Mme Laurence Rossignol. J’attends la décision du Conseil…
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Notre volonté est de lutter contre ces violences. Nous vous alertons donc, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le but d’éclairer vos travaux. C’est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements. (Mme Laurence Rossignol proteste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié, 3 rectifié quater et 11 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 15 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Bellurot et Aeschlimann, MM. Pellevat, Laménie, Mandelli, Daubresse et Chatillon, Mmes M. Mercier, Muller-Bronn et Valente Le Hir, M. Sol, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Khalifé, Savin, Cambon et Lefèvre, Mme Belrhiti, M. Sido, Mmes Gruny et Lassarade, M. Belin, Mme Dumont, M. Saury, Mme Dumas et MM. J.B. Blanc et Genet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 3° de l’article 515-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Statuer sur le sort des animaux de compagnie détenus au sein du foyer ; »
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Cet amendement vise à améliorer la protection des femmes et des enfants qui vivent au sein d’un foyer violent. Il a pour objet de permettre au juge de statuer, au moment où il délivre l’ordonnance de protection, sur la garde de l’animal de compagnie, et ce indépendamment de la notion de propriété, laquelle est souvent confuse et difficile à démêler.
Entendons-nous bien, mes chers collègues : il s’agit de protéger non pas l’animal de compagnie, mais bien la femme victime de violences, afin qu’elle puisse sereinement demander la protection de la justice et quitter le foyer.
Pourquoi peut-on attester de telles situations ? Comme cela a été démontré dans des études étrangères, notamment anglo-saxonnes, dans près de la moitié des cas où elles ont dû quitter leur foyer pour cause de violences de la part de leur conjoint, les femmes ont retardé leur départ, parce que l’auteur de ces violences avait utilisé l’animal de compagnie du foyer comme un moyen de pression.
Pour le conjoint violent, l’animal de compagnie est en effet un moyen de manipulation et de chantage très facile à utiliser à l’encontre de sa compagne ou, à l’occasion, de ses enfants.
Un foyer sur deux dans notre pays étant propriétaire d’un ou de plusieurs animaux de compagnie, le sujet est d’importance. Statistiquement parlant, une fois sur deux, une femme peut être victime de ce potentiel chantage portant sur le devenir de l’animal de compagnie. En retardant de ce fait son départ du foyer, la victime de ce type de pression se met davantage en danger et expose aussi éventuellement ses enfants.
Aussi, nous vous proposons de résoudre ce problème en permettant au juge de statuer sur la garde, j’y insiste, de l’animal de compagnie, et cela uniquement pour faciliter la protection de la femme et de ses enfants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le sujet des animaux de compagnie a déjà été évoqué : il s’agit en effet d’un moyen de faire pression sur la femme et les enfants. On m’a ainsi fait part du cas de pères ayant obligé leur enfant à abandonner leur animal, ce qui est tout de même d’une grande violence. Par ailleurs, des menaces peuvent être exercées sur ces animaux de compagnie.
Lors d’un divorce, l’animal sera considéré comme un bien meuble, lequel est attribué dans le cadre de la répartition des biens au même titre qu’une commode ou qu’une chaise. Mais en l’occurrence, dans le cadre d’une ordonnance de protection, ce type de partage ne peut s’appliquer. Cependant, on sait bien qu’il y a un risque ; nous avons donc considéré qu’il fallait aborder ce sujet.
J’ai demandé à un magistrat de juridiction civile de ma connaissance si le juge ne pouvait pas déjà prendre une décision à cet égard, lorsqu’il délivre l’ordonnance de protection, précisément à cause du risque de pression qui existe : il m’a clairement répondu que, si le problème lié à l’animal de compagnie n’était pas précisé dans la requête, le juge ne pouvait prendre une telle décision.
C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Bazin, les dispositions de votre amendement mettent en évidence le lien affectif qui existe avec l’animal de compagnie.
Or, on le sait, dans une situation de violences, la tentative d’emprise peut prendre toutes les formes possibles et imaginables. Votre raisonnement se fonde donc sur une réalité, celle de l’emprise, qui est regrettable, mais qui existe et qui peut conduire au pire.
Ces animaux domestiques que l’on aime et avec lesquels on vit sont évidemment doués de sensibilité, même aux termes du code civil. Cependant, si le juge aux affaires familiales est conduit à statuer sur le sort d’un animal domestique, il doit avant tout décider quelle personne en est le propriétaire. Notre lecture juridique de ce problème tient donc moins à la personne qui est à l’origine des violences exercées qu’à celle qui est propriétaire de l’animal.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, car la disposition proposée ne permettrait pas de mettre fin à l’emprise.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Madame la ministre, j’ai évoqué la possibilité d’attribuer non pas la propriété, mais la garde de l’animal. C’est différent !
La garde est décidée à titre provisoire, en attendant que le juge puisse statuer de façon valable sur la propriété. Je l’ai dit, il s’agit souvent d’une question très difficile à démêler, qui ne va pas de soi.
Cet amendement, qui vise uniquement la garde de l’animal domestique, me paraît raisonnable et proportionné. Aussi, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Harribey, Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain et Roiron, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Kerrouche, Chaillou, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Le 5° de l’article 515-11 est ainsi rédigé :
« 5° Examiner la suspension de l’autorité parentale de l’auteur des violences jusqu’à ce que le juge ait statué sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Le cas échéant, la décision de ne pas suspendre l’autorité parentale de l’auteur des violences doit être spécialement motivée, et le juge doit se prononcer sur les modalités du droit de visite et d’hébergement au sens de l’article 373-2-9 » ;
…° Après le 5° de l’article 515-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Se prononcer, le cas échéant et y compris si la suspension de l’autorité parentale prévue à l’alinéa précédent est prononcée, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants » ;
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Le présent amendement, qui est très simple, vise à inciter le juge aux affaires familiales à confier à la seule victime de violences conjugales l’exercice de l’autorité parentale pendant la durée d’une ordonnance de protection.
On le sait, l’autorité parentale est souvent détournée pour être utilisée comme un moyen de renforcer l’emprise. Il nous semble donc logique de lier la délivrance de l’ordonnance de protection et la suspension de l’autorité parentale de l’auteur des violences.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. La décision de retrait de l’autorité parentale est lourde de conséquences.
Ainsi, la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, présentée par la députée Isabelle Santiago, prévoit qu’une telle décision est prise lorsque des faits graves sont commis.
En l’occurrence, nous sommes dans le cadre d’une procédure civile, et non pénale, même si elle est teintée de pénal.
Afin de ne pas introduire davantage cet aspect pénal dans la procédure de délivrance de l’ordonnance de protection, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Si l’ordonnance de protection est bien délivrée par la juridiction civile, le juge ne peut s’autosaisir et prononcer la suspension de l’autorité parentale si l’une des parties concernées ne lui en fait pas la demande.
Si le juge aux affaires familiales est bien compétent pour statuer sur le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, il ne l’est pas pour ordonner le retrait ou la suspension de ladite autorité : cette compétence relève du tribunal judiciaire, statuant de façon collégiale, qui prend en considération les faits les plus graves.
Madame la sénatrice, nous sommes philosophiquement très sensibles à la question de la protection des enfants, qui est essentielle. Cela nous a conduits à faire évoluer notre point de vue sur la proposition de loi de Mme Santiago, qui prévoit de suspendre, voire, à la suite d’une condamnation, de retirer totalement l’autorité parentale.
Le parent auquel on retire l’autorité parentale devient un étranger vis-à-vis de son enfant et ne peut décider d’aucune mesure concernant ce dernier. Une décision aussi grave ne saurait être prise dans le cadre d’une procédure d’urgence, telle que la délivrance de l’ordonnance de protection.
Cette procédure, bien qu’elle soit dérogatoire et nécessaire, ne constitue pas le bon format pour prendre une telle décision.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. La présente discussion, ainsi que celle que nous avons eue précédemment, montre que notre système bat de l’aile, car il oscille constamment entre le pénal et le civil. Cela donne raison aux Espagnols : eux ont introduit dans leur droit la notion de tribunal spécialisé, ce qui leur épargne de telles questions !
L’objectif que nous devons viser est tout de même la protection des victimes et des enfants… Or nous achoppons sur des éléments qui sont de purs points de droit ; c’est grave. Nous finirons par y arriver, mais que de temps perdu !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ma chère collègue, pour m’être rendue en Espagne, je puis vous indiquer que le droit de ce pays connaît bien lui aussi la séparation entre le civil et le pénal et que les affaires pénales sont traitées trois ans après les affaires civiles. Il n’y a donc pas de différence avec notre système.
La différence réside, en revanche, dans le rôle du juge espagnol aux affaires familiales, qui a un véritable rôle de juge d’instruction et dont les compétences sont plus importantes que celles de notre JAF.
Je vous rejoins sur un point, néanmoins : on a tellement voulu, au moment de la création de l’ordonnance de protection, se calquer sur le droit civil que l’on a fait supporter au JAF des compétences qu’il n’a pas, contrairement au juge espagnol aux affaires familiales.
Il nous faut travailler plus avant, afin d’aboutir à un système qui soit plus mixte.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Borchio Fontimp, Ciuntu et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 7° de l’article 515-11, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Ordonner une évaluation de la situation socio-professionnelle de la partie demanderesse et l’orienter, le cas échéant, vers une association agréée ou un service public de l’insertion et de l’emploi. » ;
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé
…. - Les conditions d’application du 8° de l’article 515-11 sont fixées par décret au plus tard six mois à compter de la publication de la loi.
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à compléter les mesures que le juge aux affaires familiales est susceptible de prendre dans le cadre de l’ordonnance de protection prévue à l’article 515-11 du code civil.
Cet article, qui permet au JAF de prononcer toute une série de mesures – éloignement du conjoint ou du partenaire violent, information sur l’autorité parentale, attribution du logement familial, etc. –, comporte un impensé. Nous réfléchissons en effet aux moyens de permettre aux femmes victimes de violences de sortir, durablement ou définitivement, d’une emprise qui peut avoir des fondements économiques.
Les chiffres dont nous disposons indiquent que, souvent, les victimes de violences intrafamiliales sont dépendantes économiquement et ne travaillent pas. L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple pour l’année 2019 montre ainsi que, sur 146 femmes victimes de féminicides, 65 n’exerçaient pas ou plus d’activité professionnelle.
Comment peut-on aider les femmes à s’en sortir durablement et à s’éloigner d’un conjoint dont elles dépendent économiquement si on ne leur permet pas de bénéficier d’un accompagnement effectif en vue de leur réinsertion professionnelle ?
Je propose pour ma part que, dans le cadre de l’analyse de la situation de la victime, le juge puisse s’autoriser à préconiser l’orientation vers une structure du service public de l’emploi ou de l’insertion, ou vers l’une des nombreuses associations agréées, afin que celle-ci prenne en charge et oriente la femme victime de violences.
En tant qu’ancienne vice-présidente de région chargée de l’emploi et de la formation, je sais que certaines femmes qui se trouvent dans cette situation ne se saisissent pas, faute d’informations, de ce sujet. Rester en retrait à cet égard reviendrait à laisser se pérenniser ou se réitérer des situations d’emprise économique qui sont, finalement, préjudiciables pour les femmes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je partage la préoccupation de notre collègue Marie-Do Aeschlimann. Pour autant, il ne faut pas trop alourdir la tâche du juge aux affaires familiales.
Dans le cadre de la procédure de délivrance de l’ordonnance de protection, la femme est d’ores et déjà orientée vers des associations d’aide aux victimes. Par ailleurs, au sein des services de gendarmerie ou de police, des intervenants sociaux ont précisément ce rôle d’orientation.
Le JAF a déjà beaucoup à faire, et on lui demande d’agir vite : l’ordonnance de protection doit être délivrée dans un délai de six jours et l’ordonnance provisoire de protection immédiate dans un délai de vingt-quatre heures. Mieux vaut donc laisser faire les associations, que le juge indique d’ores et déjà aux victimes ; elles sauront orienter celles-ci vers les bons services.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Sur le fond, vous avez raison, madame la sénatrice, et je comprends votre raisonnement : l’enjeu de l’accompagnement est énorme.
C’est la raison pour laquelle il est intéressant que le parquet intervienne, en orientant vers les associations d’aide aux victimes ; c’est la garantie pour les victimes de ne pas se retrouver seules et de bénéficier de la bonne information et du bon accompagnement.
Pour autant, il ne convient pas que le juge aux affaires familiales supporte cette charge. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, cela irait à contre-courant de l’urgence dans laquelle il doit statuer ; or nous tenons à maintenir ce rythme de décision.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Si je partage l’intention de notre collègue Marie-Do Aeschlimann, je rejoins la position de Mme la rapporteure : nous ne devons pas alourdir ce texte, qui concerne l’ordonnance de protection.
Je rappelle que, sur l’initiative de notre ancienne collègue Valérie Létard, nous avions adopté une aide d’urgence qui avait été approuvée par le Gouvernement, et ce précisément pour aider toutes ces femmes qui ne bénéficient pas de l’autonomie économique.
Par ailleurs, dans le prolongement des dix ans de la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, dite loi Copé-Zimmerman, et des dix ans de la loi relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet, nous avons travaillé sur plusieurs textes prévoyant des dispositifs qui renforcent l’égalité salariale.
Puisque nous nous posons toutes ces questions relatives à l’autonomie économique des femmes, nous devrions nous battre ensemble, sur toutes les travées de cette assemblée, en faveur de l’égalité salariale et d’une retraite convenable pour les femmes, afin que celles-ci puissent choisir librement de quitter, ou non, le domicile conjugal.
Nous avons inscrit dans la loi, à cette fin, des dispositifs qui concernent la fonction publique, mais aussi le secteur privé, et avons prévu notamment un index de l’égalité professionnelle femmes-hommes. Toutes ces mesures permettent de sanctionner ceux qui ne respectent pas le principe de l’égalité salariale, également appelé « à travail égal, salaire égal ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.
Mme Marie-Do Aeschlimann. J’ai la satisfaction de constater que nous sommes tous d’accord sur ce sujet, ce qui est un premier pas. Mais cela ne résout pas le problème. Je suis en effet fondamentalement convaincue qu’il y a en la matière un impensé.
Je pense que vous surestimez la tâche du juge aux affaires familiales : lors de la rédaction de l’ordonnance de protection, cela consiste à ajouter une ligne, ni plus ni moins…
La requête en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection qui peut être déposée par la victime, assistée ou non, comporte un certain nombre d’informations, notamment la situation professionnelle de la requérante.
J’estime qu’un juge constatant, à la lecture de ce document, que la requérante n’a pas d’activité professionnelle, a des revenus très faibles, prend en charge l’éducation de ses enfants, est vulnérable et risque de s’enliser dans une spirale de précarité économique, pourrait ajouter une petite ligne indiquant qu’il préconise l’orientation vers une structure adéquate. Cela ne reviendrait pas à surcharger l’office du juge !
On peut toujours trouver des raisons pour rejeter un amendement… Mais, en l’occurrence, c’est bien dommage !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. Il convient de faire la différence entre la dépendance et l’emprise.
Comme l’a expliqué la présidente Billon, la dépendance économique peut être liée à des problèmes liés au domicile, au fait de ne pas travailler, à l’inégalité salariale, autant d’éléments qui nécessitent, certes, un accompagnement. Mais l’emprise, c’est tout autre chose ! Il s’agit de la prise de possession du psychisme par autrui, ce qui nécessite, davantage qu’un accompagnement, une thérapeutique et de véritables soins.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. L’ordonnance de protection a pour objectif, non pas de résoudre la dépendance économique – il y a d’autres outils pour cela –, mais bien de sauver des vies.
Même si je partage la volonté d’assurer l’égalité salariale, je considère que tel n’est pas l’objet de ce texte. La question qui se pose en l’occurrence est la suivante : comment sauver les femmes d’un danger grave et imminent ?
Je tenais à insister sur ces caractères de gravité et d’imminence du danger encouru.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 515-13 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – Une ordonnance provisoire de protection immédiate peut également être délivrée en urgence par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé, dans les conditions fixées à l’article 515-13-1.
« Le juge est compétent pour prendre les mesures mentionnées au troisième alinéa du même article 515-13-1. Il peut également ordonner, à sa demande, l’interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République. » ;
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Les personnes menacées de mariage forcé peuvent déjà, en l’état du droit, demander au juge l’octroi d’une ordonnance de protection. Mes chers collègues, je vous propose, par cet amendement, de leur permettre également de solliciter une ordonnance provisoire de protection immédiate.
Cette mesure permettra au juge d’ordonner en particulier, à la demande de la victime présumée, une interdiction temporaire de sortie du territoire. Il s’agit de prévenir tout risque que l’intéressée soit conduite de force, ou sous influence, en dehors de France, pour y être mariée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Nous partageons l’objectif que vise Mme la rapporteure au travers de cet amendement, dont la rédaction pourra être améliorée au cours de la navette.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement, dont les dispositions vont dans le bon sens, car les mariages forcés sont des pratiques tout à fait indignes.
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 8
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 515-13-1. – En cas d’urgence, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violences allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés, le procureur de la République délivre une ordonnance provisoire de protection immédiate aux victimes.
« Le ministère public invite et assiste, avec son accord, la personne en danger à la saisine dans les plus brefs délais du juge aux affaires familiales pour qu’il statue sur la délivrance d’une ordonnance de protection telle que prévue aux articles 515-9 à 515-13.
« Le procureur de la République est compétent pour prononcer, à titre provisoire, les mesures mentionnées aux 1°, 1° bis, 2° et 2° bis de l’article 515-11. Ces mesures prennent fin à compter de la décision statuant sur une demande d’ordonnance de protection et au plus tard dans un délai de six jours. »
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à modifier l’autorité compétente pour la délivrance de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, sur le modèle de l’ordonnance de placement provisoire prévue à l’article 375-5 du code civil.
Nous proposons que l’OPPI soit délivrée non par le juge aux affaires familiales, mais par le procureur de la République, qui est l’autorité la plus à même de prendre ces mesures.
Je m’explique : en pratique, seul le parquet est capable, en l’état de la législation, de prendre en vingt-quatre heures une OPPI, dans la mesure où les services du juge aux affaires familiales ne disposent pas, contrairement au parquet, d’une permanence.
De plus, et toujours en pratique, l’ordonnance provisoire de protection immédiate n’a d’intérêt que si elle est correctement notifiée au conjoint violent. Or c’est bien le procureur de la République, et non le JAF, qui pourra le plus efficacement et le plus rapidement, parce qu’il est en contact permanent avec la police, faire notifier par un officier de police judiciaire (OPJ) l’ordonnance au conjoint violent.
Aussi, pour des raisons pratiques, il est plus cohérent que le procureur de la République soit l’autorité compétente pour délivrer l’OPPI, dont la rédaction actuelle de la proposition de loi prévoit qu’elle est prise en l’absence de procédure contradictoire.
En tout état de cause, le JAF se prononce au bout de six jours sur l’ordonnance de protection classique. Ce mécanisme s’inspire de celui des ordonnances de placement provisoires visant à protéger les enfants en danger et s’inscrit dans le cadre de l’ordre public de protection. Il a déjà fait ses preuves : il s’agit simplement de l’adapter aujourd’hui.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 515-13-1. – Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d’une demande d’ordonnance de protection dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 515-10, le ministère public peut, avec l’accord de la personne en danger, demander également une ordonnance provisoire de protection immédiate. »
II. – Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement a un double objet.
Il vise, tout d’abord, à simplifier la procédure de délivrance des ordonnances provisoires de protection immédiate, en supprimant la nécessité pour la personne en danger de saisir directement le juge aux affaires familiales, tout en permettant au ministère public d’intervenir rapidement.
Il tend, ensuite, à supprimer l’interdiction pour le juge de refuser une OPPI lorsque les pièces sont en langue étrangère, en soulignant que la traduction n’est pas obligatoire, mais qu’elle peut être exigée si son absence empêche une discussion contradictoire de la valeur probante de la pièce.