M. le président. La parole est à M. Damien Michallet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Damien Michallet. Les « polluants éternels » : tel est le nom qu’il convient de donner à ce poison du siècle que sont les perfluorés, ou PFAS – pour substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. Ces composés chimiques omniprésents dans la vie de nos concitoyens s’apprêtent à jouer le rôle principal dans le scandale sanitaire de demain.
Les PFAS sont partout, et dans mon département, l’Isère, comme chez mes voisins du Rhône, de la Loire et à de nombreux endroits en France, les alertes se multiplient sur la qualité des eaux de consommation. Les maires se trouvent démunis, ainsi que les services de l’État, je le crains.
Monsieur le ministre, la mise en place d’un plan d’action pour prévenir les rejets de PFAS, en bonne intelligence avec nos industriels, est une bonne chose, mais ce plan ne traite que le problème en amont, car pour l’aval, il est trop tard. Pour nos territoires, il n’est plus temps de se demander comment réduire ces polluants : il faut les détruire.
Tel est le paradoxe de cette affaire : dans les territoires, qui sont les responsables de la production et de la distribution d’eau ? Les communes, les syndicats et les intercommunalités !
Or qui devra financer des plans d’action pour réparer les dégâts, afin de respecter les futures normes européennes à l’horizon 2026 ? Les communes, les syndicats et les intercommunalités !
Plus grave encore, les budgets devant être à l’équilibre, qui paiera, in fine ? Les usagers, évidemment, c’est-à-dire les Français.
Pour la seule communauté d’agglomération de Vienne, en Isère, on évoque un coût initial de plus de 6 millions d’euros, auxquels s’ajouteront chaque année environ 1 million d’euros de frais de fonctionnement.
Pour les collectivités territoriales, vous n’avez qu’un seul mot d’ordre : payez !
Le Gouvernement ne saurait pourtant laisser ce sujet extrêmement complexe à leur seule charge. Monsieur le ministre, nos collectivités ont besoin d’aide. En espérant obtenir une réponse aussi limpide que l’eau que nous souhaitons dans nos territoires, quand et comment envisagez-vous de les accompagner ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Michallet, je vous remercie de votre question, qui, parce qu’elle touche à la santé de nos concitoyens comme à la qualité des eaux, aborde un sujet essentiel.
Pour répondre très clairement, je tiens à affirmer que l’État, le Gouvernement, se tient aux côtés des collectivités et des communes pour traiter ce problème, aussi bien en amont qu’en aval.
En premier lieu, en anticipation des directives européennes qui nous imposent un certain nombre d’obligations à l’horizon de 2026, l’État, en collaboration avec les collectivités, à la demande de maires engagés sur le sujet, a fait le choix de mener un travail d’identification des sites les plus pollués.
Dès lors qu’un dépassement des seuils est constaté, nous sommes en mesure, en lien avec les préfectures et les agences régionales de santé (ARS), de mettre en œuvre des plans d’action, comme cela a été le cas dans un territoire du département du Rhône.
Nous apportons donc notre soutien aux collectivités afin qu’à chaque dépassement, nous puissions rétablir la situation et trouver des solutions, telles que la mise en œuvre du charbon actif.
En second lieu, nous avons lancé un plan d’action interministériel en janvier 2023 et nous allons poursuivre ce travail. Une campagne est ainsi en cours pour identifier 5 000 sites susceptibles d’être concernés par des rejets de ces polluants éternels. Dès que les résultats seront disponibles, nous les communiquerons en toute transparence, dès cet été, aux collectivités, aux communes et, bien entendu, au Sénat, afin d’être en mesure de déployer les financements nécessaires.
J’en viens à l’invitation que je souhaite vous adresser.
L’Assemblée nationale a examiné en commission une proposition de loi sur les polluants éternels. Se pose une question de financement : l’État doit accompagner les investissements nécessaires pour rétablir la situation en cas de pollution des points de captage.
M. le président. Il faut conclure.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. À cette fin, une redevance est sur la table, qui permettrait de les financer sur le long terme. Nous sommes ouverts à cette perspective et nous poursuivrons ce travail dans le cadre du cheminement législatif de ladite proposition de loi tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Vous le constatez, nous sommes mobilisés sur les questions de financement et d’identification, en toute transparence avec vous. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
autoroute a69 et droits de l’homme
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, contrairement à ce que certains activistes tentent de faire croire, l’autoroute Castres-Toulouse n’est pas un projet, mais bel et bien une réalité : elle est déjà à moitié achevée.
Chaque jour, plus de 800 ouvriers, compagnons et ingénieurs travaillent d’arrache-pied pour la réalisation de cette artère vitale tant attendue par toutes les forces vives du sud du Tarn.
Les opposants, de moins en moins nombreux, venant de plus en plus loin et de plus en plus radicalisés, ont perdu tous les recours devant la justice administrative ; nombre d’entre eux ont été lourdement condamnés pour violences par la justice pénale. Ils essaient encore, au travers de sabotages et d’occupations illégales d’arbres, de faire diversion et de retarder le chantier.
Quelle n’a pas été notre surprise de voir l’ONU, par le biais d’un pseudo-expert rapporteur, prendre position sur le maintien de l’ordre autour de ce chantier légal, de cette réalisation démocratiquement décidée, inscrite dans la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.
Ses conclusions, totalement scandaleuses, uniquement à charge et élaborées sans que les défenseurs du projet, acteurs économiques, élus locaux et parlementaires, aient été auditionnés, nous interpellent. Alors que la France est l’un des principaux contributeurs des Nations unies et qu’elle est un État de droit, une démocratie, quelle est la position du Gouvernement sur ce rapport ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, je souscris pleinement à votre constat : l’autoroute reliant Castres à Toulouse a été décidée par les élus, indépendamment de leur appartenance politique – je tiens d’ailleurs à souligner que la présidente de la région Occitanie elle-même soutient ce projet – et confirmée par plusieurs gouvernements successifs.
Elle a fait l’objet d’innombrables recours devant la justice, qui ont tous approuvé sa réalisation. Des occupations illégales – concernant en particulier le site d’une ancienne ferme – et des tentatives d’occupation ont été menées, notamment par les mouvements Extinction Rebellion (XR) Toulouse, Soulèvements de la Terre ou encore Groupe national de surveillance des arbres (GNSA).
En outre, des violences d’une extrême gravité ont été perpétrées à l’encontre des forces de l’ordre, blessant neuf policiers et gendarmes.
Conformément à l’engagement que j’ai pris dès ma nomination au ministère de l’intérieur et des outre-mer, aucune zone à défendre (ZAD) ne sera plus tolérée sur le territoire national. Les opposants qui se sont installés illégalement ont donc été évacués, vingt et un activistes – un terme que je préfère à celui d’écureuils –…
M. André Reichardt. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. … ont été interpellés et font actuellement l’objet de poursuites judiciaires pour violences et outrage envers gendarmes et policiers.
Tous les recours déposés par ces activistes ont en outre été rejetés par la justice.
Il n’appartient pas à une instance internationale, dépourvue de compétence souveraine sur les décisions de la justice française telle qu’elle a été instituée par le peuple français dans sa Constitution et dans son organisation juridique, de remettre en cause le fait qu’aucune ZAD ne saurait plus s’installer sur le territoire national.
Lorsque des projets sont décidés par les élus et l’État, des recours sont naturellement possibles. Dès lors que ceux-ci sont rejetés, il convient d’appliquer les décisions de justice. Les policiers et les gendarmes le font, non pas parce qu’ils soutiendraient tel ou tel projet, mais parce que c’est leur devoir. (Mme Mathilde Ollivier proteste.)
Nous devrions plutôt entendre des condamnations d’une extrême fermeté à l’encontre de ceux qui s’en prennent aux policiers et aux gendarmes, qui sont aussi des pères et des mères de famille, blessés dans ces opérations d’évacuation d’occupation illégale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour la réplique.
M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, il y a d’un côté les mots et de l’autre les actes. S’agissant des ZAD, il en existe une à Saïx et une deuxième est en train de se constituer.
M. Philippe Folliot. Il est donc important de joindre les actes aux paroles.
Par ailleurs, je déplore que vous n’ayez eu aucun mot pour le maire de Saïx, qui a été agressé, non plus que pour les maires des communes alentour, qui doivent faire face à des dégradations.
Monsieur le ministre, continuez à parler, c’est très bien, mais surtout agissez ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 3 avril 2024, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour une mise au point au sujet de votes.
M. Marc Laménie. Lors du scrutin n° 161 portant sur l’ensemble de la proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises », M. Gilbert Bouchet, Mme Laurence Muller-Bronn, M. Damien Michallet et M. Alain Houpert souhaitaient voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
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Attribution à une commission des prérogatives d’une commission d’enquête pour une mission d’information
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête afin de mener une mission d’information relative à l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors des séances des 19 et 26 mars dernier.
Je mets aux voix la demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
(La demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport est adoptée.)
M. le président. En conséquence, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport se voit conférer, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener cette mission d’information.
Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.
5
Saisie et confiscation des avoirs criminels
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en procédure accélérée, de la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (proposition n° 169, texte de la commission n° 446, rapport n° 445).
Je rappelle que la discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels
Article 1er
I. – Le livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1°A (nouveau) Au deuxième alinéa de l’article 41-4, les mots : « au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
1° L’article 41-5 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) À la troisième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 41-5, les mots : « la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d’appel ou le conseiller désigné par lui » ; ;
1° bis (nouveau) À la troisième phrase de l’article 41-6, les mots : « le président de la chambre de l’instruction ou la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d’appel ou le conseiller désigné par lui » ;
1° ter (nouveau) L’article 99 est ainsi modifié :
a) Aux deuxième et dernier alinéas, les mots : « le président de la chambre de l’instruction ou la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d’appel ou le conseiller désigné par lui » ;
b) Au cinquième alinéa, les mots : « au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
1° quater (nouveau) Au quatrième alinéa de l’article 99-1, les mots : « soit au premier président de la cour d’appel du ressort ou à un magistrat de cette cour désigné par lui, soit, lorsqu’il s’agit d’une ordonnance du juge d’instruction, à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
2° L’article 99-2 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la troisième phrase, les mots : « à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » ;
– à l’avant-dernière phrase, les mots : « la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le premier président de la cour d’appel ou le conseiller désigné par lui ».
I bis (nouveau). – L’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les biens visés au premier alinéa n’ont pas été affectés à l’un des services mentionnés au même alinéa, ils peuvent être affectés, dans les mêmes conditions, à l’établissement public national à caractère administratif d’un parc naturel national défini à l’article L. 331-2 du code de l’environnement, au syndicat mixte d’aménagement et de gestion d’un parc naturel régional défini à l’article L. 333-3 du même code ou à des fondations ou des associations reconnues d’utilité publique. »
II. – (Non modifié) La perte de recettes pour l’État résultant du a des 1° et 2° du I du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du troisième alinéa de l’article 41-5, après le mot : « gendarmerie, », sont insérés les mots : « aux services de l’administration pénitentiaire, aux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice » ;
II. – Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du troisième alinéa de l’article 99-2, après le mot : « gendarmerie, », sont insérés les mots : « aux services de l’administration pénitentiaire, aux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice » ;
III. – Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques, après le mot :« gendarmerie » sont insérés les mots : « , aux services de l’administration pénitentiaire, aux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la justice ».
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement tend à prévoir la possibilité pour les services de l’administration pénitentiaire de se voir affecter les biens meubles saisis.
La direction de l’administration pénitentiaire (DAP) souhaite en effet bénéficier du dispositif d’affectation des biens meubles saisis dans le cadre des enquêtes de police, notamment des drones qui sont utilisés pour effectuer des livraisons illicites en détention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est une excellente idée, mon cher collègue : avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Il s’agit en effet d’une excellente idée. Même avis.
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer les mots :
a des 1° et 2° du I
par la référence :
I bis
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel, M. Roux, Mme Girardin, MM. Laouedj et Masset et Mme M. Carrère.
L’amendement n° 6 rectifié ter est présenté par MM. Parigi, J.M. Arnaud, Bonneau, Cambier et Canévet, Mme Gatel, M. Henno, Mme Jacquemet, MM. Kern, Levi et Longeot et Mme Vermeillet.
L’amendement n° 31 rectifié ter est présenté par MM. Brossat et Bacchi, Mmes Cukierman et N. Goulet, M. Wattebled, Mme Gréaume et M. Bocquet.
L’amendement n° 32 rectifié est présenté par M. Durain, Mmes Carlotti, Conconne, Daniel et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 43 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le cinquième alinéa de l’article 131-21 du code pénal est ainsi modifié :
1° Les mots : « porte également sur les », sont remplacés par les mots : « est obligatoire s’agissant des » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Aujourd’hui, notre arsenal pénal sanctionne le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de l’origine d’un bien détenu.
Ces dispositions sont, hélas ! très peu utilisées. Les études sur ce sujet montrent que les enquêteurs et les magistrats sont en effet trop souvent découragés par les difficultés qu’emporte l’enquête patrimoniale. Lorsque je faisais ce constat hier durant la discussion générale, monsieur le garde des sceaux, vous avez du reste manifesté votre accord.
Afin de remédier à cette situation, cet amendement vise à rendre obligatoire, sauf motivation contraire, la confiscation des biens meubles ou immeubles dont l’origine n’a pu être justifiée, en cas de délit ou de crime puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect à leur auteur.
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié ter.
M. Paul Toussaint Parigi. Aux arguments développés par ma collègue Nathalie Delattre, j’ajoute qu’au moment même où nous convenons tous que la confiscation des avoirs criminels demeure la matrice d’une lutte efficace, ces amendements visent à combler un vide juridique et à faciliter le travail de la justice. Celui-ci est essentiel à la mise en place d’un système qui sanctionne effectivement les montages financiers illicites et les organisations patrimoniales frauduleuses.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié ter.
M. Ian Brossat. J’abonderai dans le sens de mes collègues Delattre et Parigi. Cet amendement vise à instaurer l’automaticité des saisies et confiscations des biens dont les personnes condamnées à plus de cinq ans d’emprisonnement ne peuvent pas justifier l’origine.
En rendant automatique une disposition qui est aujourd’hui facultative, nous entendons la rendre plus efficace.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.
M. Pierre-Alain Roiron. Cet amendement vise à rendre automatique la confiscation des biens meubles ou immeubles dont l’origine n’a pas pu être justifiée en cas de délit ou de crime puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect à leur auteur.
Les auditions qui ont été menées par la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier ont confirmé que la confiscation des avoirs criminels constituait un levier important.
Notre volonté de rendre cette confiscation obligatoire en cas de condamnation pénale est d’autant plus justifiée qu’un membre d’un réseau criminel condamné pour racket ou extorsion de fonds, propriétaire d’un commerce ou détenant des participations dans diverses sociétés acquis avec de l’argent sale et disposant d’autres biens, a aujourd’hui la possibilité de conserver tous ces biens et de continuer à en disposer.
Le présent amendement tend par ailleurs à modifier le cinquième alinéa de l’article 1er afin de combler un vide juridique en ce qui concerne la confiscation des biens meubles ou immeubles dans les cas où le condamné n’a pu en justifier l’origine.
Au demeurant, ce dispositif répond aux préconisations de l’article 5 de la directive 2014-42 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 43.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement, identique aux précédents, vise à rendre automatique, sauf motivation contraire du juge, la confiscation des biens meubles ou immeubles lorsqu’une personne, condamnée pour un délit ou un crime à une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement, ne peut pas justifier l’origine des fonds qui lui ont permis de se procurer de tels biens. Une personne condamnée pour trafic de drogue ou blanchiment d’argent et possédant une maison devra ainsi prouver que celle-ci a été acquise légalement, avec des fonds traçables.
Comme l’ont indiqué plusieurs de mes collègues, une telle confiscation est aujourd’hui possible, mais les enquêtes patrimoniales étant très complexes, les juges procèdent rarement à ces confiscations. L’automaticité permettra de rendre ces enquêtes obligatoires, et partant, d’éviter que les biens continuent à fructifier et à alimenter trafics et blanchiment d’argent.
Actuellement, en dépit des condamnations, le patrimoine permet parfois une perpétuation des crimes. L’objet de cet amendement est d’éviter de telles situations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est aujourd’hui possible, en cas d’infraction punie de plus d’un an d’emprisonnement, de saisir tout ce qui est en lien avec l’infraction, c’est-à-dire l’instrument, l’objet et le produit de l’infraction. Le présent texte rend une telle confiscation obligatoire, ce qui contribue en quelque sorte à « remettre les compteurs à zéro ».
Par ailleurs, lorsque les infractions sont punies de plus de cinq ans d’emprisonnement – c’est le cas visé par ces amendements identiques –, il est possible de confisquer des biens saisis qui sont dépourvus de lien, du moins apparent, avec l’infraction, dès lors que l’auteur de l’infraction ne peut pas justifier du financement de leur acquisition.
Pour certaines infractions particulières, il est également possible de saisir jusqu’à la totalité du patrimoine, sans que les biens constituant celui-ci aient un lien avec l’infraction.
Il ne me paraît pas prudent d’aller au-delà de l’automaticité de la confiscation des biens en lien avec l’infraction qui est prévue par ce texte et qui n’a besoin au fond d’aucune motivation, car une telle confiscation contribue en quelque sorte à effacer l’infraction. En allant plus loin, nous prendrions le risque, mes chers collègues, de porter atteinte au droit de propriété, qui est un droit constitutionnel, dans la mesure où les éléments saisis et confisqués seraient sans lien avec l’infraction.
Je vous propose donc d’en rester à la rédaction actuelle, c’est-à-dire à la possibilité de confisquer des biens saisis sans lien avec l’infraction, sous réserve que cette confiscation, qui porte atteinte au droit de propriété, soit motivée. Je considère qu’en rendant la confiscation obligatoire, nous irions trop loin au regard du droit de propriété inscrit dans la Constitution.
L’avis est défavorable sur ces cinq amendements identiques.