ne pas le citer, fait de même dans la limite de 10 000 euros !
Aucuns frais ne sont pourtant corrélés à l’encours du compte en banque. Le plafonnement à 1 % des frais du compte est alors purement artificiel et nous ne soutenons pas cette disposition.
La commission des finances du Sénat aurait pu choisir un vote conforme. Le choix a été fait de modifier cette proposition de loi à la marge, notamment en y ajoutant la gratuité sans limite de montant pour les opérations dites simples. Mais nous ne sommes pas convaincus, toutefois, que cette avancée justifie de renoncer à un vote dans les mêmes termes.
Je renouvelle notre demande d’une loi-cadre. Ne nous limitons pas à des propositions de loi à la découpe.
En effet, les frais pour incidents de paiement rapportent 6,5 milliards d’euros aux banques chaque année. Ils représentent 4,9 milliards d’euros de bénéfice net, soit 75 % de marge bénéficiaire !
C’est injuste et injustifié.
C’est injustifié, quand on sait que les frais de fonctionnement des banques baissent, que les agences locales ferment, sans parler de la disparition des distributeurs automatiques de billets, que tout le monde évoque ici, sur l’ensemble des travées. Cette situation paralyse le quotidien des habitants des quartiers populaires, mais aussi ceux des villages ruraux.
Et c’est injuste, par ailleurs, parce que ces frais s’élèvent en moyenne à près de 100 euros par an par adulte en France.
Le marché bancaire n’est pas un marché comme les autres : chacun et chacune d’entre nous est dans l’obligation de détenir un compte bancaire ; les clients sont captifs ; les acteurs, peu nombreux, souvent s’entendent et la concurrence est faussée ; enfin, les frais sont systématiques et décorrélés du coût des opérations.
Voilà la réalité sombre, anarchique ou presque, du marché des comptes de dépôt et des livrets, sans parler des produits financiarisés, pour lesquels règne la plus grande opacité.
Cette proposition de loi de nos collègues socialistes est un pas en avant. C’est la raison pour laquelle le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky la votera.
Avec une loi pour encadrer et plafonner l’ensemble des frais bancaires, nous vous proposerons d’aller plus loin. Il faut tracer un chemin pour redonner aux Français du pouvoir d’achat, mais aussi leur donner du pouvoir tout court face aux banques et à la finance. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les frais appliqués par les banques à la suite du décès d’un de leurs clients constituent une double peine pour les ayants droit endeuillés du défunt, au moment où ces derniers traversent une situation de détresse douloureuse, par nature, et complexe d’un point de vue matériel.
Outre que les comptes et les avoirs sont immédiatement bloqués dès la transmission de la déclaration de décès, ce qui génère des difficultés pour les héritiers, les frais bancaires de succession ne font l’objet d’aucun encadrement par la loi.
Je salue, une nouvelle fois, le rôle de lanceur d’alerte des associations de consommateurs.
Dès 2021, l’UFC-Que Choisir a dénoncé les pratiques abusives des banques françaises dans l’application de frais spécifiques aux successions : ceux-ci n’ont pas de lien avec les coûts réels supportés par les établissements bancaires et pénalisent davantage les petites successions.
Les opérations bancaires de contrôle des successions sont administratives : vérification de l’authenticité de l’acte de décès, gel des avoirs, déclaration à l’administration fiscale, échanges avec le notaire, désolidarisation des comptes joints, transfert des fonds aux héritiers sur ordre notarial, etc.
Les tarifs s’avèrent très disparates d’un établissement à l’autre, y compris au sein d’un même groupe, sans justification, et leur caractère immoral est, à juste titre, dénoncé.
À l’heure de la dématérialisation des opérations financières, comment justifier de facturer 80 euros pour un virement final de succession, alors qu’un simple virement est gratuit du vivant de l’intéressé ?
L’association de défense des consommateurs a relevé des frais bancaires de succession atteignant 200 euros, alors que le solde du compte bancaire était de 500 euros.
Les héritiers se retrouvent pieds et poings liés face à des conditions contractuelles opaques, abusives et disproportionnées.
En France, les frais sont deux à trois fois plus élevés que chez nos voisins européens : en moyenne, 303 euros sont prélevés sur le compte des personnes décédées. Les tarifs flambent : leur hausse atteint 28 % depuis 2012, soit trois fois plus que l’inflation.
Il y a deux ans, le Gouvernement avait demandé au secteur bancaire de s’autoréguler, mais sans résultat. Face à cet immobilisme, il est urgent de mettre un terme à ces abus.
Le texte que nous examinons a été adopté à l’Assemblée nationale, à l’unanimité, le 29 février dernier. Sa version initiale comportait un article unique, qui renvoyait les modalités de calcul des frais à un décret.
Après avoir été modifié par notre commission des finances, l’article 1er précise le barème des frais de clôture des comptes dans les cas non couverts par la gratuité. Le montant des comptes en dessous duquel la gratuité prévaudra sera fixé par arrêté ministériel, tandis que la définition des critères d’absence de « complexité manifeste » est renvoyée au domaine réglementaire.
L’article 2 prévoit la remise d’un rapport au Parlement dans un délai d’un an.
Trois cas d’exonération de frais de clôture pour succession sont prévus : lorsque les encours des comptes sont inférieurs à 5 000 euros au moment du décès ; lorsque le ou les héritiers produisent un acte de notoriété ou une attestation signée de l’ensemble des héritiers à la banque lors de la clôture des comptes de dépôt du défunt, quel que soit leur solde ; enfin, et surtout, lorsque les comptes étaient détenus par des enfants mineurs au moment du décès, sans condition de montant.
Sur cette question, je vous proposerai, au nom du groupe du RDSE, d’adopter un amendement visant à élargir l’exonération des frais bancaires sur succession aux cas de décès des personnes âgées de moins de 30 ans. Les disparitions prématurées sont un drame pour les familles. Beaucoup de jeunes de moins de 30 ans décèdent brutalement, parfois à la suite d’un accident de voiture ou, souvent, malheureusement, d’un suicide. La forte prévalence de ces drames à ces âges est avérée par les statistiques. Il ne faut pas oublier non plus les longues maladies.
Nous proposons donc d’élargir l’exonération prévue pour les enfants mineurs aux jeunes âgés de moins de 30 ans. La douleur est la même, que l’enfant disparu ait 17 ans ou 22 ans.
En dépit de cette remarque, le groupe RDSE votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui est le fruit d’une volonté transpartisane de remédier à une injustice financière, celle des prélèvements de frais disproportionnés par les établissements bancaires lors des successions.
Je souhaite tout d’abord saluer le travail et la pugnacité de la députée socialiste Christine Pires Beaune, rapporteure de ce texte à l’Assemblée nationale, qui l’a fait adopter à l’unanimité en février dernier. J’espère que ce sera également le cas ici.
Je salue également notre rapporteur, Hervé Maurey, qui s’est aussi engagé sur ce sujet depuis quelques années.
Les frais bancaires sur succession constituent un sujet très complexe. Ils surviennent lors d’un deuil, une épreuve douloureuse pour chacun d’entre nous.
Ce sujet a été régulièrement évoqué dans les médias ces dernières années. En effet, certains prélèvements de frais ont pu parfois manquer de cette empathie et de cette humanité tant nécessaires dans ces moments.
Je pense notamment au cas, particulièrement médiatisé, de Léo, enfant originaire de Gironde, décédé d’un cancer en 2021 à l’âge de 9 ans, dont les parents se sont vu prélever 138 euros de frais bancaires pour la clôture de son livret A.
Cet exemple montre que l’encadrement des frais bancaires dans le cadre d’une succession est encore trop faible, et qu’il est donc nécessaire d’adopter ce texte.
Selon les chiffres de l’UFC-Que Choisir publiés au début de 2024, les frais bancaires sur succession sont, en France, en moyenne, de 303 euros. Ils ont augmenté de plus de 25 % depuis 2021, ce qui illustre leur déconnexion avec les réalités économiques.
En outre-mer, où opèrent de nombreuses filiales des banques nationales, les mêmes dérives que dans l’Hexagone sont constatées en la matière. Par exemple, dans l’une des banques de Nouvelle-Calédonie, les frais prélevés sont de 191 euros pour l’ouverture d’un dossier de succession, auxquels s’ajoutent 115 euros par an et par compte concerné.
La concurrence des banques est d’autant moins effective que ces frais sont acquittés non par le détenteur du compte, mais par ses successibles, qui sont donc dans une situation captive. Ces derniers doivent gérer la succession alors qu’ils vivent ce moment particulièrement douloureux qu’est le décès d’un proche.
Certaines prestations qui ne sont pas facturées du vivant du client, tel le transfert des fonds vers un autre établissement, deviennent onéreuses lorsqu’il s’agit de comptes du défunt. En effet, si la clôture du compte est gratuite au titre de l’article L. 312–1–7 du code monétaire et financier, d’autres opérations bancaires liées à la succession peuvent faire l’objet de frais dès lors que la somme des encours est supérieure à 5 000 euros.
C’est pour cela qu’il est important de poursuivre le travail d’encadrement des frais bancaires pour les plus fragiles et les publics les plus en souffrance.
Le Gouvernement s’est déjà engagé dans cette voie, par le biais d’un décret pris en 2019, qui a élargi les conditions selon lesquelles la situation de fragilité financière des personnes peut être reconnue, ce qui ouvre droit au plafonnement des frais bancaires : plus de 4 millions de Français bénéficient désormais de ce régime.
En 2020, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a pris un arrêté rendant plus protecteurs les plafonnements de frais bancaires pour les publics fragiles.
En 2022, la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a instauré de nouveaux encadrements, notamment pour les Français victimes de fraudes. Parallèlement, Bruno Le Maire s’était engagé, la même année, à instaurer un bouclier tarifaire sur les frais bancaires ; cet engagement a été tenu.
En ce qui concerne les frais de clôture du compte bancaire d’un défunt, des travaux ont été menés en 2021 et certaines banques ont pris des engagements pour réduire ces frais. Il convient désormais que ce qui ne relevait que de l’engagement de certains établissements bancaires devienne la règle pour tous, grâce au travail parlementaire qui a été réalisé et qui a abouti au texte qui nous réunit aujourd’hui.
Nous saluons le fait que la proposition de loi n’a pas pour objet de supprimer simplement tout prélèvement de frais : ses auteurs visent à les encadrer, considérant que la rémunération des services rendus n’est pas un gros mot, mais qu’il faut intervenir pour réglementer quand des excès ou des injustices sont observés.
Ce texte prévoit que la gratuité s’appliquera dans trois situations : tout d’abord, pour les comptes dont l’encours est inférieur à 5 000 euros ; ensuite, pour les comptes dont le détenteur était mineur au moment du décès, sans condition de montant – pour la sénatrice et la mère que je suis, c’est une question de décence : prélever des frais sur les comptes d’un enfant décédé m’apparaît inacceptable – ; enfin, lorsque l’héritier justifie de sa qualité et quand les opérations de clôture ne nécessitent pas de démarches particulières de la part des banques.
La facturation de frais bancaires ne sera donc effective et justifiée que dans le cas d’opérations bancaires plus complexes, lorsque les encours sont supérieurs à 5 000 euros. Elle sera assortie d’un plafonnement. Il sera donc possible de ne pas payer de frais bancaires lorsque les encours sont supérieurs à 5 000 euros, si rien ne le justifie.
Vous l’aurez compris, nous estimons que ce texte est digne et nécessaire. C’est pourquoi le groupe RDPI soutiendra cette proposition de loi, même s’il préférerait préserver l’équilibre du texte adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
En conclusion, monsieur le ministre, il me semble essentiel que des parlementaires de tous les groupes soient associés aux négociations relatives à la rédaction du décret qui découlera de cette proposition de loi. J’espère qu’il pourra être publié rapidement. Les parlementaires ont pris leurs responsabilités ; désormais, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons cet après-midi d’une proposition de loi portant sur les frais bancaires.
C’est une problématique sur laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain travaille depuis plusieurs années. En effet, en mai 2020, en pleine pandémie, nous avions déjà proposé un dispositif visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires.
Ensuite, dans le contexte d’explosion de la pauvreté sur lequel les associations nous alertaient, nous avons régulièrement souligné la nécessité d’instaurer un tel plafonnement pour éviter que nos concitoyens les plus en difficulté subissent une double peine.
Voilà un an très exactement, le Sénat a adopté la proposition de loi que j’avais déposée avec mon collègue Jean-Claude Tissot qui visait à renforcer l’inclusion et l’accessibilité bancaire. Même si la majorité sénatoriale avait réduit l’ampleur du dispositif que nous proposions, ce vote constituait une première avancée et j’ai l’espoir que le texte sera inscrit prochainement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Interpellé régulièrement depuis lors, le Gouvernement a lui aussi émis des propositions, mais celles-ci sont peu suivies d’actes concrets ou sont insuffisantes face à l’ampleur de l’urgence sociale que nous constatons tous dans le pays.
Sur ce même sujet, le texte de notre collègue, la députée socialiste Christine Pires Beaune, que nous étudions aujourd’hui, cible plus particulièrement les frais bancaires en cas de décès et de succession.
Cette question n’est pas nouvelle non plus. Elle a fait l’objet d’une étude de l’UFC-Que Choisir en 2021, qui a été actualisée récemment.
Une proposition de loi a été déposée en 2022 par notre rapporteur Hervé Maurey, mais elle n’a jamais été examinée en séance publique.
Des parlementaires de tous bords ont adressé au Gouvernement de nombreuses questions écrites à ce sujet, car nous sommes saisis du sujet par des Français confrontés au problème après le décès d’un proche.
Si les frais bancaires appliqués à la suite d’un décès ne représentent, reconnaissons-le, qu’une petite partie de l’ensemble desdits frais, cette question revient régulièrement dans l’actualité, à la lumière de la révélation de cas très injustes, qui ont été évoqués par mes collègues précédemment et qui ont ému l’opinion, tant ils révèlent un manque d’humanité.
Bruno Le Maire s’est donc engagé, il y a trois ans, à apporter rapidement une solution. Quand Bruno Le Maire demande quelque chose, nous le savons, ce n’est pas toujours suivi d’effet (M. Patrick Kanner apprécie.), mais quand il se le demande à lui-même, nous aurions pu espérer que cela soit le cas ! (Sourires sur les travées du groupe SER.) Or force est de constater qu’une fois de plus il n’en a rien été…
C’est pourquoi les députés et les sénateurs ont la volonté de faire évoluer la législation par le biais de cette proposition de loi, avec l’appui du Gouvernement, reconnaissons-le.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir de l’examen de ce texte, qui semble a priori consensuel puisqu’il a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement.
Son contenu a déjà été rappelé lors des précédentes interventions. Le dispositif prévu dans la version transmise au Sénat permettait d’interdire l’application de frais bancaires pour les opérations de clôture de compte réalisées par les héritiers à la suite d’un décès, lorsque le solde du compte est inférieur à 5 000 euros, lorsque la personne décédée est mineure – sans condition de montant dans ce cas –, ou lorsque la clôture du compte n’entraîne pas d’opérations bancaires complexes, ces dernières étant définies par décret.
Sur ce dernier point, je rejoins notre collègue Christine Pires Beaune, à l’initiative de ce texte : elle souhaite que les parlementaires soient associés à la rédaction du décret prévu, afin de veiller au bon respect de l’esprit de la proposition de loi.
Ce texte permet donc l’application de frais bancaires de succession uniquement lorsque les montants sont importants et que des montages complexes doivent être réalisés, ces derniers n’étant pas nécessaires la plupart du temps.
Il s’agit donc d’un réel enjeu de justice sociale. Les établissements bancaires sont accusés, parfois à juste titre, d’avoir trop souvent des pratiques antisociales en ce qui concerne la gestion des comptes, particulièrement ceux qui sont détenus par des personnes en situation de difficulté financière. C’est pour cela que nous devrons légiférer plus largement sur la question des frais bancaires.
Nous aurons d’ailleurs besoin qu’un rapport soit établi un an après la promulgation de la loi afin de pouvoir évaluer son impact sur les frais réels pratiqués par les établissements bancaires dans le cadre de la nouvelle législation.
Le groupe socialiste, disons-le franchement, s’attendait à une adoption conforme par le Sénat, et il l’espérait, afin que la mise en œuvre du texte soit rapide.
Tel n’est pas le choix qu’ont fait notre rapporteur et la majorité sénatoriale, qui ont décidé, lors de la réunion de la commission des finances, de modifier le dispositif, sans bouleverser toutefois son objectif.
Nous avons été un peu surpris, car le texte avait été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Nous comprenons toutefois la démarche : il s’agit non pas de remettre en cause ses principes, mais de s’appuyer sur des modalités différentes, qui ont déjà été votées au Sénat.
Les modifications principales concernent deux points.
Le premier est la suppression de la mention du montant de 5 000 euros, seuil en dessous duquel s’applique la gratuité des frais bancaires sur succession. La fixation du seuil est renvoyée à un décret du ministre chargé de l’économie.
La seconde modification importante est l’instauration d’un plafonnement des frais à 1 % du montant total du solde des comptes et des produits d’épargne du défunt, dans les cas où la gratuité ne s’applique pas. Outre cette limite en pourcentage, un montant maximal en valeur sera défini par voie réglementaire.
Cela pose quand même problème. Est-il vraiment opportun de faire disparaître la mention du montant maximal de 5 000 euros et de renvoyer à un décret du Gouvernement, dont on connaît la lenteur, parfois, à prendre les mesures réglementaires nécessaires pour mettre en œuvre des dispositions législatives ?
Ensuite, est-il judicieux de fixer un taux de prélèvement maximal de 1 % ? Celui-ci peut être relativement élevé et risque d’entraîner in fine l’application de frais plus importants que ceux qui sont pratiqués actuellement. Nous y reviendrons lors de l’examen de notre amendement.
Notons aussi qu’il est quelque peu paradoxal de supprimer l’inscription dans la loi du montant maximal du solde en dessous duquel la gratuité des frais s’applique, et de renvoyer sa définition à un décret, tout en faisant le contraire pour les cas non couverts par la gratuité. J’avoue que la logique nous échappe…
Mais là n’est pas l’essentiel. Malgré ces réserves, en fonction bien sûr de la discussion à venir, notre groupe soutiendra la proposition de loi, même modifiée.
Nous y sommes favorables parce qu’elle comprend la mesure essentielle de gratuité des frais bancaires sur succession dans les cas que j’ai évoqués.
Nous la soutenons également parce que nous avions voté pour le plafonnement des frais à 1 % des sommes du compte lorsque le rapporteur Hervé Maurey avait proposé cette mesure l’an dernier. Nous espérons bien sûr que, malgré les risques qu’elle présente, cette disposition constituera un véritable progrès.
Nous sommes enfin favorables à ce texte parce que la poursuite de la discussion parlementaire permettra de nous éclairer sur la position précise du Gouvernement sur ce sujet, et fera émerger, espérons-le, un compromis entre les deux chambres du Parlement sur la meilleure rédaction et le meilleur dispositif possible.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons ce texte, en espérant qu’il soit adopté à l’unanimité par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention ira dans le même sens que celles de mes collègues qui m’ont précédé à cette tribune.
Comme cela a été rappelé, cette proposition de loi, qui vise à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession, est très attendue. Après avoir été déposée à l’Assemblée nationale par Mme Pires Beaune, elle a été adoptée à l’unanimité par les députés le 29 février dernier.
Le texte a été examiné par notre commission des finances. Je remercie le rapporteur, Hervé Maurey, pour le travail en amont qu’il a réalisé. Il a procédé à l’audition de services importants de l’État, comme la direction générale du Trésor, ou d’autres organismes, tels que la Banque de France, la Fédération bancaire française ou l’UFC-Que Choisir.
En matière de succession, c’est toujours très compliqué. Je tiens d’ailleurs à saluer aussi le travail des notaires.
Comme vous l’avez rappelé fort justement, monsieur le ministre, ce texte est un texte de justice et d’humanité. À l’heure où, malheureusement, tout devient d’ordre financier et que le volet humain est parfois mis de côté, cette proposition de loi nous permet de mettre l’accent sur ce dernier.
Les chiffres qui ont été rappelés nous interpellent. Ce texte intervient à la suite du décès d’un enfant de 8 ans en 2021, qui a suscité beaucoup d’émotion. Espérons que cette histoire permettra d’aboutir à des mesures de justice.
Ce texte qui vise à encadrer les frais bancaires sur succession est important. Il comporte trois articles. L’article 1er modifie le code monétaire et financier, afin d’encadrer les frais bancaires sur succession, tout en prévoyant trois cas de gratuité. Il s’inscrit dans le prolongement de nombreuses initiatives parlementaires récentes, comme cela a été rappelé fort justement.
Comme l’a indiqué notre rapporteur dans son rapport, les frais bancaires sur succession sont évalués en France à un montant annuel total de 125 millions d’euros, ce qui représente 1 % du total des frais bancaires. Les frais pour une succession de 20 000 euros peuvent s’élever jusqu’à 527,50 euros dans certaines banques. Les différences sont importantes d’une banque à l’autre. Toutes banques confondues, ces frais s’élèvent en moyenne à 291 euros en France. Là encore, il y a un écart par rapport à certains pays voisins.
Ces mesures législatives sont très attendues. Elles vont dans le sens de la justice, en privilégiant le volet humain.
Bien entendu, je soutiendrai, avec mes collègues du groupe Les Républicains, ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)